1) Le Tartuffe ou l’Imposteur est une comédie en cinq actes (comportant respectivement 5, 4, 7, 8 et 7 scènes) et en vers (1962 alexandrins) de Moliere représentée pour la première fois à Versailles le 12 mai 1664. Au début elle ne comportait que trois actes. Mais ayant plu au Roi, elle fut interdite sous la pression des dévots qui reprochaient à Molière de donner une mauvaise image de la dévotion et des croyants. Molière, entre-temps, écrira et fera représenter plusieurs autres pièces célèbres: Dom Juan en 1665 puis Le Misanthrope en juin 1666.
Ce n’est qu’en 1669, après trois placets adressés au Roi et une fois la pièce ntièrement remaniée, que celle-ci fut autorisée et connut un immense succès. Dans Tartuffe il y a 12 personnages. 3) Il s’agit d’une co en vers et il en a 164 p g istre satirique, il est Dans l’acte III scène 3 1’émetteur est Tartuffe et le destinataire était Elmire, il n’y a aucun autre personnages. Ah ! pour être dévot, je n’en suis pas moins homme ; Et lorsqu’on vient à voir vos célestes appas, un cœur se laisse prendre, et ne raisonne pas.
Je sais qu’un tel discours de moi paraît étrange ;
Mes yeux et mes soupirs vous l’ont dit mille fois, Et pour mieux m’expliquer j’emploie ici la voix. Que si5 vous contemplez d’une âme un peu bénignes Les tribulations de votre esclave indigne, Sil faut que vos bontés veuillent me consoler Et jusqu’à mon néant daignent se ravaler, J’aurai toujours pour vous, ô suave merveille, Une dévotion à nulle autre pareille. Votre honneur avec moi ne court point de hasard, Et n’a nulle disgrâce à craindre de ma part.
Tous ces galants de cour, dont les femmes sont folles, Sont bruyants dans leurs faits et vains7 dans leurs paroles, De leurs progrès sans cesse on les voit se targuer8 ; Ils n’ont point de faveurs qu’ils n’aillent divulguer, Et leur langue indiscrète, en qui l’on se confie, Déshonore l’autel où leur cœur sacrifie9. Mais les gens comme nous brûlent d’un feu discret, Avec qui pour toujours on est sûr du secret : Le soin que nous prenons de notre renommée Répond de toute chose à la personne aimée, Et c’est en nous qu’on trouve, acceptant notre cœur, De l’amour sans scandale et du plaisir sans peur.
Molière (1622-1673), Tartuffe, 2 l’amour sans scandale et du plaisir sans peur. Molière (1622-1673), Tartuffe, Acte Ill, scène 3, 1669 COMMENTAIRE • En 1664, après la représentation de Tartuffe devant Louis XIV Molière voit sa pièce interdite sous la pression des dévots, qui lui reprochent de railler la religion. En 1 667 une nouvelle version de a pièce est de nouveau frappée d’interdiction par l’Église. Ce n’est que deux ans plus tard qu’il reçoit Pautorisation de la jouer, et connaît un succès triomphal.
Molière sait à la fois faire rire les spectateurs, et susciter l’inquiétude devant l’habileté avec laquelle l’hypocrite se sert de la religion pour s’emparer de la fortune d’Orgon, épouser sa fille, et séduire sa femme. A l’acte Ill, l’imposteur déclare en effet sa passion è Elmire dans une tirade devenue célèbre. Insinueux, galant, flatteur, Tartuffe révèle alors toute sa duplicité. On pourra ainsi étudier, dans un premier emps, cette tentative de séduction, puis dans un deuxième temps, l’argumentation de l’hypocrite.
L’art de Molière éclate dans la composition de cette tirade è travers laquelle le faux dévot se démasque. D’entrée, Tartuffe cherche à séduire Elmire en exaltant sa beauté. Il multiplie les compliments flatteurs, et célèbre les « célestes appas » (v. 2), les «charmants attraits» (v. 7), les «charmes» (v. 13) de celle qu’il veut séduire. Le champ lexical de la beauté ensorcelante se 3 beauté ensorcelante se développe à travers la première partie de la tirade, atteignant son point d’aboutissement, son apogée, dans ‘expression emphatique du vers 20: «ô suave merveille».
C’est qu’on retrouve également dans le texte l’exagération et l’amplification propres à l’éloge, qui conduit Tartuffe à faire de l’épouse d’Orgon un être divin: « la splendeur plus qu’humaine » (v. 7), de vos regards divins » (v. 10). On le voit, Tartuffe maîtrise parfaitement le code du discours amoureux, Jusque dans ses images « poétiques Le dévot mène une déclaration d’amour en suivant les règles de la galanterie : après avoir célébré la beauté de la femme, il lui faut souligner l’intensité de l’amour qui Vhabite. Derrière le dévot, il y a « un cœur» qui bat, affirme Tartuffe dès le premier vers de sa tirade.
Dès lors, c’est bien d’une déclaration d’amour qu’il s’agit, comme le soulignent les termes « aveu » (v. 6), « vous l’ont dit » (v. 14) ou « expliquer » (V. 1 5). Le mot « cœur » revient lui-même trois fois, entraînant le langage de la passion amoureuse («brûlent », v. 30 ; « personne aimée», v. 33 ; «amour», v. 35). Tartuffe se présente comme un homme vaincu par l’amour, en dépit de toutes ses résistances: Elmire est « souveraine » (v. 9), il n’est devant elle qu’un « esclave indigne » (V. 7), qui s’en remet à ses « bontés » (v. 18). De plus, 4 devant elle qu’un « esclave indigne » (V. 7), qui s’en remet à ses « bontés » (v. 18). De plus, cet échange qu’établit le discours amoureux entre l’amant soumis et la beauté convoitée se poursuit tout au long du texte à travers le jeu des pronoms et des adjectifs possessifs : « SI vous condamnez… que je vous fais» (v. 6) ; « de mon intérieur… vous fûtes» (v. 9); « de vos regards… mon cœur» (v. 10-11 «vos bontés… me consoler» (v. 18). Le discours semble, de cette manière, réaliser une relation entre Tartuffe et Elrmire, entre la première personne — le «je» du séducteur — et la deuxième personne — le « vous » de celle qu’il veut persuader.
Mais le langage de la persuasion ne suffit pas, et Tartuffe développe également une argumentation précise pour mieux convaincre. Le dévot montre alors toute son hypocrisie. La tirade de Tartuffe n’est pas simplement l’aveu que ferait de son amour un homme passionnément épris, elle se construit comme une véritable argumentation. Les premiers vers correspondent ainsi à l’énoncé de la thèse: si Tartuffe est tombé amoureux, c’est ? cause des charmes extraordinaires d’Elmire auxquels nul ne peut résister. C’est elle qui est, au fond, responsable de sa passion.
Tartuffe semble ainsi s’innocenter lui-même, et rappelle que ses résistances ont été vaincues : «jeûnes, prières, larmes » (v. 12), tout a été inutile. Par ailleurs, du vers 22 au vers 35, une longue o S «jeûnes, prières, larmes » (v. 12), tout a été Inutile. Par ailleurs, du vers 22 au vers 35, une longue opposition entre les galants de cour d’une part et les dévots de l’autre («les gens comme nous v. 30) illustre un nouvel argument, énoncé aux vers 22 et 23. L’honneur d’Elmire n’a rien à redouter.
Au delà du cœur Tartuffe s’adresse à la raison en vantant sa discrétion dans les affaires amoureuses, comme s’il ne s’agissait plus finalement que de surmonter des obstacles matériels dans la relation adultère. Ainsi éclate aux yeux du spectateur la profonde duplicité du personnage, qui ne cesse également d’utiliser le vocabulaire religieux pour exprimer sa passion charnelle. En effet, Tartuffe semble recourir, tout au long de sa tirade, à un double langage. Deux lexiques se croisent constamment: celui de la beauté physique et de la déclaration d’amour, d’un côté, le angage de la religion de l’autre.
Les mots et les expressions, comme « ange « splendeur plus qu’humaine « divins « ineffable « âme « dévotion », « autel», etc. appartiennent au langage de la liturgie chrétienne et nous rappellent que Tartuffe joue, dans la maison d’Orgon, le rôle d’un dévot uniquement préoccupé de choses spirituelles. On pourra dès lors hésiter: Tartuffe cherche-t-il à séduire Elmire en lui témoignant la dévotion qu’il accordait jusque-là à Dieu ? Ou bien veut-il, par prudence, se protéger prudence, se protéger en refusant d’utiliser des paroles profanes?
Dans tous les cas, la fin de la déclaration montre bien en Tartuffe l’hypocrite, habile à mener ses affaires de manière précise et calculée, transformant la soumission affichée du début en arrangements calculés au bénéfice du « plaisir», dernier mot du faux dévot qui a retiré son masque. On a parois reproché à Molière la composition de sa pièce en soulignant le caractère languissant de l’action qui fait attendre l’apparition de Tartuffe au troisième acte. Il est vrai que le deuxième acte, en particulier, semble un peu vide Mais dès que Tartuffe parait c’est un chef-d’œuvre.
Et le personnage du faux dévot, sensuel, amitieux et rusé, qui exprime en termes mystiques sa soif de plaisir s’inscrit dans la galerie magnifique des caractères peints par Molière. Si la comédie a pour but de « corriger les vices des hommes», comme il le défend, Tartuffe remplit parfaitement cette fonction. Et Pon comprend que les faux dévots, mais aussi toutes les formes d’hypocrisie, ont pu s’alarmer de se voir ainsi dénoncés sur la scène, tandis que les acteurs rêvent tous d’incarner ce personnage habile et inquiétant, qui tient lui-même un rôle et manie à la perfection le double langage.