1. Le sujet La conscience : Descartes, Discours de la méthode La perception : Alain, 81 Chapitres sur l’esprit et les passions L’inconscient : Freud, Métapsychologie Autrui : Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception Le désir : Épicure (342-270 av. J. -C. ), Doctrines et Maximes L’existence et le temps : Pascal, Pensées, Lafuma 47 (1670) 2. La culture Le langage : Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes L’art : Hegel, Esthétique Le travail et la techni chapitre 7, 1 La religion : Nietzsch L’histoire : Ricœur, Hi 3.
La raison et le réel e l, 3e section, orq7 ‘An Théorie et expérience : Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale La démonstration . Pascal, De l’esprit géométrique L ‘interprétation : Dilthey, Introduction à l’étude des sciences humaines Le vivant : Kant, Critique de la faculté de juger La matière et l’esprit : Merleau-Ponty, Signes La vérité : Bachelard, La Formation de l’esprit scientifique 4.
La politique La société : Hobbes, Du Citoyen La justice et le droit : Rousseau, Du Contrat social L’État : Montesquieu, De l’Esprit des Lois, Livre Ill, chapitre 9 5. La morale onscience : Descartes, Discours de la méthode, 4e partie
J’avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu’on sait être fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, mais, pource [parce] qu’alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu’il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce en quoi je pourrais maginer le moindre doute, afin de voir Sil ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable.
Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu’il n’y avait aucune chose qui fût telle qu’ils nous la font imaginer. Et pource qu’il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples 33 Et pource qu’il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j’étais sujet à faillir, autant u’aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j’avais prises auparavant pour démonstrations.
Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu’il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m’étaient jamais entrées en l’esprit n’étaient non plus vraies que les illusions de mes songes.
Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. 1917) professeur de philosophie et auteur de nombreuses chroniques, Alain a considérablement influencé la pensée du XXe siècle (Raymond Aron, Simone Weil, pour ne citer qu’eux). Dans cet extrait, il souligne le caractère parcellaire et confus de la sensation, et affirme que la perception est paradoxalement une onstruction de l’esprit : percevoir, c’est déjà penser. On sou 3 3 perception est paradoxalement une construction de l’esprit percevoir, c’est déjà penser.
On soutient communément que c’est le toucher qui nous instruit, et par constatation pure et simple, sans aucune interprétation. Mais il n’en est rien. Je ne touche pas ce dé cubique. Non. Je touche successivement des arêtes, des pointes, des plans durs et lisses, et réunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cet objet est cubique. Exercez-vous sur d’autres exemples, car cette analyse conduit fort loin, et il importe de bien assurer ses premiers pas.
Au surplus il est assez clair que je ne puis pas constater comme un fait donné à mes sens que ce dé cubique et dur est en même temps blanc de partout, et marqué de points noirs. Je ne le vois jamals en même temps de partout, et jamais les faces visibles ne sont colorées de même en même temps, pas plus du reste que je ne les vois égales en même temps. Mais pourtant c’est un cube que je vois, à faces égales, et toutes également blanches.
Revenons à ce dé. Je reconnais six taches noires sur une des faces. On ne fera pas difficulté d’admettre que c’est là une opération d’entendement, ont les sens fournissent seulement la matière. Il est clair que, parcourant ces taches noires, et retenant l’ordre et la place de chacune, je forme enfin, et non sans peine au commencement, l’idée qu’elles sont six, c’est-à-dire deux fois trois, qui font cinq et un.
Apercevez-vous la ressemblance entre cette action de compter et cette autre opération par laquelle je reconnais que des app 3 entre cette action de compter et cette autre opération par laquelle je reconnais que des apparences successives, pour la main et pour l’œil, me font connaître un cube ? Par où il apparaitrait que la perception est déjà une fonction ‘entendement et que l’esprit le plus raisonnable y met de lui- même bien plus qu’il ne croit.
L’inconscient : Freud, Métapsychologie, « L’Inconscient » (1915) Si la vie psychique était pleinement transparente et cohérente, l’hypothèse de l’inconscient ne serait nullement nécessaire. Or, comme le soutient le fondateur de la psychanalyse, c’est par l’interprétation des rêves, des lapsus ou encore des actes manqués que le sujet peut comprendre et guérir ses troubles psychiques On nous conteste de tous côtés le droit d’admettre un psychique inconscient et de travailler scientifiquement avec cette hypothèse.
Nous pouvons répondre à cela que l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de l’existence de l’inconscient. Elle est nécessaire parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l’homme sain que chez le malade, il se prodult des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d’autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience.
Ces actes ne sont pas seulement les actes manqués et les rêves, chez l’homme sain, et tout ce qu’on appelle symptômes psychiques et phénomènes ompulsionnels chez le malade ; notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présenc PAGF s 3 compulsionnels chez le malade ; notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d’idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l’origine et dont l’élaboration nous demeure cachée.
Tous ces actes conscients demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous obstinons à prétendre qu’il faut bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait d’actes psychiques ; mais ils s’ordonnent dans un ensemble dont on peut montrer la ohérence, si nous interpellons les actes inconscients inférés. Or, nous trouvons dans ce gain de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d’aller au-delà de l’expérience immédiate.
Et s’il s’avère de plus que nous pouvons fonder sur l’hypothèse de l’inconscient une pratique couronnée de succès, par laquelle nous influençons, conformément à un but donné, le cours des processus conscients, nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve incontestable de l’existence de ce dont nous avons fait l’hypothèse. Autrui : Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (1945)
Fondateur, avec Sartre et Simone de Beauvoir, de la revue Les Temps modernes, Merleau-Ponty s’interroge ici sur la nature de « l’autre » et montre qu’il ne saurait se réduire à un corps matériel : autrui est immédiatement, et quand bien même il serait considéré comme inaccessible (en dehors de toute communication), reconnu comme sujet dans un dialogue potentiel – ce que Merleau-Ponty nomme « intersubjectivité » l’objectivation de chacun par le regard de l’autre n’est r 3 « intersubjectivité ». ‘objectivation de chacun par le regard de l’autre n’est ressentie comme pénible que parce qu’elle prend la place d’une communicatlon possible. Le regard d’un chien sur moi ne me gêne guère. Le refus de communiquer est encore un mode de communication. La liberté protéiforme, la nature pensante, le fond inaliénable, l’existence non qualifiée, qui en moi et en autrui marque les limites de toute sympathie, suspend bien la communication, mais ne l’anéantit pas. Si jai affaire à un inconnu qui n’a pas encore dit un seul mot, je peux croire qu’il vit dans un autre monde où mes actions et mes pensées ne sont pas dignes de figurer.
Mais qu’il dise un mot, ou seulement qu’il ait un geste d’impatience, et déjà il cesse de me transcender : c’est donc là sa oix, ce sont là ses pensées, voilà donc le domaine que je croyais inaccessible. Chaque existence ne transcende définitivement les autres que quand elle reste oisive et assise sur sa différence naturelle. Même la méditation universelle qui retranche le philosophe de sa nation, de ses amitiés, de ses partis pris, de son être empirique, en un mot du monde, et qui semble le laisser absolument seul, est en réalité acte, parole, et par conséquent dialogue.
Contrairement à l’idée que se fait l’opinion commune, l’épicurisme ne consiste ni à donner libre cours à ses désirs ni ? ener une vie de débauche. Comme le montre ici Épicure lui- même, être hédoniste, ce n’est pas rechercher tous les plaisir 7 3 le montre ici Épicure lui-même, être hédoniste, ce n’est pas rechercher tous les plaisirs mais atteindre le plaisir maximal, c’est- à-dire l’absence de troubles de l’âme, par l’usage de la raison contre les passlons.
Cest un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même, non qu’il faille toujours vivre de peu, mais afin que si l’abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons, bien persuadés que ceux-là jouissent le plus vivement de ‘opulence qui ont le moins besoin d’elle, et que tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, tandis que ce qui ne répond pas ? un désir naturel est malaisé à se procurer.
En effet, des mets simples donnent un plaisir égal à celui d’un régime somptueux si toute la douleur causée par le besoin est supprimée, et, d’autre part, du pain d’orge et de l’eau procurent le plus vif plaisir à celui qui les porte à sa bouche après en avoir senti la privation. L’habitude d’une nourriture simple et non pas celle d’une nourriture luxueuse, convient donc pour donner la pleine santé, our laisser à l’homme toute liberté de se consacrer aux devoirs nécessaires de la vie, pour nous disposer à mieux goûter les repas luxueux. orsque nous les faisons après des intervalles de vie frugale, enfin pour nous mettre en état de ne pas craindre la mauvalse fortune. Quand donc nous disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs voluptueux et inquiets, ni de ceux qui consistent dans les jouissances déréglées, ainsi que l’écrivent des gens qui ignorent notre d B3 ceux qui consistent dans les jouissances déréglées, ainsi que l’écrivent des gens qui Ignorent notre doctrine, ou qui la ombattent et la prennent dans un mauvais sens.
Le plaisir dont nous parlons est celui qul consiste, pour le corps, à ne pas souffrir et, pour l’âme, à être sans trouble. Car ce n’est pas une suite ininterrompue de jours passés à boire et à manger, ce n’est pas la jouissance des jeunes garçons et des femmes, ce n’est pas la saveur des poissons et des autres mets que porte une table somptueuse, ce n’est pas tout cela qui engendre la vie heureuse, mais c’est le raisonnement vigilant, capable de trouver en toute circonstance les motifs de ce qu’il faut choisir et de ce qu’il faut éviter, et de rejeter les vaines pinions d’où provient le plus grand trouble des âmes.
L « existence et le temps : Pascal, Pensées, Lafuma 47 (1670) Philosophe attaché à Port-Royal, Pascal montre ici comment notre capacité à imaginer l’avenir est un véritable obstacle au bonheur : la faculté humaine qui nous permet de concevoir le temps dans son étendue se révele en effet une entrave, dans la mesure où elle nous fournit les moyens de ne pas considérer le présent dans sa valeur propre. Nous ne nous tenons jamals au temps présent.
Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; u nous rappelons le passé, pour l’arrêter comme trop prompt : si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux q PAGF 33 nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont plus rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste.
C’est que le présent, d’ordinaire, nous blesse. Nous le cachons à notre vue, parce qu’il nous afflige ; et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, t pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver. Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir.
Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable ue nous ne le soyons jamais.
Le langage : Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1775) Toute représentation sensible est singulière ; seule la notion (ou le concept) permet de désigner une généralité. Or, comme le révèle Rousseau dans ce texte, il est nécessaire, pour passer d’un objet particulier au concept, de recourir aux mots et à la syntaxe. Ainsi, penser, c’est d’abord parler. D’ailleurs, les idées générales ne peuvent s’introduire dans l’esprit qu’à l’aide des mots, et l’entendement ne les saisit que par des 10 rif 37