La Sicile romaine de la disparition du royaume de Hieron II a la reorganisation des provinces. Julien DUBOULOZ et Sylvie PITTIA Les iles mediterraneennes ont ete le premier espace dans lequel Rome developpa un controle, une administration et une exploitation au dela des frontiere de l’Italie peninsulaire. Au milieu du IIIe siecle Rome n’a pas les moyens d’une occupation dense et d’un controle absolu de la Sicile. Lle est confronte a des populations diverses, tant au point de vue de la culture, de la langue ou de la politique.
Ces populations disposaient deja de cadres institutionnel, commerciaux, politique et les romains ne pouvaient leur imposer le modele dont ils se sont servis dans l’Italie peninsulaire (colonisation, municipalisation ou conclusion d’un traite). Neanmoins il s’agit du point de depart de la construction d’un empire provincial. Plan de la reflexion : en quoi Rome innove, quelle est la singularite du systeme impose a la Sicile ? Le concept d’Imperium Romanum est different de l’Empire Romain. Il s’agit de la domination de Rome par la force des armes et le droit sur les territoires qui se trouvent en dehors de l’Italie.
Les etapes de la conquete. Une figure importante du IIIe siecle est Hieron II, etabli
Syracuse est prise par Claudius Marcellus en 212/211 et c’est Valerius Laevinus qui assume la fin de la conquete a partir de 210. Ce dernier, proconsul de la Sicile par la suite, decida de restaurer la securite dans l’ile. Une attention particuliere est portee aux biens des autochtones, comme le prouve l’action de Scipion l’africain, en 205, avant de partir faire la guerre en Espagne, qui a rendu les biens spolies par des allies des romains aux syracusains. Rome ne cherche pas a implanter des colons sur place, la terre reste aux mains des siciliens.
Pendant 60 ans, nous n’avons que des sources lacunaires sur la Sicile. Les deux elements connus sont les revoltes serviles vers 139 (? ) et 104-102. La premiere revolte est mise a bas par Publius Rupilius (132). Concernant ces revoltes, leur caractere servile est remis en doute, notamment par Rubinsohn, puisqu’elles auraient implique aussi des hommes libres, petits proprietaires et indigenes sikeliotes, mais on n’est fixe sur aucune proportion. Pendant la guerre civile, en 88 la Sicile subit une repression anti-syllanienne puis en 82 anti-marianniste, sous l’impulsion de Cneius Pompee.
Base du cesarisme par la suite, la Sicile sera la base des armees de Cesar dans sa lutte contre les pompeiens d’Afrique du Nord. Entre 43 et 36, Sextus Pompee lutte contre les triumvirs, reunissant les decus et bannis du cesarisme, coupant les routes d’approvisionnement de Rome. La situation en Sicile est toujours un peu limite en 27, la securite interieure n’etant pas totalement retablie, lorsque la province est consideree comme suffisamment sure pour etre rangee au rang des provinces administrees par le Senat. Le cadre provincial
L’organisation des cites siciliennes avant la conquete romaine etait tres proche de celle des cite d’Italie du Sud. Cependant, Rome a traite avec les cites siciliennes en considerant la Sicile comme une entite a part entiere. La perte de l’independance en matiere de politique exterieure, l’imposition d’une fiscalite au benefice de Rome et la participation a l’effort de guerre, pese sur le territoire de la Sicile de la meme facon que sur les cites italiennes. Cependant, La Sicile est administree par un magistrat romain, a la uridiction civile et penale etendue. Le gouverneur et le personnel romain Deux postes de preteurs romains sont crees en 227, pour la Sicile et l’espace Sardaigne-Corse pourtant on admet la presence reguliere des 241 du detenteur d’un imperium, envoye par le Senat a priori pour recuperer impots et tributs. En 227, un questeur se voit confier le port de lilybee et le Mont Eryx, avec le sanctuaire d’Aphrodite. En temps de guerre et de trouble, on a vu y intervenir un consul ou un preteur (detenteur d’un imperium militaire).
De maniere generale, le gouverneur est entoure d’un petit nombre de personnes, ne lui permettant pas materiellement de gerer efficacement toute la province seuls. En 149 a ete promulguee une loi proposee par Calpurnius, tribun de la plebe et celui qui a defait la revolte servile d’Eunous en 135, la lex calpurnia, qui peut etre consideree comme une mesure en faveur des provinciaux, les protegeant contre les abus des magistrats romains, dont Tite-Live rapporte les plaintes.
En 140 on a la notion du vote d’une loi interdisant aux magistrats d’acquerir des esclaves. On peut voir evoluer le sens du mot provincia : tout d’abord uniquement le domaine de competence d’un magistrat romain, la sphere d’activite d’un magistrat, on s’apercoit d’un glissement semantique vers le sens de « district de l’administration ». Ce glissement semantique intervient a la fin de la republique, periode pendant laquelle l’administration est vue comme annexion systematique.
L’organisation de la province L’organisation est marquee par l’administration syracusaine et l’occupation punique, puisque Rome a reprit et adapte les structures deja en place. Cette oeuvre de reorganisation, a la fin de la deuxieme guerre punique, est l’oeuvre de V. Laevinus qui a donne l’impulsion a ce mouvement progressif. C’est apres avoir mate la premiere revolte servile (131-132) que Rupilius instaure une lex romaine, passe sur ordre du senat, apres l’envoi d’une delegation de 10 de ses membres.
En ce qui concerne le droit, cette loi (en fait un senatus consulte) a pour finalite de repartir les proces entre tribunaux locaux et tribunal du gouverneur ; en ce qui concerne la fiscalite, elle emprunte des dispositions empruntees a Hieron II. Cette organisation administrative s’accompagne d’une reorganisation spatiale. Par exemple en 148, Rome construit un reseau routier systematique et plus particulierement en 121 la creation de la via domitia en Gaule ou en 120 avec les constructions dans la vallee de l’Ebre. A partir de 132, Rome installe un systeme monetaire unifie en Sicile.
Le statut des communautes de Sicile Suite a leur deditio certaines cites (comme Thermae par exemple) jouissent d’une autonomie politique. D’autres cites sont declarees par Ciceron comme etant « sans traite, libres et immunes », probablement celles qui ont soutenu Rome dans les premiers temps, mais dans les faits, il s’agirait juste d’une immunite partielle face aux impots. A partir de 22-21, des veterans romains s’installent, avec un statut privilegie. Cesar et Marc Antoine vont octroyer de nombreux privileges aux cites de l’ile qui seront abolis par Auguste.
Droit romain et droit local En ce qui concerne l’administration de la justice, Ciceron, dans son discours des Verrines, voulant demontrer le role nefaste du gouverneur Verres, lui reproche d’abuser de ses prerogatives judiciaires qui pourtant font partie du droit romain commun : le gouverneur arrivant doit publier un edit, reprenant les idees de ses predecesseurs (norme romaine) et des idees empruntees a la coutume sicilienne, dit systeme des lois de Diocles (norme grecque). Cette justice fonctionne aussi en appui sur des magistrats locaux.
Cependant, le preteur de Sicile a droit de renvoyer une affaire devant le conventus des citoyens romains, a Syracuse, ou de la juger lui-meme a la demande d’une des parties ou de sa propre initiative. On comprend aisement que l’on puisse lui reprocher une main-mise des pouvoirs judiciaires. Verres n’etait pas en contradiction avec le droit romain mais avec les traditions locales, definies comme regles par la Fides liant Rome et les siciliens. La presence militaire romaine Les troupes romaines sur l’ile ont ete assez peu nombreuses, exception faite des periodes durant lesquelles Rome s’est servi de la Sicile comme base militaire.
La securite est assuree par un contingent de 200 hommes, les Servi Venerii (esclaves de Venus), bases au mont Eryx, entreenus grace a une taxe prelevee sur 17 cites. Questions economiques et sociales La fiscalite Un systeme fiscal a ete invente par les romains, assez complexe et alourdi a chaque reforme. C’est avant tout un impot de quotite, les dimes, auquel il faut ajouter des droits de peage et de pacage ainsi que les revenus des domaines publics dont les productions agricoles etaient vendues aux encheres.
La dime, ou decuma, est un heritage du systeme mis en place par Hieron II. Prelevee sur le ble dur et sur l’orge, elle pouvait etre additionnee d’une seconde dime (doublant la redevance) et il faut y ajouter le ble requisitionne pour le gouverneur et son personnel. A la fin de la republique ce systeme sera change par un stipendium fixe, revenu fixe envoye a Rome. Les structures agraires Le consensus s’est etablit sur la presence de grandes et petites exploitations agricoles.
Vie des communautes grecques de Sicile : la romanisation en question Le dynamisme des communautes locales semble avoir ete encourage par les romains. L’architecture sicilienne apparait au travers des fouilles archeologiques comme dynamique et faiblement influencee par les modeles romains, jusqu’a la periode augusteenne. Jusqu’au Ier siecle la majorite des inscriptions sont redigees en grec et des fetes pour Marcellus sont instituees a Syracuse. Conclusion Les solutions adoptees par Rome pour la Sicile sont particulieres et originales.
Rome n’a pas ete a l’origine de l’urbanisation de l’ile et a du s’adapter aux structures deja en place. A la fin du premier siecle, on constate un certain declin de l’interet pour l’ile. Malgre l’anciennete de la population romaine de Sicile, aucune famille ne sera au Senat. Le centre de l’ile est delaisse, zone de pature des eleveurs locaux, au profit des plaines cotieres produisant du bles, de l’huile d’olive et du vin. Pour Richardson, l’annexion de la Sicile s’est faite de maniere empirique, apportant des solutions au fur et a mesure que se presentaient les problemes.