L’ARCHITECTURE MÉDIÉVALE DANS LES DE MAINS LIBRES PAUL ELUARD ET MAN RAY RÉFÉRENCES HISTORIQUES, LITTERAIRES, ARTISTIQUES l. INTRODUCTION L’architecture, et l’es absent des Mains libr rues, peu d’immeubl naturelles à perte de peut distinguer deux org Sni* to nextÇEge st relativement s étendues e architecture contemporaine, qui fait r terence la modernité ; et une architecture médiévale, dont font partie châteaux. tours et murailles.
On distingue six diptyques poèmes / dessins évoquant l’architecture médiévale : « Château abandonné » à la page 19 « Les Tours du silence » à la page 38 ui serait tout à fait sensé, étant donné que Sade a passé de nombreuses années de sa vie emprisonné, et qu’il est célèbre pour s’être échappé de la Bastille lors de la révolutlon de 1789. b. Le château de La Coste D’après d’autres critiques, le château représenté dans ces mêmes « Tours du silence » pourrait tout aussi bien être le château de La Coste, château dans lequel aurait également vécu Sade, bien avant son premier emprisonnement.
Cette hypothèse a d’autant plus de force que, lors de l’été 1936, lorsque naît le projet des Mains libres, Eluard et Man Ray sont en acances dans le Midi de la France. Ils auraient tout à fait pu visiter
Les murailles médiévales d’Angers Le château des « Tours du silence » a été identifié, par certains critiques, comme les murailles d’Angers. En effet, les murailles angevines sont caractérisées par leurs bandes blanches, sur pierre plus sombre, qu’on retrouve en haut des tours – bandes qui sont reproduites dans le dessin de Man Ray. b. Le Château d’If Le Château d’If, situé sur lîlot du Frioul, a pu être visité, ou du mains aperçu, par les auteurs lors de leur séjour dans le Midi. hâteau fait face à la rade *AGF 9 rif q méridional Quant au « Château abandonné », le type d’architecture méridional (on devine la construction en pierres blanches), ainsi que la végétation de pins qu’on aperçoit derrière, feraient penser au type de châteaux qu’Eluard et Man Ray auraient pu apercevoir pendant leur séjour dans le Midi. Ainsi, certains de ces châteaux sont identifiables, et font éférence à une période historique précise. Ill.
REFERENCES LITTERAIRES Par ailleurs, le choix de représenter des châteaux médiévaux pourrait constituer un hommage littéraire, à plusieurs formes de littérature. 1. Pourquoi des châteaux médiévaux ? Pourquoi les auteurs choisissent-ils de représenter des châteaux médiévaux, plutôt que des châteaux type Renaissance, par exemple ? Plusieurs raisons peuvent venir à l’esprit, mais avant toute chose, représenter un château médiéval, c’est faire un clin d’oeil à la littérature de l’époque. a.
Hypothèse autobiographique Tout d’abord, si les auteurs choisissent de représenter des châteaux médievaux, c’est probablement car leur séjour dans le Midi les a influencés – mais pas seulement ! Représenter un château médiéval, c’est aussi défendre une esthétique médiévale. b. Défendre une esthétique médiévale : l’amour La vision de l’amour pour les surréalistes, par exemple, s’inspire beaucoup de l’amour cou pac;F3CFq courtois ; comme le spécifie André Breton dans ses Entretiens avec André Parinaud, en 1952.
Cependant, comme nous le rappelle Marie-Paule Berranger dans son ouvrage sur le Surréalisme, ette conception de l’amour courtois par les surréalistes reste ? nuancer, etant donné que l’amour surréaliste, s’il est basé sur un respect profond de la femme, ne se passe pas de l’amour physique, de la transgression érotique, et du thème de la possession du corps féminin. Toutefois, les surréalistes ont souvent revendiqué, et illustré par leurs travaux, une certaine conception de l’amour courtois.
Le thème de l’amour étant prédominant dans le recueil les Mains libres, le motif du château a pour conséquence de rappeler les origines médiévales de cette conception amoureuse. c. Défendre une esthétique médiévale : le merveilleux De plus, les Mains libres oscille, à certains moments, entre fantastique et merveilleux ; or, si le fantastique apparaît, en littérature comme en arts, beaucoup plus tardivement, une certaine forme de merveilleux apparait dès les premières représentations artistiques, au Moyen-Âge.
Pensez, par exemple, aux combats contre des créatures irréelles, aux dragons, aux hydres, mais aussi aux magiciens et aux fées, présents dans les romans et les textes se rapprochant de ce qu’on nomme « la matière de Bretagne » (pour désigner les romans ettant en scène le roi Arthur et ses proches). Ce genre de merveilleux est représenté, à certains moments des Mains libres. Ainsi, le serpent, monstre m holo i ue, qui passe sous la montaene, dans le dessin dans le dessin accompagnant « Où se fabriquent les crayons » à la page 118 en est un bon exemple.
Il évoque à la fois la tradition biblique (avec le serpent du jardin d’Eden), et une tradition merveilleuse s’ancrant dans le médiéval. L’esthétique médiévale, présente dans les Mains libres à travers la représentation d’une architecture médiévale, est donc à relier ?galement au merveilleux. 2. Le marquis de Sade Deux des châteaux représentés dans le recueil peuvent faire écho à l’oeuvre du Marquls de Sade. En effet, le château représenté dans les dessins de la partie « SADE » est, bien évidemment, la Bastille (cf. lus haut) ; d’autre part, certains châteaux représentés, par exemple dans « les Tours du silence », pourraient être des images d’un autre château ou vécût Sade, le château de La Caste. Mais pourquoi vouloir représenter les châteaux dans lesquels vécût le divin marquis ? a. L ‘hommage à un « écrivain fantastique et évolutionnaire » Tout d’abord, nous rappelons que le marquis de Sade était un écrivain emblématique pour les surréalistes, qui le considéraient comme révolutionnaire ? plusieurs points de vue.
Premièrement, la représentation sans tabou de l’amour et de l’érotisme, dans ses aspects les plus transgressifs, était révolutionnaire, à l’époque où écrivait le marquis de Sade. Cette audace (ou cette folie) lui valût des années d’emprisonnement. Les surréalistes, attachés également au fait d’aller au-delà des tabous, et voulant représenter l’amour et l’érotisme dans ce qu’ils o ‘oeuvre transgressive du marquis.
D’autre part, ils considéraient Sade comme un écrivain « révolutionnaire », aussi bien littérairement que polltiquement – rappelons que le marquis de Sade fut l’un des quelques prisonniers libérés lors de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. Or, c’est l’ambition des surréalistes d’être révolutionnaire, aussi bien littérairement (dépasser les clichés, les formes littéraires) que politiquement (beaucoup se rapprochent du communisme, rompent, s’engagent dans la Résistance… Paul Eluard en est le parfait exemple) b.
Sade : un portrait par le château ar ailleurs, la représentation du marquis de Sade dans les Mains libres est très liée au château. En effet, réaliser un portrait du marquis de Sade n’est, en soi, pas un choix anodin : en effet, comme le précise le texte d’Éluard, situé en vis-à-vis du premier dessin du marquis de Sade, à la page 125 : « On ne connaît aucun portrait du marquis de Sade » — aussi le portrait que réalise Man Ray est-il inédit : un premier portrait du marquis ; un portrait, par conséquent, imaginaire, mais qu’il a voulu fidèle.
Or, il est encore plus intéressant pour notre thématique de onstater que le portrait de Sade est indissociable du thème du château, et donc de l’architecture médiévale : en effet, le visage de Sade, dans les deux portraits qui lui sont consacrés, est incrusté dans la pierre. Ce choix de représentation a, a priori, pour but, d’illustrer l’indissociabilité entre le marquis de Sade et ce château de la Bastille, où il a été emprisonné si longtemps. Par ailleurs, le mar uis a ant passé l’essentiel de sa vie s des châteaux (la longtemps.
Par ailleurs, le marquis ayant passé l’essentiel de sa vie en prison dans des châteaux (la prison de Vincennes fut un autre lieu élèbre de son Incarcération) ou dans un milieu aristocrate dans son enfance, le château est, en quelque sorte, son emblème. Sa sortie du château, à la fois comme lieu de vie et comme lieu d’emprisonnement, avec la Révolution de 1789, est ce qui le caractérise de révolutionnaire. Aussi l’élément médiéval est-il ici pris à parti, pour représenter au mieux le marquis. Pour en apprendre plus sur le sujet, n’hésitez pas à consulter l’une des fiches que nous consacrons au marquis de Sade. . e château d’If On lia déjà mentionné, la représentation du château d’If dans les Mains libres est en partie autobiographique : il est fort probable qu’Éluard et Man Ray aient aperçu, voire visité, le château, durant cet été 1936 qui vit naître le projet des Mains libres. Toutefois, le cholx de sa représentation tient aussi dun hommage littéraire. a. Un clin d’oeil au roman d’aventures Mais surtout, l’allusion au château d’If est une référence au roman du XIXème siècle, le Comte de Monte-Cristo, un roman d’aventures d’Alexandre Dumas.
Dans ce roman, le jeune Edmond Dantès est trahi, par jalousie, alors qu’il va se marier avec Mercedes : on l’enferme injustement au hâteau d’If. Dans l’obscurité des cachots, il rencontre l’abbé Faria, qui lui apprend l’existence d’un trésor. Après s’être évadé du château, Edmond emploiera toutes ses ressources à la vengeance. Cette allusion au château ‘une référence référence autobiographique, pourrait tout à fait être une citation au roman d’aventures du XIXème siècle. b. Comment interpréter le personnage ?
Le personnage masculin, vêtu d’une redingote, ne semble pas être à sa place, et ce pour plusieurs raisons : Il est le seul homme du recueil Il est habillé de manière très élégante, ce qui ne se voit pas dans e reste du recueil. Son noeud papillon, et sa redingote, participent de l’esthétique du bal, dans le recueil. Il est mis en avant, à la fois par sa position dans le dessin (au centre, en évidence), et par sa gestuelle (tirer sur son noeud papillon). En fait, ce dessin est le seul du recueil qui puisse ressembler à une photographie de vacances, si on exclue les dessins de la rubrique Portraits ».
Aussi est-il possible d’interpréter ce personnage comme une représentation anachronique d’Edmond Dantès, heureux d’être enfin sorti de prison, et nouvellement riche. Cependant, notez ien que le léger sourire qui flotte sur le visage de l’homme représenté par Man Ray ne reflète en rien la détermination, et la engeance, du héros surréalistes aient d’abord admiré ses représentations métaphysiques, son rapprochement du classicisme, au début des années 20, déçoit grandement les surréalistes.
Dans La Révolution surréaliste (1926), André Breton déclare ainsi en continuant de peindre, n’a fait depuis dix ans que mésuser d’un pouvoir surnaturel… Cette escroquerie au miracle n’a que trop duré. » Aussi faut-il noter que les Mains libres fut composé après que Chirico fut tombé en désuétude pour le mouvement surréaliste – ceci devrait nuancer nos propos quant à l’influence de Chirlco, et particulièrement du motif de la tour, dans le recueil de Man Ray et Eluard. . La tour comme hommage à Chirico Nous nous permettons de citer ici Marie-Anick Gervais Zaninger qui, dans son étude des Mains libres (éditions Atlande) précise, au sujet du motif de la tour dans les Mains libres : « Avec la disposition de places aussi vastes que vides, c’est l’un des éléments constants de la période « métaphysique » du peintre Georgio (sic) de Chirico (citons « la rande Tour » de 191 3), si admirée des surréalistes.
La représentation mythique par excellence de ce type de construction est évidemment la Tour de Babel, qui symbolise l’orgueil démesuré des hommes, désireux de rivaliser avec Dieu en atteignant le ciel, et qui dépassent ainsi les limites qui leur sont imposées. Eluard reprend ce motif dans son oeuvre (en particulier dans son poème « Giorgio de Chirico » dans Capitale de la douleur), le chargeant d’ailleurs souvent d’une connotation négative » (pages 130 – *AGF g c,Fq connotation négative » (pages 130