HERM 008 0199

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L’IDENTITÉ NATIONALE De l’incantation à l’analyse Philip Schlesinger et al. C. N. R. S. Editions Hermès, La Revue 1991/1 -no 8-9 pages 199 à 239 ISSN 0767-9513 ISBN 2222045614 Article disponible en ligne à l’adresse: ——http w or 79 -1991-1-page-19g. ht Sni* to View Document télécharg 02/05/2015 18h46. @ C. N. R. S. Editions Pour citer cet article : hermes-la-revue 109. 228. 150. 87 ———Schlesinger Philip et al. ,« Cidentité nationale l’incantation à l’analyse, Hermès, La Revue, 1991/1 no 8-9, p. 199-239. Distribution électronique Cairn. info pour C. N. R. S. Editions. @ C.

N. R. S. Editions. Tous droits réservés pour tous pays. Document téléchargé depuis www. cairn. info – Philip Schlesinger Marc Abeles Pierre-Andre Taguieff Alain Boyer Jeffrey C. Alexander Joseph R. Gusfield 199 02/05/2015 18h46. @ C. N. R. S. Éditions Ill. TRADITIONS ET CRITIQUES Philip SchlesiQger universite de Stirling, Royaume-Uni L’IDENTITE NATIONALE a l’ analyse Traduction de Janet Cheng et Daniel Dayan – 109. 228. 150. 87 – 109. 228. 150. 87 – Depuis que Philippe Schlesinger a redige cet article en 1987, de nombreux ouvrages ont traite partiellement ou non ce theme de l’identite de ! Europe, theme qui devient un obie PAGF OF ag ritique sur

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la notion d’identite nationale. Au depart, mon propos se limitait a interroger quelques etudes recentes en matiere de communication et de culture sur les problemes d « identite culturelie», d « espace audiovisuel » ct de «defense de fa HERMES 8-9, 1990 201 De l’incantation Medias et identite culturelle Euro-Angst, Euro-Kultur-als-Losung – 109. 228. 150. 87 « Cidentite nationale » est devenue ! ‘inevitable slogan des debats contemporains sur les rapports entre la production et la consommation de la culture et la constitution de l’Etat-nation ou de la CEE.

La sollicitude pour l’identite s’exprime dans divers ontextes, et renvoie a plusieurs hypotheses. A l’interieur de la CEE, apparaissent diverses mises en garde culturelles. La plus symptomatique provient du «Green Paper» de la Commission europeenne (CCE) intitule «Television without Frontiers»: « L’in/ormation est un facteur decisif, peut-etre essentiel, de ! ‘unification europeenne L’unte europeenne ne se /era que si les Europeens le desirent. Les Europeens ne le desireront que s’il existe quelque chose comme une identite europeenne. L’identite europeenne ne se ‘era que si les Euro eens sont correctement informes.

A l’heure actuell PAGF OF lg téléchargé depuis www. airn. info – 02/05/2015 18h46. C C. N. R. S. Editions culture nationale J’ai adopte une approche analytlque, conceptuelle et deliberement evite les recommandations concretes. Je m’interesse avant tout aux termes du debat: y a-t-il une pensee conceptuelle serieuse derriere la multiplicite des slogans? Helas, il y en a peu ou pas du tout : I identite culturelle D, « l’espace audiovisuel « la culture nationale » fonctionnent comme autant de gadgets : ils conferent de la respectabilite aune serie de projets polltico-economiques qui s’ affrontent dans le domaine culturel. est cependant impossible di eviter les questions ‘ordre theorique qui sous-tendent les assertions a l’emporte- plece. n ne faut done pas se contenter d ‘etudier les discours des specialistes des medias et des politiciens de la culture. Comme le montrera la premiere partie de cet article, ce discours ne nous apprend pas grand-chose sur l’identite natlonale ou sur le role des processus culturels dans sa construction. C est pourquoi, dans un second temps, j’analyserai un corpus de textes que les specialistes des medias feraient bien de lire et de mediter. s’agit de contributions recentes pour la plupart, ala theorie sociale et al’historiographie. Ces ontributions nous permettent de juger ! ‘importance des problemes qui se posent lorsqu’on parle « d’identite nationale Mais, a rna surprise, ces contributions elles-memes ne proposent pas de theorie explicite sur cette notion. J e n’ ai pas cherche ici a en emettre une, me contentant finalement d’indiquer les quelques directions que pourraient vail futur sur la question. la boite de Pandore des difficultes a resoudre.

Je ne presente done ici qu’une premiere approche, fort provisoire, de ce qui promet d’etre un domaine en expansion. 203 rapport, pp. 22 et 28), c’est la rhetorique employee et ce qu’elle suppose. Liobjectif est ! unite_ « L’information » (qui peut etre consideree comme un aspect de la «culture» au sens large [anthropologique] de ce terme) est le moyen d’y parvenir. On nous dit que ! ‘unite au niveau europeen est la consequence d’un acte volontaire dependant cl’une condition prealable : une « identite europeenne Mais celle-ci depend, a son tour, d’autre chose: d’information».

L ‘information (la culture) est done censee jouer un role dans l’homogeneisation’ou l’articulation de la volonte: il s’agit d’une vision profondement idealiste et volontariste de la construction de 1 ‘ordre social desire, cette explication parait assez nvraisemblable. Je ne voudrais pas trop insister sur cette far,;on de prendre (litteralement) des desirs pour des realites. Toutefois, une autre citation revient a la charge. Elle est tiree dune brochure intitulee European Community and Culture : « Une communaute de culture en Europe est de•a un fait indeniable.

Sous fa rficielle des langues, des PAGF s OF lg siecles, notre civilisation commune » (Commission des Communautes Europeennes, 1985, p. 3). Les memes arguments en trent a nouveau en jeu. Il existe une culture commune; la diversite n’est que superficielle ou epiphenomenale. En effet, la culture commune confere deja une dentite aux Europeens. En clair, il y a la une version encore plus affirmative d’un modele au le probleme epineux de la diversite reelle des cultures est resolu par une formule rituelle : ! ‘unite dans la diversite. Mais comment imaginer ce patrimoine europeen? ? Cunite dans la dlversite » est une formule parmi bien d’ autres. Il y a toujours eu ambigui’te sur 1′ «Europe» en tant que categorie. A ce propos, un livre intitule The European Inheritance, offrant vers la fin de la Deuxieme Guerre mondiale une histoire «objective» de la civilisation europeenne (cf. Barker et al. , 1945) se revele instructif. Redige a l’intention de la jeunesse, ce livre a pour but d’offrir une version positive de l’histoire europeenne, laissant a 1′ arriere-pl an 1′ episode nazi et evaluant, sans trop s’ en emouvoir, les divergences de l’apres-guerre.

Dans le chapitre final, «Recapitulation et epilague», un historien eminent, Sir Ernest Barker, etablit une distinction entre une conception meridionale de l’Europe, remontant ala Grece antique:« une mer, avec les cotes qui l’entourent et l’arriere-pays », et une conception « nordique ou moderne « une longue peninsule horizontale s’itendant dOuest en Est (ou d’Est en Ouest, au choix) ui constitue physiquement une annexe ou une extension de fa vaste masse terrestre de l’Asie » (1954, p. 296).

Il est evident, mais cela m PAGF 6 OF lg eme d’ etre dit, que l’identire culturelle supposent une prise de position concernant un processus historique long et complexe. L’imprecision meme des formules europeennes actuelles temoigne des problemes que pose l’histoire, et en particulier celle des guerres et des rivalites internationales. pour citer une formule sur laquelle nous reviendrons ulterieurement, les Euro-ideologues doivent creer une « communaute imaginee » a partir d’un espace eographique : «La grande Europe des geographes – ! Europe qui s’etend de la cote ouest de l’Irlande al’Oural, et du Cap Nord ala cote sud de la Sicile – a toujours constitue une unite spatiale plut6t que mentale et historique » (Barker et al. , 1954, p. 346). Revenant au« Green Paper», nous decouvrons que li unite presumee est encore en cours de realisation. La television – particulierement les programmes europeens -y rec;oit une mission importante qui consiste a « developper et alimenter la conscience de la richesse et de la diversite du patrimoine culture! t national commun aux Europeens et « romouvoir la reconnaissance d’une destinee commune» (CCE, 1984a, p. 28). Le document de la Commission, cependant, annonce sereinement et contradictoirement (mais y a-t-il une coherence de l’Euro-discours ? ) que la 09. 228. 1 50. 87 – sur cette rhetorique, ecoutons le message que nous adresse l’un des peres de la Communaute : « Sil fallait refaire la Communaute europeenne, dit Jean Monnet, il faudrait commencer par I PAGF 7 OF ag est destinee ici a servir des interets economques.

Elle fonctionne comme le synonyme modere d’un protectionnisme. Tl s’agit de defendre des emplois et des capacites de production. Avant de passer a d’autres formes rhetoriques proches, on soulignera le point de vue de l’histoire europeenne qui accredite les documents officiels. La pretendue culture commune est nee des «apports d’individus, d’idees, de styles et de valeurs di/ ferents D, tout au long des siecles.

Mais on pourrait aussi envisager les choses sous l’angle des ravages infliges par des siecles de guerre sur le vieux continent et par 1′ expansion imperialiste a 1 ‘echelle mondiale. Ces ravages ne sont-ils pas egalement fondateurs? Le silence est symptomatique• la culture commune peut tres bien etre consideree comme une creation imaginaire fondee sur ‘ amnesie necessaire concernant un passe detestable. L’Europe actuelle, avec une « culture commune» ou non, resulte des ravages de la Deuxieme Guerre mondiale et de l’ordre mondial qu’elle a instaure.

Au risque de paraltre deraisonnable, on peut lire ce theme de 1′ « unite dans la diversite » comme une distorsion allant jusqu’a la reecriture de l’histoire et la recodification de la memoire sociale. Les images en tant que defense culturelle Les problemes des Eurocrates sont peu a peu devenus la preoccupation des universitaires et des consultants. prenons l’exemple de ! ‘European Cultural Values Project (dont le titre uppose li existence de ce qu’il est cense decouvrir) mene depuis l’Institut Europeen des Medias 204 8 OF ag de television, creera des emplois et aidera ! Europe aprotiger son identiti culturelle et ses espoirs d’ expansion economique, face a ! ‘expanslon americaine etjaponaise » (CCE, 1984a, p. 4). lei, l’identite semble exister deja: il y a une culture supranationale a defendre, 1 i « Europe » etant conc;ue comme un sujet ou un agent deja constitue (cf. Towards a European Television Policy, CCE, 1984b, pp. 8-9). Pour rencherir 205 Document téléchargé depuis www. cairn. info de l’Universite de Manchester.

Dans une recente etude intitulee Television in Europe, Anthony Pragnell (1985) s’interroge sur « ce qui peut etre fait pour encourager une plus grande europeanisation de nos services de television Son projet repond aux preoccupations des organismes de television des petits pays d’Europe de l’Ouest « inquiets de lie//et que peut avoir sur la culture et les valeurs europeennes, la projection de programmes de television venant de l’etranger, plus particulierement d’Amerique du Nord» (Pragnell, 1985, p. Il. Le defi americain est de retour! Ceci n’est pas nouveau, ni sans Importance.

Cependant, ce qui est clairement ignifie, c’est l’existence d’une «culture europeenne » et de « valeurs europeennes Il est egalement postule que lion uisse arler intelligiblement d' » effets »sur un «obiet» clair PAGF ag provenance d’autres pays (en particulier des Etats-Unis avec leur imposante diversite culturelle) pourrait se traduire par un al/ aiblissement de la culture, des valeurs et de la confiance en leurs propres traditlons des pays europeens . Un recours excessi/ a des productions americaines pourrait exercer un e//et semblable sur le sentiment d’une identite commune dans ! ‘ensemble de /Europe occidentale.

Ce sentiment xiste deja dans une tres large mesure. Les institutions europeennes ant pour but de ! ‘encourager» (op. cit. , p. 5). Cette vision des chases ne semble pas beaucoup dfferer, dans son esprit, de la these de l’imperialisme culture! souvent defendue au cours des deux dernieres decennies, dans un contexte marxiste par Herbert Schiller et dans une optique liberale par Anthony Smith ( 1980). Dans un texte recent, Schiller repete que les multinationales contemporaines ont reussi a demanteler les organes nationaux de radiodiffusion et de telecommunication, grace a leur acces quasi total aux systemes d’information nationaux.

Elles sont en asse d’occuper une position dominante dans chaque contexte national, en saturant 1 espace culture! de la nation. Les societes multinationales etant en mesure de contourner 1′ autorite nationale, la protection culturelle nationale est devenue vaine. (Schiller, 1985, p. 18). « L’espace culture! » fonctionne ici comme « l’identite europeenne h. La difference fondamentale en matiere de diagnostic vient du fatalisme de Schiller quant ala « defense de la cultures et du besoin irrepressible, chez Pragnell, de faire quelques suggestions raisonnables quant a la fa<;on de resister. Le texte de Pragnell cite ci nt plusieurs derives