LA DISCRIMINATION À L’EMBAUCHE SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL FRANÇAIS collection du CEP REM A p CENTRE POUR LA RECHERCHE ÉCONOMIQUE ET SES APPLICATIONS SUR LE MARCHE DU TRAVAIL FRANÇAIS NICOLAS JACQUEMET @ Éditlons Rue d’Ul 2013 45, rue d’Ulm – 7523 www. presses. ens. fr ISBN 978-2-7288-0489-4 ISSN 1951-7637 or72 Sni* to View ale supérieure, Le Cepremap est, depuis le 1er janvier 2005, le CEntre Pour la Recherche EconoMique et ses Applications. Il est placé sous la tutelle du ministère de la Recherche. La mission prévue dans ses statuts est d’assurer une interface ntre le monde académique et les décideurs publics et privés.
Ses priorités sont définies en collaboration avec ses partenaires institutionnels : la Banque de France, le CNRS, le Centre d’analyse stratégique, la direction générale du Trésor et de la Politique économique, l’École programmes de recherche, notamment au sein de l’École d’économie de Paris. La coordination de l’ensemble des programmes est assurée par Philippe Askenazy. Les priorités des programmes sont définies pour deux ans. L’affichage sur Internet des documents de travail réalisés par les chercheurs dans le cadre de leur collaboration au sein du
Cepremap tout comme cette série d’opuscules visent à rendre accessible à tous une question de politique
Ensuite, nous croisons cette dimension ethnique avec le genre des individus, afin de mesurer non seulement les discriminations entre hommes et femmes mais aussi le rôle du genre dans les discriminations liées ? l’origine. Enfin, nous évaluons l’influence de la maîtrise de la langue française sur chances de succès des candidats issus de l’immigration.
IO Les résultats de notre étude montrent que la discrlmnation ? l’embauche à l’encontre des candidats issus de l’immigration est de l’ordre de 40 % en moyenne : à profil de compétences égal, un candidat ppartenant à cette catégorie de population doit envoyer près d’une fois et demie plus de candidatures pour être invité au même nombre d’entretiens d’embauche. Cette inégalité de traitement affecte toutes les candidatures d’origine étrangère, indépendamment de l’origine du candidat, ce qui invalide l’hypothèse d’une défiance ciblée à l’encontre de vagues particulières d’immigration.
En ce sens, la uestion de la discrimination se pose bien d’emploi considérés. Ce résultat s’explique en partie par la tendance des employeurs de genre féminin à privilégier les andidatures de même sexe. De plus, nos résultats indiquent que la discrimination d’origine affecte plus les candidatures masculines que les candidatures féminines. L’ensemble de ces constats suggère que les attentes des employeurs en termes de compétences et d’adéquation à l’emploi varient fortement en fonction du genre des candidats issus de l’immigration.
Cette hypothèse est confirmée indirectement par l’effet du degré de maîtrise du langage apparaissant dans les candidatures. La mention explicite de cette compétence suffit à faire disparaître la prime dont bénéficient les éminines françaises, et élimine toute discrimination d’origine dans cette catégorie de candidatures. En revanche, la maîtrise de la langue française ne réduit qu’à la marge le degré de discrimination liée à l’origine pour les candidatures masculines.
Cet effet différencié suggère que la discrimination à l’encontre des individus masculins issus de l’immigration recouvre une dimension bien plus vaste que les seules considérations liées au maniement de la langue française. Nous proposons pour conclure une discussion de l’efficacité attendue PAGF s OF Nicolas Jacquemet est professeur à runiversité de Lorraine, membre du Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA), professeur associe à l’École d’économie de Paris et membre junior de l’Institut universitaire de France. . Nous tenons a remercier les membres du comité éditorial, Phillipe Askénazy, Luc Behaghel, Daniel Cohen et Claudia Sénik, pour leurs nombreux commentalres aux différents stades de ‘étude ; ainsi que Clémence Berson, Jézabel CouppeySoubeyran, Christelle Dumas, Stéphane Gauthier, Frédéric Koessler, Kevin Lang, Philip Oreopoulos et Constantine Yannelis pour leurs remarques éterminantes sur le contenu de cet opuscule.
En France, entre 2005 et 2009, le taux d’emploi des indlvidus âgés de 16 à 65 ans était en moyenne de 86 % pour les hommes et de 74 % femmes : cinq hommes sur six en âge de travailler occupaient un emploi durant cette période, alors que ce n’était le cas que de trois femmes sur quatre. Mais ces statistiques ne concernent que les personnes dont les deux parents sont nés en France.
Pour les Français dont au moins l’un des deux parents est immigré, et d’origine maghrébine, le taux d’emploi tombait à 65 % pour les h PAGF OF our les femmes ; soit constitue un vecteur incontournable d’intégration des populations issues de l’immigration2. Pour en comprendre l’importance dans le cas français, il est utile de distinguer deux niveaux d’intégration3. 1. D’après l’étude de R. Aeberhardt, É. Coudin et R. Rathelot, « Les écarts de taux d’emploi selon l’origine des parents : comment varient-ils avec l’âge et le diplôme ? 2010.
Cette étude est l’une des premières à fournir des informations détaillées sur les différentiels de parcours en fonction de l’origine des parents : la prise en compte de ette information dans les statistiques françaises est très récente et n’est disponible que depuis la vague 2003 de l’enquête « Emploi 2. Savoir si l’accueil des populations issues de Vimmigration doit passer par l’intégration ou l’assimilation est une question politique qui dépasse largement le champ de cet opuscule. Nous nous en tiendrons à la terminologie qui nous parait la plus neutre. . Cette distinction devenue classique est due au sociologue M. M. Gordon, Assimilation in American Life : the Role of Race, Religion and National Origins, 1964. 14 L’intégration culturelle s’acquiert avec l’adoption de la langue, des odes de vie et de la culture du pays d’accueil. L’intégration structurelle, quant à elle, est plus profonde et interroge le rôle des structures sociales. Elle recouvre le degré d’insertion dans l’ensemble des institutions de la société, telles que le lope rché du travail. PAGF 7 OF intégration structurelle nettement en retrait.
Ainsi, malgré une assimilation linguistique forte (les secondes générations d’immigrés ont acquis une très bonne maîtrise de la langue), des taux de mariages mixtes importants ou encore des comportements en matière de fécondité des femmes issues des inorités très proches de celui des femmes d’origine françaisel, la France reste traversée de revendications identitaires marquées et de fractures considérables en fonction de l’origine, en termes par exemple de situation economque ou de niveau d’éducation2.
Les différentiels d’insertion sur le marché du travail entre individus peuvent s’expliquer par de très nombreux facteurs. une première Série de facteurs est liée à des différences objectives (au regard des critères pertinents sur le marché du travail) entre les chercheurs d’emploi issus 1 . Voir, par exemple, l’étude de L. Toulemon, « La fécondité des immigrées : nouvelles données, nouvelle approche b, 2004. 2. Ces traits marquants de la situation française sont analysés en détail dans l’étude de C.
Beauchemin et al. , « Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité des populations en France », 2010, qui montre notamment que l’assimilation linguistique des populations immigrées de première génération est elle-même très rapide (voir en part. p. 33). Les descendants d’immigrés vivent en outre très majoritairement (65 %) en couple avec des individus issus de la « population ethnique ajoritaire Cette PAGF 8 OF sur le marché du travail peuvent aussi résulter de comportements discriminatoires à l’embauche.
Dans ce cas, l’inégalité de traitement dans l’accès à l’emplol est due à une « distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leur origine, sexe, apparence physique, âge, etc. l Distinguer ces causes très différentes, et en mesurer l’importance relative, est indispensable à la mise en œuvre de politiques publiques à la fois appropriées et équilibrées. Dans le cas du taux d’emploi des Français de 16 à 65 ans entre 2005 t 2009, une équipe de l’Insee s’est livrée à un exercice statistique permettant de décomposer les données brutes décrites plus haut en fonction des caractéristiques des individus.
Les facteurs pris en compte incluent à la fois des éléments qui sont directement valorisés par l’employeur (tels que le diplôme ou l’expérience professionnelle) et des facteurs qui sont liés à la décision de se porter sur le marché du travail (situation familiale ou salaire du conjoint, par exemple)2. La Figure 1 illustre les principales conclusions de ce travail. Les données résentées correspondent à l’écart de taux d’emploi (en points de pourcentage) entre les personnes dont les deux parents sont nés en France et celles dont au moins fun des parents est immigré maghrébin.
Ces écarts sont distingués en fonction du genre des individus (femmes françaises dans la moitié supérieure du graphi ue hommes dans la moitié inférieure) et en PAGF q OF décomposition, qui s’efforce de considérer de façon très fine les différences entre les structures de population. Nous renvoyons le lecteur intéressé ? l’étude en question pour une présentation plus détaillée. 6 Figure 1 – Écarts de taux d’emploi entre les Français âgés de 16 à 64 ans : part expliquée par les caractéristiques observables. Source : enquête « Emploi 2005-2009 tiré de R.
Aeberhardt, É. Coudin et R. Rathelot, « Les écarts de taux d’emploi selon l’origine des parents p. 159. La population est restreinte aux personnes âgées de 16 à 65 ans, françaises de naissance ou françaises par acquisition arrivées en France avant l’âge de 5 ans, hors étudiants et retraités, en France métropolitaine. Par genre et par niveau de diplôme, les graphiques présentent ‘écart de taux d’emploi entre les individus dont les parents sont français de naissance et ceux dont l’un au moins des parents est né au Maghreb.
Ces résu tats font apparaître des différences intéressantes entre hommes et femmes et entre niveaux de formation initiale. Mais le résultat le plus frappant concerne la décomposition des écarts pour chaque catégorie : la 17 zone sombre qui apparaît à l’origine de chaque barre correspond à la part de l’écart qui est expliquée par les caractéristiques individuelles disponibles dans l’enquête « Emploi » zone claire reflète la part