« En Afrique, on pleure la mort d’un vieillard plus que la mort d’un nouveau-ne. Le vieillard constituait une somme d’experience qui pouvait profiter au reste de la tribu, tandis que le nouveau-ne, n’ayant pas vecu, n’a meme pas conscience de sa mort. En Europe, on pleure le nouveau-ne car on se dit qu’il aurait surement accompli des choses fabuleuses s’il avait vecu. On porte par contre peu d’attention a la mort du vieillard. De toute facon il avait deja profite de la vie. » Bernard Werber « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliotheque qui brule. Cette citation formulee par Amadou Hampate Ba, ecrivain malien du XXe siecle a presque de quoi faire sourire dans notre monde a tendance « jeuniste » ! Ici quand un vieillard meurt, il a fait son temps, bien vecu, ne peut plus servir. La bibliotheque regorge d’ouvrages et ce n’est qu’un livre qui se ferme, voire une page qui se tourne. Bernard Werber, ecrivain contemporain francais le confirme a son tour : « En Afrique, on pleure la mort d’un vieillard plus que la mort d’un nouveau-ne. Le vieillard constituait une somme d’experience qui pouvait profiter au reste de la tribu, tandis que le
Quelles sont les differences avec l’Europe et comment arrive-t-on a un resultat inverse ? Dans un premier temps, nous nous consacrerons a la problematique de l’Afrique puis dans un deuxieme temps a celle de l’Europe. Pour mieux saisir les causes de ces differences entre continents il est necessaire de decrire la societe et son mode de vie. Le sort des nouveaux-nes africains reste malgre d’immenses efforts triste et miserable. Selon un article de l’OMS pres d’un demi-million de bebes meurent le jour meme de leur naissance et plus d’un million dans leur premier mois de vie.
Les chiffres sont eloquents et prouvent cette constatation. Le taux de mortalite infantile s’eleve a 89‰ alors qu’en Europe il est a peine de 7‰. Mais encore, ceux qui, par chance, ont survecu, risquent des maladies meurtrieres comme le SIDA, le paludisme, la tuberculose, etc… Ils peuvent aussi mourir de faim, de soif, etre abandonnes, perdus et donc sans identite. Les raisons d’une telle situation tiennent surtout au fait suivant : – instabilite politique, – corruption, – luttes ethniques, – manque de moyens financiers.
En effet, ce taux pourrait diminuer si les femmes et les bebes beneficiaient d’interventions sanitaires praticables et peu couteuses. En outre, les enfants malades transmettent les virus a leur descendance et ce cycle perpetue des resultats dramatiques. Nous pouvons donc penser que la mort appartient au quotidien pour ces personnes. Elle pourrait meme devenir un critere d’utilite pour les femmes, qui souvent, multiplient les bebes sans forcement en desirer. Le destin de ces nouveaux-nes est connu a l’avance pour la plupart et pratiquement inevitable.
C’est pourquoi ils n’ont que peu de valeur ! En revanche, le vieillard est considere comme un sage. Il est garant d’un savoir inconnu des autres. De plus, il a, au cours de sa vie, acquis de l’experience, autrement dit la connaissance due a une longue pratique jointe a l’observation et a l’essai. Il detient le pouvoir d’orienter les jeunes generations par la transmission orale et leur permet donc d’obtenir une connaissance empirique. Ces elements montrent que le vieillard demeure indispensable au developpement d’une tribu.
Prenons le cas des Massais, tribu africaine d’indigenes semi-nomades, situee principalement au Kenya qui encore aujourd’hui sont reputes pour etre de feroces guerriers. Ils sont divises en clans patrilineaires et en classes d’ages. Les hommes sont tour a tour enfants, guerriers puis anciens. Les enfants ne vont pas a l’ecole. Ce sont les anciens qui leur enseignent tout : les plantes, les animaux, les bonnes manieres et l’histoire de leur peuple. En somme, l’Afrique manque cruellement de ressources financieres. Elle ne peut ni scolariser, ni soigner les enfants malades.
L’esperance de vie est estimee a 52 ans alors qu’en Europe elle est a 75 ans. Les vieillards se rarefient et sont les etres vivants les plus puissants de la tribu. « On pleure donc plus la mort d’un vieillard que celle d’un nouveau-ne. » La valeur attribuee aux etres humains est alors liee au niveau de developpement economique et social entrainant des conditions miserables. De plus, a travers leur mode de transmission orale de la connaissance, les generations ont fait perdurer des croyances ancestrales qui n’evoluent pas.
En parallele, nos societes se developpent de maniere galopante, creusant ainsi le fosse. Considerons maintenant l’Europe qui a connu des progres croissants, et ce, en particulier a partir du XVIIIe siecle deja. Notamment le domaine de la medecine engendre de meilleures conditions de vie, permet d’abaisser le taux de mortalite et de combattre les epidemies. Mais les innovations accomplis dans les domaines tels que la metallurgie, le textile ou les transports restent tout aussi importants.
Pas besoin dans nos pays, dits developpes, de memoires vivantes, de sages, de transmetteurs de connaissances. Le progres permet de jeter ceux qui ont servi, ceux qui savent. Dans le domaine de l’education, contrairement a l’Afrique, le savoir se construit a travers des supports audiovisuels et non de maniere orale seulement. Aussi, le nouveau-ne europeen correspond a merveille a l’envie d’un pays riche d’evoluer et de se tourner vers l’avenir car il represente un espoir. Le passe associe aux vieux n’entre plus reellement en ligne de compte.
Grace a la contraception notre societe maitrise les naissances. Le choix d’avoir des enfants ou pas, reduit le taux de natalite a 10‰ alors qu’en Afrique il se situe aux environs des 38‰. Chez nous, le bebe devient donc rare et precieux. Finalement, entraines par le progres, scolarises depuis tout petits, les jeunes depassent rapidement les aines. Le role s’inverse par rapport a l’Afrique. Ici, ce sont les jeunes qui apprennent aux anciens comment se servir d’un telephone mobile par exemple. C’est la caracteristique d’une societe « jeuniste » ou les vertus reposent sur la jeunesse.
Qui plus est, aujourd’hui, la vieillesse est associee a la retraite, a l’affaiblissement, a l’inutilite, a la mise a l’ecart, a la mort. Il est donc normal qu’un vieillard qui s’eteint ne soit pas une grande perte ! En definitive, il existe dans le monde differentes perceptions de la vie et de la mort qui dependent des conditions materielles, de la culture mais aussi de la technologie. Entre ces deux continents, lequel a tort ? Lequel a raison ? L’Occident n’a-t-il pas trop deprecie ses vieillards ? Si l’Afrique ne dispose comme seule richesse que de ses vieillards, l’Occident n’en est-il pas responsable ?