Si on definit rapidement le realisme comme un courant litteraire qui represente la nature de l’homme sans chercher a l’idealiser, on se pose alors la question : un personnage de roman doit-il etre un personnage commun, un homme avec ses defauts et ses qualites. Doit-il etre un personnage non-heroique, non-ideal, doit-il avoir les reactions que ses semblables ont dans leur vie quotidienne ? Si le lecteur veut trouver dans un roman une photographie de la vie, avec des etres qu’il pourrait rencontrer dans sa propre vie, alors, oui, on peut dire que le personnage d’un roman doit etre realiste.
Le lecteur se sentira temoin d’une histoire qui lui est racontee, voire meme complice d’un personnage qui pourrait lui ressembler. Le personnage realiste peut aussi depasser la vie quotidienne par son energie, sa force ou meme son arrivisme. Il peut alors apporter au lecteur des reflexions sur l’ame humaine, sur les differences de caracteres et de reactions devant une situation donnee. Il peut enrichir la palette des connaissances du lecteur sur la psychologie humaine, en lui revelant des sentiments qu’il n’aurait peut-etre pas imagines (dans et hors de la Morale) .
Pour cela, il faut que les reactions du personnage soient vraisemblables : le lecteur va
Le lecteur prendra conscience que, quelles que soient les coutumes et la date du roman dans l’histoire, il s’est laisse seduire par des personnages finalement assez semblables a lui ou a ses proches. Le personnage romanesque est aussi un etre de fiction cree par l’auteur, mais comme pour une personne reelle on peut l’identifier grace a son nom de famille, son sexe, age ou meme origine sociale.
Le romancier rend le personnage proche du lecteur qui peut ainsi s’identifier a lui et s’y attacher, ainsi, les caracteristiques du personnage donnees par l’auteur permettent au lecteur de s’impliquer dans le roman, jusqu’a ressentir ses emotions, par exemple dans « Le Pere Goriot » de Balzac (1835), ou le lecteur est pris de pitie pour le personnage du pere Goriot, qui se depouille pour installer ses filles dans les hautes spheres parisiennes.
Le personnage romanesque peut aussi servir de maitre a penser au lecteur, lui donner envie de vivre des choses peu ordinaires comme dans le livre de Paulo Coelho « L’Alchimiste » ou nous suivons le periple d’un jeune berger espagnol lors d’un voyage qui le conduit d’Andalousie aux Pyramides d’Egypte, en passant par Tanger et le desert du Sahara, il decouvre sa legende personnelle, grace a l’aide d’un roi et d’un alchimiste. Aussi, tout au long du roman, le personnage sera l’objet de la dynamique de l’histoire.
Chaque personnage pourra alors defendre des idees ou une opinion sur la societe bien precise par un certain statut social defendu ou cree par l’auteur pour faire passer un message (politique ou philosophique). Ce courant apparaitra dans les annees 1930-1940, comme par exemple dans « la Nausee » de Jean-Paul Sartre (1938). Si le personnage de roman n’est pas realiste, c’est a dire, s’il est un heros, un personnage ideal, le lecteur ne s’identifiera pas a lui. L’histoire racontee va le depayser, mais cela peut etre agreable et interessant.
Il s’agit alors d’une autre approche de la lecture, et d’une autre attente. Avoir affaire a un personnage non-realiste demande peut-etre une autre qualite d’imagination. On peut aimer lire un roman dont le personnage est sans defaut, parfait, mais on ne s’identifie pas a lui. On reste un peu « a l’exterieur » du livre. Le personnage de roman parfait, hors des realites de sa vie, ne nous ressemble pas : on peut le regarder comme un modele, mais il demeure un peu in-humain, c’est-a-dire loin des preoccupations de son lecteur. Ce personnage « trop » parfait peut apporter de l’evasion, de la curiosite, mais peut-il usciter en nous de l’emotion ? Les heros romantiques, par exemple, qui connaissent des chagrins d’amour qui les jettent dans de profonds desespoirs, peuvent nous etonner, mais on peut avoir du mal a s’identifier a des sentiments aussi excessifs. Pourtant, on peut aussi se retrouver dans leur histoire, et penser qu’ils osent faire ou dire ce que nous n’oserions pas. Ces personnages non-realistes, c’est-a-dire loin du reel, peuvent nous faire rever, nous donner des elements de morale, nous entrainer dans des situations extraordinaires, mais sont-ils « humains » ?
Ce sont, par exemple, les heros du theatre classique. Il est vrai qu’il peut-etre constructif et enrichissant de connaitre des situations hors normes, et hors de la vie quotidienne. Un roman sur la vie d’un saint, par exemple, peut nous aider a connaitre des sentiments religieux eleves. Un personnage de roman completement deconnecte du reel peut etre attachant et drole, un personnage non-realiste peut nous faire rever ou rire. D’autres exemples ou le personnage du roman n’est pas « realiste » :
Dans la litterature fantastique, par exemple chez Gogol, dans la nouvelle « le nez », c’est un nez qui devient le personnage principal de l’histoire. On peut aussi penser a l’histoire de Dracula, de Bram Stocker. Les livres de Jules Verne, ou les heros vivent des situations completement inimaginables pour leur epoque (« 20 000 lieux sous les mers », « de la terre a la lune », etc. ) Les contes de notre enfance, ou on s’attache a des personnages plonges dans des situations extraordinaires : Le Petit Poucet, et ses bottes, Le Chat Botte, etc.
Plus loin, le personnage d’Ulysse, dans L’Odyssee, d’Homere, qui survit a des aventures terribles. Le personnage du petit sorcier Harry Potter, qui n’a rien de « realiste » ! Un personnage de roman ne doit pas forcement etre un etre realiste en ce sens que l’on peut lire avec un certain plaisir un roman dont le personnage principal serait un heros ou un saint. Mais, pour avoir des temoignages sur ceux qui font l’histoire des hommes, pour se retrouver dans les sentiments d’un personnage, pour nous permettre de mieux comprendre le reel, il est preferable que le personnage d’un roman soit realiste.
En conclusion, un personnage de roman ne doit pas forcement etre realiste ; cela depend de ce que l’auteur veut apporter a la litterature et de ce qu’attend le lecteur. Bref, un personnage de roman ne doit pas forcement etre realiste. Cela depend de la capacite du lecteur a imaginer, a s’incarner dans un personnage. Le plaisir de lire depend aussi de la capacite de l’ecrivain a nous faire entrer dans son monde, a nous entrainer dans son histoire, a nous donner envie de le « suivre », malgre les invraisemblances de son personnage. C’est le talent, qui va au dela des cultures et des modes.