Henri GODARD, Louis Guilloux romancier de la condition humaine, Gallimard, 1999 1. INTRODUCTION Centre de gravité Œuvre qui souffre encore d’images réductrices (populisme, régionalisme, auteur engagé ou militant, romancier social) + fidélité de l’auteur à lui-même ce qui le coupe des recherches spectaculaires de ses contemporains. Deux sentiments ; le sentiment existentiel de notre condition et le sentiment de ce qu’est et de ce que devrait être la place d’un individu dans prit et la société.
Atout sup humaine, à sa trans prolongement dans où le dialogue perdai du langage, recherch or 19 rs à la parole els, dialogue et leur trui… ) à une époque ieux (détournement e l’Absurde… etc. ). Pour Guilloux, vision de l’homme fondée sur la relation avec autrui. présence discrète mais indispensable pour nous aider ? comprendre existence, société, histoire et le roman, dans paysage romanesque du 20e.
La maison du peuple et Le Sang noir ont contribué à créer cette image de romancier du peuple et écrivain militant. Camus : « le romancier de la pauvreté « Quant à ce sentiment politique très personnel dont aucune étiquette ne saurait rendre compte, s’il n’est jamais absent, même es récits les plus brefs, il ne suffit non plus
Soucieux, surtout dans ses derniers romans, de trouver formes narratives nouvelles pourvu qu’il les sente correspondre à ce qu’il veut traduire. Cf. Les batailles perdues, un personnage reproche à un autre son langage « un peu voyant » : sentiment de Guilloux lui- même dans une époque où on valorise la singularité du style y compris quand il s’impose avec violence et excès. Malraux propose une autre piste : le sens de la mort » qui l’aide ? préciser sa propre pensée sur le roman et sur la littérature. « la dignité qui nait de la conscience de la douleur, à laquelle les ommes n’arrivent pas à se tenir « l’inlassable confrontation de l’homme et de la souffrance » ; œuvre de Guilloux : restituer ces moments de toute une vie où un homme en vient à tenter de penser la vie même, à se demander quel sens elle a, la sienne, mais aussi la vie en général, qu’elle soit posée consciemment ou simplement à l’état d’intuition obscure : « dans une déchirure de la trame, l’énigme, soudain, est redevenue sensibl d’intuition obscure : « dans une déchirure de la trame, Hénigme, soudain, est redevenue sensible.
Rien ne va plus de soi » (p. 14). Guilloux refuse littérature d’évasion ou d’accomplissement facile des désirs du lecteur, refus aussi de la littérature de connaissance psychologique, sociale ou recherche morale. Toujours en arrière-plan mais pour réveler autre chose, prise de conscience existentielle toujours enfouie par la routine ou par anesthésie de la vie au jour le jour. Quête par contre nullement tournée vers conversion religieuse. Le mot de condition chez Guilloux se prend dans un sens social : la condition du pauvre, de paria.
Interrogations d’ordre métaphysique peuvent servir d’alibi à l’acceptation de la société telle qu’elle est. ne conscience sociale et politique aigue et son corolaire de lutte, jamais absents des récits, même des derniers alors qu’il s’agit de personnages âgés qui font surtout le bilan intime de leur vie. Dimension existentielle 4 fond d’une peinture des inégalités sociales et constitutives de la société. « On ne trahirait pas moins Guilloux en perdant de vue son engagement qu’en l’y réduisant » (p. 7). Guilloux dans sa génération Malraux, Céline, Giono, Bernanos… etc. Ont tous connu fracture majeure dans l’histoire (WWI), littérairement et philosophiquement, œuvre marquée par expérience existentielle sensible à philosophie de Nietzsche, romans de Dostoïevski, Pascal, Gogol, Tolstoï, Tchekhov… etc. (communauté de références). Expérience de la g Dostoïevski, Pascal, Gogol, Tolstoï, Tchekhov… etc. (communauté de références).
Expérience de la guerre vécue d’une ville de province où discours servait à mobiliser, glorification de la guerre, « l’union nationale Intégration de Guilloux à ce mouvement du roman français inauguré dans années 30 est masquée par la différence de notoriété actuelle avec certains de ses représentants. Ce qui le rapproche de Malraux, même si style romanesque très ifférent : inscription dans le roman d’une volonté de changer l’ordre social redoublée d’une interrogation métaphysique. Incarnations complémentaires pour une même démarche.
Mêmes interrogations et même combat : refuser l’intolérable sous toutes les formes qu’il puisse prendre, dans l’exceptionnel comme dans le quotidien. Malraux nomme cela une « accusation de la vie » : tragique de l’existence, de l’histoire et de l’action dans l’histoire. L’appel d’autrui et à autrui Détresse des personnages de Guilloux mais ne cherchent pas de secours dans confrontation violente ou dans sensation qui vient u monde mais dans relation avec autrui. Coco perdu pressent abandon de sa femme et n’a de cesse de se trouver dans des lieux publics.
Il sort, regarde autour de lui, observe, se met en marche pour avancer mais surtout pour éviter inertie, immobilisme de la pensée handicapante et angoissante qui se répète, ressassement de la même idée qui ne débouche sur rien. Pas le fait que la détresse d’autrui soit une consolation mais il y a dans regar sur rien. Pas le fait que la détresse d’autrui soit une consolation mais il y a dans regard et écoute qu’un homme peut prêter ? ifficulté d’être de son semblable, et dans la réciproque que cela implique, une expérience d’une portée incommensurable avec son apparente banalité. ? Nulle part ailleurs Pindividu n’a le sentiment d’accomplir autant son humanité ; lui à qui tout échappe tant qu’il reste en tête ? tête avec lui-même, jamais il ne se sent aussi pleinement être que dans cette rencontre avec autrui, si dans ses yeux ou dans des propos qu’un autre ne remarquerait pas, il sait distinguer l’expression muette ou indirecte de leur commune condition » (p.
Il tire de cette expérience fondatrice les conséquences morales e solidarité et même de responsabilité qui s’ensuivent à l »égard dautrui. Sartre : l’être-pour-autrui VS Guilloux : l’être-par-autrui (cf. philosophie de Levinas : antinomies de la présence à soi ne trouve remède que dans la présence d’autrui et dans la présence à autrui ! ) Unité et diversité de l’œuvre 14 romans ou longues nouvelles, plus ses contes et nouvelles de jeunesse, Le Sang noir oblitère le reste de l’œuvre.
C’est le roman à partir duquel tout découle et à partir duquel le reste de l’œuvre reste à découvrir. Œuvre qui frappe par sa diversité : vs Céline ou Malraux, Guilloux pas identique à lui-même dans chacune de ses œuvres mais cherche plutôt à chaque fois à surprendre lecteur de l’œuvre précédente, ou à se renouveler, se dépasser lui-même PAGF s OF lg chaque fois à surprendre lecteur de l’œuvre précédente, ou à se renouveler, se dépasser lui-même (volumes allant de 100 pages à 800).
La maison du peuple : luttes d’un artisan pauvre, peinture elliptique et Guilloux fait une force de cette retenue VS Dossier confidentiel : adolescent bourgeois en révolte contre société et en prises à problèmes intimes, oncle odieux, tant écrasée ar son mari, communication avec autrui difficile et toujours décevante, il finit enfermé dans prison pour un crime qu’il n’a pas commis ; révolte intérieure contre la société, avec, derrière, la guerre, et enfin, l’argent qui est son fondement.
Deux pôles qui se dessinent à partir de ces deux œuvres. Confluence de ces deux mal de vivre, un par la société, l’autre intérieur, propre à la condition humaine. Révolte contre les dlscours et catégorie qui alimentent débat politique et social et responsables de ce qu’est la réalité (le fait de juger normale l’inégalité, et l’exaltation de la uerre). Entre personnages singuliers, hors norme (cf. Cripure) et foule de personnages ordinaires (réfugiés politiques, victimes de crise économique… , diversité des personnages de son œuvre mais tous se rejoignent dans intuition d’une necessaire remise en question du monde qui les entoure, interrogations sur la vie, directe ou indirecte, difficilement traduisible par mots. Tous ont une « idée » par rapport à laquelle ils jugent la vie qu’ils se font ou qu’on leur fait. 2. E SANG NOIR « La vérité de cette vie, ce n’est p la vie qu’ils se font ou qu’on leur fait. 2. LE SANG NOIR ? La vérité de cette vie, ce n’est pas qu’on meurt, c’est qu’on meurt volé. » (Guilloux, Le Sang Noir) « Ce qui me plait dans Le Sang noir, c’est qu’il offre de quoi perdre pied » (Gide).
Le roman français se caractérise souvent par enchainement sans faille causes-effets. Pour le lecteur habitué à ce modèle, Le sang noir appartient à nouvelle génération de romans. « On lui a tant reproché son côté canalisé qu’il est bon qu’elle ait aussi des fleuves débordants » (Maria Van Rysselberghe). La génération des hommes au sang noir (génération des survivants de la guerre de 14). Crpure, personnage central et focalisateur. Roman sous- tendu par alliance d’interrogation métaphysique et de révolte sociale.
Roman qui a tout pour être placé du côté de la tradition romanesque du 19e. Guilloux attaché à cette forme narrative, en plein époque du Nouveau roman. Mais avec Proust et Joyce, ruptures introduites dans le roman moderne. Récits traditionnels assure fonction de mise en ordre temporelle des évènements d’une vie, et Sang noir respecte cette chronologie. Mals dan expérience intime, le passé n’existe que dans notre présent, sous forme de souvenirs fragmentaires, lacunaires, non hronologiques, non situés les uns par rapport aux autres, ordre qui nous échappe. ? Dans le fond tout cela n’avait qu’un sens : ils n’étaient les uns et les autres que des instruments ignorants d’une nécessité absolue, à savoir qu’il disparut de Punivers autres que des instruments ignorants d’une nécessité absolue, ? savoir qu’il disparut de Funivers. Deux fois dans la même journée, on lui signifiait son congé » (à propos de Cripure). « c’est qu’on meurt volé » : Guilloux réfute Céline pour rétablir du côté de la métaphysique le fait social du sort réservé au plus grand nombre.
Même si ce n’est pas la motivation la plus profonde de son écriture, il n’imagine pas de raconter une histoire qui se passe dans la société de son temps sans dénoncer d’abord l’injustice de celle-ci. Il n’y a là pour lui une donnée non moins essentielle que la mort. Chacun, dan une telle société, est nécessairement situé d’un côté ou de l’autre, soit bénéficiaire, voire profiteur, soit victime ; chacun est nécessairement engagé par tout ce qu’il fait, fut-ce un roman, dans la lutte contre l’injustice ou pour son maintien, qu’il le veuille ou non, qu’il le sache ou non.
Mais Guilloux a sa manière propre de percevoir cette injustice. L’expérience sociale, toute concrète et liée à l’action qu’elle est, se trouve prise en charge chez lui par l’imaginaire. Ainsi se figure-t-il le sort fait au plus grand nombre, moins comme l’écrasement, l’oppression, l’injustice et l’humiliation qu’il est pour d’autres, que comme un vol. cette notion dans son œuvre n’en finit pas de se transformer pour trouver sa place dans tous les registres de l’expérience, y compris dans sa dimension existentielle. » (p. 17) « Les positions sur lesquelles Guilloux engage ses roma a dimension existentielle. » (p. 1 17) Les positions sur lesquelles Guilloux engage ses romans ne sont jamais seulement politiques. Ni les terrains ni les enjeux de la lutte ne se limitent à ce qu’un changement de nature politique pourrait apporter. Le différend avec les adversaires ne porte sur rien de moins que sur une conception et sur une pratique de la vie. Le val commis aux dépens du plus grand nombre est existentiel aussi bien qu’économique. La dimension politique ne peut pas plus être séparée de la dimension métaphysique que l’inverse (p. 25) « Que penser d’une humanité entièrement occupée à se étruire ? : idée d’une obéissance, d’un consentement à notre sort. Guilloux soucieux de prendre dans chacun de ses romans une position sur la société contemporaine, sur les changements qu’elle appelle et sur les chances de ces changements. Il sait que ce qu’il a à dire sur d’autres plans risqueraient de paraitre une fuite s’il ne donnait d’abord son sentiment sur le fondement et le fonctionnement de la société dans laquelle se situe l’histoire qu’il raconte, et sur la possibilité d’une autre qu’il reste à inventer.
Il s’y emploie si bien que certains sont parfois tentés de réduire ses omans à cette seule dimension d’engagement aux dépens de la dimension existentielle. Mais il est de ceux pour qui l’une ne va pas sans l’autre. » (p. 146) 3. LES RÉCITS D’ENFANCE Faits et paroles jamais très développés et sans lien explicite. Jamais elles n’atteignent la dimension d’une PAGF lg paroles jamais très développés et sans lien explicite.
Jamais elles n’atteignent la dimension d’une vision générale de la situation encore moins d’une explication (p. 21 3). Exigences de la pudeur. Critique de La maison du peuple par Schlumberger qul parle de « misérabilisme » qui va dans le sens de ‘étiquette d’écrivain opuliste. La pauvreté et ses conséquences, domaine des relations sociales, hiérarchisation des strates de la société, différents aspects d’une même humiliation : l’enfant ressent la privation comme une différence c’est-à-dire comme une infériorité d’être.
Selon les moments la conscience de ce déni pourra être ressentie de bien des manières : refus, mépris, interdiction ou interdit, honte d’être au monde, réprobation. plus loin, peut atteindre différents degrés d’exclusion, car sentiment d’appartenance seuls de notre espèce, retranchés de la communauté être le prisonnier d’un rdre où l’on n’a pas choisi d’entrer, l’essentiel reste toujours ce refus des autres de vous reconnaitre comme homme.
L’éveil chez un enfant d’un sens du mal, la perte d’une innocence, l’épreuve intime de ce mal qu’autrui lui fait subir, son spectacle quand un adulte l’inflige à un autre sous ses yeux ; sans s’agir de psychologie, mais de la découverte d’une autre dimension de la vie humaine. « L’innocence est Indivisible. En la perdant pour soi, on la perd dans le regard que l’on porte sur autrui » (p. 227) « Dans mon regard, il y avait certes de la haine, la rage mortelle de