Joseph Robert-Diard 30/04/2015 Histoire de l’Art Vanishing Point, les deux voyages de Suzanne W. « Crois-tu qu’il est possible de se trouver dans deux endroits en même temps ? » « J’ai rêvé que je faisa u org Sni* to View « Pour moi un road trip en voiture dans l’espace clos d’une cage de scène était forcément un voyage mental.
En me confrontant à la réalité à la fois âpre et magnifique de Eeyou Istchee, le cœur de la nation cri, en découvrant la culture des Amérindiens, qui croient à plusieurs réalités, à un monde où les morts et les vivants ohabitent, j’ai réalisé que j’avais trouvé le lieu idéal où situer mon histoire et lui donner tout son sens Marc Lainé.
Si le terme de « vanishing point » donne en français « point de fuite », on assimile tout de suite le fait que l’image du road trip, de ces routes en lignes droites allant d’un point à un autre et que donc, le paysage va évidemment être présent au 1 er plan dans premier voyage de Suzanne W. (Sylvie Léonard) est celui qu’elle entreprend depuis son garage où, arrimée au volant de sa voiture, elle s’abandonne aux gaz verdâtres
Et quand sa tête faiblit lentement, s’affaisse et touche le klaxon, c’est un deuxième voyage qu’elle prépare dans une semi-conscience vaporeuse et fardée : celui des souvenirs… Dans cette vie-là, Suzanne s’en va aussi, mais sur la route canadienne cette fois-ci. La route, c’est celle de la Baie James, une route de 600 kilomètres qui relie Matagami à Radisson en traversant les territoires Amérindiens cris : des milliers d’hectares de forêts, des lacs gelés et des tempêtes de neige sont à perte de vue. (La route de la Baie James)
Marc Lainé a fait lui aussi ce voyage dans le nord du Québec et a aussi fait la connaissance des cris, dont la culture chamanique l’a inspiré pour cette histoire. On retrouve ainsi dans Vanishing Point une dimension fantastique propre aux légendes amérindiennes. Il n’est donc pas étonnant que des apparitions ou des fantômes sortent de ce paysage mystique… Par exemple, sorti de nulle part, à travers un épais nuage de fumée dû aux gaz d’échappement de la tentative de suicide, un jeune auto-stoppeur Tom (Pierre-Yves Cardinal) exhibe un carton où est inscrit le nom de Waskaganish, ne ville du Grand Nord canadien.
Sagit-il du rêve ultime de celle- ci ? Dune nouvelle vie, vécue dans les limbes ? On ne sait pas. Le spectacle nous entraîne don celle-ci ? [Yune nouvelle vie, vécue dans les limbes ? On ne sait pas. Le spectacle nous entraine donc dans un double voyage : une divorcée et un auto-stoppeur se lancent à la poursuite d’une amante en fuite, qui se dérobe sans cesse à eux, accompagné par la musique composée et interprétée sur scène par les musiciens du groupe Moriarty.
La scène, filmée en direct, est projetée sur un grand écran uspendu au-dessus des acteurs, offrant un plan serré des deux comédiens dans l’habitacle de la voiture, avec les forêts et les landes qui défilent aux fenêtres et des images de motels déserts. A l’aide d’une scénographie ingénieuse qui propose des paysages défilants tout autour de la scène, et plusieurs caméras implantés sur scène, nous assistons en direct à la création d’un road-movie.
Certaines scènes de voitures nous rappellent indéniablement le cinéma de Xavier Dolan, quand une femme tente, en vain, d’ouvrir la conversation avec un jeune homme, excédé, qui semble las de tout. Aux côtés de ce duo, nous allons découvrir quelle fut la vie de Suzanne, et quel est son lien avec cette femme qui apparait sur scène, entourée de musicien, et qui annonce elle-aussi avoir fait un voyage dans le grand nord… Les trois comédiens excellent dans leur rôle.
Le dépaysement est réel, et nous plonge, comme c’était déjà le cas dans Spleenorama, dans un monde mélancolique, où le passé revient sans cesse hanter les personnages. les personnages. Entre ces deux points géographiques, l’immensité de la forêt représente l’imagination, le lieu des épreuves, oniriquement Cest lors que le voyage (et l’aventure théâtrale) commence Point technique : musique et film La genèse du spectacle s’est naturellement élaborée sur la route, où une partie de l’équipe a parcouru 3 600 km en dix jours, de Montréal au Grand Nord canadien.
Le gultariste et graphiste de Moriarty raconte : «Après la ville de Matagami en Jamésie, territoire des Amérindiens Cris, on a pris une grande route, en dehors des cartes, à travers des paysages magnifiques mais très monotones, ou l’on ne voit que de la forêt. C’est à la fois trop loin et pas assez desservi pour être touristique. On s’engage sur des routes forestières, il n’y a plus ni stations-service, ni réseau téléphonique. » Entre ennui maussade et rêverie inspirée, il compose à la guitare sur la banquette arrière.
Le road trip, s’il est une forme bien identifiée au cinéma et en littérature, n’est pour autant pas familier des exigences scéniques du théâtre. attente parfaitement sans apparaître pour autant gadget. Le voyage se fait film rétroprojeté et se resserre sur les visages, apportant une dimension cathartique plus qu’intéressante et originale à rensemble, sans pour autant le phagocyter. Les omédiens évolueront tout à la fois à partir de là dans la voiture et sur scène, figurant le voyage comme les étapes.
Ce faisant, le spectateur suit les pérégrinations de Suzanne et de son énigmatique passager comme il suivrait l’intrigue d’un film sur grand écran. Il y a de la tension, une gestion pertinente et très cinématographique du suspens et de l’émotion. Mais si les codes sont bien ceux du cinéma, nous sommes encore au théâtre et les apparitions de Jo aux alentours de la voiture seront là pour sans cesse le rappeler. Le septième art a toujours été très présent dans le travail de Marc
Laine, notamment au niveau des références et de cette gestion si particulière du cadre omniprésente dans ses scénographies. Dans Vanishing Point pourtant, il explose le plateau en l’ouvrant par le haut, préférant resserrer son cadre sur un écran excentré. Judicieux, ce choix convoque les références de manière précise et complète parfaitement les thématiques et autres clins d’œil empruntés à la littérature et au cinéma américains.
On pense inévitablement au givré Fargo des frères Cohen « Les road novels et les road movies sont des genres littéraires t cinématographiques qui appartiennent à la contre-culture américaine (Sur la route de Kerouac o américaine (Sur la route de Kerouac ou La Ballade sauvage de Terence Malick par exemple). Les paysages que l’on y traverse sont généralement ceux du Grand Ouest des États-Unis. Mais ces routes et ces déserts sont d’abord des espaces métaphoriques.
C’est cette dimension symbolique du road trip qui m’interesse avant tout : loin de tout réalisme, un road trip sur scène est forcément un voyage mental, une virée fantasmatique à travers des paysages imaginaires ». Marc Lainé En convoquant une nouvelles fois des effets de cinéma, Marc Lainé se livre à un travail d’ambiance et parvient à recréer l’hiver, glaçant au passage ses spectateurs. Il y a de la neige, du vent… Nous sommes sur la route avec les personnages, nous sommes dans les forêts et comme eux, nous sommes gelés.
Afin de renforcer cette dimension cinématographique omniprésente, Marc Lainé a convoqué les musiciens du groupe Moriarty pour composer et jouer en direct la bande originale de Vanishing point. Si dans Memories from the Missing Room ou bien encore Spleenorama — les deux précédents spectacles e Marc Lainé qui déjà exploraient cette forme si particulière de cinéma-théâtre-concert — les morceaux joués en live apparaissaient tels des parenthèses oniriques, la musique est ici plus organique et s’intègre parfaitement à l’ensemble sans jamais dénoter ni paraître accessoire. ? La musique rock est évidemment associée aux road-trips et l’expérience menée avec les accessoire. l’expérience menée avec les Moriarty sur Memories from the missing room m’a donné envie de prolonger ce travail sur les interactions entre musique live et théâtre. Pour Vanishing Point, j’ai invité les musiciens du groupe Moriarty à écrire la bande originale de ce road trip, une B. O. qu’ils interprèteront sur scène et qui constituera un élément essentiel de la narration.
En assumant et en précisant à nouveau une écriture résolument « pop » et un travail sur le fantastique, je souhaite néanmoins pour ce nouveau projet développer une atmosphère plus sombre et mélancolique que dans mes précédentes créations » Si l’ambiance de ce Vanishing Room est effectivement plus étrange et sombre que ses deux précédentes propositions, lle est aussi plus maîtrisée. ?crite dans une économie d’effets superflus, l’intrigue de Vanishing Point, classique dans les thématiques qu’elle aborde, distille un sentiment d’inconfort mêlé d’étrange bienvenu. Évoquant avec pertinence et retenu le chamanisme ainsi que le retour à la nature, Marc Lainé parvient à rendre cohérent son spectacle, le décor nourrissant l’histoire et inversement, tout en continuant d’ancrer certaines images (les présences fantomatiques, les chambres d’hôtel, les lacs gelés… comme des figures désormais incontournables de son théâtre. Ce faisant, Marc Lainé appara*t comme un chercheur d’ambiance sans cesse expérimentant, de spectacle en spectacle, une for apparaît comme un chercheur d’ambiance sans cesse expérimentant, de spectacle en spectacle, une forme totale d’art scénique tout à la culture américaine dévoué. Biographie de Marc Lainé Marc Lainé est né en 1976. Il est diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs en 2000.
Depuis, il travaille régulièrement pour le théâtre et l’opéra en tant que scénographe et assistant à la mise en scène. Il a notamment collaboré avec Richard Brunel pour les créations de Albert Herring à l’Opéra Comique, l’Elixir d’Amour à l’Opéra de Lille ou le Kaiser Von Atlantis pour l’Opéra de Lyon. Mais aussi avec Jacques Lassalle, Arnaud Meunier, Olivier Balazuc, Bruno Geslin, Pierre Maillet, Thiery Bedard, Christophe Perton, Frédérique Sonntag, Madeleine Louarn et Jean-François Auguste…
Depuis 2008, il met en scène ses propres spectacles. Avec l’auteur britannique Mike Kenny il crée deux spectacles : La Nuit Électrique, nommé aux Molières 2009 (catégorie meilleur spectacle jeune public) et Un Rêve Féroce qui s’est joué en décembre 2009 à paris au Théâtre du Rond Point. Memories From The Missing Room, créé en 2012 est inspiré par l’album The Missing Room du groupe folk-rock Moriarty, avec le groupe sur scène. Le spectacle a été repris au théâtre de la Bastille à la rentrée 2012.
En octobre 2013, dans le cadre de l’événement Marseille Provence 201 3, il a présenté une installation inspirée des « living libraries » (bibliothèques vivantes) et faisant entendre des témoignages de v témoignages de vies. Cette installation a pris la forme d’une micro-architecture circulaire accueillant douze petites chambres installées dans le hall du théâtre de la Criée où des témoins roposaient au public des entrevues d’une vingtaine de minutes. En mars 2014, Marc Lainé écrit et met en scène au CDDB – Théâtre de Lorient Spleenorama, pièce de théâtre musical et fantastique inspiré par la « Mythologie Rock ».
La musique est composée et interprétée par l’auteur et compositeur Bertrand Belin. Ce spectacle tournera en France et sera notamment accueilli au théâtre de la Bastille à Paris pour une série de vingt- deux représentations à fautomne 2014. En mars 2015, il créé Vanishing Point, les deux voyages de Suzanne au Théâtre national de Chaillot pour une série de dix-huit eprésentations avant d’être présenté à PEspace Go de Montréal pour un mois de représentations. arallèlement à son activité théâtrale, Marc Lainé co-écrit et réalise avec Jean-François Auguste, Enjoy The Silence, une série pour le site de la Ferme du Buisson. Cette série a été récompensée par le Prix Reflet d’Or pour la meilleure série produite pour le Web du festival Cinéma tous écrans de Genève 2009. Depuis 2009, Marc Lainé est metteur en scène associé au CDDB – Théâtre de Lorient et artiste associé au CDN de Haute-Normandie depuis 2014.