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Depuis le début des années 30, divers courants politico-théoriques des sciences sociales – aujourdhui souvent méconnus ou simplement censurés par les positions dominantes du champ universitaire – ont tenté de comprendre les phénomènes de psychologie collective liés à l’avènement des divers fascismes, États totalitalres et régimes autoritaires.

Leurs thématiques de réflexion et leurs programmes de recherche ont permis de défricher de vastes champs d’investigation des phénomènes sociaux de masse: les rapports entre la sexualité (fantasmes) et la politique (domination), le destin des pulsions Éros et Thanatos) et les formations idéologiques (mécanismes de défense), les manifestations de foule et les investissements de Sni* to nextÇEge to page la libido; l’élaboration du monde et l’écono manipulation des ém ion, aussi les formes con collectives à des figu or lg ues ou des visions es techniques de ropagande, mais s des identifications itaires (Duce, Führer, Caudillo… , les préjug s r actionnaires (racistes) et les mentalités autoritaires ainsi que les processus pervers d’érotisation du pouvoir. Ce vaste champ de la psychosociologie psychanalytique a ?té particulièrement investi par deux courants majeurs des sciences sociales, tous deux plus ou mons Ilés au mouvement ouvrier européen et à la utte antifasciste internationale: le freudo-marxisme (note 1) et l’École

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de Francfort (note 2).

L’un comme l’autre ont tenté d’articuler, chacun de manière spécifique et originale, la psychanalyse (freu (freudisme) et le matérialisme historique (marxisme), et ont eu surtout d’innombrables effets – reconnus ou souterrains – sur les multiples démarches théoriques qui se sont ensuite partagé ce champ des sciences humaines: psychohistoire et histoire sychanalytique (note3) , analyse institutionnelle, courants désirants et schizanalyse (note 4) , ethnopsychanalyse (note 5) et leurs diverses combinaisons rhizomatiques.

Dans les limites d’un article il n’est évidemment pas possible de traiter de façon exhaustive la masse considérable de travaux qui ont influencé, souvent de manière décisive, les recherches contemporaines historiques, politiques, sociologiques et psychosociologiques notamment – sur la psychologie de masse du fascisme et les rapports de la psychanalyse et de l’histoire.

Trois thématiques essentielles semblent cependant se dégager – dans le contexte ‘une confrontation complémentariste (note 6) entre l’histoire politique du fascisme et la psychanalyse. Idéologie du chef et structure psychologique de masse Le premier point en débat concerne la concordance psychopolitique entre les structures caractérielles autoritaires des individus, notamment celles des meneurs, et les bases psychologiques de masse des régimes fascistes.

Cette question très controversée a été posée par de nombreux auteurs inspirés par le freudomarxisme, en particulier par Erich Fromm qui a surtout insisté sur les rapports sado-masochistes existant sous le azisme entre Hitler (et les hitlériens) et la masse de la population allemande, notamment la petite bourgeoisie humiliée, frustrée, revancharde et haineuse, en tant que «terreau humain» de la barbarie. Ce qui importait, écrit E revancharde et haineuse, en tant que « terreau humain» de la «Ce qui importait, écrit Erich Fromm, c’est que les centaines de milliers de petits bourgeois, qui en temps normal n’ont que peu d’occasions de s’enrichir ou de conquérir des situations influentes, disposassent, comme agents de la bureaucratie nazie, d’une large part de richesses et de prestiges qu’ils obligeaient es classes possédantes à leur céder. ? ceux qui n’étaient pas les bras de la croix gammée, on distribua les postes et les affaires enlevées aux Juifs et aux ennemis politiques. Quant ? la population, si elle ne reçut pas plus de pain, César lui offrit des jeux de cirque (note 7). Les défilés spectaculaires, les manifestations sadiques et les ressources d’une idéologie qui lui donnait le sentiment d’être supérieure au reste de l’humanité lui procuraient assez de satisfactions pour compenser du moins momentanément- le fait que sa vie était appauvrie matériellement, autant qu’intellectuellement.

L’effet psychologique des bouleversements sociaux et économiques, notamment du déclin de la classe moyenne, était amplifié ou systématisé par l’idéologie politique Les forces psychologiques ansi éveillées furent orientées dans un sens opposé à leur intérêt véritable. Moralement, le nazisme insufflait une nouvelle vie à la petite bourgeoisie tout en ruinant ses vieilles forteresses La personnalité d’Adolf Hitler, ses enseignements et son système, représentaient le symbole d’une forme extrême du caractère autoritaire [qui] aimantait puissamment les groupes qui lui ressemblaient mentalement. ?? Cest cette présence simultanée d’impulsions sadiques – teintées de destructi Cest cette présence simultanée d’impulsions sadiques • teintées de destructivité et de haine de l’autre – et de tendances masochistes qui permet, selon Erich Fromm, de comprendre en grande partie les rapports de Hitler aux masses allemandes: « Mein Kampf nous offre de multiples exemples d’un désir sadique de puissance.

Liauteur méprise et « aime » les masses allemandes d’une manière significative et il libère ses impulsions hostiles en les déchaînant contre ses adversaires politiques. Il observe que es foules éprouvent de la satisfaction dans la domination. » D’autre part, la psychologie hitlérienne est un bon exemple du mécanisme de projection qui justifie le sadisme en tant que défense contre les supposées agressions et conspirations antigermaniques: « e peuple allemand et lui [Hitler] sont toujours innocent set leurs ennemis des brutes hypocrites.

Cette partie de sa propagande relève du mensonge conscient et délibéré. Elle revêt pourtant, dans une certaine mesure, la même « sincérité » émotive qu’on décèle dans les accusations paranoïaques. Chez le névrosé, elles-ci servent toujours à se défendre contre des êtres inventés de toutes pièces pour servir d’exutoire à son propre sadisme et ? sa soif de destruction Chez Hitler, ce mécanisme défensif se passe de tout raisonnement.

Ses ennemis sont imputés à crlme d’entretenir des intentions dont lui-même se fait gloire. Ainsi il dénonce le judaÉrne, les communistes et les Français de nourrir des ambitions, dont il proclame franchement qu’elles sont ses buts légitimes. » Pour Erich Fromm les deux pôles du caractère sadomasochiste expliquent donc dans une large mesure la politique hitlérienne. Le pôle aractère sadomasochiste expliquent donc dans une large mesure la politique hitlérienne.

Le pôle sadique est suffisamment connu par ses conséquences exterminatrices sur les juifs, les Tsiganes, les «peuples dégénérés», les «communistes» et les populations civiles de l’Europe dévastée par les hordes hitlériennes (note 8) . Le pôle masochiste, lui, se manifeste clairement dans les rapports de Hitler avec les masses: «On enseigne à celles-ci, on leur répète, on les persuade que l’individu n’est rien et ne compte pas. Il doit accepter son inactivité et s’incorporer à un mouvement puissant qui lui onnera assurance et prestige. Dans ce système totalitaire, il y a donc une aimantation réciproque du sadisme et du masochisme, du leader et de la masse: Du haut en bas du système nazi, une hiérarchie conçue d’après le principe du chef permettait à tout un chacun d’obéir à un supérieur et de commander un subalterne. Au sommet de la pyramide, le Führer s’inclinait devant le Destin, l’Histoire et la Nature. Ainsi l’hitlérisme contenait les désirs des classes moyennes et donnait une satisfaction et une orientation ? toute une humanité perdue dans un monde inhuman et déboussolé. (note 9) Cette question de l’adhésion psychopolitique consciente ou inconsciente des masses allemandes à l’hitlérisme a aujourd’hui des conséquences considérables du point de vue des sciences politiques et historiques. Le débat a été, là aussi, bien posé par Erich Fromm qui rappelle que dès le départ «une partie de la population allemande s’inclinait devant le régime nazi sans aucune résistance sérieuse, mais non plus sans admirer sa doctrine et ses pratiques. Une autre partie de l’Allem PAGF s OF lg mais non plus sans admirer sa doctrine et ses pratiques.

Une autre partie de l’Allemagne était véritablement aimantée par ces ouvelles idées et fanatiquement attachée à leurs hérauts» (note Tout le problème, qui a rebondi récemment avec la publication du livre de Daniel Jonah Goldhagen, est l’évaluation correcte d’une double dialectique: d’une part le rapport entre l’idéologie du Führer et celle de la masse des Allemands, en particulier en ce qui concerne l’antisémitisme obsessionnel, agressif et meurtrier du national-socialisme (notel 1) , d’autre part le rapport entre l’activisme militant des partisans fanatiques du Reich et la passlvité plus ou moins complice des Allemands ordlnalres, leur articipation plus ou moins volontaire, enthousiaste, consciente, à la mobilisation totalitaire du nazisme, qui a d’ailleurs pu varier selon les étapes de la politique hitlérienne.

Cette question qui pose dans toute son acuité celle de la responsabilité de l’Allemagne dans les crimes hitlériens et donc de la culpabilité allemande – a trouvé chez Wilhelm Reich une formulation qui fit scandale chez les «marxistes orthodoxes» parce qu’elle refusait d’exonérer les masses populaires de leur responsabilité dans l’avènement, la consolidation et l’exacerbation du fascisme. «Le ascisme, écrivait Wilhelm Reich en 1942, en tant que mouvement politique se distingue de tous les autres partis réactionnaires par le fait qu’il est accepté et préconisé par les masses» (note 12) . Wilhelm Reich, comme la plupart des freudo-marxistes, soutenait que le nazisme était en accord avec la structure caractérielle des masses allemandes, notamment petites bourgeoises et prolétariennes paupérisé structure caractérielle des masses allemandes, notamment petites bourgeoises et prolétariennes paupérisées.

En posant la question de la mystification politique des masses enragées t fanatisées, Wilhelm Reich affirmait que pour expliquer pourquoi «des millions de gens applaudissaient à leur propre asservissement », il fallait comprendre que l’efficacité psychologique de Hitler, son idéologie, son programme «étaient en harmonie avec la structure moyenne d’une large couche d’individus nivelés par la masse»: «l_ln ‘Führer » ne peut faire Ihistoire que si les structures de sa personnalité coïncident avec les structures – vues sous l’angle de la psychologie de masse – de larges couches de la population C’est pourquoi on a tort d’attribuer le succès ‘Hitler exclusivement à la démagogie des national-socialistes, à l' »égarement des masses », à la « psychose nazie’i, ce qui ne veut rien dire du tout, bien que des politiciens communistes se soient servis par la suite de ces explications très vagues. Il s’agit précisément de comprendre pourquoi les masses ont pu être trompées, égarées, soumises à des influences psychotiques. Cest là un problème qu’on ne peut résoudre si on ne sait pas ce qui se passe au sein des masses. ? En conséquence la relation est ici dialectique: le Führer a certes manipulé des masses manipulables, mais celles-ci ont également roduit Hitler en tant que leur représentant psychologique: «C’est la structure autoritaire, antilibérale et anxieuse des hommes qui a permis à sa propagande d’accrocher les masses. Cest la raison pour laquelle l’importance sociologique de Hitler ne réside pas dans sa personnalité, mais dans ce que les masses ont fait sociologique de Hitler ne réside pas dans sa personnalité, mais dans ce que les masses ont fait de lui. » (note13) Complicité et consentement des masses Aussi la question posée par le livre de Daniel Jonah Goldhagen – qui a fait figure d’analyseur de la culpabilité allemande, question resque toujours refoulée – peut-elle se comprendre dans la perspective reichienne.

Les Allemands n’eurent – dans leur très grande majorité – aucune difficulté à obéir aux ordres du Führer dans la mesure où ils étaient psychologiquement et idéologiquement préparés à accepter le pire, compte-tenu de la culture allemande qui les avait formes et d’une «conception du monde partagée par la grande majorité du peuple allemand », conception essentiellement gouvernée par l’orgueil nationaliste et surtout l’antisémitisme. «Aucun aspect important de la société allemande n’est resté ? ‘abri de la politique antisémite, que ce soit l’économie, la vie sociale, la culture, les éleveurs de bétail, les commerçants, les petites municipalités, les avocats, les médecins, les physiciens, les professeurs La première partie du programme, c’est-à-dire l’exclusion systématique des Juifs de la vie économique et sociale de l’Allemagne, a été réalisée au grand jour, sous des yeux approbateurs, et avec la complicité de presque tous les secteurs de la société allemande [… l.

Les convictions antisémites des Allemands ont été la cause centrale de I’Holocauste, l’origine non eulement de la décision de Hitler d’exterminer les Juifs d’Europe (acceptée par beaucoup), mais aussi de la bonne volonté mise par les exécutants à faire violence aux juifs et à les assassiner Ce ne sont pas les diffic exécutants à faire violence aux juifs et à les assassiner Ce ne sont pas les difficultés économiques, ni les moyens de coercition d’un État totalitaire, ni la pression sociopsychologique, ni une inclination irrépressible de la nature humaine, mais des idées sur les Juifs répandues dans toute l’Allemagne, depuis des décennies, qui ont amené des Allemands ordinaires à tuer des Juifs sans rmes, sans défense, hommes, femmes et enfants, par centaines de milliers, systématiquement, et sans la moindre pitié Le génocide a été connu de presque tout le monde, sinon approuvé. Aucune autre politique (ou toute autre de même ambition) n’a été conduite avec autant de persévérance et de zèle, et avec moins de difficultés que le génocide, sauf peut-être la guerre elle-même. L’Holocauste définit non seulement l’histoire des Julfs au mllieu du 20e siècle, mais aussi celle des Allemands. (note 14) En développant cette thèse qui fit scandale, surtout chez les dmirateurs de l’Allemagne éternelle, Daniel Jonah Goldhagen se référait implicitement à une théorie de la psychologie de masse des agents de l’Holacauste, cherchant à comprendre leurs «motivations», l’intentionnalité de leurs actes de tueurs, leur mentalité, leur vision du monde, leurs croyances, leur «l_ebenswelt», écrira-t-il même. Or, et c’est ce qui nous intéresse ici, la «révolution» national-socialiste visait d’abord à transformer les consciences, les sensibilités et les comportements des Allemands ordinaires en leur inculquant une culture « porteuse de mart», sadique et rutale, une culture de la cruauté méthodique, une culture pure de la pulsion de mort pourrait-on dire en ternies marcusiens. Et PAGF lg une culture pure de la pulsion de mort pourrait-on dire en ternies marcusiens. Et cette culture a trouvé son apothéose mortifère dans le système des camps de la mort. ?L’essence de cette révolution, la façon dont elle transformait la substance psychique et morale du peuple allemand et dont elle détruisait, pour reprendre les termes mêmes de Himmler, la « substance humaine » des non-Allemands, se lit dans l’institution emblématique de l’Allemagne nazie, le camp. » Le camp, «lieu des pulsions et des cruautés déchaînées», révèle que « la Kultur de Himmler était, dans une large mesure, déj? devenue la Kultur de l’Allemagne Le massacre collectlf, la réintroduction de l’esclavage sur le continent européen, la liberté officielle de traiter les « sous-hommes » comme on le voulait et sans aucune contrainte, tout cela montre que le camp était l’institution emblématique de l’Allemagne nazie et le paradigme du ‘Reich de mille ans » promis par Hitler.

Le monde des camps révèle l’essence de l’Allemagne qui s’est donnée au nazisme, de même que les agents de l’Holocauste révèlent la arbarie meurtrière par laquelle, de leur plein gré, les Allemands entendaient protéger l’Allemagne et son peuple de leur plus grand ennemi, der Jude.  » (note 15) Cette interprétation a été sensiblement nuancée par un livre récent de Saul Friedlànder qui conteste la radicalité de la thèse intentionnaliste de Daniel Jonah Goldhagen sur l’antisémitisme éliminationniste allemand. À propos de l’évaluation de l’adhésion de la population aux obsessions idéologiques de Hitler, il souligne: «À l’intérieur du parti et parfois à l’extérieur de celui-ci, il existait des noyaux d’antisémitisme irréducti