PENSEE

PENSEE

Les sources de sa pensée. Sa rencontre avec Jules Lagneau (1852-1894) dont il fut l’élève l’influença profondément mais il se nourrit aussi des œuvres de Platon, Descartes, Kant, Hegel, Auguste Comte. Journaliste et professeur, il médita sur l’histoire, la politique, la guerre etc. La vie d’Alain Emile Chartier (il adoptera plus tard le pseudonyme d’Alain) naît en Normandie, à Mortagne-au-Perche, en 1868. Il est le fils d’un vétérinaire. Elève de Jules Lagnea l’Ecole Normale Supé ure , p g de philosophie en 18 secondaire, notamm entre ensuite ? devient agrégé nseigne dans le il sera professeur de

Khâgne (il se méfiait des « importants » qui poursuivent « carrière » et préférait l’enseignement secondaire). Par son rôle de professeur, de chroniqueur (ses articles furent publiés à partir de 1903 dans les journaux et revues : ce seront les fameux Propos), son engagement dans le radicalisme politique, il a exercé une grande influence sur plusieurs générations d’écrivains, de journalistes, de philosophes. Pendant la guerre de 1914, Alain s’engage comme soldat de 2ème classe et devient artilleur. De cette expérience sortira Mars ou la guerre jugée.

Citons, parmi ses oeuvres, Le système des Beaux Arts (1 920), Les Idées et les Ages (1927), Propos sur le bonhe to next

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page bonheur (1928), Idées (1932), les Eléments de philosophie (revus en 1940). Il meurt en 1951. Apport conceptuel. La philosophie d’Alain n’est pas un système. Il s’agit plutôt de se situer à l’origine de la philosophie elle-même, de poser les questions premières à la manière des premiers philosophes, quand tout était encore à accomplir. La philosophie sera alors initiatrice, critique.

Il s’agit de soumettre le réel et surtout l’existence à la pensée, de refuser les préjugés, l’opinion. Fidèle à Descartes, il identifie la pensée et la conscience et ie l’existence d’un inconscient psychique. Aux yeux d’Alain, l’hypothèse freudienne est en effet une illusion car tout ce qui ne relève pas de la conscience doit être ramené aux mouvements du corps. Croire en l’inconscient, c’est se tromper sur soi-même et surtout se chercher des excuses, nier notre liberté. En effet, si le corps reste toujours maîtrisable par la conscience, il n’en est pas de même de l’inconscient freudien.

Croire en l’existence de l’inconscient, c’est donc essayer d’échapper à ses responsabilités en niant sa liberté. Certes, nous pouvons avoir des  » pensées e demi-jour ‘l, comme par exemple se tenir debout, marcher etc. , mais elles renvoient à des habitudes, des montages du corps qui restent contrôlables. Notre corps a été instruit par notre conscience. L’enfant qui apprend à marcher contrôle très consciemment ses gestes et, si la marche devient inconsciente, c’est parce 2 contrôle très consciemment ses gestes et, si la marche devient inconsciente, c’est parce qu’elle a d’abord été très consciente.

La pensée véritable est une pensée attentive, la pointe extrême de notre conscience, totalement transparente à elle-même. Journaliste, Alain fut aussi un penseur de la politique. Il faut que les citoyens exercent un contrôle sur le pouvoir grâce à leurs représentants élus. Le pouvoir tend toujours à la tyrannie parce qu’il est adulé. Les puissants aiment leur puissance et l’abus du pouvoir est le fruit naturel du pouvoir.  » Tout peuple qui s’endort en liberté se réveillera en servitude  » et Alain ajoute :  » Le tyran peut être élu au suffrage universel et n’être pas moins tyran pour cela.

Ce qui importe n’est pas l’origine des pouvoirs, c’est le contrôle continu et efficace que les gouvernés exercent sur les gouvernants.  » Tout État conjugue monarchie, aristocratie et émocratie. Si l’exécutif doit être monarchique (car ses décisions exigent de la rapidité), le législatif aristocratique (il faut discuter les lois en groupe), le pouvoir de contrôle doit être démocratique. Le peuple doit avoir le droit de déposer ses dirigeants immédiatement s’ils ne conduisent pas les affaires selon l’intérêt du plus grand nombre.

En ce sens tout peuple a la responsabilité de sa liberté car il faut avoir le courage de  » rompre les chaines du consentement qui sont les vraies chaînes. ‘ En ce qui concerne la morale, Alain reprend les gran 3 consentement qui sont les vraies chaines. En ce qui concerne la morale, Alain reprend les grands principes de la philosophie de Kant : l’idée de dignité humaine, d’universalité du devoir. II faut vivre selon l’esprit et se référer à la liberté et à la dignité. Les principales œuvres. ropos (1908-1919) Système des beaux-arts (1920) Les Idées et les âges (1927) Propos sur le bonheur (1929) Idées (1932) Elérnents de philosophie (1940) Penser n’est pas croire. Peu de gens comprennent cela. Presque tous, et ceux-là même qui semblent débarrassés de toute religion, cherchent dans les sciences quelque chose qu’ils puissent croire. Ils s’accrochent aux idées avec une espèce de fureur ; et, si quelqu’un veut les leur enlever, ils sont prêts ? mordre. Lorsque l’on croit, l’estomac s’en mêle et tout le corps est raidi ; le croyant est comme le lierre sur l’arbre.

Penser, c’est tout à fait autre chose. On pourrait dire : penser, c’est inventer sans croire. Imaginez un noble physicien, qui a observé longtemps les corps gazeux, les a chauffés, refroidis, comprimés, raréfiés. Il en vient à concevoir que les gaz sont faits de milliers de projectiles très petits qui sont lancés vivement dans toutes les directions et viennent bombarder les parois du récipient. Là- dessus le voilà qui définit, qui calcule ; le voilà qui démonte et remonte son « gaz parfait comme un horloger ferait pour une montre.

Eh bien, je ne crois pas du tout que cet ho 4 parfait », comme un horloger ferait pour une montre. Eh bien, je ne crois pas du tout que cet homme ressemble à un chasseur qui guette une proie. Je le vois souriant, et jouant avec sa théorie, je le vois travaillant sans fièvre et recevant les objections comme des amies ; tout prêt à changer ses définitions si l’expérience ne les vérifie pas, et cela très simplement, sans gestes de mélodrame. Si vous lui demandez : « Croyez-vous que les gaz oient ainsi ? ? il répondra : « Je ne crois pas qu’ils soient ainsi, je pense qu’ils sont ainsi. ALAIN 1,80 € Ou bien la politique n’est que vertige de foule et l’homme esclave absolument, ou bien il y a un moment, dans l’élaboration de l’opinion commune, où l’homme doit juger seul et par lui-même. Non pas d’après la méthode des fanatiques, qui n’ont de pensée qu’ensemble, mais par la méthode de science vraie, qui suppose l’homme solitaire et libre par volonté. Bref, avant de savoir SI la guerre sera par l’opinion commune, il faut que je sache si la guerre sera par mon opinion.

A ce moment-là je n’ai devant moi ucun fait humain déterminant, si ce n’est ma propre pensée avec ses affections. Je suis souverain. Il s’agit non pas de ce que je suppose qui sera, mais de ce que je veux qui soit. Problème uniquement moral ; je n’y puis échapper. Si la guerre est bonne, si c’est seulement la défaite qui est mauvaise, si j’ai pris le parti d’user de tous moyens en vue du succès, alors, oui, le problème de la gue S mauvaise, si j’ai pris le parti d’user de tous moyens en vue du succès, alors, oui, le problème de la guerre sera un problème de fait. ? Vaincrons-nous ? Sommes-nous prêts ? » Mais si j’ai comme ègle de vie le travail et la coopération, si la violence est pour moi un moyen vil d’acquérir, si je tiens enfin pour la justice de toutes mes forces, alors je dis non à la guerre, au-dedans d’abord, et au- dehors, autour de moi, comme c’est mon droit et mon devoir de dire, prononçant, non sur ce qui est, mais sur ce qui doit être, non sur ce que je constate, mais sur ce que je veux. Juger, et non pas subir, c’est le moment du souverain. ALAIN.

Je suis loin de mépriser les célèbres tests, qui font savoir en quelques minutes si un homme est adroit ou convulsif, méthodique ou emporté, attentif ou rêveur, oublieux ou de émoire sûre. C’est aussi simple que de s’assurer qu’il voit bien les couleurs. Mais tout n’est pas dit par cette redoutable manière de juger. J’ai connu un homme qui était un excellent téléphoniste avec une oreille presque nulle sur deux. On sait que Démosthène bredouillait naturellement, ce qui ne l’a pas empêché de gouverner sa VOIX.

Il se peut que les obstacles de nature fortifient la volonté, au lieu qu’on voit souvent que les dons les plus heureux sont annulés par la paresse ou l’insouciance. En sorte que le travail de juger ne sera jamais mécanique, et, au reste, ne doit point l’être. Et je tiens, comme principe des jamais mécanique, et, au reste, ne doit point l’être. Et je tiens, comme principe des principes, qu’il faut ouvrir un large crédit et chercher le bien, c’est-à-dire présupposer le bien. Celui qui espère beaucoup de l’homme est le mieux servi. ALAIN.

La méditation a perdu toute sa dignité extérieure ; on a tourné en ridicule le cérémonial et l’attitude solennelle de celui qui réfléchit ; on ne pourrait plus supporter un sage de la vieille école. Nous pensons trop vite, et en pleine marche, en chemin, au milieu d’affaires de toutes sortes, même quand c’est aux choses les plus raves, nous n’avons besoin que de peu de préparation, et même de peu de silence : tout se passe comme si nous avions dans la tête une machine qui tournât incessamment et qui poursuivît son travail jusque dans les pires circonstances.

Autrefois, quand quelqu’un voulait se mettre à penser – c’était une chose exceptionnelle ! – on s’en apercevait tout de suite ; on remarquait qu’il voulait devenir plus sage et se préparait à une idée : son visage se composait comme il le fait dans la prière ; l’homme s’arrêtait dans sa marche ; il demeurait même immobile pendant des heures dans la rue, sur une jambe ou sur les deux, quand ‘idée « venait La chose « valait » alors « cette peine Friedrich NIETZSCHE. Nous n’allons jamais des faits aux lois, mais toujours des lois aux faits. Nous pensons lois parce que nous pensons.

L’exemple le plus remarquable est dan lois aux faits. Nous pensons lois parce que nous pensons. L’exemple le plus remarquable est dans le mouvement’ par quoi nous pensons a priori n’importe quel changement. Et je demande comment nous ferions pour penser un mouvement sans loi, alors que le mouvement est par lui-même une loi (comme la ligne droite est par elle-même une loi) [… 1. Se représenter les ouvements du ciel, c’est penser les lois du ciel. L’attraction ne fait qu’énoncer la liaison réciproque de tous les mouvements célestes, et cela est d’abord une 101.

La chute d’un corps est une loi, car un mouvement n’importe comment ne sera point une chute. Sil est rectiligne, c’est une loi ; accéléré, de même ; uniforme, de même. II y a des lois aussi dans les nombres. II n’y a de nombres que par les lois des nombres. Toujours après 12 on trouvera 13 et 13 aura toujours les mêmes propriétés, d’être premier, etc. Nous ne comptons que par lois. En cet exemple on comprend même le pourquoi de la loi, car l’opération qui forme 3 (12 + 1) nous est connue , elle ne peut être autre.

Kant disait que l’entendement est par lui-même une législation de la nature. ALAIN, Eléments de philosophie. L’ouvrier adhère à l’expérience ; il ne perd jamais le contact : mais le théoricien aussi, à sa manière ; et le technicien se trouve placé entre ces deux extrêmes. Palissy 1 , autant qu’on sait, était un ouvrier d’émaux mais non pas un pur ouvrier, car il cherchait. Le propre de l’ouvrier c 8 était un ouvrier d’émaux mais non pas un pur ouvrier, car il cherchait. Le propre de l’ouvrier c’est qu’il invente sans chercher et peut-être en refusant de chercher.

Guidé par la chose, par l’invariable outil, par la tradition, il ne se fie jamais à ce qui est nouveau ; il invente par des changements imperceptibles à lui- même. La pirogue, la voile, l’arc, le moulin à vent, l’agriculture, la cuisine, l’art de dresser et d’élever les animaux, sont dus à cette pratique serrée et prudente, pendant une immense durée, de maître en apprenti et, plus anciennement, de père en fils. L’art du luthier 2 est un de ceux où l’on peut admirer un lent progrès par pure imitation. La technique s’y met présentement, et l’on tente de produire des sons de violoncelle sans violoncelle.

A l’autre extrême, un Helmholtz 3 analyse les timbres, et nous apprend de quels sons harmoniques se composent les voyelles. Tous suivent l’expérience, et interrogent la chose. Le premier suit les procédés connus ; le second invente des procédés ; le troisième cherche ? comprendre, c’est-à-dire à débrouiller ses propres idées. Bernard Palissy (1510-1590): célèbre potier qui rechercha le secret des faiences émaillées ; 2 Luthier : fabricant d’instruments de musique à cordes ; 3 Helmholtz : physicien allemand qui a publié, entre autres, une théorie mathématique des sons. ALAIN. 9