Les causes financieres de la Revolution francaise Si la Revolution francaise a pour cause profonde les errements du regime politique et social de cette fin du XVIIIeme siecle, la cause reellement determinante de la chute de l’Ancien regime est sans conteste la crise financiere. En effet, le regne de Louis XVI, commence en 1774 lors de son avenement, est fortement marque par une nette diminution de la prosperite economique.
Ainsi, le constat est fait que de la Regence au regne de Louis XVI s’est developpe un deficit des finances royales principalement provoque par un accroissement constant des depenses et par un phenomene d’augmentation de l’inflation. Dans ce cadre economique, la hausse des prix impacte fortement le train de vie de l’Etat, notamment dans les depenses militaires. La guerre d’independance americaine a laquelle la France apportait son concours aurait coute a elle seule une fortune. De meme, un autre secteur de depenses est vivement conteste, celui des depenses de la Cour qui ne representent pourtant que 6%.
Mais ce symbole de l’absolutisme royal provoque la fureur, surtout depuis que Necker en a publie les montants. Enfin, a la veille de la revolution, les finances royales doivent supporter le lourd fardeau de la dette liee
I/ Un systeme fiscal use qui menace la stabilite du pouvoir royal. Depuis 1715, le deficit des finances royales n’a cesse de se creuser. Il est moins du a une mauvaise gestion supposee qu’a l’accroissement constant et inevitable des depenses publiques et au phenomene d’inflation generalisee. La hausse du cout de la vie atteint a certains moments 100 %. Une autre raison de ce deficit tient a l’augmentation impressionnante du budget militaire. Ceci est du qu’aux conflits europeens classiques ont succede des guerres lointaines, en Inde ou en Amerique.
Ces expeditions exigent une flotte importante et une marine puissante. La construction de navires de guerre greve lourdement le budget. Ainsi, la guerre d’Independance americaine a coute a la France au moins deux milliards de livres, somme qui ne se trouvait pas dans les coffres de l’Etat. Le ministre de l’epoque, Necker, a du recourir a de gigantesques emprunts, une pratique de banquier, son vrai metier. La victoire obtenue ne dispense pas, non de les rembourser, mais d’en acquitter les interets. En 1788, ils s’elevent a 318 millions, la moitie du budget de l’Etat.
Les finances royales sont, pour longtemps, surendettees. Que pesent, en comparaison, les depenses de la Cour, qui ne s’elevent qu’a 6 % du budget de l’Etat et permettent en grande partie au commerce de luxe (soieries lyonnaises, cristal de Baccarat, porcelaines de Sevres et de Limoges, etc. ) de survivre ? Pourtant, ce sont elles, ainsi que les 27 millions alloues annuellement aux diverses pensions de courtisans, mais surtout d’anciens militaires et serviteurs de la couronne, qui focalisent tous les mecontentements depuis que Necker en a revele le montant.
Face a ce deficit, il faudrait des rentrees considerables pour simplement equilibrer le budget mais on en est loin. Les impots directs rapportent des sommes derisoires : 24 millions pour la taille, beaucoup moins pour le vingtieme (5 % sur tous les revenus, privilegies ou non), taxe creee en 1749. Quant aux impots indirects, gabelle, aides et traites, tous fort impopulaires, ils ne font rentrer dans les caisses que des sommes ridicules, parce qu’ils sont confies a des fermiers generaux qui en conservent une partie a leurs profits. Ainsi, l’affermage de 1787, le dernier pour les six annees suivantes, ne se monte-t-il qu’a 150 millions.
Comment en finir avec l’endettement de l’Etat lorsque l’on ne peut ni reduire les depenses ni augmenter les impots ? C’est cette question que vont tenter de resoudre tous les ministres des Finances nommes par Louis XVI entre 1774 et 1789. II/ Des experiences pour reformer le systeme fiscal qui n’aboutissent pas. Inegalite de naissance, de condition sociale, inegalite devant l’impot et la justice : la France d’Ancien Regime accumule sur le dos du Tiers-Etat (bourgeois, artisans, paysans… ) de lourdes charges. Or le temps present, dit-on, veut que chacun supporte le grand fardeau.
Mais les tentatives successives de reforme echouent. Turgot (1774-1776), Necker (1777-1781), Calonne (1783-1787) se heurtent tous au mur des privileges. Les crises se conjuguent : agricole, industrielle, commerciale, sociale. Elles font apparaitre l’unanimite du Tiers-Etat face a la noblesse et au clerge. En 1789, le fosse est beant : ce sera la guerre entre le Tiers et les deux autres ordres. Bien que volontariste sur le plan des reformes a entreprendre, le regne de Louis XVI allait etre une succession de reculades face aux indispensables restructurations.
Turgot, le premier, souffrit des inconstances royales. Dans le domaine economique, il instaura la liberte du commerce et la libre circulation des grains (1774) dans des circonstances difficiles (guerre des Farines, 1775); il supprima les corporations au profit de la liberte d’entreprise (1776). Ayant impose un train d’economies immediates, il posa les bases d’une reforme fiscale en supprimant la corvee royale, qui pesait sur les seuls roturiers, et envisagea la creation d’une contribution territoriale payable par tous les proprietaires (1776).
Mais, face a la cabale des privilegies offusques a l’idee de devoir payer eux aussi des impots, il fut renvoye par Louis XVI (mai 1776), au desespoir d’une large fraction des partisans des Lumieres. Le successeur de Turgot, Clugny, detruisit son ? uvre pour tenter de reconcilier la monarchie et les privilegies, sans resoudre la grave question budgetaire. Maurepas imposa alors a la direction des Finances le Genevois Jacques Necker (1732-1804). Celui-ci se rendit populaire en financant la guerre d’Amerique (1778-1783) sans recourir a l’impot. Mais les emprunts, a terme, alourdissaient le deficit budgetaire.
Tres vite, il fallut revenir aux idees de Turgot, assorties d’un projet de reforme de l’administration locale (creation d’assemblees provinciales chargees de repartir l’impot) debouchant sur une participation politique accrue de la bourgeoisie. Une nouvelle fois, les privilegies firent bloc. Pour s’en proteger, Necker publia un Compte rendu au roi (1781) sur les finances publiques, apologie de sa gestion qui restait silencieuse sur le deficit et le financement de la guerre. L’opinion en retint surtout le montant des pensions royales aux courtisans. Indispose et pousse par son entourage, le roi renvoya Necker (mai 1783).
La succession de ministeres reduits a l’impuissance ou peu temeraires (Joly de Fleury, 1781-1783; Lefevre d’Ormesson, (1783) ainsi que le cout de la guerre d’Amerique avaient mis l’Etat au bord de la banqueroute (80 millions de deficit en 1783). Louis XVI, sur les conseils de Vergennes, secretaire d’Etat aux Affaires etrangeres, appela Calonne (1734-1802) au controle general des Finances. L’euphorie nee de la victoire francaise en Amerique (1783) lui permit de retablir la confiance et d’emprunter de nouveau. Mais en 1786, faute de capitaux, la politique d’expedients dut cesser, et on songea une fois de plus a l’indispensable reforme.
Pour contourner l’opposition des parlementaires, Calonne fit convoquer par le roi une assemblee de notables devant laquelle il presenta, en fevrier 1787, un projet de reforme fiscale et administrative, fortement inspire par les idees de ses predecesseurs. Trop timide, le projet d’assemblees provinciales, simplement consultatives, n’emporta pas l’adhesion des non-privilegies. Trop hardie, la reforme fiscale fut desavouee par la coalition des privilegies. Louis XVI recula pour la troisieme fois en remerciant son ministre (23 avril 1787). La monarchie venait de sceller son destin.