Expos Adverbe

Expos Adverbe

Les adverbes constituent en berbère, comme dans beaucoup de langues, un ensemble foisonnant difficile à structurer. Les descriptions ont d’ailleurs bien souvent sur ce point l’aspect de fourre-tout ou d’énumérations inorganisées. Les adverbes ne constituent pas une catégorie indépendante et homogène, mais plutôt un ensemble (instable) d’unités dlsparates (appartenant à diverses classes) susceptibles de connaître des emplois adverbiaux. La notion d’adverbe ne définit pas une appartenance catégorielle mais plutôt une caractéristique syntaxique (hic et nunc) de certaines unités en fonction de déterminant.

Fondamentalèment, ce qui permet d’identifier un adverbe c’est: – sur l’axe syntagmati e: or 10 syntaxique. – sur l’axe paradigma Sni* to View e formelle de liaison ute avec des syntagmes dont la relation au predicat est assurée par des indicateurs de fonction explicites: 1. a ten y-awi bat’el « il les emmènera gratuitement » 2. a ten y-awi s yedrimen « il les emmènera pour de l’argent, contre paiement » Les adverbes sont donc des déterminants (expansions facultatives) ayant comme particularité de n’être reliés au reste de l’énoncé par aucun indicateur de fonction explicite.

Ce sont es « monèmes autonomes » dans l’acception d’A. Martinet: ils « se chargent eux-mêmes d’indiquer leur fonction, (et) ne dépendent pour ce faire, ni

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d’un autre monème, ni de leur position par rapport aux autres éléments de l’énoncé », Martinet déplaçabilité. Mais les possibilités de déplacement sont extrêmement variables selon les cas: très grandes pour certaines unités, quasiment nulles pour beaucoup.

Tout dépend en fait de la nature du point d’incidence: si l’adverbe détermine l’ensemble de l’énoncé, il aura de réelles latitudes de déplacement et les variations sémantiques liées à sa position elèveront du niveau des effets de sens. C’est généralement le cas pour les adverbes temporels. En revanche, si l’adverbe se rapporte à un constituant particulier de l’énoncé (un adjectif, notamment) sa position ne sera passusceptible de connaitre de variation : il sera nécessairement placé près de l’unité qu’il détermine.

En berbère les adverbes constituent un inventaire semi-ouvert de formes invariables, d’origines diverses, mais le plus souvent issues de la sphère nominale : drus, « peu » ( < verbe idras/idrus « être peu nombreux ass-a, « aujourd'hui» ( < nom + déictique = « jour-ci Les adverbes portent donc souvent les marques apparentes du nom : aras, « beaucoup» (kabyle) imik, « un peu» (chleuh). Mais le processus de la dénominalisation est toujours nettement enclenché: les adverbes ne peuvent pratiquement jamais être prédicats de phrase nominale canonique (avec morphème de prédlcatlon d ou verbe copule eg, selon les dlalectes) .

On peut, dans chaque dialecte, isoler des sous-ensembles -restreints- d’adverbes uni-fonctionnels auxquels on peut réserver la dénomination d’« adverbes spécifiques » ; c’est le cas, par exemple, des adverbes « intensifs» de Ghadames (Lanfry, 1957, 968) : 10 s’est cassé net Mais, le plus souvent, à cette petite série bien délimitée, s’ajoute une longue liste de déterminants adverbiaux non-spéciflques, c’est-à-dire, conservant par ailleurs une partie variable des fonctions du nom et/ou pouvant être employés comme indicateur de fonction (préposition).

Il y a donc une constellation: « Noms- Adverbes-Prépositions » dans laquelle les « adverbes» évaluent avec une grande fluidité; cela rend évidemment délicate toute présentation: une description fine ne peut guère qu’énumérer les compatibilités syntaxiques de chaque unité. L’énoncé kabyle suivant (provenant d’un poème de Yusef u Qasi) illustre la difficu té qu’il ya à cerner l’adverbe : si zik-nnsen d imnayen depuis avant-leur c’est cavaliers depuis toujours, ce sont (d’excellents) cavaliers La forme zik, « autrefois, avant, tôt… ? (d’ailleurs pan-berbère) est présentée dans toutes les grammaires comme un adverbe. Et elle peut effectivement dans bien des cas fonctionner comme déterminant autonome « adverbe Mais dans la phrase ci-dessus est précédé par une préposition si, « depuis comme pourrait l’être tout substantif. est suivi d’un pronom personnel affixe « posessif équivalent yntaxi que d’un complément de nom! Mais par ailleurs zik n’est pas un nom puisque : il ne se combine pas aux marques obligatoires du nom. l ne peut être prédicat de hrase nominale de forme d + Nom (*d zik est impossible PAGF 10 pour toutes, puisque selon l’énoncé, elle peut être assignée à des paradigmes distincts. Il en sera de même pour une autre forme pan-berbère, généralement classée parmi les prépositions: deffi , « derrière» peut être employé en tant que Nom: tama n deffir côté de derrière « la partie arrière» Préposition: deffir wedrar derrière montagne « derrière la montagne»

Adverbe: teqqim deffir elle est restée derrière = « elle est restée/assise derrière b. Cet ensemble fuyant des adverbes est de plus assez hétérogène à travers les dialectes berbères. D’une part, le processus d’adverbialisation (i. e. d’autonomisation) ne se produit pas toujours de façon parallèle dans tous les dialectes : drus, « peu, rarement » est déjà un adverbe en kabyle et au Maroc maisreste un verbe en touareg.

D’autre part, le paradigme est enrichi, surtout dans le berbère Nord, par de nombreux emprunts à l’arabe: bezzaf, « trop », nezzeh, « très, extrêmement» (kabyle) irellah, « beaucoup kullu, « totalement» (chleuh) et par le flgement de syntagmes prépositionnels (les fameuses « locutions adverbiales divers (le plus souvent: s « avec/par» + ancien nom) • Berbère Nord: s-wadda, « par-dessous » s + adda, « bas ») s-ufella, « par-dessus sommet 0 Guerre mondiale), les données relatives à l’adverbe sont embrouillées par le fait que cette catégorie sert -comme dans les grammaires scolaires traditionnelles françaises- de véritable fourre-tout dans lequel on classe toute forme invarlable autre que conjonctive (coordinative ou subordinative) : on y trouvera ainsi es déterminations de quantité, de temps ou de lieu, mais aussi des « motsphrases logiques» (équivalents de phrases: « oui, non, jamais des interrogatifs ou des déterminants grammaticaux du verbe: négation, particules de rection d/n.. Il est donc extrêmement difficile de proposer une présentation cohérente et significative, sur des bases syntaxiques, de l’adverbe en se plaçant au niveau « berbère Dans une telle perspective, seul un rapide regroupement sémantique est concevable. Les critères d’identification retenus au départ amènent à ne considérer comme adverbes que des formes commutant avec es syntagmes prépositionnels. A. Les adverbes temporels Ils sont presque toujours d’origine nominale, et la majorité en est commune à l’ensemble des dialectes berbères Nord. Cest une sous-catégorie sémantique qui compte peu de formes empruntées à l’arabe.

Des noms comme ass(f) « jour idi « nuit », aseggwas « année ».. „ accompagnés d’une marque déictique, fonctionnent comme adverbes dans tout le berbère : chleuh kabyleouargla (gh)ass-aass-aass-u « aujourdhui » azekka azekka actca « demain » id’-gam id’-lli as-nat’ « hier « cette année » ayyur-a(d) aggur-a/ ayyur-a ? ce mois-ci » tizwar tazwara « d’abord » Toutes les dénominations des divisions et moments du cycle journalier et annuel peuve ait journalier et annuel peuvent ainsi apparaître en fonction d’adverbe . tujat, tifawt… « matin» (et emprunt ss’beh’) tadeggat, « après-midi» tameddit, « fin» (de la journée) = fin d’après-midi…

On y relève d’assez nombreuses formes archaïques (nominales) comme . zik, « tôt, autrefois, avant » imir, « moment, instant suivi de diverses déterminations: imir-a = « à ce moment-ci » ilin-di, « l’an passé » (qui ne s’explique que par le touareg: « la ériodepassée/l’autre année »). B. Les adverbes de manière et de quantité Ce sont les deux sous-ensembles les plus hétérogènes: très peu d’unités sont communes aux divers dialectes et les emprunts ? l’arabe sont fort nombreux dans tout le berbère Nord. parmi les formes pan-berbères (ou du moins largement répandues) : akkw, « tout, en totalité» : chleuh, kabyle, touareg… ugar, uggwar… , « davantage, encore plus… ? : chleuh, kabyle Mis à part en touareg, -les emprunts arabes sont Innombrables: bezzaf, « trop » weh’d + affixe, « seul » xirellah, « beaucoup » aqila, « peut être » nezzeh, « très, extrêmement » r’ubbama, « peut-être» mlih « très» (kabyle, ch 6 0 tidist, tighendist : « de côté » idis « côté ») timendeffirt : « en arrière, à reculons» (< deffir, « arrière/ derrière») C. Les adverbes de lieu Parmi les locatifs, on peut distinguer : 1. Les formes d'origine et/ou de forme nominale. - agwens, « dedans» « l'intérieur ») - tuggugt, « au loin » « éloignement ») - afella, « dessus » « sommet ») - izeddar, « dessous » « le bas »)- ammas, « au milieu » (e « le milieu - tasga, « à côté » « le ôté - tamar « à côté » « le côté, la partie - idis, « à côté » « le côté Toutes ces formes, généralement indigènes, sont attestées dans l'ensemble du berbère.

Elles sont parfois accompagnées d’une ancienne préposition avec laquelle elles forment un complexe figé équivalant à la forme simple – afella ou s-ufella, « au-dessus » – ddaw ou s-ddaw, « en-dessous » nnlg ou s-nnig, « par dessus » – deffir ou s-defflr, « (par) derrière » – daxel ou s-daxel, « en dedans » Les deux séquences peuvent se rencontrer dans le même parler et/ou se répartir à travers les dialectes. . La série: da, diregh, dah, dih, sîregh, ssya… , « ici, là par ici, par Elle constitue un sous-système formel et pragmatico-sémantique bien délimité; la valeur et le fonctionnement de ces locatifs ne peuvent être saisis qu’en rapport avec la situation dénonciation et le lieu des protagonistes de l’acte de communication . abyle(- mouvement) touare daici direeh 7 0 L homogénéité formelle et le parallélisme des deux séries avec certains syntagmes nominaux permettent de les considérer comme des substituts (pronoms) des groupes : Préposition + Nom + modalité locative a, « ici » = di + Nom + a « dans » + (zéro) + (proximité) ssya, « par ici » – SI + Nom + a « par » + (zéro) + (proximité) dihin, « là-bas » = di + Nom + ihin « dans » + (zéro) + (éloignement) ssyihin, « par là-bas s + Nom + ihin « par/vers » + (zéro) + (élognement) On pourrait donc poser en berbère (du moins dans les dialectes qui connaissent ces séries: touareg, Ouargla, Maroc central, kabyle… ) une nouvelle classe de pronoms: « les substituts locatifs» constituée par l’amalgame d’une préposition, d’un nominal (zéro) et d’une détermination locative.

Ainsi, non seulement l’adverbe est une catégorie syntaxique fluide et instable, mais en outre plusieurs secteurs de cet ensemble peuvent faire l’objet de descriptions concurrentes, profondément divergentes. ARES. Première année de Ian ue berbère. (Dialecte du Maroc central), Rabat, 1916 (adve l’Ouarsenis et du Maghreb central, Paris, 1895 (adverbes: p. 61-63). BEGIJINOT F. Il Berbero Nefûsi di Fassâto, Rome, 1931, (adverbes: p. 125-127). BENTOLILA F. Grammaire fonctionnelle d’un parler berbère. Ait Seghrouchen… , Paris, 1981 (adverbes: 4. 49-4. 88,6. 51-6. 56… ). BIARNAY S. ?tude sur le dialecte de Ouargla, pans, 1908 (adverbes et locutions adverbiales : p. 196-202). BIARNAy S. Étude sur le dialecte des Bet’t’ioua du Vieil-Arzeu, Alger, 1911 (adverbes: p. 121-124). BISSON P.

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