LES ESPACES NEVRALGIQUES DU PROCHE-ORIENT Introduction Le Proche-Orient se resume bien souvent en « processus de paix » et « gestion de crise ». Que les conflits soient ouverts, latents ou bien en voie de pacification, aucun pays actuellement ne peut pretendre a une stabilite durable. Mais trois espaces apparaissent encore bien plus sensibles : Israel aux prises avec la Palestine depuis 1948 ; l’Irak destabilise par la guerre de 2003 et l’Iran dont le president, Mahmoud Ahmadinejad, est soupconne de vouloir acquerir la bombe atomique. Ces trois espaces concentrent a eux seuls les principaux maux du Proche-Orient.
Ce sont des espaces nevralgiques dans le sens ou ils representent soit des espaces geostrategiques, soit des espaces sensibles qui peuvent a tout moment enflammer le Proche-Orient. Les accords de paix entre Israel et la Palestine sont au point mort. Depuis 2003, en Irak, l’intervention americano-britannique alimente les antagonismes intercommunautaires, au profit du voisin iranien. Ce dernier souhaite, en outre, devenir la puissance regionale dominante en developpant le nucleaire militaire et/ou en jouant sur l’antiamericanisme et l’islamisme.
Saisir la complexite des tensions proche-orientales nous amene necessairement a presenter successivement le conflit israelo-palestinien, puis le chaos irakien et sur la montee en puissance de l’Iran. Dans un souci de simplicite, nous abordons
Le peuplement progressif de la Palestine, a la fin du XIXe et au debut du XXe siecle, par des groupes de plus en plus nombreux de juifs, accentue les tensions entre les populations arabes et les nouveaux arrivants. La Palestine correspond aux provinces de Galilee, de la Samarie et de Judee et tient son nom du peuple des Philistins, qui vivaient la plusieurs siecles avant l’ere chretienne. A partir du Xe siecle av. J. C. , les tribus juives y instaurerent un royaume d’Israel. Les Romains y mirent fin en 70 ap. J. C. Les juifs se disperserent dans tout l’empire. Cet exil est appele diaspora.
Seuls quelques juifs resterent en Palestine. En 1880, on en comptait 24 000. A la meme periode, en Europe, face a la montee de l’antisemitisme (pogroms# en Russie et Pologne, affaire Dreyfus en France), un certain nombre de juifs pronent un retour a la Terre Sainte. On les appelle les sionistes, du nom d’une colline a Jerusalem (Sion). Leur mouvement se reunit pour la premiere fois a Bale en 1897, a l’instigation de Theodor Herzl. Celui-ci obtient le soutien du Royaume-Uni, qui par la declaration de Lord Balfour en 1917, se montre tres favorable a la creation d’un foyer national juif en Palestine (annexe, document 6).
L’immigration juive s’accelere a la fin de la Premiere Guerre mondiale. On denombre alors 58 000 juifs en Palestine soit 8 % de la population totale, face a 568 000 Arabes musulmans et 74 000 Arabes chretiens. Le demantelement de l’Empire ottoman (1920) et la mainmise des Britanniques sur une partie des territoires, dont la Palestine, vont inciter bon nombre de juifs a s’y installer. En effet, Londres appuie le peuplement juif face aux 90 % d’Arabes. Un premier Livre blanc legitime la presence juive, ce qui mecontente les Arabes et les premieres emeutes eclatent en 1921 puis en 1929.
En Allemagne, l’arrivee d’Hitler au pouvoir en 1933 accentue l’immigration (61 000 personnes en 1935), d’ou de nouvelles tensions qui provoquent une seconde revolte arabe en 1936. Londres edite alors un second Livre blanc en 1939 : un quota mensuel d’immigrants est mis en place. 12. Creation et survie de l’Etat d’Israel A partir de 1948, la creation de l’Etat d’Israel entraine, de la part des pays arabes voisins, de violentes reactions. Pendant plus d’un quart de siecle, Israel et les pays arabes limitrophes (Egypte, Jordanie, Syrie, Liban) vont regulierement s’affronter.
A chaque fois Israel en sort vainqueur. La Shoah a ete l’un des evenements declencheurs de la creation d’un foyer national juif en Palestine. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont extermine 80 a 90 % des juifs d’Europe, soit 5 millions de personnes. L’ensemble de la communaute internationale a un sentiment de dette envers le peuple juif. En 1946, 100 000 juifs obtiennent l’autorisation d’immigrer. Le Royaume-Uni se retrouve face a un dilemme entre d’un cote, permettre aux juifs de s’installer en Palestine, de l’autre, satisfaire les revendications nationalistes des Arabes qui y vivent.
Il se tourne alors vers l’O. N. U. , qui decide, le 29 novembre 1947, le partage de la Palestine et l’internationalisation de Jerusalem. Le plan de partage onusien donnait a l’Etat hebreu 14 000 km2, pour 413 000 Arabes et 550 000 Juifs et a l’Etat arabe 11 000 km2 (814 000 Arabes et 10 000 Juifs). Seuls les juifs acceptent : c’est l’origine du premier conflit israelo-arabe (1948-1949). Le jeune Etat d’Israel, proclame le 14 mai 1948, est immediatement attaque ; mais il vainc les pays voisins et s’agrandit (carte 2). 700 000 Palestiniens s’exilent en Jordanie, Syrie et au Liban.
Certains se retrouvent egalement dans le nouvel Etat d’Israel. On les appelle les « Arabes israeliens ». D’autres encore se retrouvent isoles dans les territoires occupes par l’Egypte (Gaza) ou la Transjordanie (la Cisjordanie). Une deuxieme guerre debute suite a la nationalisation du canal de Suez# par le president egyptien Nasser. Londres et Paris montent une operation appuyee par Tsahal (29 octobre – 5 novembre 1956). Les troupes se retirent sous la pression de Moscou et de Washington, Israel evacue le Sinai et des Casques bleus sont envoyes a la frontiere egyptienne.
En 1967, le president nationaliste egyptien, Nasser, decide de bloquer le golfe d’Aqaba aux navires israeliens et de concentrer des troupes terrestres a la frontiere avec Israel. Ce dernier, craignant l’asphyxie economique et la menace militaire de l’Egypte, de la Jordanie et de la Syrie, lance une guerre dite preventive. C’est la guerre des Six Jours (5-10 juin 1967), durant laquelle les troupes israeliennes conquierent la bande de Gaza, le desert du Sinai, le plateau du Golan, Jerusalem-Est et la Cisjordanie (carte 2). Les consequences de cette guerre sont terribles pour les Palestiniens. 00 a 300 000 d’entre eux quittent les territoires occupes pour se refugier en Jordanie, au Liban et en Egypte. L’O. N. U. vote une resolution qui exige le retrait israelien sur les territoires nouvellement occupes. L’Egypte tient absolument a recuperer au plus vite le Sinai et la Syrie le Golan. Le 6 octobre 1973, le nouveau president egyptien, Sadate, lance une offensive avec les Syriens. C’est la guerre du Kippour#. Apres des premiers revers, l’armee israelienne, Tsahal, arrive a refouler les troupes arabes jusqu’aux portes de Damas (Syrie) et du Caire (Egypte) [carte 2].
Mais le conflit s’arrete net lorsque l’U. R. S. S. et les Etats-Unis menacent d’intervenir. L’Egypte et la Syrie apparaissent des lors bien isolees dans leur combat contre Israel. En effet, le Liban est embourbe depuis 1975 dans une effroyable guerre civile. La Jordanie, de son cote, a accepte le soutien americain et s’est donc totalement desengagee de la lutte contre Israel. L’Egypte va lui emboiter le pas. Sous la pression des Americains, et notamment du diplomate Henry Kissinger, Sadate accepte de signer des accords de paix avec Israel.
En 1978, les accords de Camp David, font se rencontrer les deux chefs d’Etat, Menahem Begin et Sadate. L’Egypte est le premier Etat arabe a reconnaitre officiellement l’Etat d’Israel (annexe, document 7). En contrepartie, elle recupere le desert du Sinai mais son president, Sadate, est assassine le 6 octobre 1981. 13. Quel Etat pour les Palestiniens ? Tout au long des guerres entre Israel et les Etats arabes, les Palestiniens sont apparus comme les laisses-pour-compte. Les annees 1970 sont marquees par l’essor du nationalisme palestinien. Des divisions internes majeures empechent une solution a court et moyen termes.
Le probleme des refugies palestiniens se fait de plus en plus pressant. Basee au Liban, l’Organisation pour la Liberation de la Palestine (O. L. P. ) lutte pour leur retour. Yasser Arafat (1929-2004) en prend la tete en 1969. Elle regroupe differents mouvements radicaux dont le Fatah, « mouvement de liberation nationale palestinienne ». Il a ete fonde en 1959 par Arafat lui-meme. Plusieurs operations terroristes sont engagees dans les territoires palestiniens sous controle israelien : attentats, detournements d’avion, prises d’otages. Israel doit ainsi faire face a l’hostilite de l’O.
L. P. En 1982, Tsahal se lance dans une offensive extraterritoriale pour chasser les combattants palestiniens, refugies au Liban. C’est l’operation « Paix en Galilee ». Les troupes israeliennes vont arriver jusqu’a Beyrouth et en deloger les Palestiniens avec l’aide des phalanges chretiennes. L’opinion internationale s’offusque de l’attitude d’Israel. Elle condamne les massacres dans les camps de refugies palestiniens de Sabra et de Chatila. Israel occupe le Sud du Liban jusqu’en 2000. Les Palestiniens de leur cote apparaissent de plus en plus divises. La reconnaissance de l’O. L. P. ar l’O. N. U. en 1974 amene Yasser Arafat a privilegier peu a peu la voie de la negociation. Mais des mouvements contestataires paralleles font leur apparition. Certains sont spontanes comme, en 1987, l’Intifada ou « soulevement ». C’est un mouvement de rebellion de la jeunesse, surnommee la « guerre des pierres ». D’autres mouvements radicaux apparaissent, comme dans la bande de Gaza, le Hamas (annexe, document 3). C’est un mouvement islamiste, cree en 1988. Il est meme discretement soutenu, dans un premier temps, en sous-main par Israel pour contrebalancer l’influence de l’O. L. P.
Un fosse se creuse donc progressivement entre ces mouvements radicaux et l’O. L. P. Avec les accords d’Oslo, signes en 1993, entre le Premier ministre israelien Itzhak Rabin et Yasser Arafat, les Palestiniens entrevoient la possibilite de posseder un Etat. Israel est officiellement reconnu par l’O. L. P. et accepte en contrepartie de se desengager des territoires occupes (annexe, document 7 ; carte 10). En attendant la creation d’un Etat, les Territoires palestiniens deviennent autonomes et sont geres par l’Autorite palestinienne. Elle est formee par un conseil legislatif et est presidee par Y. Arafat.
Le Fatah suit les decisions de l’O. L. P. Il admet l’existence d’Israel en contrepartie de la creation d’un Etat palestinien. Ses militants sont d’ailleurs massivement integres dans les rangs de la police de la nouvelle Autorite palestinienne. Mais les territoires palestiniens tardent a reintegrer l’Autorite palestinienne. Une seconde Intifada eclate entre 2000 et 2004, poussant le Premier ministre israelien, Ariel Sharon, a evacuer dans l’urgence les colonies juives de la bande de Gaza. Mahmoud Abbas, successeur d’Arafat en 2004 a la presidence de l’Autorite palestinienne, renoue alors le dialogue avec Israel.
La solution de deux Etats separes apparait de plus en plus credible. La conference d’Annapolis, tenue le 27 novembre 2007, aux Etats-Unis, va dans ce sens. Mais un certain nombre de points de blocage empechent toujours sa mise en ? uvre. Le premier concerne les millions de refugies palestiniens qui reclament le « droit au retour » reconnu par l’O. N. U. , face aux milliers de colons qui ne veulent pas partir. Le controle de l’eau en Cisjordanie par Israel est le deuxieme defi (carte 8). Le troisieme handicap est la symbolique religieuse et politique de Jerusalem : aucune des deux parties ne souhaite faire de concessions sur cette question.
Une autre solution est envisageable : un Etat binational. La question d’un Etat federal trouve certaines limites chez les Palestiniens, car ils n’ont jamais ete autant divises. En 2007, le Hamas, en rupture totale avec l’Autorite palestinienne, a remporte les elections legislatives a Gaza. La Cisjordanie et la bande de Gaza sont de plus en plus eloignees politiquement et administrativement. L’intervention des troupes israeliennes a Gaza fin decembre 2008 a revele les fractures entre les deux territoires palestiniens. Sous-tendu par une rivalite territoriale, le conflit israelo-palestinien n’est toujours pas resolu.
La cause palestinienne fait, en outre, l’objet de manipulations internationales : Saddam Hussein, par exemple, l’a mise en avant pour tenter de faire oublier l’invasion du Koweit et les problemes inherents a son pays. 2. L’Irak L’Irak est, depuis 2003, au c? ur de l’actualite. Aujourd’hui, la guerre a fait pres de 100 000 morts civils irakiens et pres de 4 500 soldats allies tues. Les problemes rencontres par ce pays remontent toutefois plus loin dans le temps. Depuis l’instauration d’une dictature par Saddam Hussein en 1979, l’Irak est perpetuellement en conflit avec ses voisins et se retrouve au c? r des interets des pays occidentaux. Ces derniers, menes par les Etats-Unis, ont mis fin a la dictature sans parvenir a stabiliser le pays et encore moins le Proche-Orient. 21. D’un allie a un ennemi Saddam Hussein veut faire de son pays une puissance regionale laique qui rassemble autour d’elle tous les Arabes. Non seulement ce projet s’oppose aux ambitions de l’Iran, qui vient de changer de regime a la suite de la Revolution islamique de 1979, mais aussi aux communautes irakiennes exclues du pouvoir. La realisation de ce projet ne peut donc se faire que par les armes.
Chef du parti politique Baas, Saddam Hussein a, des sa prise de pouvoir en 1979, trois ambitions : mettre en place un Etat laic, unifier le monde arabe (panarabisme) et faire de l’Irak la seule puissance regionale. La meme annee, la Revolution islamique triomphe en Iran. Son dirigeant, l’ayatollah# Khomeyni a des ambitions opposees a celles de Saddam Hussein : instaurer un Etat religieux et etre le leader du Proche-Orient. Les deux Etats ont, par ailleurs, un litige frontalier qui porte notamment sur la region iranienne du Khouzistan, riche en petrole.
Envisageant une guerre, Saddam Hussein cherche le soutien arabe regional. Il obtient le financement de l’Arabie Saoudite et du Koweit. La guerre contre l’Iran est declenchee en 1980. Aucun des deux pays n’arrive a prendre l’avantage et, en 1988, ils en sortent totalement ruines. Malgre tout, Saddam Hussein poursuit son projet. Mais, la presence d’une population kurde au Nord de l’Irak represente une entrave a sa realisation (annexe, document 5). Pour le regime, ils sont une menace a deux titres : ils ne sont pas Arabes et sont installes sur des reserves petrolieres abondantes (villes de Kirkuk et Mossoul).
En 1988, Saddam Hussein lance une vaste operation militaire. A Halalija, 5 000 civils kurdes sont extermines par des gaz toxiques. Cependant, la resistance kurde s’organise. Les peshmergas (combattants kurdes) remportent un certain nombre de victoires, jusqu’a repousser totalement l’armee irakienne. C’est donc un nouvel echec pour le regime de Saddam Hussein. En outre, les relations entre l’Arabie Saoudite, le Koweit et l’Irak s’enveniment tres rapidement. En effet, Saddam Hussein, endette, recherche toujours des ressources pour reconstruire le pays.
Annexer le Koweit, riche en petrole, lui permettrait non seulement de supprimer un creancier mais aussi de redresser l’economie irakienne. L’Irak possede des arguments historiques : au XIXe siecle, la province irakienne du Koweit avait ete donnee par les Turcs aux Britanniques. Depuis son independance en 1932, l’Irak n’a eu de cesse de reclamer ce territoire. Le 2 aout 1990, l’Irak envahit l’emirat du Koweit contre l’avis de la communaute internationale. L’O. N. U. coalise alors 37 pays (occidentaux comme proche-orientaux) et lance l’operation Desert Storm, « tempete du desert ». Les Etats-Unis menent cette oalition par souci de proteger leurs interets, le Koweit etant l’un de leurs principaux fournisseurs d’hydrocarbures. Une fois le Koweit libere, un cessez-le-feu est declare le 27 fevrier 1991, sans que l’Irak soit envahi. Malgre la defaite, Saddam Hussein reste donc au pouvoir. Les Etats-Unis veulent, en effet, le preserver, d’une part car il leur semble etre le seul rempart contre l’Iran et, d’autre part, afin de ne pas creer de sentiment arabe anti-americain au Proche-Orient. Toutefois, cela a pour consequence de frustrer les communautes chiites et kurdes d’Irak, qui souhaitaient voir le regime tomber.
Saddam Hussein, sunnite, avait en effet opprime ces deux communautes pour asseoir son pouvoir. 22. Le bras de fer entre l’Irak et la communaute internationale La decennie 1990 est caracterisee par les hesitations de la communaute internationale. La coalition est partagee entre le desir, d’une part, de renverser le regime de Saddam Hussein et, d’autre part, la necessite de pacifier le Proche-Orient. Des le 6 aout 1990, soit immediatement apres l’invasion du Koweit, l’assemblee des Nations unies a adopte la resolution 661 instaurant un embargo total contre l’Irak.
Il est maintenu apres la fin de la guerre, car l’O. N. U. veut etre sure que S. Hussein ne represente plus une menace. Toutefois, il pouvait etre leve si l’Irak detruisait les armes de destruction massive qu’il etait soupconne de posseder. En 1991 et 1992, les inspecteurs de l’Agence Internationale a l’Energie Atomique et ceux de l’O. N. U. decouvrent des armes de destruction massive, chimiques et bacteriologiques. Le regime irakien ne veut pas le reconnaitre. Par consequent, l’embargo continue. Cela penalise surtout la population et non pas le regime.
Devant cet echec, la communaute internationale est divisee. Plusieurs pays, notamment la France, appellent a l’assouplissement, voire a la levee des sanctions. L’embargo representerait davantage un danger pour l’Irak et le Proche-Orient qu’une solution. Votee en 1996, la resolution 986 de l’O. N. U. va dans ce sens. Dans le contexte de relations toujours aussi tendues entre l’Irak et l’Iran, tout le monde convient qu’une invasion de l’Irak par les troupes coalisees risquerait de faire le jeu de l’Iran. Dans un premier temps, les Etats-Unis incitent les Irakiens eux-memes a se revolter contre le pouvoir.
Mais tres vite, ils se rendent compte que l’Iran profiterait de cette destabilisation pour mettre entre les mains des chiites irakiens les renes du pouvoir. Une nouvelle republique islamique, sur le modele iranien, pourrait alors voir le jour. Les Etats-Unis reviennent donc sur leur decision de fomenter un coup d’Etat. Saddam Hussein garde le pouvoir et, utilisant la Garde republicaine – troupe militaire d’elite infeodee au regime – renforce la repression contre tout opposant au regime et notamment contre les chiites. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni vont multiplier, malgre tout, les sanctions diplomatiques et les pressions militaires.
Ainsi, sans l’accord de l’O. N. U. , ils creent des zones d’exclusion aerienne. Des bombardements ciblent les defenses anti-aeriennes irakiennes. En 1996, sous la pression internationale, les Etats-Unis finissent par accepter la resolution 986 de l’O. N. U. qui allege l’embargo. Face a une catastrophe humanitaire (de 500 000 a 1,5 million de morts), cette resolution, dite « petrole contre nourriture », autorise l’Irak a reprendre partiellement ses exportations de petrole. Les revenus doivent etre utilises, sous controle de l’O. N. U. pour l’achat de vivres et de medicaments. Cet accord tient quelques temps, mais l’Irak engage un veritable bras de fer contre les Americains et les Anglais. Saddam Hussein entrave le travail des inspecteurs de l’O. N. U. et detourne les revenus du petrole. En 1998, Washington et Londres decident alors, sans l’aval des Nations unies, une nouvelle serie de bombardements pour faire plier le regime : c’est l’operation « renard du desert ». 23. Le chaos irakien depuis 2003 Les attentats qui frappent les Etats-Unis en 2001 modifient profondement leur vision du Proche-Orient.
Persuade que Saddam Hussein est mele au terrorisme d’al Qaida et soucieux d’en finir definitivement avec lui, Washington prend la tete d’une seconde coalition. Les attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001, ont radicalement change l’orientation strategique des Etats-Unis. Saddam Hussein est accuse a tort d’accueillir des camps d’entrainement des membres d’al Qaida et de stocker des armes de destruction massive. Le president americain, George W. Bush, decide, unilateralement et contre l’avis des Nations unies, une intervention en Irak.
L’operation anglo-americaine, Iraqi Freedom, est lancee le 19 mars 2003 avec plus de 500 000 soldats. Ce n’est que deux mois plus tard que la coalition recoit mandat de l’O. N. U. pour justifier l’occupation du pays. Les Americains mettent en place un gouvernement interimaire : la Coalition Provisional Authority (C. P. A. ), dirigee par Paul Bremer. La C. P. A. dissout l’armee et les services de securite irakiens. Les anciens cadres du parti Baas sont limoges. Le 14 decembre 2003, Saddam Hussein, refugie dans sa ville natale, Tikrit, est arrete.
Livre a la justice irakienne, il est reconnu coupable de crime contre l’humanite et execute par pendaison le 30 decembre 2006. Tres vite la coalition est confrontee a une forte resistance de la part de la population civile, des partisans de Saddam Hussein, des chiites et des islamistes (carte 6). La repression americaine choque la population et rend l’occupation impopulaire. La guerilla baasiste se developpe rapidement dans le triangle sunnite, c’est-a-dire dans la zone mediane du pays. Les chiites, depuis trop longtemps ecartes du pouvoir, cherchent a s’imposer par tous les moyens.
Parallelement, les actes terroristes djihadistes, qu’ils soient commis par des sunnites ou des chiites, se multiplient. Les auteurs des attentats affluent du monde arabo-musulman. Les Saoudiens, les Syriens, les Palestiniens, mais aussi les Algeriens ou encore les Libyens fournissent le plus grand nombre de moudjahiddins. L’Irak devient, pour les islamistes, le symbole « des velleites expansionnistes des croises americano-sionistes » pour reprendre une expression djihadiste. Mais au final, c’est la population civile irakienne qui souffre le plus des attentats (100 000 morts civils irakiens contre 4 500 soldats allies).
En situation d’echec jusqu’en 2007, les Etats-Unis transferent peu a peu la souverainete a un gouvernement provisoire multiethnique. En mars 2004, une constitution est votee et approuvee par referendum en octobre 2005. Deux elections legislatives ont lieu en 2005. Leurs resultats refletent les clivages ethnico-religieux : les chiites dominent au parlement ; le President du pays, Jalal Talabani, est kurde (annexe, document 5) et les sunnites sont tres peu representes. Ils n’avaient toutefois pas tous participe aux elections. En janvier 2007, G. W.
Bush decide d’envoyer 21 500 soldats supplementaires afin de securiser Bagdad, soit 145 000 soldats americains au total. Depuis 2008, cette decision semble payer. L’insurrection s’est affaiblie. Le phenomene est connu sous le nom de Sahwa (le reveil). Le recul de la violence est du a la mise en place d’alliances avec les tribus pour combattre al Qaida en Irak. Mais les Americains estiment qu’il n’est pas encore temps de quitter l’Irak compte tenu des nombreux desaccords intercommunautaires : desaccords sur la possibilite d’un Etat federal, sur la repartition des ouvoirs et sur la repartition de la manne petroliere. Confronte a une situation de guerre civile, le nouveau gouvernement irakien reste sous l’influence americaine tout en sachant que la population est massivement contre l’occupation. Le nouveau president etats-unien, Barak H. Obama, doit prendre en compte la lassitude de ses compatriotes et celle des Irakiens et la necessite de ne pas partir avant que l’Irak ne soit pleinement devenu un Etat democratique. On peut donc s’interroger sur la maniere dont il pourrait concilier ces deux imperatifs.
De plus en plus de specialistes (rapport Baker) estiment qu’une solution pourrait etre trouvee en accord avec la Syrie et l’Iran. 3. La montee en puissance de l’Iran Si l’Iran peut apparaitre comme un acteur incontournable dans la gestion de certains conflits au Proche-Orient, son attitude provocatrice, depuis une trentaine d’annees, en fait un Etat particulierement destabilisant. Depuis 1979, la Revolution islamique a amene au pouvoir un clerge chiite radical, avec a sa tete l’ayatollah Khomeiny (annexe, document 8).
Les dirigeants iraniens n’ont eu de cesse de manifester leur particularisme et leurs ambitions hegemoniques sur la region. 31. Les hesitations de la societe iranienne : entre tradition et modernite Dans les annees 1990, malgre la pression des religieux chiites au pouvoir, l’Iran a connu une modernisation toute relative initiee par l’arrivee au pouvoir de reformateurs. Neanmoins, l’election du president conservateur Ahmadinejad, en 2005, temoigne du desenchantement de la societe a l’egard des reformes entreprises, jugees trop lentes.
Lasse de la guerre contre l’Irak (1979-1988) et du discours radical de l’ayatollah Khomeiny (prise d’otage de diplomates americains a Teheran, appel au meurtre de l’ecrivain Salman Rushdie) durant les annees 1980, la population montre une volonte de se moderniser et de s’ouvrir a l’Occident. Rafsandjani, modere, est elu president en 1989. Il entreprend, outre une politique de normalisation des relations diplomatiques avec l’Occident, des reformes sociales majeures. Les Iraniennes acquierent une plus grande liberte et accedent aux universites.
Mais c’est surtout l’election de Khatami qui va marquer un tournant pour la societe iranienne. Arrive au pouvoir en 1997, ce dernier mene une politique d’ouverture culturelle en opposition avec la vision des religieux conservateurs : foisonnement des activites cinematographiques ou theatrales, de la peinture, de la litterature moderne, mais aussi scientifique avec la multiplication d’articles dans les revues internationales. Malgre tout, le bilan general de Khatami reste mitige. Les disparites sociales se sont accentuees, le taux de chomage ne diminue pas (15 %) et les activites industrielles ne se sont pas assez diversifiees.
Khatami est desavoue aux elections de 2005, au profit du conservateur Mahmoud Ahmadinejad. Le discours officiel se radicalise a nouveau, pronant sur le plan exterieur la destruction d’Israel et, sur le plan interieur, un retour aux traditions chiites. Les manifestations dans les universites sont vigoureusement reprimees. Les hesitations de la societe iranienne, entre les traditions religieuses chiites et l’ouverture au modernisme a l’Occidental, s’expliquent par le particularisme du regime iranien.
Le systeme politique est unique au monde puisqu’il mele une vision religieuse et democratique (annexe, document 8). En effet, l’exercice de la democratie en Iran, s’il ne correspond pas aux criteres occidentaux, n’en demeure pas moins reel. Les dirigeants locaux et le president de la Republique sont directement elus par les citoyens. Mais dans le meme temps, le pouvoir est toujours aux mains du Guide supreme de la Revolution – actuellement l’ayatollah Khamenei. 32. Un positionnement geostrategique
En concurrence avec l’Irak et l’Arabie Saoudite, l’Iran se positionne comme un acteur central du golfe arabo-persique. Le pays s’appuie sur les liens privilegies noues avec les communautes chiites des pays voisins. L’Iran occupe une place primordiale dans la region du Golfe. Les cotes septentrionales sont entierement sous controle iranien. Or, le Golfe est un axe de passage privilegie pour l’exportation des hydrocarbures. Les navires petroliers doivent necessairement passer par le detroit d’Ormuz.
Les autorites iraniennes surveillent donc directement les couloirs de navigation, notamment grace aux iles d’Abou Moussa, Petite et Grande Tomb. Ce sont les Britanniques qui en depossederent, en 1971, les Emirats Arabes Unis pour les donner a l’Iran. La souverainete iranienne n’est pourtant pas reconnue par l’O. N. U. Par ailleurs, les principaux gisements petroliers iraniens sont situes dans le golfe persique sous le plateau continental (gisements off-shore) ou a proximite a terre. 75 % du PIB de l’Iran provient des revenus petroliers.
Les gisements off-shore sont l’objet de contentieux avec l’Irak, le Koweit et l’Arabie Saoudite. Sur terre, l’Iran protege ses principaux gisements petroliers du Khouzistan, a l’Est du Chatt El-Arab, objets de la lutte contre l’Irak pendant neuf ans. L’Iran se revendique comme le pays leader des chiites dans le Golfe. Minoritaires dans le monde musulman, les chiites sont majoritaires dans le Golfe (carte 3). Les evenements en Irak, depuis 2003, servent les interets de l’Iran. Les radicaux irakiens chiites ont ete soutenus par les dirigeants iraniens pour prendre le pouvoir dans un pays a 60 % chiite.
En 2005, la victoire des chiites aux elections legislatives irakiennes a permis a l’Iran d’etablir des liens officiels avec l’Irak. Cette alliance a des repercussions sur les liens entre les Etats du Golfe. Meme si l’Arabie Saoudite s’est rapprochee de l’Iran depuis 1997, elle apparaitrait en position inferieure dans les relations diplomatiques. Par ailleurs, le rapprochement des chiites iraniens et irakiens pourrait creer des troubles en Arabie Saoudite meme. En effet, sa province de Hasa est peuplee essentiellement de chiites. Or, c’est dans cette meme province que ’on trouve les principaux gisements petroliers du pays. L’Arabie Saoudite est donc contrainte de respecter les decisions de l’Iran, au risque de perdre une partie de ses revenus petroliers. 33. Un Etat paria ou incontournable des relations internationales ? En 1979, l’arrivee au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny a tendu les relations avec la communaute internationale. Khomeiny voulait faire de l’Iran le « centre revolutionnaire du monde islamique ». La consequence de sa politique etrangere agressive fut la mise au ban des relations internationales de l’Iran.
Tres mefiants, les Etats-Unis ont mene une strategie d’encerclement de l’Iran. Cette mise a l’ecart a contribue a ranimer le sentiment nationaliste des Iraniens. Plusieurs Etats, de la region ou dans le monde, se mefient de l’Iran. Leurs relations avec cet Etat se limitent a un rapport de force. Percu comme une menace, l’Iran a longtemps ete la cible de l’Arabie Saoudite. Riyad (Arabie Saoudite) a cree le Conseil de Cooperation du Golfe le 26 mai 1981 dans le but d’unir des forces sur les plans economique et militaire contre l’Iran chiite (annexe, document 2).
Les Americains, eux aussi, se sont fermement opposes au regime iranien depuis la prise en otage du personnel de l’ambassade des Etats-Unis a Teheran en 1979-1980. Le pays a ete successivement qualifie d’« Etat voyou » (Rogue state) et de membre de « l’Axe du Mal » par l’administration Bush. Les bases americaines encerclent l’Iran : occupation de l’Irak a l’ouest, presence diplomatique et economique autour de la Mer Caspienne au nord, troupes deployees en Afghanistan a l’est, Ve flotte qui croise dans le Golfe au sud. Les dirigeants iraniens n’ont trouve que la Russie comme issue.
Leurs relations diplomatiques se sont resserrees : dialogue sur les frontieres en mer Caspienne, technologie russe utilisee pour la centrale nucleaire de Bushehr. Le president iranien M. Ahmadinejad s’est servi des positions strategiques americaines et de leurs allies (Israel et Turquie) pour justifier sa politique nationaliste. Ses provocations sont regulieres. Le developpement de la technologie nucleaire civile a l’aide de materiels russe et chinois, va dans ce sens. Signataire du traite de non-proliferation nucleaire (T. N. P. , Teheran (Iran) multiplie pourtant les centrifugeuses necessaires a l’enrichissement de l’uranium sans l’accord de l’O. N. U. ni de l’A. I. E. A. (carte 9). M. Ahmadinejad pretend que son equipement nucleaire n’est destine qu’a remplacer les stocks d’hydrocarbures qui s’epuiseraient en 2050. Parallelement, l’Iran ne cache pas son aversion pour Israel. Ahmadinejad a diabolise l’Etat hebreu en lancant une campagne antisemite se traduisant par l’invitation a Teheran de negationnistes. Les propos antisemites du president iranien visent principalement a rallier les Etats arabes du Proche-Orient.
Ceux-ci reprochent la creation d’un Etat d’Israel aux depends des Palestiniens. En outre, l’Iran soutient tous les adversaires des Israeliens. Le pays subventionne clandestinement le Hamas. Il offre egalement des armes au Hezbollah chiite libanais lors de la guerre de juillet 2006 contre Israel (etude de cas). Toutes ces demonstrations de force inquietent, bien evidemment, Israel. Le lancement d’un satellite en fevrier 2009 et les capacites balistiques du pays representent, selon les dirigeants israeliens, une menace directe contre leur securite.
En cas d’agression averee, Israel repliquerait par un bombardement des sites nucleaires iraniens. Conclusion generale Israel et Palestine, l’Irak et l’Iran constituent a eux quatre le point d’achoppement de toute stabilisation du Proche-Orient. Le conflit israelo-palestinien perdure malgre la reconnaissance de l’Etat d’Israel par l’Autorite palestinienne. L’eclatement progressif de l’Etat irakien et l’intensification du conflit multiconfessionnel provoquent une destabilisation regionale aggravant l’islamisme radical.
L’Iran, par ses prises de decisions a l’encontre de la communaute internationale et par son attitude provocatrice, represente une menace directe pour tous les Etats du Proche-Orient. Aujourd’hui, le nouveau president americain souhaite accroitre le dialogue avec l’Iran, malgre l’attitude provocatrice du president iranien Mahmoud Ahmadinejad. Barack Obama a egalement annonce que les Etats-Unis retireraient une partie de leurs troupes en Irak. Ces decisions marquent le retour du soft power dans la politique etrangere des Etats-Unis. RETOUR A L’INTRODUCTION