Pour P, la question politique decisive n’est pas la question de la decision politique. Que faire ? Que convient-il de faire de la part de ceux qui sont la tete de la communaute politique ? Comment diriger une communaute politique ? Ce sont des questions qui ne sont pas pertinentes pour Pascal. Ce n’est pas la decision politique comme telle qui constitue l’interet q Pascal attache… La question politique decisive pour Pascal est la question decisoire. … A qui revient-il d’etre a la tete de la communaute politique ? Qui est habilite a detenir l’autorite politique ?
Seulement, nous pourrions dire que la reponse donnee a la question decisoire appelle a la consideration de la question de la decision politique. Si telle direction politique est legitime, qu’a-t-elle a faire ? Ce n’est pas ainsi que Pascal considere la vie politique ? Parce que la question de l’autorite politique est mise en rapport par P avec un interet ontique. La question politique pertinente est la suivante : quelle est la realite de l’ordre politique ? Demander quelle est la realite de l’ordre politique, c poser la question par quoi l’ordre politique tient-elle, qu’est-ce qui lui donne sa consistance ?
Quelle serait le principe qui ferait tenir l’ordre politique ? Reponse : le principe qui ferait tenir
Quelle en est la consequence ? C’est non seulement etre lucide a l’egard de l’ordre politique, mais c aussi etre volontaire a l’egard de l’ordre politique. L’enjeu de la consideration communaute politique n’est pas seulement theorique, mais aussi pratique : il faut nous decider au sujet du consentement que nous avons ou que nous n’avons pas donne a l’autorite politique ; Des lors que nous sommes lucides a l’egard de l’ordre politique, des lorsque nous comprenons que l’ordre politique tient par l’imagination il faut non pas mettre en cause l’autorite politique etablie mais lui donner notre consentement.
De l’absence du principe qu’est la justice au consentement a l’autorite etablie la consequence est bonne. L’ambition pascalienne est de comprendre l’ordre politique, cad la realite que constitue la vie politique, par l’imagination, qui est la verite de cet ordre, qui donne a cet ordre son serieux, sa consistance, et de retenir une lecon pratique de cette comprehension. Il ne faut pas remettre en cause l’efficace politique de l’imagination, sauf a mettre en peril l’ordre politique puisqu’il tient par le pouvoir de l’imagination, et donc il faut conforter l’autorite politique etablie qui n’a ce statut que par l’imagination.
Il faut tirer ainsi les lecons de la lucidite a l’egard… Il faut conforter le pouvoir d de l’imagination. Comment Pascal procede-t-il ? Selon P les hommes sont en general capables du vrai, mais les hommes ne sont pas capables en particulier du vrai politique. Si les hommes sont en general capables du vrai, c sans doute par des hommes singuliers que sont les savants. Et si les hommes sont en particulier capables du vrai politique cette incapacite est commune aux h : nul h ne peut avoir l’audace de pretendre posseder la verite politique, cad la connaissance du juste.
Il faut mettre en regard deux series d’assertions : d’un cote : « Un meridien decide de la verite. En peu d’annees de possession les lois fondamentales changent, le droit a ses epoques… Verite en deca des Pyrenees, erreur au-dela. » D’un autre cote : « Nous connaissons la verite non seulement par la raison mais encore par leur c? ur. C’est de cette derniere sorte que nous connaissons les premiers principes, et c’est en vain que… » D’un cote : « Il y a sans doute de slois naturelles mais cette belle raison corrompue a tout corrompu. » Et d’un autre cote : « Nous savons que nous ne revons point.
Quelque impuissance ou nous soyons de le prouver par raison… » Il faut mettre en regard ces deux pensees : s’agisasant du vrai en general la raison est impuissante a corrompre le c? ur : c’est par le c? ur que les premiers principes sont connus et c’est sur le c? ur que s’appuie la raison. S’agissant du vrai politique en particulier la raison a tout corrompu. Elle a corrompu le c? ur qui n’est plus qu’amour-propre. La raison corrompue parce que corruptrice, elle ne nous permet d’apprehender les premiers principes que sont les lois natuirelles.
Nous pourrions dire : il en est ainsi des h en general qui ne sont plus dans leur etat originel. Vice, misere, erreur, tenebres, mort des espoirs… Nous pourrions dire : nous souhaitons la verite mais la raison corrompue ne nous permet pas d’atteindre la verite. Or que dit Pascal ? « Le desir de verite nous est laisse tant pour nous punir que pour nous faire sentir d’ou nous sommes tombes. » Notre c? ur n’est pas corrompu par la raison, amis encore le c? ur a la puissance de commander la raison. Le desir de la verite nous porte et c’est pourquoi il faut dire « c? r, instinct, principe ». S’agissant de la coutume politique il faudrait dire « coutume, amour-propre, usurpation ». La these de P n’est pas que les hommes etant en general incapables de la verite sont en particulier condamnes a la coutume, mais que l’incertitude de la coutume se detache sur le fond de l’apprehension de la verite. Meme si peu d’hommes sont des mathematiciens, les mathematiciens sont en effet rares, mais nous sommes identiquement des mathematiciens en deca et au-dela des Pyrenees. En R les lois fondamentales changent lorsque nous nous deplacons.
Deuxiemement la these de Pascal est que la vie politique etant etrangere a la verite il est vain de vouloir fonder la vie politique sur autre chose que l’imagination. De fait, la politique est fondee par la force. En verite il faut fonder la politique sur la croyance : ce sont les corps de l’imagination. Il faut relier les trois assertions suivantes : 1 rien suivant la seule raison n’est juste de soi, 2 qui ramene la coutume a son principe l’aneantit, 3 le plus sur est de dire que l’essence de la justice est la coutume presente. La premiere assertion pourrait aussi valoir pour le vrai : ien suivant la seule raison n’est vrai de soi. Seulement, c’est aussi que nous affirmons que la raison est avec le c? ur. Par le c? ur les principes les principes sont present, par la coutume les principes sont absents : la coutume n’est pas un principe, mais elle en tient lieu. Le mieux est de faire comme si elle etait le principe, d’ou la troisieme assertion. Le plus sur, cad le plus juste, non pas au sens ou le juste est avec la justice, mais au sens ou le juste est avec la justesse. Un peu plus bas, P ecrit : « Il faut, dit-on, recourir aux lois fondamentales t primitives de l’Etat qu’une coutume injuste a abolies.
C’est un jeu sur pour tout perdre, rien ne sera juste a cette balance. » Deux discours sont en presence : celui qui tient un etre qui pense que ce qui vaut pour le vrai vaut pour le juste et celui qu’il faut tenir des lors que nous avons compris que ce qui vaut pour le vrai ne vaut pas pour le juste. Que dit-on et que doit-on dire ? On dit ceci : la coutume n’est pas le principe, la coutume n’etant pas le principe elle est injuste, il faut abolir la coutume injuste, remplacer la coutume injuste, remplacer la coutume injuste par le principe. Non, il faut dire : c’est un jeu sur pour tout perdre.
Il est vrai que la coutume n’etant pas le principe est injuste, mais il faut de penser que le principe est le vrai de la politique. Or celui qui a compris quelle est la balance politique, c’est que la balance ne put que pencher du cote de la coutume et qu’il faut mettre sur l’autre plateau le poids de la fiction, le poids de l’imagination, pour faire croire que la balance est juste. Il faut mettre sur le plateau du principe la tare de l’imagination pour equilibrer la balance : c’est un jeu sur pour ne rien perdre, nous conservons la coutume et nous la faisons passer pour juste.
Ce qui est juste au sens de la justesse c’est de comprendre que le juste au sens de la justice n’est pas parmi les h et que le sur c’est de faire passer la coutume pour la justice, parce qu’elle est fondamentale. Toujours de la meme pensee, P ecrit : « Il ne faut pas que le peuple sente la verite de l’usurpation : la coutume a ete introduite autrefois sans raison, elle est devenue raisonnable. Il faut la faire regarder comme authentique et eternelle et en cacher le commencement si on ne veut pas qu’elle prenne… » La coutume a ete etablie sans raison. Si elle a ete etablie sans raison, ce n’est pas que le c? r lui ferait defaut, mais il faut faire sentir que la coutume est juste, cad le mieux est de faire croire ce qui releve du c? ur que la coutume est le principe de justice ou qu’elle a pour elle le principe de justice que nous sommes incapables de sentir donc de connaitre. Il faut faire comme si la raison etait avec le c? ur, il faut faire sentir que la coutume est juste. Pourquoi cette balance politique est-elle si importante ? Pourquoi faut-il donner tant de serieux a ce jeu du semblant en faisant croire qu’est juste ce que nous savons ne pas etre juste ?
La raison est la suivante : c’est que sont en balance l’impossible authentification du principe et le peril reel du desordre. Lorsque les h arguent en faveur du principe de justice qu’ils sont incapables de connaitre le c? ur ne leur donne le principe de justice, la ruine menace. « L’art de fronder, bouleverser les Etats est d’ebranler les coutumes etablies… Or le peuple prete aisement l’oreille a ces discours et les Grands en profitent a sa ruine. » Tout perdre, ce n’est pas seulement perdre la coutume en etant incapable de mettre a sa place le principe, c’est fronder, bouleverser, mettre la ruine.
Que surtout le peuple ne prete pas l’oreille a ces discours, qu’il soit frappe de cecite face a l’usurpation. Qu’aux cordes de necessite qui tiennent les h les uns aux autres, l’on ajoute les cordes de l’imagination… Mieux vaut une injustice qu’un desordre. Il faut comprendre : puisque de la justice la vie politique est incapable, mieux vaut que les h croient qu’ils ont raison de croire en la justice de la coutume. Il faut leur faire sentir la coutume comme juste. 4e remarque : cette conception de la balance politique permet de comprendre la theorie pascalienne des grandeurs d’etablissement et de ce qui est du a ces grandeurs. Les grandeurs naturelles sont celles qui sont independantes des fantaisies des hommes, parce qu’elles consistent dans des qualites reelles et effectives de l’ame et du corps qui rendent l’une ou l’autre plus estimable comme les sciences, la lumiere de l’esprit, la sante, la force. » Si les grandeurs naturelles sont de qualite reelle ou effective, nous leur devons quelque chose. Nous leur devons un respect que Pascal nomme naturel. Ce respect, c’est l’estime. A une grandeur naturelle nous acquiescons par notre estime.
Il est vrai que nous pourrions nous demander ce que veut dire en rigueur le mepris de la maladie…Il est vrai qu’apres avoir propose cette liste des grandeurs naturelles, P s’en tient a deux respects naturels, le respect de l’honnete homme et le respect du mathematicien. Mais P laisse en suspens le mepris interieure que meriterait ou celui qui n’est pas du tout geometre ou celui qui s’est detourne de la geometrie, ou celui qui est un moins bon geometre que moi. Ce qui invite a comprendre que la grandeur naturelle pertinente est la grandeur d’esprit ou de conduite.
A cote des grandeurs naturelles, les grandeurs d’etablissement. « Les grandeurs d’etablissement dependent de la volonte des hommes qui ont cru avec raison… » Premier point : alors qu’une grandeur naturelle a un contraire, une grandeur d’etablissement n’a pas de contraire. 2 : dire qu’une grandeur d’etablissement n’a pas de contraire c’est dire qu’elle est… Ce qui fait la valeur de la grandeur d’etablissement est la volonte des hommes. 3 : ce qui guide la volonte des h, ce n’est pas d’attacher de l’honneur a ce qui est par soi honorable mais c’est de rendre honorable ce qui sans l’etablissement ne le serait pas.
L’estime est due a une grandeur naturelle en tant qu’elle st par elle-meme estimable, l’honneur est du a une grandeur d’etablissement en tant qu’elle a ete rendue honorable par l’etablissement ; 4 : si nous devons qqch a ce qui a en soi une valeur, si nous devons l’estime a une grandeur naturelle, devons-nous en rigueur qqch a ce qui est rendu honorable seulement par l’etablissement ? N’est-ce pas seulement reconnaitre le fait de cette existence mais sans consentir a la valeur de ce qui en soi n’a pas de valeur ? Que veut dire qu’ax grandeurs d’etablissement nous devons un respect d’etablissement ?
Le respect d’etablissement ne consiste assurement pas dans l’estime, puisqu’une grandeur d’etablissement n’est pas une valeur, elle n’as de valeur que par l’etablissement, mais le respect d’etablissement ne consiste pas non plus dans la simple reconnaissance de l’existence de cette grandeur d’etablissement. Nous acceptons les marques exterieures de respect que les hommes ont de faire attachees aux grandeurs etablies, 2 nous acceptons de dire qu’il est juste de dire qu’existent en general les grandeurs d’etablissement donc en particulier cette grandeur-ci qui a ete ici etablie.
Parler au roi a genoux. Si je parle au roi a genoux, ce n’est pas que j’estime le roi, c’est que de fait il est la grandeur qui a ete etablie dans le pays dans lequel je vis. Si je parle au roi a genoux, ce n’est pas qu’il investit par Dieu de la puissance royale, c’est que la coutume actuelle est de l’honorer ainsi. Si j’accorde des marques de respect au roi etabli, ce sont 1 des marques de respect exterieures a l’egard de ce roi-ci, et ce sont 2 des marques de respect interieur a l’egard de l’ordre de l’etablissement en general. Pourquoi une reconnaissance de la justice de cet ordre ?
Pascal a declare plus haut : « La chose est indifferente avant l’etablissement, apres l’etablissement elle devient juste parce qu’il est injuste de la troubler. » S’il est injuste de troubler ce qui est etabli, c’est que l’etablissement est necessaire. Et en effet quels seraient les rapports des h sans l’etablissement ? Ce seraient des rapports de force. Les h tiendraient les uns aux autres par les cordes de necessite. La reussite d’un etablissement consiste en ce que les hommes tiennent les uns aux autres par les cordes de l’imagination.
Cette pensee d’une reussite de l’etablissement pour faire tenir les hommes les uns aux autres est ce qui guide celui qui tout en se contentant de respecter exterieurement le roi etabli est heureux qu’il y ait un etablissement. En quoi consiste alors l’injustice ? A ne pas estimer une grandeur naturelle, 2 ne pas honorer une grandeur d’etablissement, 3 honorer une grandeur naturelle, 4 estimer une grandeur d’etablissement, 5 mepriser une grandeur naturelle, 6 ne pas honorer une grandeur naturelle, 7 mepriser une grandeur d’etablissement. P retient le cas n°4 et le cas n°3.
Si nous nous arretons aux conduites que nous pouvons adopter a l’egard d’une GE, 1 honorer une GE c une conduite juste, 2 estimer une GE c une conduite injuste, 3 n’honorer ni n’estimer une GE c une conduite injuste, 4 mepriser une GE c une conduite injuste. Pourquoi est-il fautif de mepriser une grandeur d’etablissement ? Si je meprise une GE, cad si j’adopte a son egard l’attitude qui convient a l’egard du contraire d’une GN, c que je pense que j’aurai a estimer la grandeur qui lui est imposee. Je pense qu’elle n’est pas en elle-meme valable et je pense que si cette grandeur n’est pas valable c qu’est valable un etablissement juste.
Je fais comme si l’etablissement h doit etre regle par le juste et donc je confonds les deux ordres. Lorsque je suis eclaire par le c? ur, lorsque je connais le vrai selon les premiers principes, je beneficie de ce dont Dieu m’a gratifie. Or si je ne reconnais le roi que comme grandeur etablie en le respectant comme tel c que le roi n’est nullement investi par Dieu. L’enjeu de la distinction des deux ordres c de dire que la monarchie de droit divin est une conception fantaisiste qui n’a comme ressort que l’imagination des hommes et qui vaut uniquement comme fiction rendant reelle la cohesion de la communaute politique.
Le cordon reliant le monarque a Dieu est coupe alors meme que Dieu n’a pas deserte les h. Nous sommes capables par la grace de Dieu du vrai, et le monarque n’est nullement le lieutenant de Dieu, il est une figure chimerique, imaginative, qu’il faut faire tenir parce qu’il est necessaire et heureux que les hommes tiennent les uns aux autres par l’imagination. Dieu n’a pas deserte les h, mais il a deserte l’autorite royale, de telle sorte q si nous accordions a l’ordre politique une valeur qu’il ne merite pas, nous aurions a mettre a bas cette figure royale fantomatique.
Rien en effet ne nous autorise a penser que le principe de la politique que nous appelons les lois fondamentales et primitives de l’Etat… Si nous suivons P nous ne sommes pas critiques a l’egard de ce qui est etabli parmi les h. Si c’est par cet etablissement-ci que les hommes tiennent les uns aux autres il nous faut defendre l’etablissement mais sans etre la dupe de cette valeur. La poisiton de P est rigoureusement conservatrice, non pas parce que le conservalbe est en soi valable, mais parce que l’etablissement est le signe d’une reussite politique.
Le critere du conservatisme, c’est la conscience du danger du bouleversement. La conscience du danger du bouleversement est solidaire de la conscience de l’absence de principe. Ce qui est souhaitable, c’est qu’un etablissement soit au mieux etabli et non qu’il soit modifie. P defend-il absolument de l’indifference des GE ? Si la these de P est que les etablissements ne sont pas fondes sur la justice, la these est-elle que tous les etablissements se valent ? Les GE n’ont-elles absolument aucun contraire ?
Faut-il dire : indifference absolue des grandeurs, la difference est-elle par l’etablissement ? Non, toutes les GE ont un meme contraires qui est absolument mauvais : ce contraire absolu, non pas de tel etablissement, mais de tous les etablissements, a pour nom la tyrannie. La tyrannie est a l’ordre de l’etablissement ce qu’est la bassesse d’esprit a la grandeur naturelle. La tyrannie est absolument acceptable. 1 L’opinion est comme la regle du monde, mais la force en est le tyran. 2 La tyrannie consiste en le desir de domination universelle et hors de son ordre.
Sous le premier rapport la tyrannie est un etablissement qui s’impose sans etre reconnu : sans que ceux qui subissent sa force tiennent au tyran par les cordes d’imagination. Le consentement n’est pas donne a la tyrannie qui tient par la force qu’elle s’impose. Sous le second rapport est un etablissement qui entend sortir de son ordre, cad etre reconnu comme s’il etait une grandeur naturelle. Le tyran entend etre estime pour ses qualites propres alors meme que ceux qui lui obeissent ne lui obeissent qu’en tant qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Une estime extorquee et refusee, une force reconnue pour ce qu’elle est, c la yrannie. IS la tyrannie est un desir de domination hors de son ordre, c’est que le tyran pretend s’imposer ce a quoi resiste le c? ur de l’homme. Les hommes ne consentent pas a tout etablissement, ils sont capables de comprendre qu’un etablissement n’est que force si le pouvoir de l’imagination ne les conduit pas a se figurer que cet etablissement est juste. Sens politique a defaut de detenir la connaissance du principe. Le peuple sait faire le partage entre une coutume qu’il suit parce qu’il la croit juste et une coutume qu’il refuse parce qu’il la considere comme tyrannie : ce sont les principes naturels a l’h.
Or P ne dit pas que le peuple a tort de suivre ces principes naturels, qu’il faut l’inviter a se persuader que la coutume qu’il estime tyrannique est juste : on pourrait formuler l’objection : si le peuple refuse une coutume, que va-t-il mettre a la place ? P ne dit pas que tout refus d’obeissance doit etre denonce, certains refus decoulent des principes naturels a l’homme, et c donc que le c? ur a defaut de donner le principe de la justice leur donne un sens du juste. P ne va pas plus loin. Le c? ur est un discriminant politique, pas l’assise de la fondation de la justice.
Mais alors 5 comment comprendre le pouvoir de l’imagination parmi les h ? L’efficace de l’imagination est-elle propre a l’ordre politique ? D’autres ordres sont soumis a l’efficace de l’imagination : ainsi l’ordre du moi et l’ordre de la science, mais le propre de l’efficace de l’imagination sur l’ordre politique est son caractere constitutif, c par l’imagination que l’ordre politique tient, mais s’agissant du moi l’imagination intervient en etant au service de la presomption, de l’orgueil, l’imagination est vaine au sens ou elle est au service de la vanite.
C l’amour-propre qui en appelle l’imagination et l’imagination satisfait ce que l’amour-propre lui demande. Pourquoi le moi sollicite-t-il l’imagination ? Pq chacun est lucide sur ce qu’il est veut paraitre. Oui, c pq le moi lucide et orgueilleux ne supporte pas d’etre apprehende pour ce qu’il est mais aspire a etre considere pour ce qu’il n’est pas que l’imagination intervient. Comment l’imagination est-elle au service de l’amour-propre grace a l’illusion volontaire ?
Grace a la fertilite de son imagination, chacun va donner des signes avantageux de lui-meme, ainsi la gravite du magistrat, l’ardeur du predicateur, le zele du devot, et par les signes chacun donne a l’imagination de ceux qui apprehendent ces signes. Par l’imagination le vaniteux communique avec ceux sur lesquels il fait impression : ce que l’un donne par l’imagination a l’autre est tel que celui-la est tel que… Comme chacun tend a faire sur l’autre ce que l’autre fait sur lui, l’imagination est la reine du monde au sens ou nous sommes les uns pour les autres selon des verites d’emprunt.
Nous echangeons de considerations et l’echange des considerations est possible le pouvoir de l’imagination. Or s’agissant du moi, P reconnait l’efficace de l’imagination, mais il ne s’agit pas d’en rester a l’assertion selon laquelle le c? ur de l’homme est creux et plein d’ordure. 21/05/10 L’ordre des moi tient par l’efficace de l’imagination, c’est l’entre-tromperie et l’entre-flatterie, et si ces dispositions ont une racine naturelle dans le c? ur de l’homme c’est que le c? ur de l’homme est creux et plein d’ordure.
Dans ces conditions nous sommes tentes de dire que l’ordre politique et l’ordre du moi qui tiennent tous les deux par l’imagination sont caracteristiques de ce qu’il en est du reel humain en tant que la raison ayant corrompu le c? ur laisse le pouvoir a l’imagination, laquelle est au service de ce qu’est le c? ur, cad vanite. Mais alors egalement s’agissant de l’ordre de la science, non pas les maths mais la medecine : la medecine connait-elle les maladies ? Est-ce pq’elle connait les maladies qu’elle est un art de guerir ? Les malades font-ils confiance aux medecins pq les medecins sont capables en tant que savants de les guerir ? Si les medecins n’avaient des soutanes et des mules jamais ils n’auraient dupe le monde… mais n’ayant que des sciences imaginaires il faut qu’ils prennent ces vains instruments qui frappent l’imagination a laquelle ils ont affaire et par la en effet ils s’attirent le respect. » Si nous prenons au serieux la medecine nous pouvons dire 1 la medecine ne permettant pas de guerir les medecins abusent les malades par le pouvoir de l’imagination, mais nous pouvons dire aussi 2 la medecine en usant du pouvoir de l’imagination guerit les malades.
C’est une « science imaginaire », mais c’est peut-etre un art de l’imaginaire. Et dans ce cas par l’imagination les medecins et les malades tiennent les uns aux autres. Si nous prenons au serieux cette seconde hypothese, nous disons tel est bien le cas de l’ordre politique. Les h tiennent les uns aux autres d’une maniere efficace, cad d’une maniere heureusement efficace par l’imagination, car alors ils ne sont pas condamnes par la ruine. Les medecins n’ont pas la science, les hommes n’ont pas la justice.
Au lieu de dire que la cause est perdue, il faut dire : heureusement l’imagination permet aux medecins et aux malades de bien se rapporter les uns aux autres, et ainsi les malades sont gueris. Nous disons : non pas des mathematiques a la coutume la consequence est bonne mais de la medecine a la coutume la consequence est bonne. « L’imagination est une partie decevante de l’homme… » : non, dans le cas de la coutume, l’imagination est une maitresse d’erreur, mais pas une maitresse de faussete : elle n’est pas vraie, mais elle n’est pas non plus fourbe puisqu’elle permet a l’ordre de tenir. / Neanmoins nous ne pouvons nous arreter a cette comprehension car ce qui deconsidere ontiquement l’ordre politique, ce qui invite a comprendre que cet ordre est serieux mais faiblement serieux, ce qui manque a l’ordre politique, c’est une instance fondatrice, cad ce qui permettrait de regler le rapport de ceux qui sont politiquement reunis par une autre piece que l’imagination. La justice fait defaut aux h puisqu’ils n’en ont pas la connaissance. L’ordre politique ne tient pas eu egard a un ordre qui serait fonde sur une instance qui pourrait etre dite vraie. Oui, mais n’en est-il aps precisement ainsi de ce qui concerne les h ?
La faiblesse fondatrice est-elle propre a l’ordre politique ? Est-il le seul ordre qui doit etre abaisse etant donne son assiette ? Si nous exceptons les mathematiques et la foi, que sauvons-nous ? N’est-il pas aise de discrediter l’ordre politique si nous comprenons qu’aucun ordre n’est creditable ? Or P discredite l’ordre politique, mais ne discredite ni le moi ni la nature. Car s’agissant du moi le moi n’est en effet pas une assise, le c? ur de l’homme est en effet plein, d’ordure, mais si le moi n’est pas une assise il peut etre en presence de l’assise : par le c? ur, Dieu est present a l’homme.
La nature est-elle une assise ? Non. La nature, c’est une sphere infinie dont le centre est partout et la circonference nulle part. Et dire que la nature est telle c’est dire que 1 la terre n’est pas le centre du monde, 2 la terre n’est qu’un canton detournee de la nature, 3 il n’y a pas de centre general. La nature est denuee de centre, cf. pensee 72. Si la nature est denuee de centre, elle n’est pas une assise. Seulement la nature d’abord sollicite l’affect de l’admiration et ensuite, comme contemplatif, je peux comprendre que c’est a Dieu qu’il me faut rapporter la nature.
Je peux comprendre que Dieu est l’assiette que la nature n’est pas. Je peux comprendre que si la nature n’est pas une assise c’est qu’elle est corrompue, Dieu s’est voulu cache dans la nature. Je peux comprendre que la nature est un livre ferme. Je peux comprendre que je ne vois pas Dieu a decouvert dans la nature, que si Dieu est cache dans la nature c’est que la nature est celle d’un etre corrompu ; je peux encore comprendre que je peux rapporter la nature a Dieu par la parole christique.
Dans ce cas ne faut-il pas placer sur un pied d’egalite la nature et l’ordre politique ? C’est-a-dire ne pas elever la premiere, la nature, pour ne pas abaisser le second, l’ordre politique ? Car dans les deux cas l’assise manque. L’assise manque en effet a la nature mais ceux qui la considerent…. Je comprends que Dieu ne m’a pas laisse a ma frayeur. En revanche, si l’assise manque a l’ordre politique, ceux qui considerent cet ordre comprennent que le rapport de la politique et de l’auteur des choses est definitivement rompu.
Je comprends que le mieux est de mettre les ressources de l’imagination au service de ce que les hommes etablissent sans les inviter a rapporter leur etablissement a l’auteur des choses. Dans un cas la reconnaissance de l’absence d’assise de la nature invite a rapporter ce qui n’a pas d’assise a l’assise divine, dans l’autre la reconnaissance de l’absence d’assise invite a replier ce qui n’a pas d’assise sur les ressources humaines. C’est le philosopheme pascalien : nous devons celebrer l’alliance de la force humaine et de l’imagination humaine, alors que s’agissant la nouvelle alliance est possible.
Ce qui nous sauve du desespoir politique est la confiance que nous accordons a l’imagination humaine. Dans un cas je suis sauve du desespoir par le mediateur, dans l’autre par la confiance dans l’imagination. 7/ Neanmoins un element doctrinal nous semble douteux : celui qui concerne la tyrannie. Car quand nous disons que la tyrannie est la force pure, nous comprenons que les h sont capables de reconnaitre un etablissement qui n’est que force et de ne pas donner leur consentement a cet etablissement nous pensons que c’est a bon droit que le consentement n’est pas donne.
Mais quand nous disons que la tyrannie est le desir de domination universelle et hors de son ordre nous pouvons nous demander si le propre de tout etablissement n’est pas d’etre tyrannique, car pour solliciter l’imagination il faut bien faire croire aux h que ce qui est etabli par la force a une valeur intrinseque et ainsi le consentement n’est donne a la monarchie que pq celle-ci a reussi a persuader les h qu’elle est de droit divin ; la monarchie est parvenue a se faire passer pour une GN.
Donc nous disons : un etablissement ne peut tenir que pq’il excede son ordre en s’imposant non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il n’est pas. Si une grandeur d’etablissement reussie, elle est d’essence tyrannique, puisqu’elle excede l’ordre de l’etablissement.
Des lors l’alternative peut sembler etre la suivante : ou bien denoncer comme tyrannique tout etablissement sous la raison qu’il se fait passer pour ce qu’il n’est pas en s’attribuant une valeur d’emprunt, ou bien conforter tout etablissement… Mais pour P la premiere branche est inacceptable : si nous mettons en doute l’etablissement qui est le notre, nous risquons le bouleversement, et la seconde branche est egalement inacceptable puisqu’il ne s’agit pas de denoncer le sens, le tact dont font preuve les h… La question est : pourquoi n e pas prendre au serieux le sens de l’injuste dont font preuve les hommes lorsqu’ils refusent… et dire qu’il revient a la raison de se mettre au service du c? ur. Quand nous sommes des mathematiciens nous usons de la raison a partir de principes premiers qui nous sont donnes par le c? r, mais nous pouvons dire : nous avons a etre des jurisconsultes, a partir de ce que nous donne le c? ur, non pas des principes premiers, mais le sens de l’injuste. 1/ Pascal sauve politiquement le c? ur, puisque s’agissant du refus par les hommes de la tyrannie il ne s’agit nullement pour le penseur d’aller contre ce sentiment d’injustice. 2/ P donne un statut restrictif au c? ur, puisque si le c? ur est le sentiment de l’injuste le c? ur ne donne les principes de la justice, il ne fonde pas la justice : le c? ur est un discriminant politique, mais pas une assise politique. 3/ Si P ne donne pas au c? ur le statut de medium de l’assise, si les h ne sont pas guides par le c? r pour les principes de la justice, c’est qu’il pose l’alternative du vrai et du faux. La norme est procuree par les mathematiques qui sont dans le vrai en usant de la raison par la demonstration a partir de ce que donne le c? ur. 4/ Or P envisage d’autres usages de la raison que l’usage demonstratif : ainsi l’usage argumentatif comme dans le cas de la mise en place du pari. 5/ Des lors pourquoi P ne prend-il pas au serieux le c? ur qui donne politiquement aux h le sens de l’injustice et la raison argumentative en posant que si par le c? ur le lien des h et de Dieu est rompu puisque Dieu ne donne pas aux h le sens du juste, il revient aux h d’argumenter pour decider du j juste a partir du sens de l’injuste.
Et dans ce cas le vrai de l’ordre politique n’est pas le vrai de la connaissance, nous ne decidons pas du juste comme nous demontrons un theoreme, mais le vrai de l’ordre politique n’est pas non plus le statut salvateur de l’imagination : c’est le statut argumentateur de la raison. Or ce n’est pas la position pascalienne : des lors que Dieu a deserte l’ordre politique, a definitivement ferme le livre de la politique, il revient aux h de faire confiance a l’imagination, et meme dans le cas de la tyrannie c’est l’imagination qui est la reine. [Si P n’authentifie pas le droit de la raison qui serait une raison autre demonstrative, alors qu’il envisage le sens de la justice, c’est pq a la meme epoque que lui il y en a qui authentifient le droit de la raison : les penseurs du contrat : les hommes usent de la raison pour passer des accords.
Or le presuppose doctrinal, c’est que les hommes sont des etres de droit, qu’ils ont naturellement des droits. C’est une these que Pascal n’envisage pas : l’homme n’est pas un etre de droit. Si P ne dit pas que l’ordre politique tient ou peut tenir par la raison – a meme de se mettre d’accord sur des clauses –, c’est qu’il ne veut pas envisager l’h comme etre de droit naturel, comme un etre qui na naturellement des droits qu’il cherche a exercer en faisant usage de la raison. Mais ce qui est etonnant, c’est que P veut couper definitivement le lien de l’ordre politique et de Dieu, alors qu’il ne coupe pas le lien de l’ordre naturel et de Dieu : la figure christique intervient pour mettre en rapport la nature et la surnature. ]