Introduction : Le temps et l’espace, les lieux et les gens, semblent ici et la porter un caractere fuyant. Cette fuite revet dans son essence meme une misere et une souffrance profondes, impalpables, qui viennent alors se jouer mais aussi se dejouer devant les yeux de l’educateur, de l’infirmier, du medecin… comme un defi a la societe « excluante ». Combien sont ils ? Ces hommes et ces femmes que j’ai vu, rencontre, ecoute, porte, oriente dans ce qui pourrait se definir comme des passages de l’urgence sociale. Les compter me semble soudainement futile, peut-etre la peur d’enlever le caractere subjectif de chacune de ces rencontres ?
Ils font partis du monde des sans, sans papiers, sans logis, sans abris, sans domicile fixe sont ceux qui viennent habiter, a defaut de domicile, l’urgence sociale. Ils l’habitent en se rendant de ville en ville, de foyer en foyer, de structure en structure… Autant de passages, de mouvements, qui viennent marquer l’errance, une forme de recherche de soi prise dans un perpetuel mouvement. Ils l’habitent egalement en s’isolant, en refusant et rejetant tout dispositif ou toute aide. Ceux la ce sont les clochards, les « naufrages », ceux pour qui les Samu Sociaux dans leur mission initiale ont ete crees.
Dans le
Le principe du Samu Social trouve sa specificite dans sa demarche qui consiste a proposer, et non a imposer, une relation ou une prise en charge dans une mobilite et une volonte « d’aller vers » ceux qui en ont besoin mais qui n’en font pas ou plus necessairement la demande. Depuis, ce systeme institutionnel c’est largement repandu sur l’ensemble du territoire national et a ete formalise par la Loi de lutte contre les exclusions de 1998, qui a instaure le dispositif de veille sociale.
Mais cette veille, comme pour porter une attention particuliere au sommeil de ces grands exclus, se nourrit a la fois d’un travail essentiel et professionnel mais aussi de forts paradoxes. La population accueillie dans les meandres de l’urgence sociale n’est donc plus seulement cet homme boiteux a la barbe longue, c’est aussi ces sans papiers venant tenter leurs chances au sein d’une nation « egalitaire », ces femmes et ces hommes ayant tout perdu suite a ce qu’on pourrait appele des accidents de vie, ces jeunes en quetes de sens dans n avenir de plus en plus incertain, ces anciens combattants, ces femmes violentees, ces familles pelerines tant elles ont marche, et puis, et puis, et puis… . Alors pendant neuf mois j’ai partage, observe, pris position en tant que stagiaire educateur specialise dans cette equipe du Samu Social de Bordeaux. J’ai eu bien souvent l’impression que l’educateur specialise dans ce type de structure est lui aussi pris dans une mouvance perpetuelle, l’emmenant a construire sa pratique professionnelle en passant dans des lieux toujours plus atypiques.
De l’accueil au local a cette entree de parking, de cette salle d’attente des urgences en passant par ce foyer d’hebergement, de cette rue sombre a ce sous-bois humide, l’educateur va a la rencontre de ces personnes que la situation familiale ou economique, la maladie, la folie, la perte de logement ou de tissu relationnel… a plonge dans une effroyable deshumanisation. L’educateur du Samu social doit donc composer, inventer des solutions provisoires, negocier pour que la securite physique mais aussi psychique de ces personnes soit preservee.
Il se situe egalement dans un travail d’evaluation et d’orientation, de prise de contact et de construction de relation, dans une demarche d’accompagnement et de soutien de la personne en souffrance… . Mais comment faire ? Arriver a construire un lien et une relation educative sans quotidien, pris dans un temps melant a la fois urgence et chronicite ne va pas de soi en education specialisee. Car il s’agit bien de cela, l’educateur au meme titre que la personne a la rue « ne font que passage » dans leur rencontre, ils se cherchent, se croisent, parfois s’evitent, le tout pris dans cette machine paradoxale qu’est l’urgence.
Que faire de ces paroles echangees, de ces histoires racontees, de ces plaies exposees, de ces passages eclairs, de cette souffrance perverse qui vient s’exhiber mais qui fuit a chaque tentative d’accroche, au fond que faire de ces « soi dit en passant » ? L’urgence est en effet ce temps, voir ce risque qui fait qu’au bout du fil, devant la porte, dans le local ou dans la rue « ca presse » et qu’il faut agir vite. L’urgence c’est aussi cette notion qui inclut dans son dispositif une heterogeneite de demandes, de problematiques et de reponses.
Face a cette multiplicite de contextes et de situations, le tout frappe par un sentiment d’urgence qui reduit a la fois le temps et les rencontres, comment l’educateur specialise construit il sa pratique professionnelle pour accueillir et accompagner la souffrance qu’il rencontre ? Le terme d’exclusion semble a l’heure actuelle definir une multitude de problematiques. En quoi ce terme, compris comme un processus, est il pertinent pour aborder la « question SDF ?
L’urgence sociale c’est definit comme une norme d’action dans le champ medico-social pour faire face aux problematiques du sans-abrisme. Comment dans ce paradigme d’action urgentiste, ou rien ne semble pouvoir se fixer, l’educateur travaillant dans un Samu Social construit et developpe sa pratique professionnelle face a la souffrance qu’il rencontre ? Car il s’agit bien de cela, toutes ces situations bien qu’heterogenes ont pour denominateur commun la souffrance. Souffrir dans la rue ne peut se traduire comme une « souffrance ordinaire ».
La rue deshumanise et violente ces victimes se retrouvant au banc de la societe. Cette souffrance revet de multiples formes mais semble atteindre son paroxysme en s’incarnant dans ces hommes et femmes qui sont appeles clochards. Par un long travail d’approche et d’ecoute les professionnels tentent d’accueillir et d’accompagner la souffrance que ces personnes viennent deverser aux yeux de tous. Apres avoir presente le terme d’exclusion en le ciblant plus particulierement sur les personnes dites SDF. Je vais m’attacher a decrire ce que represente l’urgence sociale et comment les situations que je qualifierai d’urgentes sont traitees a travers la pratique professionnelle du Samu Social de Bordeaux. Je me pencherai ensuite plus particulierement sur la problematique de ceux que l’on appelle clochards, sur la maniere dont peut etre pense et mis en place l’accueil et accompagnement de leur souffrance et sur la place qu’ils occupent, voire interrogent dans le dispositif d’urgence sociale.
Enfin a titre de temoignage j’aimerai aborder les ressentis et les interrogations qui m’ont traverse tout au long de ce stage. Car s’il peut paraitre facile de « panser » la souffrance, s’y confronter revet un caractere tout particulier venant atteindre la personne dans une sphere beaucoup plus profonde que celle appartenant uniquement au champ professionnel. Partie I : Exclusion et urgence sociale : developpement d’un paradigme d’action I. A) De la fragilite a la marge ou comment comprendre l’exclusion comme un processus ?
I. A. 1. L’exclusion : tentative de definition d’une notion ambigue Le terme d’exclusion apparait reellement en France dans les debats sociopolitiques en 1974 suite aux travaux sur la pauvrete de R. Lenoir[1]qui tendent a montrer que ce phenomene considere jusqu’alors comme marginal est en entrain de connaitre un fort accroissement dans la societe francaise. « L’inadaptation sociale s’accroit comme la lepre ; aucune classe sociale, aucun age ne sont indemnes.
L’alcoolisme n’a pas disparu, la drogue est apparue, les nevroses et les maladies psychosomatiques prennent le pas sur toutes les autres, les delinquants se multiplient, la frange des marginaux s’etend, et bientot affectera des pans de plus en plus nombreux de la population ». [2] La notion d’exclusion tire son origine du verbe latin « excludere » qui a pour sens « l’action d’exclure », «de mette a l’ecart ». S. Karsz[3] rappelle l’ambiguite de ce terme qui a l’heure actuelle est utilise de maniere generique et englobe une multiplicite de situations et de problematiques qui ne peuvent s’analyser sous un seul angle d’approche.
L’exclusion est en effet employee pour denommer et definir des situations touchant a la scolarite, au handicap, a l’emploi, au logement… autant de definitions rendant cette notion « molle » pour reprendre le terme de R. Castel. [4] Bien souvent lorsque nous employons le terme d’exclusion nous nous referons presque automatiquement a celui de pauvrete economique. Cependant la pauvrete ne serait que le caractere le plus visible de l’exclusion et ce critere n’est pas non plus totalement objectivable dans le sens ou on ne peut le generaliser a toute situation d’exclusion.
En 2002 une enquete menee par l’Observatoire Sociologique de Changement en partenariat avec la Federation Nationale des Associations d’Accueil et de Reinsertion (FNARS) montre que les personnes sans domicile fixe sont majoritairement issues d’un milieu pauvre ou modeste sans que l’on puisse affirmer pour autant une primaute totale de ce determinisme. En effet 14,3% des personnes interrogees avaient un pere commercant, artisan, chef d’entreprise ou qui exercait une profession intellectuelle superieure. A l’heure actuelle le seuil de pauvrete[5]est fixe a 560euros par mois pour une personne vivant seule.
En 1997 on denombrait en France 4. 2 millions d’individus vivant en dessous de ce seuil. Historiquement le terme d’exclu renvoie aux personnes que la croissance economique francaise des trente glorieuses n’a pu integrer dans le systeme marchand. Dans les annees 80, un chomage de masse et une conjoncture economique difficile viennent toucher des personnes ne presentant pas le profil habituel des pauvres et des marginaux dits inadaptes sociaux. Ces personnes sont nommees sous l’appellation de « nouvelle pauvrete ».
Aujourd’hui l’exclusion sociale revet une heterogeneite de formes allant du mendiant au marginal en passant par le chomeur de longue duree, le malade mental ou le refugie etranger… . Cette notion doit donc etre entendue comme une somme de facteurs individuels (familiaux, mode vie, physique, psychique…) cumules imbriques et imbriques a des difficultes d’ordre conjoncturel. Les diverses analyses qui tendent a expliquer cette exclusion moderne sont toutes en accord pour parler de processus d’exclusion, de par l’heterogeneite des causes et des facteurs qu’on lui accorde et de par sa structuration dans le temps.
Cependant dans sa forme la plus avancee, ce processus d’exclusion semble laisser place a une notion d’exclusion devenant un etat, installant la personne dans une grande precarite durable, la vidant de tout espoir de changement et developpant des formes de pathologies du lien et de la relation. Car quelque soit le niveau d’approche de l’exclusion, cette derniere definit toujours une perte de lien, que ce soit au niveau professionnel, familial, social ou medical. Pour tenter de mieux comprendre cette perte de lien, il me parait interessant de se referer a diverses analyses qui traduisent l’exclusion en terme de processus.
I. A. 2. Les Processus d’exclusion Nous les croisons a de nombreuses reprises sur ces trottoirs des grandes villes. Ces hommes ou ces femmes semblent etre sortis du temps. Autour d’eux tout s’agite, les mouvements incessants, les pietons et autres voitures passent et repassent. Mais eux qu’attendent ils, que fixent ils dans ces grandes agglomerations n’offrant plus d’horizon ? Ils sont juste la ; certains font la manche et d’autres tout simplement attendent… Mais que faut il attendre de la vie lorsque l’on a tout perdu, lorsqu’il ne reste plus rien.
A quoi ressemblait leur existence avant d’en arriver a cette forme de lethargie sociale ? Que s’est il passe ? James dit avoir tout connu a part son pere. Le mariage, les amis, le travail, les repas de familles, les vacances… « J’avais tout ». Puis vint le jour ou elle part. Alors on commence a boire, on s’isole de plus en plus, on se replie sur soi et quand on se retourne pour demander de l’aide, il n’y a deja plus personne. Le travail aussi vous joue des tours, l’entreprise va mal, il faut donc licencier. Alors un matin de fevrier le patron vous annonce : « il faut me comprendre ce n’est plus possible ».
De petit boulot en petit boulot on tente de sortir la tete de l’eau. Mais rien a faire. La souffrance et le mal etre font que toute tentative se resume a un echec. A partir de la tout va tres vite… . La rue, les centres d’hebergement, l’alcool pour oublier et cet indefinissable malaise interieur qui nous rend toujours plus faible et decourage. Ca y est, l’exclusion est bien a notre portee[6]. Nous voyons clairement dans cette hisotire que l’exclusion se construit a partir d’un enchainement de diverses ruptures dans le temps que certains auteurs ont tente d’analyser et de conceptualiser.
Je voudrais donc evoquer deux approches qui tentent a travers une demarche reflexive de comprendre les processus d’exclusion. I. A. 2. 1 la disqualification : Serge Paugam L’analyse de S. Paugam se base essentiellement sur une comprehension des rapports que la societe entretient avec ses marges. Ceci vient donc directement questionner la notion d’integration. L’idee initiale de son analyse est developpee autour du concept qu’il appelle la « Disqualification sociale »[7]. Pour Paugam ce concept fait appel a la notion de processus, amenant des personnes a devenir, pour reprendre son expression, « fragiles ».
La disqualification sociale serait le fait de ne pas participer pleinement a la vie economique et sociale de la societe. Les evolutions de notre systeme economique et social sont venues peu a peu mettre en marge des franges de la population vers une inactivite chronique, les poussant vers des rapports d’assistance avec la societe : « L’absence de perspectives d’emploi et le sentiment d’etre inutiles au monde peuvent mener certains a la rupture totale avec la societe »[8].
Cette fragilite vient alors interferer dans le rapport que les personnes entretiennent avec le travail, dans leurs liens sociaux et peu a peu ils vont devenir des individus a risques. Paugam va alors elaborer trois types de populations en fonction des rapports qu’elles entretiennent avec les services d’action sociales. Ces trois types de populations sont inscrits dans trois etapes distinctes du processus de disqualification : – l’etape de la fragilite : Les individus sont confrontes a des situations, voir des conditions d’existence douloureuses.
Ainsi le fait d’etre frappe par le chomage, par des difficultes d’insertion professionnelle ou le fait d’habiter dans des lieux socialement devalorises, sont des situations qui en plus de jeter des discredits sur les personnes, leur font vivre des experiences douloureuses. Generalement ces personnes se representent l’integration sociale par l’acces a l’emploi et le chomage est donc vecu comme une situation humiliante. La fragilite correspond a l’apprentissage et a l’interiorisation de la disqualification sociale. – L’etape de la dependance :
Plus la periode de disqualification dure et plus la probabilite pour les personnes de se referer a l’aide sociale va etre grande. Ces personnes vont bien souvent suivre de nombreux stages de formation et les resultats n’etant que rarement positif, elles vont petit a petit accepter et integrer leur statut d’assiste. – L’etape de la rupture : Cette etape correspond aux cumuls de differents handicaps et a une addition d’echecs qui vont mener les personnes a une forte marginalisation : pas d’emploi, problemes de sante, rupture familiale, revenus instables, perte de logement… .
Cette phase vient egalement atteindre la sphere psychologique de ces personnes, leur enlevant toute estime d’eux et de confiance en soi. Bien souvent c’est a ce moment que ces personnes perdent leur logement et vont donc s’inscrire dans des modes de vie marginaux. Cette marginalite est renforcee par le regard discrediteur que porte la societe sur elles. Cette troisieme categorie fait appel a des accompagnements plus lourds ne relevant presque plus de l’insertion professionnelle et etant souvent analyses sur le registre de la psychopathologie.
L’analyse de Paugam, bien que decrite de maniere tres succincte dans ce passage, a l’interet de definir l’exclusion comme un processus et non comme un etat. De plus l’auteur dans son analyse permet a travers une grande heterogeneite de situations d’etablir une classification. Cette classification bien que pertinente sur un plan scientifique semble trouver quelques limites dans son utilisation et renvoie a une question : Faut-il ou pas construire les statuts de l’exclusion ? I. A. 2. la desaffiliation : Robert Castel Dans son ouvrage « les metamorphoses de la question sociale »[9] R. Castel part d’une approche socio-historique pour aborder le concept d’exclusion. Son etude sur la forme du salariat et sur son evolution amene de nombreux points qui eclairent la notion d’exclusion. Pour cet auteur l’exclu est le produit du processus de desaffiliation c’est-a-dire de la rupture du travail correle a une perte des liens traditionnels de socialisation qui portent un sens et qu’il nomme lien societal.
Nous serions donc passes des « societes de tutelle », ou les gens se trouvaient sous la dependance de liens entre personnes (ce sont les rapports feodaux, les statuts etaient regles par le droit), a des « societes de contrat » a la mode liberale, jusqu’a des « societes de protection » ou de statuts qui sont les formes modernes du salariat. Pour Castel cette evolution de nos societes s’est vue peu a peu fragilisee avec pour point de chute l’introduction d’une certaine vulnerabilite dans les rapports au travail.
Du 18eme siecle jusqu’au annees soixante-dix le travail avait une fonction integrative. Il cree une utilite sociale en inscrivant les individus dans un contrat social rendant les hommes interdependants et de ce fait est generateur de lien social. La precarisation de l’emploi et le chomage sont venus bousculer cet ordre et de ce fait la question de la cohesion sociale et de l’integration des personnes a la marge est venue se poser. Castel definit la cohesion sociale en fonction de l’integration par le travail et la sociabilite socio familiale.
Le croisement de ces deux axes vient definir differentes zones de la vie sociale ou se situent les personnes en fonction de leur degre d’integration. Il y a la zone d’integration, la zone de vulnerabilite, la zone d’assistance et la zone de desaffiliation. La derniere zone est habitee a la fois par une absence de travail et par un isolement social. Une serie de ruptures et d’echecs peut faire basculer certaines personnes d’une zone a l’autre. Les individus qui se trouvent dans la zone de desaffiliation sont demunis a la fois de ressources economiques, de support relationnel et de protection sociale.
Ceci amene Castel a questionner le fait que ces personnes n’etant plus des acteurs, comment peuvent-elles exister socialement ? En fait l’approche de Castel montre que les choses se defont parce que le compromis social se defait, parce que les grands montages du salariat et de la protection qu’on avait inventes sont fragilises. Cette fragilite nous amene a un retour en arriere ou contrat a duree indeterminee, stabilite de l’emploi, carriere assuree, progression sociale n’ont marque l’histoire de la France que de maniere tres breve.
La France compte a l’heure actuelle trois millions de chomeurs et la contractualisation sur le marche de l’emploi est de plus en plus precaire (CDD, CES, CNE…). L’autre facteur important dans l’analyse de l’exclusion est celui de la crise actuelle du logement qui fait apparaitre un manque de six cent mille logements en France et pres de cinq millions de personnes sont mal logees. Alors qu’autrefois les inegalites sociales apparaissaient en terme de classes, aujourd’hui elles se dessinent en terme d’inclus et d’exclus. Il semble qu’aujourd’hui, les conditions sociales ne favorisent plus l’integration de l’ensemble de ses membres.
La societe francaise n’offre plus certaines garanties a ses citoyens face aux risques d’exclusion et de ce fait beaucoup de personnes sont amenees rencontrer pauvrete, precarite et exclusion. les apparaissaient en terme de classes, aujourd’al se defait, parce que les grands montages du Julien DAMON[10], considere que les personnes sans domicile fixe figurent prioritairement parmi les exclus et qu’ils sont des figures typiques de l’exclusion, ils seraient en bas de l’echelle sociale, mais aussi en fin de course dans une echelle de la marginalite. I. A. 3 La question SDF I. A. 3. 1 Approche historique
La « question SDF » a toujours suscite dans la societe a la fois inquietude et facination. Autrefois appeles vagabonds, ces personnes furent considerees comme delinquantes jusqu’en 1992, date a laquelle le delit de vagabondage disparait du code penal. Deja au moyen age le vagabond derange et est considere comme dangereux pour l’ordre public. La charite chretienne qui est en charge a l’epoque de l’assistance fait une distinction tres nette entre bon et mauvais pauvre. Les vagabonds de l’epoque ont ete contraints de quitter leurs villages a cause des guerres, de la famine et des epidemies grandissantes.
C’est en ce sens qu’ils sont donc consideres comme mauvais pauvres puisque une difference va s’etablir a l’epoque entre une pauvrete choisie, sublimee sur le plan spirituel par l’eglise, et une pauvrete subie qui etait assujettis au mepris. Le pauvre a avant tout une fonction sociale ; il symbolise la souffrance et permet aux riches de racheter leurs peches par l’aumone. Cependant cette consideration du pauvre ne signifie pas pour autant son acceptation. Ainsi l’eglise va accueillir de nombreux indigents mais en fonction de l’age ou des handicaps que ces personnes cumulent, ils seront soit gardes sur le long terme, soit renvoyes a la rue.
Pendant la guerre de Cent Ans les villes voient affluer a leurs portes de nombreux vagabonds ce qui a pour consequence la creation des premiers arretes anti-mendicite et l’obligation faite a ceux qui le peuvent de travailler[11]. Va s’en suivre une grande campagne politique repressive qui va conduire le 16eme siecle a ce que l’on a nomme le « grand renfermement ». Des lors les mendiants vont etre enfermes dans les hopitaux qui deviennent des enceintes carcerales et les vagabonds sont quant a eux condamnes aux galeres a perpetuite. Au 18eme siecle et avec l’avenement des idees revolutionnaires, le concept d’assistance est profondement modifie.
Des lors l’assistance va etre controlee par l’Etat et la declaration des droits de l’homme de 1793 stipule dans l’art. 21 que : « les secours publics sont une dette sacree. La societe doit subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister a ceux qui sont hors d’etat de travailler ». Les hopitaux vont alors passer sous le controle de l’Etat en adoptant non plus une fonction repressive mais une fonction asilaire. Le 19eme siecle est marque par une forte precarisation des salaires et des conditions de travail ce qui va pousser un grand nombre de personnes dans la mendicite.
Avec le progres de la medecine, les hopitaux vont peu a peu perdre leur fonction asilaire renvoyant de plus en plus de personnes dans la rue. De la fin de ce siecle jusqu’au debut de la seconde guerre mondiale de nombreuses mesures vont etre prises mais toujours en direction de ceux qui sont dans l’incapacite de travailler. Ainsi les autres, ceux qui ont rompu avec le pacte social, les oisifs qui sont en « capacite » de travailler mais qui ne le font pas n’auront aucun droit et ce a toutes les epoques. A l’heure actuelle les personnes se retrouvant sans domicile de maniere ponctuelle ou chronique, sont toutes regroupees sous le terme de SDF.
Ce terme definit actuellement une foule de situations tres heterogenes mais en efface le caractere subjectif et specifique. De ce fait cette notion ne peut etre definie comme une « notion analytique » (L’exclusion definir pour en finir)[12] et il parait donc important de s’y attarder. 1. A. 3. 2 Le SDF aujourd’hui L’expression sans domicile fixe designe des personnes ne vivant pas en logement ordinaire, sans residence stable, sans logement durable. Le terme de SDF est apparu dans les medias en 1993, pour qualifier les phenomenes d’errance, de marginalite, de grande pauvrete et d’absence de logement.
Les personnes SDF ont un statut complexe et ont ete nommees au cours de l’histoire sous differentes appellations comme « vagabonds », « indigents », « clochards », ou encore comme « sans abris ». Le SDF « moderne » peut aussi bien qualifier une mere de famille se trouvant a la rue parce que victime d’une expulsion ou de violences conjugales, qu’un cadre se retrouvant au chomage et en situation de rupture familiale ou le clochard vivant a la rue depuis des annees et se trouvant au paroxysme de l’exclusion.
En fait la categorie de SDF regroupe sous ce vocable une multitude de populations avec des problematiques differentes. Pour la Direction Generale de l’Action Sociale la personne SDF serait « une personne en situation d’errance dans l’espace public »[13] et cette instance differencie trois groupes distincts dans cette population : « – les nouveaux venus a la rue par accident et qui gardent une forte probabilite de retrouver une situation stable. On les nomme parfois SRS (Sans residence stable). – un deuxieme roupe est compose de ceux qui connaissent des problemes plus graves et relevent d’une intervention sociale appuyee. – Ceux du troisieme groupe ne semblent pas avoir de solution en terme d’insertion ». Pour parler de la situation des personnes sans domicile fixe, des etudes recentes mettent en parallele un contexte lie a des transformations structurelles (chomage, crise, pauvrete…), et une dimension subjective (infirmite, maladie mentale, rupture affective, addiction diverses, passe douloureux…).
Cette analyse montre l’interaction de differents facteurs. Etre dans la situation de SDF, ce n’est pas seulement avoir perdu son logement et se retrouver au plus bas de l’echelle sociale, c’est egalement eprouver un sentiment de disqualification, d’inutilite sociale, mais aussi etre confronte a des doutes a propos de son existence et de son identite[14]. Julien Damon[15] decrit trois types de carrieres[16], qui ne sont pas forcement chronologiques : la phase de fragilisation, la plus courte, caracterise le parcours d’une personne qui, suite a la perte d’un logement, d’un emploi, d’une rupture familiale ou d’une fin de prise en charge, va se retrouver momentanement a la rue. Cependant cette personne est encore dans une dynamique lui permettant de quitter la rue. – La phase de routinisation, plus longue, est atteinte lorsque la personne se retrouve dans un environnement et dans des activites familieres au monde de la rue. Les outiniers organisent leur vie autour des dispositifs et des guichets d’aide, d’assistance et de solidarite. Ce sont les plus debrouillards, les bricoleurs qui allient strategies et tactiques interpersonnelles et psychologiques. Ils peuvent retrouver une stabilite, avec l’appui d’un service de prise en charge. Cependant si ces personnes s’enferment dans cette forme de carriere, elles risquent de rentrer dans une phase de sedentarisation. – La sedentarisation est la phase ou la personne est la plus ancree dans le monde de la rue.
Elle caracterise une chronicisation de la situation de SDF et definit apres plusieurs annees un etat de clochardisation que je definirai dans la partie suivante. Les personnes chronicisees vivent generalement de maniere tres isolee, se limitant a un nombre tres restreint de relations quand elles en entretiennent. Ces personnes font tres peu ou pas appel aux dispositifs d’aide et d’hebergement classiques. Ici il faut entendre le terme de sedentarisation par une installation dans l’espace public et un retrait des guichets de l’aide sociale.
Sdf, Sans-abri, clochards, sont autant de mots qui viennent rappeler que l’exclusion n’est pas qu’une notion mais bel et bien une realite sociale ou des individus en perte de liens et de sens, vivent ou viennent s’echouer chaque jour. Ils sont par excellence les figures de l’exclusion ; les exclus des exclus, ceux pour qui la descente de l’echelle sociale est arrivee a son terme. Tantot ignores, tantot surmediatises, l’appellation de « SDF » qui est donnee a ces personnes regroupe dans l’analyse une multitude de problematiques.
Bien qu’heterogene cette population est placee sous l’egide du dispositif d’urgence sociale. Ce dispositif formalise par la loi de lutte contre les exclusions est donc venu repondre, a cette souffrance (ou « sous-France ») exposee aux yeux de tous, ce sentiment de l’insupportable. Avant d’aborder le traitement des problematiques que peuvent connaitre ces personnes dans un cadre d’action pouvant se definir comme urgentiste, il parait interessant de se plonger sur la notion d’urgence sociale et sur son avenement. I. B) L’urgence sociale I. B. 1 Une societe de l’urgence
Ethymologiquement le terme d’urgence renvoi au latin urgens qui introduit l’idee de quelque chose de pressant, ce qui doit etre traite dans l’immediatete. Cette notion apparaissant au XVIIIeme siecle et dont l’emploi jusqu’au XIXeme est extremement rare, va essentiellement puiser ses racines contemporaines dans le milieu hospitalier avec la medecine d’urgence. Mais a en croire N. Aubert[17] ou Z. Laidi[18] cette notion d’urgence doit etre egalement entendu dans un sens plus general. D’apres ces auteurs le rapport que la societe entretient avec le temps a considerablement change.
Nous serions pris dans un rapport a un temps court, qui ferait de l’urgence l’une des principales unites de mesure du temps social. A cela Z. Laidi avance l’hypothese qui consiste a dire que cette montee en puissance d’un « temps social urgentiste » ne peut pas s’expliquer par le simple fait d’un accroissement massif de problemes relevant d’une dite urgence. La causalite de ce phenomene ne peut pas non plus tenir exclusivement a l’acceleration du temps, pourtant indiscutable mais toujours relative. Pour Z. Laidi cette mutation de notre relation au temps serait bien la resultante d’une reelle mutation culturelle.
Cette nouvelle temporalite serait identifiee comme un regne de l’immediatete ou l’individu ne vivrait que dans le present, du fait d’un avenir de plus en plus incertain. « Elle s’impose comme la modalite ordinaire de l’action en generale »[19]. Pour comprendre cela il est interessant de faire un renvoi sur la notion de temps et de temporalite. Selon le Robert « le temps est un milieu indefini ou paraissent se derouler irreversiblement les existences, les evenements et les phenomenes ». Ce temps est une perception subjective et une notion toute relative que chaque individu vit a sa maniere.
Le temps s’allonge ou s’accelere au gre de l’humeur et du moment. Ainsi, la force de l’habitude donne l’impression qu’il ne s’est rien passe et a l’inverse, l’attente et l’impatience font de chaque minute des heures angoissantes. Notre perception temporelle semble etroitement liee a notre etre tout entier et a l’experience anterieure que nous avons de celui-ci. Ce vecu subjectif et interieur du temps se retrouve dans chacun de nous et cette notion peut prendre son sens le plus fort en situation d’urgence, dans un rapports au temps resserre et reduit a la simple satisfaction d’un desir, d’une pulsion.
Mais cette notion de temporalite vient etroitement liee, passe, present et avenir du sujet. Le commencement et le devenir sont deux notions essentielles qui s’entremelent dans le present. Le passe n’a d’effet sur le present que dans la mesure ou il est une reserve de sens pour le sujet et, d’autre part, l’avenir apparait trop peu prometteur et peut procurer de l’angoisse. Ainsi, on se trouve dans une situation temporelle detachee du passe et incapable de se rattacher a un avenir. Aussi on peut parler d’une surcharge du present dans lequel se reuniraient experience et attente.
Le present cumulerait ainsi les responsabilites temporelles du passe, de son propre temps et de l’avenir. Dans cette nouvelle temporalite, l’urgence ne serait que la traduction de cette surcharge, avec l’exigence du « tout tout de suite » et le refus violent d’accepter une reponse differee. L’urgence n’est pas qu’une temporalite, c’est aussi un mode d’action qui s’illustre notamment dans le secteur de l’action medico-sociale et plus particulierement dans le traitement et dans l’accompagnement de l’exclusion sociale.
En 1988 une reforme consideree comme urgente instaure la creation du revenu minimum d’insertion. Va s’en suivre une multiplication de formes d’aides sociales liees a l’urgence et a l’exclusion. I. B. 2 Definition et approche Ce soir la nous avons rencontre le silence. Un silence qui fait bruit tant il traduit des significations. Elle est la assise, depuis quand, combien d’heures ? Cette immobilite physique traduit bien souvent une immobilite sociale, un abandon de soi aux aleas du temps. Marta est arrivee en France il y a une semaine.
Sans papiers, sans ressources, elle « vagabonde » de ville en ville a la recherche d’une aide, d’une main tendue qui l’aidera a survivre. Dans ce periple elle n’est pas seule. Sur ses genoux est venue se refugier la petite Yolande, agee de trois ans et demi. A peine plus loin, dans une poussette s’expose aux murmures des voitures lointaines le sommeil d’un enfant, celui de Yvon le petit frere age d’a peine un an. Une rue noire vient cacher cette representation de desespoir et de detresse. Mais cette image est accompagnee d’un calme souverain, comme si parole et echange s’etaient soudainement effaces de cette famille.
Il est minuit, l’equipe du Samu Social vient d’arriver sur les lieux du signalement[20]. Depuis une quinzaine d’annees sont venus s’inscrire dans le champ du travail social des modes d’interventions et de reponses faisant appel a la notion d’urgence, voir d’extreme urgence. L’urgence est une dimension qui impose son temps et qui necessite une action dans l’instant, brouillant a la fois les reperes physiques mais aussi psychiques. Ce concept d’urgence sociale, longtemps rejete du champ de l’action sociale a ete defini pour la premiere fois par Xavier Emmanuelli[21] : L’urgence sociale qualifie toutes les operations entreprises comme des sauvetages, lorsque la personne est consideree comme une victime en perdition et que sa vie semble en danger, a court ou moyen terme ». Pour comprendre et analyser cette notion d’urgence sociale, il est important de la repositionner entre deux courants qui l’ont fait emerger dans les annees 60. Le premier se situe dans le champ du travail social qui se retrouve confronte a des situations face auxquelles il doit inventer des modes de traitement rapides, se mettre en action pour pallier au plus presse, l’emmenant a sortir de son mode d’intervention habituel.
Le second courant se refere a l’urgence medicale qui s’est specifiquement etabli pour traiter, medicalement, les pathologies accidentelles. Ces deux champs d’intervention bien que distincts, l’un relevant du social et l’autre de la sante publique, sont venus s’imbriquer d’une maniere quasi mecanique. En effet une situation faisant appel a un traitement social en terme d’urgence peut logiquement entrainer un probleme de sante publique a court ou a long terme pour les personnes. L’urgence sociale dans sa conception originelle s’est donc basee sur un rapprochement avec la medecine d’urgence. Ce paradigme d’action rend sa source dans deux spheres medicales, a savoir la medecine de l’ « avant militaire » et dans l’apparition de l’ « anesthesie-reanimation », qui ont toutes deux comme point commun la recherche de remise en etat. Le SAMU (Service d’Aide Medicale d’Urgence) voit le jour a titre experimental en 1960 et l’Etat officialise son existence par un decret de 1965. « Le principe est de creer des « antennes chirurgicales mobiles » intervenant en milieu civil sur le principe d’une coordination de differents moyens de secours : pompiers, gendarmerie, police secours, medecins de secteur hospitalier et liberal ». [22]
C’est en 1983, periode ou les Services Medicaux d’Urgence sont en plein essor, que la notion d’urgence sociale commence a apparaitre dans diverses circulaires relatives a l’action des DASS dans la lutte contre la pauvrete et la precarite. Il faut cependant attendre 1993 pour que cette notion soit reellement mise en avant dans le secteur social. A cette periode la France est frappee par une importante vague de froid qui entrainera de nombreux deces de ceux qui sont a l’epoque appeles les « nouveaux pauvres ». La forte mediatisation de ces evenements va venir interpeller la societe francaise aussi bien sur un plan personnel que collectif.
X. Emmanuelli dont l’implication dans l’action humanitaire a cette epoque n’est plus a demontrer va etre l’initiateur du premier Samu Social de France, le Samu Social de Paris : « le Samu Social doit son nom a ses missions d’urgence sociale par analogie au S. A. M. U. qui lui ne realise que des missions d’urgence medicale ». [23] Peu a peu l’urgence sociale comme mode d’intervention va s’inscrire dans le paysage social mais va egalement s’enraciner dans le champ politique avec comme point de concretisation la nomination de X. Emmanuelli au Secretariat Etat a l’Action Humanitaire d’Urgence.
L’humanitaire va alors prendre une place particuliere puisque jusque la il etait reserve aux pays pauvres ou en voie de developpement, touches par des famines ou des guerres. Un nouveau mode d’intervention introduit ses missions en le reconnaissant officiellement apte et pertinent pour s’occuper des personnes les plus precaires dans un pays developpe et riche. Va alors se developper une veritable politique sociale, basee sur un traitement d’urgence des problematiques rencontrees. Cette notion d’urgence, sensee par definition etre temporaire jusqu’a un retour a la « normale » va s’averer illusoire.
L’urgence va en effet peu a peu s’inscrire comme une norme d’action dans le traitement des problematiques touchant la grande exclusion et devenir une reference institutionnel formalisee par la loi de lutte contre les exclusions de 1998. I. C) Agir contre l’urgence : une volonte politique En 1974 et 1979 deux chocs petroliers frappent l’economie mondiale. La France touchee par cette crise connait une forte recession economique ayant pour consequence une precarisation des emplois, un fort taux de chomage et de nombreux licenciements.
L’ideologie sociale fondee jusqu’alors sur la valeur du travail va aborder la question de ceux que l’on nomme les « inadaptes sociaux » d’une tout autre maniere. Ils sont en effet percus comme les victimes d’un systeme et va en decouler une acceptation des differences. En 1980 la conjoncture economique ne fait que s’aggraver et la precarite vient toucher toutes les couches de la population. En 1983 les soupes populaires sont remises en place et Pierre Beregovoy, alors ministre des Affaires sociales et de la Solidarite lance les plans « pauvrete-precarite » destines a l’accueil des populations les plus touchees.
Face a cette pauvrete grandissante qui ne flechira quasiment pas, le RMI est instaure en 1988 (Loi n° 88-1088 du 1er decembre 1988) et en 1990 la loi Besson (Loi n°90-449 du 31 mai 1990) definit le logement comme un droit essentiel. En 1998 une loi d’orientation relative a la lutte contre les exclusions est votee a l’unanimite par l’assemblee nationale. Premiere en la matiere, cette loi traduit une volonte politique de combattre l’exclusion et de definir les moyens a mettre en ‘ uvre pour y arriver.
L’article premier de cette loi demontre l’esprit qui s’en degage : « la lutte contre les exclusions est un imperatif national fonde sur le respect de l’egale dignite de tous les etres humains et une priorite de l’ensemble des politiques publiques de la nation. »(…) « La presente loi tend a garantir sur l’ensemble du territoire l’acces effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la sante, de la justice, de l’education, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance. (…) « L’etat, les collectivites territoriales, les etablissements publics dont les centres communaux et intercommunaux d’action sociale, les organismes de securite sociale ainsi que les institutions sociales et medico-sociales participent a la mise en ‘ uvre de ces principes. Ils poursuivent une politique destinee a connaitre, a prevenir et a supprimer toutes les situations pouvant engendrer des exclusions. »[24] L’egalite des droits est une notion primordiale dans la mise en place de cette loi et vont s’en suivre diverses actions concretes.
Pour preuve la mise en place du programme TRACE (trajet d’acces a l’emploi) axe sur l’emploi et la formation a partir d’un accompagnement individualise des jeunes de 16 a 25 ans ou au niveau de la sante la mise en place des permanences d’acces aux soins ou encore l’acces au logement par le biais d’une harmonisation des modalites d’obtention du FSL (Fond de Solidarite Logement). Afin de cerner l’ampleur et les mecanismes de l’exclusion le gouvernement s’est dote de diverses instances comme l’Observatoire National de la Pauvrete et de l’Exclusion (ODAS) qui tente de dessiner plus finement la population en ituation de precarite et de proposer des pistes d’action face a l’exclusion sociale en perpetuelle augmentation. En parallele a ces dispositions generales pour combattre l’exclusion, il a ete instaure dans chaque departement un dispositif de veille sociale (art. 157-III) pour repondre aux situations qualifiees d’urgentes. Ainsi cet article prevoit que « dans chaque departement, un dispositif de veille sociale charge d’informer et d’orienter les personnes en difficulte, fonctionnant en permanence tous les jours de l’annee et pouvant etre ainsi saisi par toute personne, organisme ou collectivite ».
La mission du dispositif de veille sociale consiste en l’accueil, l’information et l’orientation des personnes en difficultes. Cette mission se decline en trois axes : – Evaluer l’urgence de la situation, en particulier de la personne ou de la famille en difficulte. – Proposer une reponse immediate en indiquant notamment l’etablissement ou le service dans lequel la personne ou la famille interessee peut etre accueillie, et d’organiser sans delai une mise en ‘ uvre de cette reponse, notamment avec le concours des services publics. – Tenir a jour l’etat des differentes disponibilites d’accueil dans le departement.
Le dispositif de veille sociale est finance par l’Etat. Sur la Gironde ce dispositif se compose de quatre services : – Le CAIO (centre d’accueil d’information et d’orientation) : dote de permanences d’assistantes sociales, il a pour but de recevoir et d’orienter les personnes vers toute institution pouvant leur offrir le moyen d’une premiere insertion, quel que soit le domaine concerne. De plus des personnes en errance peuvent se faire domicilier dans ce service afin d’etablir un travail et un suivi autour de leur situation administrative et sociale. Le 115, numero d’urgence « sans abri » a pour mission d’ecouter et d’orienter les personnes en difficulte 24/24 et 365 jours/an. – Le foyer Leydet, qui est le plus important centre d’hebergement d’urgence de la Gironde. En etroite collaboration avec les autres services qu’il tient informer du nombre de places disponibles. – Le Samu Social de Bordeaux qui dans sa mission premiere a pour role d’aller a la rencontre des publics les plus isoles pour leur faciliter l’acces aux droits communs en matiere de sante et de droits sociaux. Cette configuration du dispositif est propre au departement de la Gironde.
Meme si les missions de la veille sociale restent nationales, leur mise en ‘ uvre est organisee selon les besoins reperes dans chaque departement. Mon stage a responsabilite educative s’est donc deroule pendant neuf mois au sein de l’equipe du Samu Social de Bordeaux. Avant d’aborder dans une deuxieme partie le travail qui y est effectue et les analyses et reflexions que j’en tire, j’aimerais aborder succinctement le fonctionnement institutionnel de ce service. Partie II : Le traitement de l’urgence sociale II. A) Le Samu social de Bordeaux : analyse du dispositif institutionnel d’Aide Mobile d’Urgence
Je me rappelle de mon premier jour de stage. Nous devions etre aux alentours du 20 janvier, periode ou le froid a deja pris possession de la rue. Un bruit de sonnette aigu a retenti vers18 heures. La, derriere cette grande porte metallique a l’aspect « carceral » se trouve une poignee de personnes attendant dans le froid. Ma premiere vision fut celle de Peter, immigre Allemand de 59 ans, heberge au local du Samu Social voila maintenant deux ans. Peter a tout du clochard, l’allure cassee, blessee, la bequille qu’il tient dans sa main droite semble suivre le prolongement de ses ongles longs.
Dans son autre main il porte une poche en plastique ou je peux deviner la silhouette d’une bouteille de vin. Ses cheveux longs et blancs sont assortis avec un manteau beige vieillissant. Sa barbe cache son teint rougi par l’alcool et le froid. Derriere lui, Daniel peine a monter les quelques marches qui lui permettront de se mettre enfin au chaud. J’apercois au bout de la file un jeune homme d’une vingtaine d’annee, habille de vetements larges et coiffe d’une casquette. Il est accompagne de son chien, qu’il tient virilement par une laisse ornee de clous.
A la fin du cortege, fermant la marche, se trouve une famille composee d’une mere et de ses deux jeunes enfants. Jusqu’a 21heure le local va alors etre le lieu de passage de nombreuses personnes, passages toujours accompagnes par ce retentissant bruit de sonnette et par ce claquement metallique qui signifiera leur sortie. Il est 22h30 quand un travailleur social de l’equipe et moi embarquons dans la camionnette pour aller a la rencontrede cet homme, signale auparavant par le biais du 115, allonge sur un trottoir de la peripherie de Bordeaux. « Bonsoir Monsieur nous sommes du Samu Social, on venait voir comment ca allait ? . II. A. 1. Le Samu Social de Bordeaux : origine du projet Le projet du Samu Social de Bordeaux est ne du constat d’une augmentation importante du nombre de personnes sans abri et de la difficulte des services sociaux a entrer en contact avec ces populations pour leur permettre de beneficier des dispositifs de droit commun tant sur le plan social que medical. Sa mise en place s’est realisee par la rencontre entre les preoccupations des institutions de tutelle (Services de l’Etat, du Conseil General, de la Mairie), et celles d’un certain nombre de structures associatives et caritatives intervenant aupres de ces publics.
Le Samu Social a ete cree a Bordeaux en decembre 1996, la D. D. A. S. S. de la Gironde confiera au PRADO 33 le fonctionnement de cette structure a partir de septembre 1997. L’objectif principal du Samu Social est de faciliter l’hebergement des populations sans abri et en situation de detresse et d’organiser l’acces des personnes aux dispositifs de droit commun (services sociaux et de soin). La realisation de cet objectif necessite, d’une part, d’aller au devant des populations les plus marginalisees et desocialisees et d’autre part de mettre en oeuvre des modalites d’accueil, d’orientation et d’accompagnement medico-sociales adaptees.
Pour rendre cet accompagnement efficient le Samu Social de Bordeaux se dote de professionnels appartenant au champ social et medical qui travaillent en etroite collaboration. II. A. 1. 1 Publics concernes Le Samu Social s’adresse aux personnes sans abri et en situation de detresse qui presentent un probleme social ou medical urgent, et qui du fait de leur condition de vie et de leurs parcours, ne disposent pas, de l’usage, de l’experience et des savoir-faire en matiere d’acces aux droits sociaux et aux soins. .
Ces personnes ont en commun des itineraires sociaux souvent tres chaotiques, des difficultes a elaborer des projets de vie et a gerer les ressources de l’environnement social ainsi que leur sante. Tres vulnerable psychologiquement du fait de leur condition de vie, de leur parcours, de la violence qui regne dans la rue, du poids des antecedents (maladies organiques et/ou troubles psychiques) associe bien souvent une alcoolisation chronique, ces personnes ont developpe une tres grande mefiance, voire une grande suspicion envers les professionnels du secteur sanitaire et social : peur des soins et des contraintes associes, peur des oignants, crainte de tout ce qui represente une quelconque autorite du fait de leurs parcours dans les institutions, ou de leur rapport a la loi ou tout simplement de la conscience qu’ils ont de leur etat et de leur situation. S’il n’y a pas de pathologie de l’errance sociale, il y a des formes de souffrance qui remettent en cause la finalite institutionnelle des organisations sociales et de soins, ce qui explique les rapports conflictuels que le public entretient avec les institutions dont ils ne comprennent pas les regles, ni les rythmes, ni les codes.
Trois grandes categories de personnes peuvent etre distinguees selon le type de situation: . Une premiere categorie de personnes tres desocialisees, depuis longtemps enracinees dans un mode de vie extremement precaire, tres eloignees des institutions, qui ne demandent rien et qui refusent ou se trouvent dans l’incapacite de formuler une demande d’aide. . Une deuxieme categorie de personnes dont le parcours est tout aussi chaotique, marque par des ruptures affectives et sociales qui ont entraine une desocialisation souvent aggravee par des origines sociales et un passe familial difficile.
Ils s’inscrivent dans un processus dans lequel la rupture et l’errance tiennent lieu de fonctionnement social, processus souvent favorise par le morcellement des dispositifs institutionnels. Cette categorie est plus heterogene: on peut y rencontrer des jeunes en rupture familiale, des personnes sortant de periodes plus ou moins longues d’incarceration qui ne peuvent ou qui ne souhaitent pas renouer des liens avec leur environnement, des personnes agees qui pour diverses raisons, rupture familiale, deces, precarite economique, ou en raison de pathologies, se trouvent sans hebergement.
Ces personnes en rupture sociale peuvent presenter des troubles psychiques ou psychiatriques graves et/ou des pathologies chroniques qui renforcent la precarite de leur situation. Un grand nombre sont alcoolo-dependants ou poly-toxicomanes. . Une troisieme categorie de personnes pouvant se retrouver du jour au lendemain dans une situation « d’urgence sociale » : Des personnes en rupture de prise en charge institutionnelle ou de soin, des femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants, des mineurs en fugue, des etrangers demandeurs d’asile ou en situation irreguliere.
A travers cette description de la population que le Samu Social accompagne nous voyons que comme l’on decrit Paugam ou Castel, toutes les situations bien que singulieres semblent s’inscrire dans differentes phases significatives d’une evolution allant vers des formes d’exclusion. Toute la difficulte pour les equipes du Samu Social est de travailler avec cette heterogeneite de problematiques qui sous-entend des demandes et des besions ne necessitant pas les memes reponses.
Le fonctionnement du Samu Social a donc ete pense pour tenter de repondre a cette diversite de situations, en integrant dans des horaires tres larges un travail d’accueil, d’accompagnement et de suivi. II. A. 1. 2. Le fonctionnement ? L’accueil Le Samu Social est ouvert 24 h sur 24 h sauf les samedis, dimanches et jours feries ou le Samu Social est ouvert de 17 h a 8 h 30. Un veilleur de nuit est present de 23 h 30 a 8 h 30, afin d’assurer une presence aupres des personnes hebergees sur les 7 lits de repos disponibles.
La mission principale du Samu Social est une mission d’accueil et de mediation entre des populations en errance et les structures d’hebergement, de service social et de soin. ? L’accueil au local L’accueil au Samu Social constitue le principal mode de prise de contact avec les populations sans abri. Cet accueil permet de proceder a une evaluation sociale et medicale. La prise de contact peut se faire a partir du passage autonome de personnes connaissant notre structure, il peut s’agir « d’habitues », ou de personnes informees par le « bouche a oreille ».
Il s’agit aussi de personnes orientees vers la structure par des services sociaux, des structures d’hebergement, le 115, des structures caritatives, la police, des services hospitaliers… Il s’agit parfois de personnes que nous avons rencontrees dans la rue et qui viennent nous solliciter. L’accueil s’organise autour de modes d’echange qui sont reparateurs et qui font mediation comme d’autoriser les personnes a se « mettre au chaud », a prendre une douche, un cafe ou de les aider a remplir des papiers. ? Les maraudes ou tournees
Les maraudes se deroulent en journee, plus particulierement de 14 h a 18 h et a partir de 21 h jusqu’a 1 h du matin. La fonction de maraudes est de reperer les personnes qui sont a la rue, sur les places ou dans les parkings, de prendre contact avec elles, d’evaluer leur situation, de proposer un hebergement, des soins ou une aide en fonction des situations. Elles ont egalement pour objectif un maintien de relation avec les personnes se trouvant de maniere reguliere voir sedentaire sur le territoire d’intervention qu’est la CUB (communaute urbaine de Bordeaux).
Generalement elles s’exercent sur des territoires deja repere ou suite a des signalements transmis aux equipes par le biais du numero d’urgence 115. Ce mode d’action constitue un moyen pertinent pour rencontrer les personnes les plus desocialisees, les plus « chronicisees » dans la rue. Leur tres grande mefiance envers les professionnels du secteur sanitaire et social ainsi que leur tres grande desocialisation peut entrainer le rejet de nos interventions.
C’est pourquoi, nous avons comme principe de fonctionnement de ne pas obliger les personnes a nous suivre, mais de chercher a preserver un minimum de relation tout en restant vigilant a tout ce qui pourrait indiquer une degradation de leur etat, en particulier sur le plan de la sante, afin d’alerter les services de secours (SAMU Medical ou Pompiers). ? Le 115 Le 115 est un service d’ecoute et d’urgence sociale gratuit (numero vert), gere en parti par le C. A. I. O. (Centre d’Accueil d’Information et d’Orientation).
Ce service permet aux personnes en situation d’urgence sociale de pouvoir beneficier d’informations et d’orientations en matiere d’hebergement d’urgence. De 8 h a 18 h du lundi au vendredi, ce service repond aux appels et informe le Samu Social des signalements concernant les personnes en difficultes dans la rue. Il peut egalement solliciter le Samu Social pour des hebergements qui ne peuvent s’organiser sur les autres structures en raison du manque de place ou de la specificite de la situation lorsque les services adaptes ne peuvent repondre en urgence (femme avec enfant).
Bien souvent le 115 oriente vers le Samu Social des personnes presentant des difficultes de sante et qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas etre dirigees vers l’hopital. A partir de 20h, du lundi au vendredi, les samedis et jours feries, le 115 est transfere sur le Samu Social. Les appels font l’objet d’une reponse d’orientation vers un hebergement si des places sont disponibles, d’une invitation a passer au Samu Social ou d’une intervention de l’equipe sur l’exterieur. II. A. 1. 3. L’orientation L’orientation des personnes s’organise en fonction de la demande et a partir de l’evaluation de leur situation.
Elle depend aussi de la capacite des personnes a formuler des priorites. Il s’agit le plus souvent d’une demande d’hebergement ou les personnes seront orientees vers les foyers ou vers les places d’urgence disponibles. Lorsqu’il s’agit d’une demande de soin, la personne est prise en charge par l’equipe soignante, composee d’infirmiers et de medecins, qui procede a une evaluation ou a un diagnostic medical et realise les soins necessaires. Lorsque une situation necessite une hospitalisation la personne sera soit orientee, soit accompagnee vers les services competents.
La demande de soin peut aboutir a la mise en oeuvre d’un suivi medical au Samu Social pour les personnes les plus reticentes a un suivi en milieu hospitalier comme par exemple lors de suivi therapeutique au long cours pour des personnes presentant une tuberculose. L’equipe soignante en accord avec l’equipe sociale peut decider d’heberger, dans les lits d’urgence du Samu Social, des personnes dont l’etat de sante necessite une surveillance sans toutefois que leur etat justifie une hospitalisation. Diverses demandes administratives peuvent etre adressees aux equipes (domiciliation, dossier R.
M. I. , demande d’aide financiere). Les personnes sont alors orientees vers les services sociaux concernes: C. A. I. O. (Centre d’Accueil d’Information et d’Orientation), C. C. A. S. (Centre Communal d’Action Sociale), M. D. S. I. (Maison departementale de la Solidarite et de l’Insertion )… . II. A. 1. 4. L’accompagnement Il s’agit de la mise en relation effective avec les structures medico-sociales et avec les professionnels concernes, cet accompagnement permet de depasser les craintes et les conflits qui resultent des malentendus entre les personnes et les institutions.
L’accompagnement est considere comme une etape essentielle de la prise en charge des personnes, en particulier des categories les plus eloignees des institutions, il permet de renforcer la qualite de la relation que nous avons avec ces personnes et de leur apporter des reperes d’echange avec les institutions et les professionnels rencontres. Ces accompagnements ont une fonction relationnel et creatrice de lien social. L’accompagnement des personnes se realise au gre des rendez-vous, a tout moment de la journee ou de la nuit. II. A. 1. 5. Le suivi
Le suivi doit favoriser la continuite de la prise en charge sociale ou des soins. L’impossibilite de certaines personnes accompagnees a se projeter dans l’avenir, meme proche, qui se manifeste parfois sous la forme d’une veritable « pathologie du rapport au temps », rend inefficient le fonctionnement des temps institutionnels et toute continuite des prises en charge tant sur le plan social que sur le plan de la sante. Le suivi permet, entre autres, d’ameliorer considerablement la qualite des sejours hospitaliers et de favoriser la continuite des soins.
Depuis sa creation, le nombre des interventions du Samu Social a ete multiplie par six. En 2004 les equipes ont rencontre 2911 personnes et effectue 14500 interventions[25]. De plus il est important de noter que 83,37 %[26] des interventions concernent des personnes deja connues du Samu Social. Ceci vient alors pointer la difficulte croissante pour ces personnes de sortir des « logiques d’urgence » sur le moyen terme et la difficulte a trouver des solutions d’existence stables (emploi, hebergement, CHRS, logements autonomes…).
Toutes les interventions du Samu Social sont prises dans cette logique de l’urgence ou a la fois le dispositif mis en place mais aussi les problematiques rencontrees instituent cette logique. Cependant travailler « sur l’urgence » ne peut pas se concevoir simplement sur un travail « dans l’urgence ». Je vais donc m’attacher a decrire les situations qui peuvent etre qualifiees d’urgentes, ou les personnes confronter a une crise ou une rupture dans leur existence sont amenees a se retrouver dans des « logiques d’urgences » pouvant porter atteinte a leur integrite physique mais aussi psychologique.
Au quotidien les professionnels tentent a partir d’une evaluation d’equipe de cerner les situations qui relevent plus ou moins d’un traitement d’urgence et sont amenes a developper une pratique propre a ses situations. D’une maniere generale je decrirai les principes qui a mon sens sont les bases de la pratique de l’educateur face a des situations amenant la notion d’urgence. II. B) L’educateur face l’urgence : description des grandes lignes d’action Soi dit en passant ou comment apprehender la pratique educative du Samu Social dans une relation au temps et aux individus se construisant a partir de passages ?
En effet dans ces lieux, de la rue au local, de la salle d’attente des urgences hospitalieres ou psychiatriques aux hotels « sociaux »…, il y a toujours eu un echange de parole. Mais cette parole m’est apparue bien souvent trop fuyante, ne faisant que passage. Qu’en est il alors de l’individu, de la personne, qui vient nous raconter, se raconter ? Comment reussir a transposer un moment bref en quelque chose de constructif pour l’individu ? La parole vient humaniser la relation qui est souvent prise dans la tyrannie de l’urgence.
Mais cette parole echangee s’etablit dans un mouvement perpetuel, ou les personnes qu’elles soient en errances ou dans une recherche d’un nouvel equilibre, vont sans cesse etre prise dans une mouvance physique et psychique. J’ai rencontre un nombre tres important de personnes, certaines n’ont fait que passages, juste le temps d’une douche, d’autre resteront ici une semaine peut etre deux ; le temps pour elles de chercher une solution. D’autres encore passeront chaque jour, a la meme heure, comme si de ces passages il pouvait en ressortir un quotidien.
Mais qu’ai-je fait de ces passages, ou le temps semble se presser, s’accelerer ? La premiere demarche de l’educateur est donc de creer un contact, une relation rassurante avec l’usager pour que de ces paroles echangees, de ces « soi dit en passant », il en ressorte une reflexion et au mieux une solution allant dans le sens d’une amelioration des conditions de vie de l’individu. Au fond l’educateur tente sans cesse de passer de ces « soi dit en passant » a des « soi dit en pensant ». Quelles sont alors les principes fondamentaux d’une pratique educative que certains definissent « d’urgentiste » ?
II. B. 1. Definir et evaluer une situation d’urgence Catherine Meyer[27]definit une situation d’urgence sociale comme un moment ou une periode evoquant chez certaines personnes « la rupture d’un etat plus ou moins satisfaisant que l’on croyait durable et qui se trouve brutalement interrompu, un equilibre ebranle, des besoins vitaux qui ne sont plus satisfait, un basculement qui interrompt des trajec