Reflexion Sur Batouala De Rm

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Nuevo Mundo Mundos Nuevos Nouveaux mondes mondes nouveaux – Novo Mundo Mundos Novos – New world New worlds Haut du formulaire Chercher Bas du formulaire SommaireDocument précédentDocument suivant Débats 2010 Nominations et dénominations des Noirs : illustration du dialogue entre la France et les Amériques – Coord.

Elsa Geneste et Silvina Testa Elsa Geneste Autour de Batouala d formulations racistes [15/11/2010] Résumé I Index Auteur Résumés Françaisënglish ora7 Sni* to View s sur quelques nègre » Notes I Citation Ce texte s’intéresse aux différents usages du mot « nègre » ublicisés après l’attribution du Goncourt au roman de René Maran, Batouala (1921 Qu’il ait servi à discréditer Maran ou qu’au contraire ses origines africaines aient été mises en avant pour le défendre, l’écrivain français d’origines guyanalses a en effet souvent fait l’objet d’assignations identitaires.

Entre les unes et les autres, Maran a quant à lui consacré une partie de son œuvre sur le(s) « nègre(s) » à comprendre le racisme. Haut de page Plan Maran vu par René Trautmann : un « nègre » imposteur, raciste et endetté Maran vu par Bocquet : construction d’une dualité identitaire ‘ailleurs, pour moi, qu’uneimportance relative. L’essentiel est de vivre et d’essayer de laisser une œuvre après

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soi. Le reste dirait Verlaine, n’est que littérature. ? René Maranl 1 Ces quelques mots pourraient suffire à résumer quelle fut la perspective intellectuelle de René Maran, si sa propre trajectoire individuelle ne l’avait pas contraint à réfléchir aux assignations identitaires auxquelles il était lui-même confronté. 2 Maran : 1921. 2Cest à ce cheminement intellectuel que nous souhaiterions nous intéresser ici. Né tout autant de son expérience d’homme e couleur que de l’Histoire, ne nous éclaire-t-il pas en effet sur les enjeux théoriques du racisme et de l’antiracisme ? Les réactions suscitées par l’attribution du Goncourt au roman de Maran, Batouala.

Véritable roman nègre2, ne montrent-elles pas historiquement la relative indéfinition d’un antiracisme qui tend parfois à réitérer de manière paradoxale, à son corps défendant, le processus d’enfermement identitaire propre au racisme ? 3 Le Petit Lycée de Talence est à ce moment-là et jusqu’en 1958, l’annexe du Lycée Montaigne qui accu(… ) 4 Maran : 1909. 5 Bocquet : 1924, p. 14. Maran : 1921, p. 14. 30riginaire de Guyane, René Maran (1887-1960) commence par faire ses classes au petit Lycée de Talence à Bordeaux3 avant d’intégrer le Lycée Montaigne en 1902.

Il publie son premier recueil de poèmes en 19094 et se destine à une carrière littéraire lorsqu’il doit brusquement renoncer à s’inscrire à la Faculté de Lettres pour subvenir dorénavant aux besoins de sa famille5. En 1910, il part donc pour l’Afrique, à Bangui dans le Moyen-Congo, désor 33 de sa famille5. En 1910, il part donc pour l’Afrique, à Bangu dans le Moyen-congo, désormais aux ordres de l’administration oloniale française. C’est là qu’il commence dès 191 2 sonBatouala, un roman dans lequel il souhaite restituer l’intériorité des indigènes dupoint de vue d’un chef de village.

Dans sa préface, Maran, fort de son expérience dans les colonies, attaque violemment les fondements de la colonisation et l’ensemble des administrateurs coloniaux6. 7 Nous reprenons l’expression à Maran, cf. Bocquet : 1924, p. 41. 8 Après la signature des traités de paix, les autorités françaises décident l’envoi des troupes colon 9 VoirRubiales : 2005 et Porra : 1994. 40n se souvient que le roman obtient le prix Goncourt, écompense qui jette plus qu’une « pierre dans la mare aux grenouilles littéraires »7.

Dans ce contexte international d’après- guerre, la crainte de voir se diffuser au sein de l’opinion française un tel récit de la vie coloniale, n’est pas aussi vive que celle de le voir servir de propagande contre l’administration coloniale et l’occupation française de la Rhénanie par les Troupes noires8. C’est ce contexte qui autorise en bonne part, les attaques les plus violentes contre l’auteur de Batouala tandis que l’inquiétude envahlt la presse littéraire de voir le roman servir outre-Rhin de ropagande antifrançaise9. 0 Dans la première phase qui précède le Goncourt, le texte est non seulement bien accueilli par la cr 5Véronique Porra montre à la lecture de cette presse, qu’il existe trois phases de réception du roman et comment l’attribution du Goncourt opère un changement d’attitude à l’ég 3 3 phases de réception du roman et comment l’attribution du Goncourt opère un changement d’attitude à l’égard de l’œuvre et de son auteur.

Elle observe en effet qu’entre la deuxième et la troisième phase, les crltiques se déplacent d’une dévalorisation u terme « nègre redevenu synonyme de « primitif » et qualifiant le so,’le même de l’œuvre, à une condamnation morale où la dimension « ethnique » de Maran est mise de côté au profit d’une dénonciation de son atteinte aux intérêts de la FrancelO. 11 Rubiales : 2005. 12 Trautmann . 1922. René Trautmann (1875-1956) est diplômé de l’école de Médecine coloniale de Bordea 13 Léon Bocquet (1876-1954), poète et romancier, fonde en 1900 les éditions du Beffroi, consacrées à 1(… 14 Bocquet: 1924. 6Avec Lourdes Rubiales, nous nous accordons cependant à dire ue la césure entre la deuxième et la troisième phase n’est pas si nettel 1 . L’ouvrage de René Trautmannl 2 auquel nous nous intéresserons ici en détail en est, nous semble-t-il, une bonne illustration. Pour discréditer Maran et son roman, Trautmann met en effet l’accent sur sa soi-disant identité nègre rexcluant ainsi d’office de la nation française. C’est parce qu’il est d’origine nègre que Maran n’est pas un vrai Français.

Face à ces accusations, des amis de Maran prennent alors la plume pour le défendre, dont Léon Bocquet qui connait Maran de longue date13. Dans sa préface au Petit Roi de Chimérie14, il réhabilite Maran en prouvant qu’il s’est assimilé à la culture française tout en étant africain de nature. 7Dans cette polémique, Maran n’échappe ainsi pas à diverses formes d’assignations identitaire 3 formes d’assignations identitaires qu’elles soient exclusionnaires ou inclusionnaires. Entre attaques et défenses, il ne choisit cependant ni de rejeter ses origines, ni de s’approprier le stigmate essentialisé qu’on lui renvoie souvent.

Il ne reprend à son compte ni la position des uns ni celle des autres. Il tient le cap d’une utonomie de pensée au fondement d’une compréhension critique du racisme telle qu’elle se donne à voir dans ses ouvrages sur le(s) « nègre(s) 15 L’Action nationale, 25 janvier 1922. 16 Trautmann : 1922, p. 23-40. 8Dans son article publié en janvier 1 92215 et reproduit en avant- propos de son ouvrage Au pays de Batouala. Noirs et Blancs en Afrique 16, René Trautmann s’attache à répondre à chacune des critiques formulées par le héros du roman de Maran, le chef de village Batouala.

Cette argumentation vise à montrer que le texte n’est que le pamphlet d’un « nègre» raciste : 7 Trautmann : 1922, p. 23. « Mais, si j’en juge par la préface de l’auteur, Batouala n’est pas le simple mokoundji d’un village quelconque des rives de la Bamba ; Batouala dépasse le cadre du petit roman colonial couronné par l’Académie Goncourt ; Batouala est le Nègre opprimé qui saisit chaque occasion – sans danger pour lui – d’exprimer sa haine contre le Blanc envahisseur. ?17 9À la lumière de la préface, le roman ne serait donc que l’expression du ressentiment racial de Batouala et de Maran. Trautmann ne dissocie en effet pas les deux textes au point même de confondre Maran et PAGF s 3 Maran. Trautmann ne dissocie en effet pas les deux textes au point même de confondre Maran et son personnage, l’auteur de la préface et le narrateur du roman, pour ne plus s’adresser qu’? Batouala. ourtant il reprend, non pas les accusations contenues dans le roman, mais les critiques formulées par Maran dans sa préface pour les retourner une à une contre les « nègres Cette stratégie lui permet de répondre indirectement à l’écrivain en le situant d’ores et déjà du côté de ceux qu’il appelle les « nègres 10 Trautmann commence en cherchant à priver Maran de toute égitimité à parler pour l’ensemble des Noirs d’Afrique : ] il est facile de découvrir de nombreux peuples noirs, heureusement très supérieurs au tien.

Pour cette raison, [leur] opinion aurait Incontestablement plus de valeur, plus de poids, que celle du chef d’un pays perdu comme le tien. 18 p. 24_S. Tu ne t’offenseras donc pas, si je me refuse à te considérer comme le porte-parole de toute la race noire. »18 1 Il introduit une distinction entre le « Nègre » (cf. supra), qui n’aurait pas bénéficié des bienfaits de la colonisation française et qui vivrait selon des mœurs barbares, et les « noirs » qui eprésenteraient l’émancipation apportée par la France en Afrique.

Ce souci français « d’obtenir un jour l’égalité absolue de toutes les races » serait lui-même attesté par l’exemple des abolitions françaises de l’esclavage et de la traite. 12En utilisant le passé abolitionniste français pour prouver les bonnes intentions contenues dans l’œuvre coloniale, Trautmann rappelle deux histoires de l’esclavage : l’une touchant personnellement M 3 l’œuvre coloniale, Trautmann rappelle deux histoires de l’esclavage : l’une touchant personnellement Maran et l’autre évoilant une certaine représentation de l’histoire de la traite transatlantique.

Dans un premier temps en effet, Trautmann, en évoquant la libération des esclaves antillais et leur inclusion à la nation par le décret de 1848, veut montrer que la France a fait de ces anciens esclaves des citoyens et non de nouveaux esclaves. Il n’en donne pas moins pour exemple concret le cas de Maran lui- même : « Notre rêve à nous, qui avons aboli l’esclavage et supprimé la traite, ne peut donc être de refaire de vous des esclaves ainsi que tu le donnes à penser ! 19 p. 26. M.

René Maran a-t-il l’air d’être un esclave, Batouala ? »19 20 Le même procédé exclusionnaire est déjà à l’œuvre quelques pages plus tôt, cette fois-ci à l’encont(… ) 1 311 est intéressant d’observer la réitération d’une opposition dans le texte de Trautmann entre un « nous », Français et/ou Blanc, et un « vous »20, qui semble désigner plus généralement les « noirs » opérant un glissement des Antillais à l’ensemble des populations anciennement esclaves des Antilles et des indigènes d’A. E. F.

Trautmann rappelle par là-mëme à Maran la dette qu’il urait envers la France qui aurait sorti ses ancêtres du joug de l’esclavage, de même que Batouala devrait à la France, comme tous les « noirs » d’Afrique, la disparition de l’esclavage et de la traite 21 p. 28. « Mais, Batouala, nous connaissons votre manière de vivre heureux ; piller, supplicier, tuer ou réduire en esclavage tous vos voisins, quels qu’ils soient, tel est le comble du bon 7 3 ou réduire en esclavage tous vos voisins, quels qu’ils soient, tel est le comble du bonheur pour vous, bons nègres de l’Afrique centrale ! ?21 14Trautmann oppose ainsi les civillsateurs soucieux du sort des ictimes indigènes aux « nègres » esclavagistes de l’A. EF. Même lorsqu’il reconnait la monstruosité qu’il y aurait à voir un administrateur colonial vendre un indigène, donc à avoir recours à des pratiques déshumanisantes, il s’en sert pour les comparer à celles des « nègres » avant, dit-il, la venue des Blancs, tels les razzias, la vente de captifs aux négriers, les sacrifices humains. 22 p. 26. 5Les « Blancs » n’auraient donc été acteurs de la traite que dans la mesure où ils auraient été à l’origine de sa dlsparition comme de tous les autres supplices pratiqués par les « nègres » ? l’encontre d’autres « nègres Le terme générique « Blancs « nous », est un indicateur fort de la généralisation opérée par Trautmann qui efface la création et la participation des Européens à la traite transatlantique, réduisant le phénomène esclavagiste au seul continent africain.

Cette interprétation de l’Histoire permet à Trautmann de poser le principe de supériorité des « Blancs » sur les « noirs » qu’ils ont vocation à élever sur l’échelle clvilisationnelle de l’humanlté22 : « La légitimité du principe ne te parait pas évidente, Mokoundji, t je le comprends, car bien peu de tes frères noirs l’admettent.

Il est si difficile, en effet, de reconnaître son infériorité intellectuelle ; d’avouer que sa race — à part quelques heureuses exceptions individuelles – est momentanément moins civilisée que telle autre, en B3 quelques heureuses exceptions individuelles — est momentanément moins civilisée que telle autre, en avance sur elle, d’une ou deux dizaines de siècles ! [… D 23 p. 26-7. De là à nier le principe fondamental il n’y a qu’un pas, et tu l’as franchi, Batouala, et presque tous tes frères noirs l’ont franchi comme toi.

Cest ce qui cause, bien plus que les vexations et les charges dont tu te plais à étaler le nombre, votre haine contre les Blancs. »23 1 6À bien le comprendre, les « noirs » — et non plus seulement les « nègres » – refuseraient d’admettre le principe d’une prétendue supériorité des Français qui leur commanderait l’obéissance, d’où leur haine raciste des « Blancs Maran, en prenant la défense des « nègres » d’A. E. F. ar la voix de son personnage, illustrerait finalement ce refus d’admettre l’infériorité raciale des « noirs » et le racisme auquel ce refus conduit inévitablement. L’argumentaire e Trautmann relève donc bien d’une logique de corruption de l’universel, telle que l’a décrite Jeanne Hersch : 24 Hersch : 1967, p. 127, où elle opère la distinction entre racisme hitlérien et racisme colonial. « Ceux qui détiennent le pouvoir n’ont pas vraiment le sentiment d’appartenir à une « race » partlculière, fût-elle supérieure.

Ils appartiennent au genre humain. Ce sont les autres qui représentent cette particularité, partiellement ou totalement négatrice de leur humanité, d’avoir les caractères propres à une certaine race affichés par leur corps sous tous les regards »24. 25 Taguieff: 1999, p. 64 et plus généralement p. 163-76 sur les deux logiques de racisation (hétéror 170u pour le dire d PAGF 33 généralement p. 163-76 sur les deux logiques de racisation (hétéror 170u pour le dire dans les termes de P. -A.

Taguieff : « La race, c’est l’Autre. »25 18Pour légitimer l’entreprise coloniale française ébranlée par la préface de Batouala, Trautmann n’hésite donc pas à réduire Maran à sa condition raciale, c’est-à-dire à des origines soi-disant barbares qu’il partagerait avec les « nègres » actuels d’Afrique. Maran, en niant les bénéfices que lui aurait apporté le contact vec les « Blancs » n’en constituerait pas moins la preuve des bienfaits de leur influence et donc de son infériorité originelle.

De plus, dans son texte, Trautmann entend par « nègres » les populations d’Afrlque qui n’ont pas, selon lui, bénéficié des apports civilisationnels européens et qu’il qualifie d’esc avagistes s’esclavagisant les uns les autres. Le substantif « noirs il peut par contre l’utiliser de deux manières. En premier lieu, il désigne l’ensemble des populations d’Afrique qui auraient bénéficié de l’influence des Européens, c’est-à-dire les populations de l’Afrique e l’ouest et les descendants d’esclaves des Antilles.

Mais Trautmann peut aussi appeler « noirs » l’ensemble constitué par les « nègres » et les « noirs » dans sa première assertion. 26 Cette équivalence s’est élaborée plus tôt, au cours du xviiie siècle. Pour la France, on pourra se (… ) 27 Taguieff: 1998, p. 15. Sur le phénomène de rationalisation conservatrice, comme processus de « str(… ) 28 Taguieff: 1999, p. 165. 19Ainsi lorsque Trautmann reconnait que les « nègres » atteindront un jour le niveau de civilisation des « Blancs puisque la su 10 rif 37