Texte n°14: Baudelaire, Spleen (”Quand le ciel bas et lourd”) ( Non classe et 1ere STG/Commentaires sequence n°4 ) Texte n°14: Quand le ciel bas et lourd pese comme un couvercle Sur l’esprit gemissant en proie aux longs ennuis, Et que de l’horizon embrassant tout le cercle Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ; Quand la terre est changee en un cachot humide, Ou l’Esperance, comme une chauve-souris, S’en va battant les murs de son aile timide Et se cognant la tete a des plafonds pourris ; Quand la pluie etalant ses immenses trainees D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infames araignees Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, Des cloches tout a coup sautent avec furie Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, Ainsi que des esprits errants et sans patrie Qui se mettent a geindre opiniatrement. — Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, Defilent lentement dans mon ame ; l’Espoir, Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique, Sur mon crane incline plante son drapeau noir. Commentaire n°14 Question: En quoi consiste la representation du spleen dans ce texte? Comment peut-on definir le spleen d’apres ce texte?
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Enjambement qui ici accentue la destruction de l’Espoir – Le « crane incline » consent a sa defaite – L’image finale est bien celle d’un navire assiege, conquis par une « Angoisse » assimilee a un « pirate » (« plante son drapeau noir ») 1. Le spleen, mal psychique, et physique 1. L’enfermement comme symptome. – Les images de la prisons sont variees dans le texte: on note que l’on progresse du plus « large » « ciel », puis « vaste prison » (oxymore), puis « corbillards » (= cercueil, enfermement ultime) – Le « ciel » d’abord, compare a un « couvercle » Champ lexical de la prison: « cachot humide », « battant les murs », « cognant la tete », « plafonds pourris », « prisons », « barreaux ». – Enfin la prison ultime: les « corbillards ». A noter ici l’inversion du motif (Defile lentement dans mon ame: la prison ici est interieure, par une sorte d’inversion – ce n’est plus le corps qui est enferme dans le cercueil, mais le cercueil qui est enferme dans l’esprit » 1. Une somatisation du mal NB: On appelle « somatisation » le fait d’eprouver des douleurs physiques venues d’un mal moral – Transformation d’elements abstraits ou impalpables en elements olides: le « ciel » devient « couvercle », la « terre » est « changee en un cachot humide », Baudelaire remplace « l’esprit » par les « cerveaux ». Et si la fin fait allusion a l’ame, c’est finalement sur le « crane » que s’acheve le texte. – La figure qui domine est l’allegorie: majuscules a Esperance, Espoir et Angoisse (qui les personnifient). Le mal est decrit a travers un « bestiaire » concret et repulsif: « chauve-souris », « infames araignees ». 2. La musique du mal-etre – A ces images concretes s’ajoutent des allusions sonores D’abord dans les themes evoques: la strophe 4 multiplie les allusions a des sons penibles et stridents. – Mais egalement dans les sonorites du poemes, alliterations lourdes et stridentes. On notera notamment les « r », « s », et consonnes sourdes (sons: « p », « k »). On insistera notamment sur la dierese: o-pi-ni-a-tre-ment, qui met le mot en valeur et insiste sur la persecution que subit le poete. – Et a ces sonorites furieuses repond sans doute un mal pire encore: le silence (le « peuple muet », « sans tambour ni musique ») Le silence ici evoque le caractere insidieux du mal qui s’immisce dans l’ame et a laquelle on ne peut rien.