La devise de la Republique Francaise enonce ces trois principes : Liberte, Egalite, Fraternite. Ainsi, ces valeurs semblent absolument indissociables. Cependant y a t-il vraiment un sens a les associer ? En effet, nous montrerons dans un premier temps que les hommes ne peuvent etre egaux sans etre libres, et inversement, et qu’il n’y a de liberte et d’egalite que dans la fraternite, le respect mutuel. Mais n’y a t-il pas d’opposition entre chacune de ces trois valeurs : que tous soit egaux ne s’oppose t-il pas au fait que chacun soit libre ?
La liberte absolue de chacun n’engendre t-elle pas les conflits et ne mene t-elle pas a l’irrespect d’autrui ? Ce sont les interrogations auxquelles nous repondrons dans un second temps. Enfin, nous verrons qu’il ne faut pas forcement rechercher un lien logique, necessaire entre ces trois valeurs, qui sont plutot des droits enonces comme imprescriptibles par ceux qui proclamerent la fameuse devise, meme si dans la pratique, ces principes ne sont pas forcement aises a appliquer. I. Chacun de ses trois principes, liberte, egalite, fraternite, a un lien avec les autres.
Tout d’abord, nous voyons qu’il y a bien un sens a associer liberte et egalite. En effet, dans
L’egalite entres les hommes n’existe en effet que si ces derniers se reconnaissent entre eux comme semblables. Inversement, il ne peut y avoir de fraternite que si les hommes se considerent comme egaux, comme «freres» donc, sans distinction de «race», de sexe, de valeurs, de statut social, de religion… Il n’y a donc pas d’egalite si un individu ne considere pas son prochain comme un «frere», au sens ou ils ont la meme valeur, ou aucun n’est superieur a l’autre. En considerant l’autre comme son frere, l’individu estime qu’ils ont tout deux les memes droits et qu’ils doivent respecter les memes devoirs.
Enfin, il est bien coherent d’associer liberte et fraternite. La liberte n’a en effet d’existence que dans le respect mutuel. La Declaration des Droits de l’Homme et du Citoyen enonce « La liberte consiste a pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas a autrui. », c’est a dire que ma liberte s’arrete la ou commence celle des autres, et que je ne peux etre libre que dans les limites du respect que je dois a autrui. Lorsque l’on considere l’autre comme son frere, on le respecte et on exerce donc sa liberte dans la limite de ce ne lui nuit pas.
Cependant, si ces trois valeurs semblent s’associer avec beaucoup de sens, on peut remarquer qu’elles presentent tout de meme certaines incompatibilites. Ainsi, a vouloir a tout prix que tous soit egaux, on risque d’annihiler la liberte de chacun. Quant a la liberte absolue, elle mene bien loin de la fraternite puisqu’elle engendre necessairement des conflits… II. En premier lieu, nous pouvons remarquer l’opposition qui existe entre la liberte et l’egalite. A vouloir coute que coute imposer l’egalite sociale, on risque de basculer vers l’extreme, c’est a dire ce que l’on appelle «l’egalitarisme».
Les individus, parfaitement egaux, en deviennent uniformises, conditionnes, et c’est la tout le contraire de ce que l’on entend par liberte. Tocqueville, dans son ouvrage intitule De la Democratie en Amerique, denonce sous le nom de «despotisme democratique» ce triste etat de monotonie dans lequel les individus sont plonges par cet egalitarisme qui bride les energies et standardise les individus. De plus, l’egalitarisme encore pousse plus loin peut mener au totalitarisme, qui annihile totalement les differences entre les individus. Ainsi, les pensees, les croyances, les modes de vies doivent etre egales pour tous, sans distinction.
C’est ici qu’apparait le fait que trop valoriser l’egalite mene a aneantir toute forme de liberte. Par la suite, nous voyons que l’egalite s’oppose a la fraternite. En effet, encore une fois, valoriser une egalite totale pour tous peut s’averer dangereux, et mener bien loin d’un ideal de fraternite, de paix, entre les hommes. Ainsi, lors de la Revolution, alors que l’on pronait l’egalite, on persecutait et eliminait tout ceux qui se voulaient independants. On leur reprochait d’avoir l’ambition de s’elever au dessus des autres et les considerait ainsi comme des ennemis.
Ainsi donc, les massacres sanglants commis lors de la periode appelee la Terreur furent commis au nom de l’egalite. Enfin, il apparait que la liberte n’est pas compatible avec la fraternite. Si les hommes avaient une liberte sans borne, il est bien evident que la fraternite n’aurait plus lieu d’etre. En effet, chacun estimant qu’il est tout puissant puisqu’entierement libre, personne n’aurait plus de scrupule a ne pas respecter son prochain, le considerant comme inferieur, et c’est ainsi que des conflits, voire des guerres sanglantes eclateraient.
Hobbes ecrit que dans l’etat de nature (c’est a dire lorsqu’il n’y a pas de pouvoir politique en place), qui est un etat de liberte absolue, les hommes sont plutot pousses a s’entretuer pour assurer leur survie, qu’a se considerer comme freres et a entretenir un climat de solidarite fraternelle. Mais peut-etre que si ces termes presentent des oppositions, c’est qu’il ne faut pas rechercher de lien, de coherence entre ces trois valeurs. Il faudrait plutot voir en elles des droits dont personne ne pourrait, ne devrait etre prive, meme si en pratique, il n’est pas si simple de les appliquer concretement.
III. En effet, lorsque les revolutionnaires francais enoncerent cette devise «Liberte, egalite, fraternite», ils ne voulaient pas vraiment mettre en evidence un lien entre ces trois principes, mais plutot proclamer des ideaux, des droits, des valeurs fondamentales qui seraient imprescriptibles et sur lesquelles devait reposer la Republique. Cependant, si c’est en theorie une devise fort sensee, elle reste un peu ardue dans l’application concrete. Pour ce qui est de la liberte et de l’egalite, il est possible, grace au juridique, de les concretiser : les libertes individuelles et l’egalite devant les lois.
Mais le juridique n’est d’aucun recours en ce qui concerne la fraternite, et cette derniere doit donc decouler naturellement des deux autres valeurs, ou bien plutot, comme le dit Bergson, etre celle qui «leve la contradiction si souvent signalee entre les deux autres», qui les reconcilie en quelque sortes. Conclusion : Liberte, egalite et fraternite sont donc des termes qui paraissent indissociables, mais qui pourtant presentent de profondes incompatibilites.
Finalement, il y a plus de sens a voir ces trois termes non pas comme des valeurs a associer les unes aux autres, mais plutot comme des ideaux auxquels chacun devrait avoir droit, meme si ca n’est pas toujours facile d’appliquer cette devise concretement. De toutes manieres, ces principes sont loin d’etre reellement realises, ne serait-ce que dans notre Republique Francaise, mais egalement dans le monde entier, ou subsistent encore, et certainement pour longtemps encore, des regimes despotiques, bafouant totalement les valeurs de la democratie…