?Vicor Hugo etait un ecrivain du XIXe siecle tres engage dans la lutte pour une meilleure condition du peuple. Dans son roman Les Miserables ecrit en 1862, il se bat particulierement pour une meilleure condition de la femme dans la societe en narrant les « aventures » de multiples personnages qui resteront dans les memoires dont Cosette, Fantine et les Thenardier, couple emblematique de la ruse et de la malhonnetete humaine. L’extrait que nous abordons est situe au debut du roman dans la premiere partie mais deja, le titre du chapitre est « La descente ».
Nous avons donc affaire a une chute, une un abaissement rapide et brusque : celle de Fantine. Hugo s’attarde sur le cas de cette jeune femme du peuple qui se bat pour subsister et assurer un avenir a sa fille. Il nous decrit tout d’abord la decheance de Fantine puis se pose en juge de la societe, responsable selon lui, de la misere de la jeune femme. Nous allons donc nous demander comment, a travers ce personnage feminin, l’auteur denonce le sort des femmes du peupl au XIXe siecle. Pour cela, nous aborderons en premier lieu l’effet que produit sur le lecteur la description des differentes etapes de la decheance
Il fait de meme pour evoquer le mobilier lorsqu’il ecrit « une loque qu’elle appelait sa couverture, un matelas a terre et une chaise depaillee » (l. 22-23). Grace a cette nouvelle accumulation de noms pejoratifs, il prouve que la pauvrete est tres profonde. On remarque de meme que « le pot a beurre a mettre l’eau » gele «l’hiver » : elle ne dispose donc d’aucun moyen de chauffage. Par le parallelisme de la phrase « Elle avait perdu la honte, elle perdit la coquetterie » (l. 27), Hugo nous indique que la jeune femme est en train de tout perdre. Aussi, il illustre ses propos en evoquant les vetement de Fantine, ce qu’il fait n utilisant les termes negatifs « vieux et use », « se dechirai[t] » (l. 31-32) a propos du corset, « sales » (l. 28) a propos des bonnets et « us[es] » a propos des talons. Le denuement de Fantine ne s’arrete donc pas aux lieux de vie mais est egalement visible sur elle-meme. De plus, cette situation ne cesse de s’aggraver comme nous le montre la repetition de negations « elle n’avait plus » (l. 22) et « elle ne raccommodait plus » (l. 29). Cette misere est egalement physique et morale. Elle abandonne la part de feminite qui lui restait comme le montre la phrase « elle perdit la coquetterie » (l. 7). Le fait qu’elle « jet[te] » son miroir » (l. 17) est symbolique et prouve qu’elle renonce a faire attention a son image. Cette action indique egalement le debut de sa decheance morale. L’on apprend aussi que Fantine a les « yeux tres brillants » (l. 36) ce qui est signe de fievre et qu’elle « touss[e] beaucoup » (l. 37). Elle est donc malade, peut-etre gravement. Elle a aussi « une douleur fixe dans l’epaule » (l. 36). Toutes ces atteintes physiques renforcent l’aspect miserable de la jeune fem me, deja amorce par l’etat de ses vetements. Cela annonce aussi tres probablement sa mort.
Elle perd finalement toute dignite lorsqu’elle se prostitue, cette action etant designee par le terme general « en vendant le reste » (l. 54) et par la periphrase « fille publique » (l. 55). La phrase « un petit rosier qu’elle avait s’etait desseche dans un coin, oublie » est une metaphore de son personnage : Fantine, brave femme « ne peut aller au fond de sa chambre… qu’en se courbant de plus en plus » est laisse a l’abandon par cette societe du XIXe siecle. Fantine nous apparait comme une mere exemplaire, entierement devouee a son enfant et prete a tout pour son bonheur.
Dans ce cas, comment expliquer une telle descente aux enfers si ce n’est que la cause de son malheur est la societe tout entiere. Premierement, nous pouvons nous rendre compte que la societe cree un monde hostile a Fantine. Par exemple, ses creanciers, comme le montre l’hyperbole « ne lui laissaient aucun repos » (l. 33-34), ne cessent de lui reclamer leur argent. Ils la poursuivent sans relache, comme nous pouvons le voir a travers le parallelisme « Elle les trouvait dans la rue, elle les retrouvait dans son escalier » (l. 34), couple a l’imparfait d’habitude. Elle est harcelee de toutes parts, ce que confirme la metaphore « elle se sentait raquee » (l. 45), la comparant a un animal chasse. Le Thenardier contribue egalement a cette atmosphere decourageante, bien que cela ne soit pas visible des le debut. En effet, il commence tout d’abord par des termes bienveillants tels que « bonte », pour mettre Fantine en confiance puis continue en la brusquant comme le montre le complement circonstanciel de temps « tout de suite » (l. 48). Pour obliger la jeune femme a donner l’argent, il fait un chantage en jouant sur le registre pathetique, lorsqu’il affirme qu’il « mettr[a] a la porte la petite Cosette toute convalescente […] qu’elle creverait si elle voulait » (l. 8 > 51). Il joue ici a nouveau sur le contraste entre la douceur et la mechancete. Ensuite, nous voyons que Fantine est enfermee dans ce monde hostile. Tout d’abord, elle passe son temps a travailler, comme le montre l’indication de temps « dix-sept heures par jour ». Nous savons egalement qu’elle le fait pour gagner assez d’argent pour se sortir de cette situation. La mise en rapport du nombre d’heures de travail et du salaire aux lignes 41-42 « Dix-sept heures de travail et neuf sous par jour » montre l’exploitation qu’elle subit. En effet, son seul horizon est le travail omme le montre la repetition des termes « travailler » et « travail » ainsi que « jour » et « journee ». De meme, l’on retrouve souvent les sommes dues ou gagnees comme « neuf sous » (l. 42), « cent francs » (l. 48) ou « cent sous ». Sa vie tourne autour du travail et de l’argent. Elle n’a donc aucune porte de sortie. A la fin de l’extrait, alors qu’il lui faut trouver cent francs pour soigner sa fille Cosette, elle se decourage « Allons, vendons le reste! » et se fait « fille publique ». La prostitution est bel et bien la seule porte de sortie que cette societe impitoyable lui a laisse.
A travers cette femme si pathetique, Hugo nous montre en realite une generalite : celle de toutes les femmes du peuple au XIXe siecle. Nous ne pouvons que nous indigner devant l’image de Fantine, devouee, obeissante, courageuse qui pourtant vit dans une misere terrible. Ainsi, si nous nous revoltons a l’idee de la condition d’une seule personne, comment rester insensible face a la generalisation de cette situation. En choisissant un registre pathetique plutot qu’un registre argumentatif, Hugo reussit a faire reagir les gens, a les emouvoir, car chacun peut s’imaginer a la place de cette pauvre femme perdue.