La Lorraine u début des années 1960, certains journalistes ont comparé la Lorraine au Texas tant étaient fortes sa réputation industrielle et son attraction sur les hommes. Vingt ans plus tard, la presse regorgeait d’articles décrivant une région sinistrée frappée de plein fouet par une succession de crises. L’image de la Lorraine qui s’est alors progressiveme industrielle en crise. par ailleurs, en ce dé les décideurs régionaux une autre l’Europe cherchant ? orn Sni* to View e vieille région ire, est modelée par ne au cœur de se construire une nouvelle personnalité faite de dynamisme et ‘ouverture.
Qu’en est-il de la réalité de ces images opposées ? La réalité du passé Industriel lorrain est incontestable : nul ne peut nier l’importance du textile, de la sidérurgie, de l’extraction houillère et même de la chimie dans l’économie régionale et nationale. Nul ne peut ignorer, non plus, la gravité de la crise sur les espaces et les hommes. Les usines ont fermé les unes après les autres, les friches industrielles se sont multipliées, la population lorraine a décliné en raison du déficit migratoire, alors que la plupart des autres 8,7 % alors que la taux national était de 9,8.
La focalisation sur l’apogée industrielle et
En ce qul concerne flmage europeenne de la Lorraine, on peut, certes, d’ores et déjà souligner sa situation frontalière, l’importance des nvestissements étrangers dans la région et l’intensité du trafic de transit sur l’axe nord-sud qui unit l’Europe septentrionale à l’Europe méditerranéenne. Ceci est-il suffisant pour lui reconnaitre une place privilégiée dans le concert des régions européennes ? Les espaces de vieilles industries lorraines Les espaces des vieilles industries lorraines. us les manuels de géographie des années 1950 présentaient une carte de la Lorraine industrielle (carte no 1) composée de quatre grands bassins industriels spécialisés. Le plus ancien de ces bassins est celui de l’industrie extile implantée essentiellement dans les vallées vos iennes (photo no 1), dès le milieu du XIXe PAGF OF occupaient plus de 30 000 salariés. Quarante années de crises successives ont conduit à l’abandon de multiples usines aux toits de sheds et à ces forteresses du capitalisme industriel ; les effectifs se sont effondrés et ne subsistent plus que 3 300 emplois en 2001, en Lorraine.
Cependant, en 2000, la production lorraine de filés atteint 69 000 t (50 000 t en 1950) et celle des tissés, 56 000 t (48 000 t en 1950), soit respectivement 49 et 51 % de la production nationale. Il dagit donc avant tout d’une crise sociale qui s’exprime aussi par une recomposition des espaces de production. La localisation des trois autres bassins est liée à la présence de gisements miniers. L’industrie sidérurgique s’est implantée sur les gisements de minerai de fer contenus dans les calcaires oolithiques des côtes de Moselle.
C’est au nord que l’ensemble le plus vaste et le plus continu s’est ms en place, entre Metz et la frontière luxembourgeoise, d’abord au pied des côtes puis dans les vallées qui entaillent le front de ces dernières (vallées de l’Orne et de la Fensch) (photo o Les mines creusées en galeries sur les versants alimentaient les hauts- fourneaux installés au fond des vallées qui progressivement ont été totalement occupées par les autres éléments des complexes (aciéries, laminoirs, usines PAGF 3 OF puits verticaux ; cette annexion a également stimulé le développement de la sidérurgie au sud de la nouvelle frontière, entre Pont-à-Mousson et Nancy. Le plus souvent, ce sont les mêmes familles dindustriels qui, tout en conservant leurs sites en Allemagne, créent les nouvelles usines ; celle de Pompey, créée en 1875, est le seul exemple de epli total d’une entreprise. A leur apogée, en 1960, les 55 sièges en exploitation produisent plus de 62 millions de tonnes de minerai de fer, soit 94 % de la production nationale. Le maximum de la production sidérurgique est atteint en 1974 avec plus de 14 millions de tonnes d’acier, soit 53 % de la production française.
Le décalage dans le temps de ces deux maxima s’explique par la concurrence que subit la minette lorraine, pauvre en fer, de la part de minerais exotiques (brésilien, mauritanien, suédois) importés à moindre coût. Cependant, cinq ans après la l’entrée en fonction e l’aciérie ultramoderne de Gandrange (1970), au débouché de la vallée de FOrne (photo nb 2), la crise internationale de la sidérurgie affecte brutalement et durablement la production lorraine. En ce début du XXIe siècle, non seulement toutes les mines de fer sont fermées, mais presque tous les hauts-fourneaux sont arrêtés et nombre d’usines sont déjà démantelées (photo NO 4 et 5).
L’aire de production s’est contractée et se concentre principalement sur moins d’une dizaine de sites proches de la vallée de la Moselle. En dépit des plans sociaux successifs les effectifs de la idérurgie se sont 000 en 1962 à environ 10 000 à la fin du siècle. La Lorraine ne produit plus que 4 millions de tonnes d’acier, soit moins du quart de la production nationale. Le troisième pilier de l’industrie lorraine était celui du charbon. Le gisement de houille commence à produire en 1856 à partir de puits installés au fond d’une dépression, le Warndt, ouverte dans la couverture sédimentaire du plateau lorrain, au sud de la Sarre.
L’annexion par l’Allemagne, en 1870, n’a pas contribué ? son développement et ce n’est qu’après la première guerre mondiale et surtout après a seconde que la production devient conséquente : 7 millions en 1938 et plus de 15 millions à son apogée entre 1964 et 1 967 (28 % de la production nationale). La proximité de la sidérurgie aurait pu contribuer à un épanouissement plus rapide des charbonnages mosellans ; en réalité, le charbon du Warndt a longtemps été considéré comme inapte à la cokéfaction ; ce n’est qu’après 1952 que de nouveaux procédés le rendront utilisable, alors seulement, la sidérurgie est devenue un des tout premiers clients des Houillères du Bassin de Lorraine. Le charbon lorrain limente encore, sur place, à Carling, une usine carbochimique et une centrale thermique, même si les trois-quarts de la production réglonale d’électricité sont fournis par la centrale nucléaire de Cattenom.
A partir de la fin des années 1960, le pays Noir (photo no 6) a connu un déclin parallèle à celui de la sidérurgie, momentanément suspen deux dernières unités d’exploitation, Merlebach et La Houve ont fourni moins de 4 2 millions de tonnes (2001) et les H3L n’occupent plus qu’environ 5 600 salariés. Même si son importance n’est en rien comparable aux trois nciennes monoindustries lorraines, l’industrie chimique née de l’exploitation du sel gemme, mérite cependant d’être signalée. Si les vieux sites mosellans ont cessé toute production en rapport avec le sel, les deux unités de Solvay et Novacarb, dans l’agglomération nancéienne, à Dombasle et Laneuveville-devant-Nancy, constituent le seul pôle français de production de carbonate de soude.
L’extraction du sel et sa transformation marquent de façon spectaculaire l’environnement local tant par les carrières de calcaire que par les effondrements de surface à la verticale des entilles de sel, que surtout par les immenses bassins de décantation (photo no 7) qui permettent de limiter et réguler les rejets de résidus salés dans la Meurthe et les aquifères. La rétrospective qui vient d’être faite souligne l’importance du traumatisme qu’ont subi les vieux bassins industriels lorrains. L’ampleur de la crise se lit partout dans les paysages, surtout, dans ceux de la sidérurgie où des fonds de vallée autrefois entièrement occupés présentent, aujourd’hui, des plaies béantes ? l’emplacement des hauts-f es aciéries démontées. PAGF 6 OF généré une gestion uasi systématique de ces espaces, confiée un organisme public d’État, créé en 1973, l’E. P. M. L. ou Établissement public de la Métropole Lorraine, devenu E. P. L. Établissement Public Lorrain Foncier, en 2001). Si la mission de cet organisme s’est progressivement étendue à tous les « espaces dégradés » y compris aux friches militaires et ferroviaires, son action est particulièrement orientée vers le traitement des anciennes aires sidérurgique, charbonnière et textile. Ainsi, l’E. P. L. M. est intervenu dans quelques opérations emblématiques comme celle du traitement des riches de l’ancienne zone industrielle de Pompey (photos no 8 et g), aux portes de Nancy ou dans celle du Pôle Européen de Développement(PED) à la frontière belgo-franco-luxembourgeoise, sur l’ancien complexe sidérurgique de la vallée de la Chiers.
Cet organisme public est un acteur essentiel, à l’amont des politiques de reconversion mises en œuvre pour tenter de venir en aide à une région sinistrée. Certaines des friches traitées reçoivent de nouveaux établissements industriels de nature et de taille fort différentes des précédentes. Mais les nouvelles implantations ‘effectuent aussi en sites vierges, telle l’usine Renault (SOVAB) construite, en1980, sur le plateau minier mais au milieu des terres céréalières, ? proximité immédiate de l’autoroute A4. ; il en est de même de la zone d’activités de Villers-la Montagne, placée en pleine campagn PAGF 7 OF vallées sidérurgiques tissu industriel régional.
Y participent aussi des activités enracinées qui ne jouaient qu’un rôle secondaire avant la crise, telles que les Industries agro-alimentaires et celles du bois et du papier (photo nb 11). Parmi les nouvelles activités introduites, ‘automobile offre le plus grand nombre d’emplois (environ 20 000) et fait figure d’industrie de reconversion par excellence, comme dans le Nord-Pas-de-Calais. Dès 1969, la Lorraine a accueilli surtout des établissements équipementiers, même si la dernière usine construlte, celle de la Smart (1997), est une usine intégrée regroupant sur le site de Smartville, près de Sarreguemines, les chaînes de montage et les équipementiers (photo na 12).
Deux autres secteurs ont aussi participé à la diversification : ce sont d’une part les équipements électriques et électroniques, le plus souvent ‘origine étrangère et parfois éphémères, d’autre part la plasturgie surtout développée en Moselle et dans les Vosges. Quelque importants que puissent être les résultats de la politique industrielle, les emplois créés ne sont pas en mesure de compenser tous ceux qui ont été supprimés par la crise. C’est la proximité des frontières qui soulage le marché de l’emploi du nord de la Lorraine : en 2000 ce ne sont pas moins de 70 PAGF 8 OF Ce mouvement d’osmose frontalière n’est qu’un des aspects des multiples échanges qui se nouent dans un cet espace transfrontalier européen. Le corridor urbain méridien Le corridor urbain méridien. x espaces de forte densité (carte no 3) nés de l’industrie, s’ajoute un autre ensemble majeur dans l’organisation territoriale de la région. Cette aire étroite s’étire au long de la vallée de la Moselle, principalement du sud de l’agglomération de Nancy à Thionville. Elle se prolonge de façon beaucoup plus intermittente dans les vallées vosgiennes avec les foyers urbains d’Épinal et de Saint- Dié-des-Vosges (photo no 13). L’essentiel de ce corridor fortement urbanisé correspond à la présence ‘une métropole polynucléaire formée des trois agglomérations les plus importantes de la Lorraine (carte no 4). Dans cette bande étroite d’une centaine de kilomètres sont concentrés plus de 800 000 personnes soit plus du tiers de la population totale de la Lorraine.
Cette concentration doit sans doute beaucoup à la proximité des espaces de la sidérurgie et de la chimie avec lesquels elle se confond partiellement, mais aussi à l’histoire qui a fait émer er sur un des grands itinéraires européens les Moselle. La reconvertion du site industriel de Pompey. Cliché A. Humbert/CERPA 2002 C’est dans les années 1970 que les difficultés commencent avec l’abandon de la minette lorraine (1 972), une crise qui s’aggravera dans les années 1980. Cest le démantèlement progressif : les aciéries ferment d’ailleurs définitivement en 1 986, provoquant la disparition de 3. 000 emplois Aujourd’hui, Pompey appartient à run des 14 pôles de reconversion qui ont été définis par les pouvoirs publics. La vie urbaine est ancienne dans la vallée puisque Metz y jouait déjà un rôle important aux époques romaine et médiévale L’ancienne cité épiscopale est aujourd’hu un es deux pôles principaux de la métropole lorraine et elle a été choisie comme capitale administrative de la région. Depuis le recensement de 1999, l’agglomération messine, dans ses nouvelles limites, est de taille tout à fait comparable à celle de Nancy, avec 322 000 habitants. Bien que proche des grands foyers industriels de la Lorraine du Nord, Metz est demeurée une ville essentiellement tertiaire comme elle l’a été au cours d’une grande partie de son histoire. C’est dans la vallée de la Moselle élargie, libérée du corset que lui impose la traversée du plateau dep Metz s’est installée, sur la