? LA RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES Fiches d’arrets : I – L’emergence du principe general de responsabilite du fait des choses. Document 1 : Arret rendu par les chambre reunies de la cour de Cassation le 13 fevrier 1930, arret Jand’heur. Les faits : le 22 avril 1925 un camion appartenant a la societe les Galeries belfortaises renversa et blessa grievement, au moment ou elle traversait la chaussee la mineur Lise Jand’heur. La procedure : la mere de la victime en son nom et en celui de sa fille actionna la societe en reparation.
Le jugement de premiere instance se prononca pour l’application de l’article 1384 alinea 1 du code civil mais demanda de rechercher si l’accident n’etait pas du a la faute exclusive de la victime. La cour d’appel de Besancon le 29 decembre 1925 jugea que l’article 1382 etait applicable et non l’article 1384 qui voulait que la demanderesse prouve la faute du conducteur et que le motif de l’accident ne constituait pas le fait de la chose que l’on a sous sa garde.
La veuve Jand’heur forma un pourvoi en cassation, le 21 fevrier 1927 la cour de cassation cassa l’arret de la cour d’appel sur le motif que la loi ne distingue pas
La question de droit : l’auteur du dommage est-il tenu de reparer le prejudice subi par la victime ? La solution : les chambres reunies casse en reprenant les arguments de la premiere chambre civile en 1927 et considere que l’article 1384 al. 1er edicte une presomption de responsabilite a l’encontre de celui qui a sous sa garde une chose qui a cause un dommage. II – La notion de garde : usage, controle, direction. Document 2 : Arret rendu par les chambres reunies de la cour de Cassation le 2 decembre 1941, arret Frank. Les faits : dans la nuit du 24 au 25 decembre 1929, une voiture appartenant a M.
Frank et qu’il avait prete a son fils mineur a ete volee, dans la meme nuit cette meme voiture a renverse et tue un facteur. La procedure : les consorts du facteur sur le fondement de l’article 1384 al 1er du code civil ont demande au docteur Frank la reparation de leur prejudice. La cour d’appel les a deboute de leur demande car a considere que par le vol, le docteur ne pouvait exercer sur la voiture aucune surveillance. La pretention des parties : les consorts forme alors un pourvoi en cassation. La question de droit : le docteur avait-il la garde de la chose malgre le vol de cette chose ?
La solution : la cour rejette le pourvoi car considere que M. Frank etait prive de l’usage, du controle et de la direction de la chose, qu’il n’en avait plus la garde et qu’il n’etait donc pas soumis a la presomption de responsabilite exigee par l’article 1384. Document 3 : Arret rendu le 28 fevrier 1996 parla 2eme chambre civile de la cour de Cassation. Les faits : dans un supermarche en libre service, une cliente inconnue a fait chute accidentellement une bouteille qui a eclate au sol. Mme Riel blessee par les eclats a demande la reparation au supermarche.
La procedure : la cour d’appel a retenu la responsabilite du supermarche sur le fondement de l’article 1384 al 1 car a considere que celui ci etait responsable de l’attitude de ses clients et que le magasin avait garde la garde de la chose. La pretention des parties : le supermarche forme un pourvoi en cassation en violation de l’article 1384 al 1 car considere d’une part qu’il ne peut etre tenu en qualite de commettant alors qu’il n’y a ici qu’un contrat de vente et d’autre part que la cour d’appel n’a pas chercher si le magasin avait toujours les pouvoirs d’usage, de direction et de controle sur la chose litigieuse.
La question de droit : le magasin avait il garde les pouvoirs d’usage, de direction et de controle sur la chose ? La solution : la cour rejette le pourvoi car considere que le supermarche detenait la garde de la chose. Document 4 : Arret rendu le 21 octobre 1999 par la 2eme chambre civile de la cour de cassation. Les faits : M. P ayant acquis des toles dans le magasin d’une societe a voulu aider les employes de la Ste a charge les toles sur une camionnette, par un vent violant il fut projete sur un stock de tuiles. La procedure : M.
P assigna la Ste en reparation de son prejudice ? La cour d’appel accueilli sa demande. La pretention des parties : la Ste et l’assureur forment un pourvoi en cassation. La question de droit : qui etait gardien des toles ? La solution : la cour de cassation rejette le pourvoi car estime que la cour d’appel a bien deduit des faits que la vente n’avait pas eu encore pour effets de transferer la garde des toles car l’accident avait eu lieu dans l’enceinte du magasin. Document 5 : Arret rendu 14 janvier 1999 par la 2eme chambre civile de la cour de cassation. Les faits : M.
Lesage qui achetait des plaques de bois dans un magasin Leroy Merlin a utilise un chariot et a ete blesse par la chute de ce chariot. Il a assigne le magasin en reparation de son prejudice. La procedure : la cour d’appel a rejete sa demande car a considere que le chariot etait denue de tout dynamisme et que l’usage, la direction et le controle de la chose ne revenaient pas au magasin. La pretention des parties : M. Lesage forme un pourvoi en violation de l’article 1384 al 1 du code civil car considere que le magasin aurait du informer les clients du danger La question de droit : qui avait la garde du chariot ?
La solution : la cour rejette le pourvoi car considere que la responsabilite du dommage est liee a la garde de la chose et que les pouvoirs d’usage, de direction et de controle appartenaient au client du magasin. Document 6 : Arret rendu le 20 novembre 1968 par la 2eme chambre civile de la cour de cassation. Les faits : au cours d’un jeu collectif le mineur X attaquait une barque defendue par un autre groupe d’enfants, il a ete blesse a l’? il par l’un des enfants de la barque. L’auteur du dommage n’ayant pu etre identifie, les consorts X ont demande la reparation de leur dommage ainsi que celui de son fils a M.
Y, pere de l’un des enfants et a son assureur. La procedure : la cour d’appel a deboute les consorts X de leurs demandes car considere que la garde de la chose objet du dommage appartenait au groupe et que sur le fondement de la responsabilite collective, la responsabilite d’un seul membre du groupe ne pouvait pas etre retenue. La pretention des parties : les consorts X se pourvoient en cassation. La question de droit : la garde d’une chose peut-elle etre collective ? La solution : sur le fondement de l’article 1384 al 1er du code civil, la cour de cassation casse car considere qu’un groupe peut detenir la garde d’une chose.
Document 7 : Arret rendu le 20 novembre 1968 par la 2eme chambre civile de la cour de Cassation. Les faits : lors d’un match de tennis un joueur le jeune Saugier atteignit a l’? il un de ses partenaires. Ce dernier a demande la reparation de son prejudice au pere Saugier sur les fondements des articles 1382 et 1384 al 1er du code civil. La procedure : la cour d’appel a rejete leur demande car a considere que meme si le joueur a commis une maladresse, celle ci n’engage pas sa responsabilite et qu’en plus le joueur blesse avait accepte le risque inherent au jeu et que l’usage de l’instrument du dommage etait commun a tous les joueurs.
Les pretentions des parties : un pourvoi en cassation est forme car le demandeur considere qu’une faute a ete commise engageant la responsabilite civile du joueur et considere que l’acceptation des risques n’exonere pas l’auteur du dommage. La question de droit : qui detenait l’usage de la balle ? L’acceptation des risques par la victime du dommage exonere-t-elle l’auteur du dommage ? La solution : la cour rejette le pourvoi car considere que l’usage commun de la balle ne permet pas de fonder l’action en reparation sur l’article 1384 al 1er du code civil. Document 8 :
Arret rendu par la 2eme chambre civile de la cour de cassation le 3 fevrier 1993. Les faits : la mineur X s’est blesse un mettant la main sur un pedalier de kart sur lequel elle etait assise et que les enfants des epoux Y poussaient. Les epoux x ont demande la reparation a M. Y et a son assureur de leur prejudice et de celui de leur fille. La procedure : la cour d’appel les a deboute de leurs demandes car a considere qu’il etait certain que M. Y n’etait pas le gardien de la chose mais qu’au contraire c’etait l’enfant qui en avait la garde elle detenait les pouvoirs d’usage, de direction, et de controle.
La pretention des parties : les epoux X se pourvoient en cassation en violation de l’article 455 du CPC et de l’article 1384 du code civil. La question de droit : un enfant peut-il etre gardien d’une chose ? La solution : la cour rejette le pourvoi car considere que l’enfant detenait la garde de la chose cause du dommage. Document 9 : Arret rendu le 5 janvier 1956 par la 2eme chambre civile de la cour de cassation. Les faits : la societe l’oxygene liquide expediait par train des bouteilles d’oxygene comprime par un entreprenant Bertrand prenant en charge les bouteilles a l’arrivee du train.
Lors du dechargement, une bouteille eclata et blessa M. Bouloux et M. Lathus. La cause du dommage resta inexpliquee, et les deux blesses demanderent reparation a la ste Oxygene liquide en se fondant sur l’article 1384 al 1er du code civil. La procedure : la cour d’appel de Poitiers les debouta de leurs demandes en reparation de leurs prejudices car considera que seul celui qui a la garde materielle d’une chose inanimee peut etre responsable de cette chose et que ce n’etait pas le cas de la Ste Oxygene liquide car elle avait transfere la garde a l’entrepreneur.
La pretention des parties : les demandeurs deboutes forment un pourvoi en cassation sur le fondement de l’article 1384 al 1er du code civil. La question de droit :qui avait l’usage de la chose inanimee, le proprietaire ou celui a qui la chose a ete confiee ? La solution : la cour casse l’arret car considere que la responsabilite du dommage ici est liee a l’usage, au controle et a la surveillance, elements qui caracterisent la garde, et que la cour d’appel aurait du rechercher si le detenteur de la chose inanimee avait l’usage de la chose. Document 10 :
Arret rendu le13 decembre 1989 par la 2eme chambre civile de la cour de cassation. Les faits : en vertu d’un contrat de credit-bail M. Allais a achete une voiture, que Mme Allais mariee sous le regime de la communaute de biens reduite aux acquets s’est portee caution pour l’execution du contrat de credit-bail. Par suite d’un vice du vehicule affectant le systeme de freinage, Mme Allais et sa fille ont ete victime d’un accident ayant cause des dommages corporels. La procedure : elles ont demande la reparation de leurs prejudices a la Ste constructrice de la voiture, a celui qui leur avait accorde le credit-bail et a l’assurance.
La cour d’appel a les deboute sur le fondement de l’article 1384 al 1er du code civil car a considere que le fabriquant n’etait plus le gardien de la structure de la chose ayant cause le dommage. La pretention des parties : elles se pourvoient en cassation par deux moyens ( 1er pas examine) elle estime que le fabriquant etait reste gardien de la structure et donc qu’elle ne pouvait pas controler le vice de la chose. La question de droit : qui etait le gardien de la structure de la chose ?
La solution : la cour rejette le pourvoi car estime que Mme Allais ayant la connaissance du vice, elle a accepte les risques et que le fabriquant n’etait pas restes gardien de la voiture. Document 11 : 1°) Arret rendu le 28 avril 1947 par la 1eme chambre civile de la cour de cassation. Les faits : Girel a tire un coup de feu sur la personne de Escoffier et l’a mortellement blesse. Les ayants droit d’Escoffier ont agi en responsabilite. La procedure : la cour d’appel de Lyon a declare que le prevenu etait en etat de demence au moment de l’accident.
La pretention des parties : les ayants droit demandent la reparation sur le fondement de l’article 1384 al 1er du code civil. La question de droit : le defaut de discernement exonere t il la responsabilite de l’article 1384 al 1 du code civil, La solution : la cour rejette le pourvoi car considere qu’au moment de l’accident le prevenu etait prive de l’usage, de la direction et du controle sur la chose cause du dommage. 2°) Arret rendu le 18 decembre 1964 par la 2eme chambre civile de la cour de cassation. Les faits : M.
T conduisant sa voiture heurta en la depassant une charrette et blessa M. P. La procedure : M. P assigna en reparation M. T sur le fondement de l’article 1384 al 1 du code civil. Au penal M. T beneficia d’une relaxe car le tribunal a considere que le prevenu victime d’une crise d’epilepsie etait en etat de demence au moment des faits mais a retenu la responsabilite de T en sa qualite de gardien du vehicule car considere qu’un tel etat n’est pas considere comme un element susceptible de constituer une cause de dommage exterieur au gardien.
La pretention des parties : M. T forma un pourvoi en cassation car considere que si T se trouvait en etat de demence, il ne pouvait pas beneficier de la presomption de responsabilite. La question de droit : l’absence epileptique au moment de l’accident exonere-t-elle la responsabilite en tant que gardien ? La solution : la cour rejette le pourvoi. 3°) Arret rendu par l’assemblee pleniere le 9 mai 1984. Les faits : en tombant d’une balancoire un enfant de 3 ans a creve l’? il d’un autre enfant avec un morceau de bois qu’il tenait dans la main.
La procedure : les parents de l’enfant blesse ont assigne les parents en tant qu’exercant leur droit de garde sur le fondement de l’article 1384 al 4 du code civil. La cour d’appel rejette le fondement propose et tient l’enfant responsable du dommage sur le fondement de l’article 1384 al 1er du code civil. La pretention des parties : un pourvoi est forme sur le fondement que l’imputation d’une responsabilite exige la faculte de discernement. La question de droit : un enfant de 3 ans peut-il declare responsable pour un dommage qu’il a cause ?
La solution : la cour rejette le pourvoi car considere que l’enfant avait le controle et l’usage et la chose objet du dommage. III – La chose et le fait de la chose. Document 12 : Arret rendu par la 2eme chambre civile de la cour de cassation le 28 mars 1990. Les faits : Mme Donninelli fit une chute en descendant dans l’escalier d’un immeuble appartenant a la Ste et se blessa. La procedure : elle demanda la reparation de son prejudice a la dite Ste. La cour d’appel l’a deboute de ses demandes car a considere qu’elle avait commis une faute d’imprudence et d’inattention.
La pretention des parties : elle forme un pourvoi en cassation car considere que la CA n’a pas caracterise la faute et que les temoins assuraient que le sol etait anormalement glissant, qu’elle aurait donc viole l’article 1384 al 1er du code civil. La question de droit : l’escalier etait il l’instrument du dommage ? La solution : la cour rejette le pourvoi car considere que l’escalier n’etait pas l’instrument du dommage. Document 13 : Arret rendu le 29 avril 1998 par la cour de cassation. Les faits : X alors age de 13 ans s’est blesse au bras en heurtant une porte vitree d’un immeuble appartenant a la ville.
La procedure : ses parents ont assigne la ville et l’assureur en reparation du prejudice subi sur le fondement de l’article 1384 al 1er du code civil. La cour d’appel a rejete leur demande car l’etat de la vitre n’apparaissait pas dangereux, qu’elle n’a pas ete l’instrument du dommage, l’accident etant la faute de l’enfant. La pretention des parties : les parents forment un pourvoi en cassation. La question de droit :quel est l’instrument du dommage ? La solution : la cour cassa car estime que la vitre a au contraire ete l’instrument du dommage. Document 14 : Arret rendu par la 2eme chambre civile de la cour de cassation le 11 janvier 1995 ;
Les faits : M. Gilles est monte sur un toit a l’occasion d’une expertise, il a pose le pied sur une plaque qui s’est brise sous son poids. La procedure : il a demande la reparation du prejudice. La cour d’appel a accueilli cette demande car la plaque etait l’instrument du dommage. La pretention des parties : un pourvoi est forme. La question de droit : quel a ete l’instrument du dommage ? La solution : la cour casse et annule car estime que la chose inerte cause du dommage peut engager la responsabilite de son gardien si celle ci etait dans une position anormale ou en mauvaise etat.
DISSERTATION : le role de la jurisprudence dans l’evolution de la responsabilite du fait des choses inanimees (art. 1384 alinea 1er) L’article 1384 alinea 1 du Code civil dispose que l’on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est cause par le fait des personnes dont on doit repondre ou des choses que l’on a sous sa garde. Pour les redacteurs du Code civil, cet alinea n’etait qu’une transition entre d’une part les articles 1382 et 1383 et d’autre part des articles 1384 alinea 2 et suivant. Cet article etait donc vide de toute portee normative.
Le role de la jurisprudence dans l’evolution de la responsabilite du fait des choses inanimees a ete considerable puisque sur le fondement de l’article 1384 alinea 1, la jurisprudence, en l’absence de precision elle va s’ecarter du Code civil a partir de la fin du XIXeme siecle pour consacrer le principe general de la responsabilite du fait des choses et a la fin du XXeme siecle le principe de la responsabilite du fait d’autrui. L’article 1384 alinea 1 est desormais grace a la jurisprudence, la disposition la plus importante de la responsabilite delictuelle s’agissant des regles qui sont dans le Code civil.
La encore, s’est manifeste le role createur de droit du juge qui a partir d’un article dont la portee normative etait moindre, en a fait le fondement de la responsabilite du fait des choses inanimees. Les choses inanimees sont les choses dont le fait peut rendre responsable celui qui en a la garde. Nous verrons dans un premier point l’extension faite par la jurisprudence de l’article 1384 alinea 1 et dans un second point son role dans la determination de la notion de garde, l’element essentiel concernant les choses inanimees. I – L’extension de l’article 1384 alinea 1er vers le principe general de responsabilite du fait des choses.
Les arrets Teffaine du 11 juin 1896 d’une part et Jand’heur du 13 fevrier 1930 d’autre part ont permis de combler le vide normatif de l’article 1384 al. 1er en inventant la responsabilite du fait des choses inanimees. Le principe general peut etre illustre d’une double maniere : en montrant la consecration du principe et par son application a toutes les choses inanimees. A – La naissance du principe general de responsabilite du fait des choses A la fin du XIXeme siecle, la doctrine va proposer que l’article 1384 alinea 1er devienne le fondement du principe.
La jurisprudence va l’ecouter et par l’arret Teffaine du 11 juin 1896 elle va donner naissance au principe general de la responsabilite du fait des choses. En l’espece, un tube qui se trouvait dans une chaudiere d’un camion remorqueur avait explose. La jurisprudence a retenu la responsabilite du proprietaire du camion alors meme qu’il n’avait pas commis de faute. L’arret a ete rendu sur le fondement de l’article 1384 alinea 1er . A partir de l’arret Teffaine et jusqu’a l’arret Jand’heur en 1930, se produit un important mouvement de controverse doctrinale contre la premier arret proclamant la responsabilite du fait des choses.
La jurisprudence ne remettra pas en cause l’application de l’article 1384 alinea 1er mais n’y voit qu’une presomption de faute : elle permet au gardien de la chose qui a cause le dommage, de s’exonerer en prouvant son absence de faute. Cette controverse limite l’interet de l’article du Code civil. Par la suite, une loi du 9 avril 1898 relative aux accidents du travail vient vider une grande partie du contentieux de l’application de l’article 1384 al. 1er. Mais l’arret Jand’heur du 13 fevrier 1930 vient faire reposer la responsabilite du fait des choses non pas sur la chose elle-meme mais sur la garde de la chose.
L’arret a un autre interet du point de vue de la responsabilite du gardien : il vient definir la nature de la presomption en tant que presomption de responsabilite, c’est-a-dire de responsabilite de plein droit a la charge du gardien de la chose. Il ne peut s’en exonerer qu’en prouvant la cause etrangere ou la faute de la victime selon certaines conditions. L’arret Jand’heur est le prolongement de l’arret Teffaine, il vient proclamer le principe general de responsabilite du fait des choses pose par l’arret de 1896 et vient ajouter que le principe s’applique a toutes les choses inanimees sans distinction.
B – L’application du principe a toutes les choses inanimees La doctrine avait pose des restrictions au principe de responsabilite du fait des choses mais la jurisprudence au fur et a mesure les a abandonne, les tribunaux tout au contraire vont etre appeles a appliquer la regle aux choses les plus diverses. L’arret Teffaine avait souligne qu’il y avait un vice de la chose. La doctrine s’est alors demandee si l’application de la regle ne devait pas etre limitee a la categorie des choses atteintes d’un vice de construction, cela aurait oblige la victime de rapporter la preuve du vice, celle-ci n’etant pas necessairement facile a rapporter.
Cette distinction entre les choses sans vice et les choses atteintes d’un vice a ete abandonnee par un arret du 16 novembre 1920 qui dit qu’une telle distinction n’a pas lieu d’etre, cette jurisprudence va etre confirmee dix ans plus tard par l’arret Jand’heur. De meme, la jurisprudence va rejeter la distinction entre les choses mobilieres et les choses immobilieres : il n’y a pas lieu de limiter ici l’application de l’article 1384 al. 1er aux seules choses mobilieres.
Pendant un temps, la jurisprudence avait accepte cette limitation en la fondant sur l’article 1386 relatif a la responsabilite du proprietaire du fait de la ruine d’un batiment. De plus, les redacteurs du Code civil auraient reserve l’article 1384 al. 1er aux choses mobilieres. Ce mouvement doctrinale et jurisprudentiel a ete suivi jusqu’en 1928 ou la Cour de cassation a propos d’un accident d’ascenseur a condamne l’application de la distinction. M. Ripert proposa une autre distinction : entre les choses dangereuses et les choses qui ne le sont pas, celle-ci visait de nouveau a limiter l’application de l’article 1384 al. er . Cette interpretation a ete repoussee par l’arret du 13 fevrier 1930. De la meme maniere, on a propose de faire une distinction entre les choses qui n’auraient pas ete actionnees par la main de l’homme et les autres sur le fondement de l’article 1382. Toutes ces distinctions ont ete ecartees par l’arret Jand’heur qui vient dire que le pincipe de responsabilite du fait des choses s’applique a toutes les choses inanimees. De plus, cet arret a montre que la notion de garde etait la notion centrale de la responsabilite du fait des choses inanimees.
II – La determination de la notion de garde L’arret Jand’heur a ete l’amorce d’un long mouvement jurisprudentiel visant a determiner la notion de garde en se fondant sur l’article 1384 al. 1er qui dispose qu’on est responsable des choses que l’on a sous sa garde. Cela a amene la jurisprudence a determiner d’une part le gardien de la chose qui a cause le dommage et d’autre part sa responsabilite. A – La determination du gardien de la chose Le 2 decembre 1941 les chambres reunies de la Cour de cassation ont rendu un arret, dit arret Franck, definissant les trois criteres de la garde : ’usage, la direction et le controle. Ce sont des pouvoirs de fait sur la chose. Le gardien n’est pas forcement le proprietaire de la chose, il l’est le plus souvent : la jurisprudence enonce que c’est une presomption simple : il appartient alors au proprietaire de prouver qu’au moment de la realisation du dommage, il n’exercait pas ses trois pouvoirs d’usage, de direction et de controle sur la chose origine du dommage : il doit alors prouver qu’il a transfere la garde (doc. 4, doc. 5).
De meme, en principe le gardien de la chose en est le detenteur : les trois elements de la garde requierent une emprise sur la chose que le detenteur est cense avoir. Cependant, le detenteur n’est pas forcement le gardien car la garde est restee dans les mains du proprietaire. La garde est donc constituee de pouvoir de fait : le gardien est aussi celui qui a pu eviter les realisations du dommage, exercer les pouvoirs d’usage, de controle et de direction c’est pouvoir l’eviter par la maitrise de la chose inanimee. Quant a la qualite du gardien, une autre question se pose : le gardien d’une chose doit-il etre doue de discernement ?
La aussi la jurisprudence a donne une reponse a cette interrogation en venant dire d’une part qu’une victime d’une crise d’epilepsie peut etre gardien, c’est-a-dire qu’il peut etre declare responsable du dommage cause par la chose qu’il avait sous sa garde (arret 18 decembre 1964) et d’autre part qu’un enfant de trois ans est aussi declare responsable du dommage qu’il a cause (arret assemblee pleniere 9 mai 1984). Cette objectivation de la responsabilite semble aller contre l’arret Franck car les pouvoirs d’usage de controle et de direction semblent exiger le discernement du gardien.
Ces pouvoirs impliquent la conscience. S’agissant des caracteres de la garde, d’une part la jurisprudence a dit que celle-ci etait alternative, c’est-a-dire qu’a un moment donne il peut y avoir plusieurs gardiens qui sont des co-gardiens de la chose ( doc. 7, doc. 8). Sinon la garde est en principe exclusive. D’autre part, la jurisprudence a ete conduite a faire une distinction entre la garde de la structure et la garde du comportement de la chose ( arret 5 janvier 1956 : doc. 9, doc. 10).
Cette distinction conduit indirectement a reintroduire la distinction entre les choses douees d’un dynamisme propre et les autres, elle reintroduit egalement l’idee de faute quand le gardien de la structure est le fabricant de la chose qui a cause le dommage. B – La responsabilite du gardien Depuis l’arret Jand’heur, il est avere que le gardien est presume responsable de plein droit : c’est une presomption de responsabilite. Il ne peut plus s’exonerer par la preuve d’une absence de faute. Au contraire il ne peut s’exonerer qu’en prouvant la cause etrangere tandis que le fait de la victime va lui etre opposable.
Cette presomption de responsabilite semble abandonner toute idee de faute, a propos du role actif de la chose on peut dire que la chose a eu un comportement anormal (arret du 11 janvier 1995 : doc. 14, arret 29 avril 1948 : doc. 13, doc. 12). Le gardien est donc presume responsable, il ne peut s’exonerer qu’en rapportant la preuve d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeur, c’est-a-dire qu’il faut un element exterieur du gardien et de la chose elle-meme. Il peut sortir de sa responsabilite en prouvant egalement le fait d’un tiers ou en prouvant le fait de la victime : il peut y avoir une exoneration totale ou bien partielle.
L’exoneration partielle est une notion controversee en doctrine. Jusqu’en 1982, la jurisprudence admettait que le gardien d’une chose ayant cause un dommage pouvait etre partiellement exonere puisqu’il y avait egalement une faute de la victime. A partir de l’arret du 21 juin 1982 Desmares, la Cour de cassation a refuse l’obtention d’une telle exoneration. Cependant, par un arret du 6 mai 1987, la jurisprudence est revenue a la solution anterieure admettant l’exoneration partielle de responsabilite du fait des choses inanimees.