Rhinocéros – La Métamorphose de Jean

Rhinocéros – La Métamorphose de Jean

Séquence IV Texte 3 (p. 1 60 — 164) La métamorphose de Jean Introduction La métamorphose de Jean, dans le second tableau de l’acte Il, constitue un moment clé de la pièce. Il s’agit en effet de la seule mutation d’un personnage en rhlnocéros directement représentée sur la scène. Bérenger est venu rendre visite à Jean pour tenter de se réconcilier avec lui après l’altercation de la fin de l’acte I et pour lui relater la métamorphose de M. Bœuf (acte Il, tableau 1). La scène se déroule dans la chambre de Jean Comment la métamorphose est-elle mise en scène ? Annonce du plan. or 5 to nextÇEge .

Les procédés dram rg? 1) L’utilisation de l’espace rphose Double espace (voir la didascalie d’ouverture du tableau 2 de l’acte Il, Pl 36) : la chambre de Jean, espace visible par les spectateurs, et la salle de bains p. 161 62,163, située hors scène, qui est le lieu de la transformation proprement dite. Les allées et venues de Jean de la salle de bains à sa chambre permettent d’une part de réaliser « techniquement » le processus physique de la métamorphose, d’autre part de rendre perceptibles au spectateur les différentes étapes de ce

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processus comme 1’« apparition effrayante » de Jean à la p. 4. 2) Les éléments sonores S’opère une déconstruction progressive de son discours, une dislocation de la syntaxe : – répliques brèves, parfois réduites à un mot ou deux (« Chaud. trop chaud. Démolir tout cela, vêtements, ça gratte, vêtements, ça gratte » avec l’emploi de l’infinitif et l’absence d’article devant le nom, p. 162) ; parole plus proche du cri que du discours construit Les marécages ! Les marécages p. 163) ; – parole incompréhensible où se fait entendre le souffle du fauve soufflant bruyamment p. 163) ; paroles furieuses et incompréhensibles » (p. 62). C] On assiste donc à une perte progressive chez Jean du langage humain, remplacé peu à peu par les barrissements : « il barrit presque » (p. 160), « il barrit de nouveau » (p. 161), « une voix très rauque, difficilement compréhensible » (p. 161), « sons inou-lS » (p. 162). Cl Les commentaires de Bérenger soulignent cette évolution : « Parlez plus distinctement. Je ne comprends pas. Vous articulez mal. » (p. 162). b) La violence finale, avec l’affrontement invisible des deux personnages dans la salle de bans (p. 64), perce grâce aux bruts que peuvent entendre les spectateurs. 3) Les éléments visuels Les indications scéniques révèlent la volonté de Ionesco de donner une dimension « realiste » à la metamorphose de Jean : celui-ci devient vert (p. 162) et une bosse grossit sur son front jusqu’à devenir corne de rhinocéros celui-ci devient vert (p. 1 62) et une bosse grossit sur son front jusqu’à devenir corne de rhinocéros : « Oh ! Votre corne s’allonge à vue d’oeil Vous êtes rhinocéros », p. 164.

Ionesco multiplie les signes visuels de cette transformation : jean se débarrasse de ses vêtements, caractéristiques de la civilisation humaine (« Il fait tomber le pantalon de son pyjama » p. 63), et ce geste suggère également la métamorphose du corps. La gestuelle de Jean renvoie elle aussi à cette transformation corporelle Jean se précipite sur le lit, jette les couvertures p. 1 62) et exprime une agressivite animale (« il fonce vers Jean tête baissée », p. 163) que couronne la dernière réplique entendue depuis la salle de bains : «Je te piétinerai, je te piétinerai Il.

La confrontation des personnages : élément révélateur de la métamorphose 1) L’opposition des discours La métamorphose de Jean est aussi rendue perceptible par l’échange verbal entre les deux personnages et par leurs points e vue divergents Jean rejette la civilisation humaine : son discours est d’entrée destructeur et nihiliste (« Démolissons tout cela D, p. 160 ; « L’homme… Ne prononcez plus ce mot ! » ; « l’humanisme est périmé ! p. 161). Il perçoit la position négative de Bérenger sur les rhinocéros comme un « préjugé » (p. 62) et formule indirectement, à deux reprises, son adhéslon au syst comme un « préjugé » (p. 162) et formule indirectement, à deux reprises, son adhésion au système rhinocérlque ( « Pourquoi » (p. 162 ; « pourquoi ne pas être un rhinocéros ? J’aime les changements » p. 12). 7 ) Le point de vue de Jean Jean fait ainsi le choix de la force brute, de l’animalité, de la loi de la nature (qu’exprime son désir de retrouver les « marécages À cela, Bérenger tente certes d’opposer la raison Réfléchissez, voyons, vous vous rendez bien compte p. 60) et d’esquisser un rapide bilan de la civilisation humaine, dont il rappelle les valeurs (« un système de valeurs irremplaçables » des siècles de civillsation humaine « l’humanisme « l’esprlt b) Le point de vue de Bérenger Mais Ionesco refuse de faire tenir à Bérenger un discours philosophique et argumenté et de construire sa pensée en système. Il incarne plutôt ce qui dans l’homme résiste intuitivement à la rhinocérite, ce qui reste irréductiblement humain.

Le propos de Bérenger ne se place pas sur le plan du débat d’idées, mais sur celui de l’amitié : il désire appeler un médecin et tente de calmer Jean (p. 164). 2) L’art du décalage et l’impossible communication Bérenger refuse d’admettre la possibilité même de l’adhésion de Jean à la rhinocérite : « Vous plaisantez », (p. 160) ; « Je ne savais pas que vous étiez poète » (p. 160) ; «Je vous connais trop bien pour PAGF (p. 160) ; « Je ne savais pas que vous étiez poète » (p. 1 60) ; « Je vous connais trop bien pour croire que c’est là votre pensée profonde » (p. 61). Cette position donne lieu à un décalage comique entre ce qui est réellement en train de se produire et ce dont Bérenger a conscience. Ionesco joue ainsi sur le double sens (et sur la double énonciation) des propos de Bérenger (« Perdez-vous la tête ? p. 162 ou « Je ne vous reconnais plus p. 162), double sens qui révèle tout à la fois la candeur de Bérenger et le processus de métamorphose de Jean. C] Les phrases négatives de Bérenger («Je ne comprends pas » p. 162 , « vous ne semblez plus me voir ! Vous ne semblez plus ‘entendre ! p. 63) soulignent que la communication est désormais rompue. Pourtant, jusqu’au bout, Bérenger tente de maintenir une forme de contact ; même effrayé, il reste au nom de l’amitié et considère l’état de Jean comme une maladie. Conclusion Ionesco utilise ainsi plusieurs procédés dramatiques pour donner à voir la métamorphose de Jean. Tous révèlent le désir de réalisme de l’auteur. les deux personnages s’affrontent alors, la communication se rompt et Bérenger acquiert son statut de personnage tragique, désormais seul et spectateur dune réalité insondable. Ouverture : Mise en scène de Demarcy Mota.