on ne badine pas avec l’amour

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On ne badine pas avec l’amour Introduction Cet extrait constitue le dénouement de l’œuvre d’Alfred de Musset. Les deux protagonistes Camille et Perdican n’ont cessé de jouer avec leurs sentiments durant toute la pièce, entraînant dans leur infernal badinage la pauvre Rosette. Prisonniers de leur vanité, ils ne savent plus comment échapper aux conséquences de leurs actions. Perdican rejette ce fatal péché qu’est l’orgueil, Camille supplie le ciel de lui venir en aide, et dans un seul et unique moment de bonheur, ils s’étreignent et se déclarent leur amour.

Instant aussi court qu’intense car Rosette, cachée dans une galerie, épie la scène et met fin à ses jours. Responsables de ‘Vipe View next page Sui # to page ce dénouement tragi I s’agit d’une scène d l’Antiquité, les drama ges* l’aboutissement de la Nous étudierons d’ab séparent. amour. Depuis s. Ici, l’aveu marque lution des conflits. logue entre les deux protagonistes pour proférer l’aveu, puis nous montrerons qu’au- delà de la révélation de l’amour des deux personnages, cette scène constitue indirectement un portrait de la personnalité de Perdican.

La profération de l’aveu Camille et Perdican s’avouent leurs sentiments dans un oratoire, lieu de prière et de recueillement, symbolique de l’intimité propice à la

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confrontation ave avec le secret de la conscience. Mais cette symbolique est utilisée de manière ambiguë : ce lieu consacré des serments est témoin d’un double parjure (Camille s’était engagée à porter le voile, et Perdican a promis le mariage à Rosette) et du sacrifice de Rosette. Camille ne peut plus contenir ses sentiments : « Pourquoi suis- je si faible ? » (l. IO).

Elle reprend la tournure de Perdican pour ormuler clairement l’aveu : « Oui, nous nous aimons » (I. 30), mais elle le remet en question : « Adieu » (1,60). Sa confusion et la douleur de la révélation sont mises en avant par le jeu théâtral : elle sort puis rentre à deux reprises (elle sort ? la 1. 5 puis 45, et rentre à la scène 8 puis à la l. 58-59). Dialogue complexe _ Camile s’adresse : – l. 1 à 5 : à Perdican – l. 5 à 10 : elle interroge Dieu. Les questions soulignent le silence divin et montrent qu’il s’agit d’un monologue. Mais cette prière est écoutée par Perdican, et par le témoin caché qu’est – l. 0 : à elle-même. Il n’y a pas vraiment de monologue car Perdican Pécoute. _ Perdican, dans sa réplique des l. 11 à 15, invoque l’orgueil, puis s’adresse à lui-même. Mais ce monologue a pour but d’être entendu de Camille, comme le montre sa réplique à la l. 16. Les deux personnages s’adressent aussi à des témoins cachés Rosette, et le spectateur à travers la double énonciation. L’usage de Rosette comme témoin caché renvoie d’ailleurs à l’image de la représentatio 2 énonciation. L’usage de Rosette comme témoin caché renvoie d’ailleurs à l’image de la représentation théâtrale elle-même.

L’évocation de Dieu, le metteur en scène du destin humain, comme destinataire des deux protagonistes, est une caractéristique de la tragédie. Dieu semble autoriser Camille ? aimer Perdican : « il veut bien que je t’aime » (l. 31), mais son désaccord est aussi symbolisé par la présence de Rosette, cachée, qui meurt par la faute du couple. Le dialogue qui mène ? l’aveu repose sur un malentendu : raccord de Dieu est considéré comme certain par Camille, alors que ce n’est pas le cas. Le dialogue rapproche les deux amants : répétition de « nous nous aimons » (l. , 29, 30), « Chère créature, tu es à moi ! » (l. 33), ils vont finir par s’embrasser. Mais il va aussi les éloigner une fois que tout sera avoué : « Adieu » (l. 60). Il va mener au silence et à la négation de l’amour qui a été avoué, ce qui peut renvoyer ? la morale comprise dans le titre de l’œuvre. Les personnages dialoguent quand ils monologuent, et monologuent quand ils dialoguent… L’aveu pourra être formulé quand la confusion aura cessé. Mais les absents (Dieu et Rosette) sont des obstacles au dialogue et à la profération de l’aveu.

Conséquence : rétractation de l’aveu, xtinction du dialogue. Camille se sent abandonnée de Dieu ; elle le ressent comme un échec (elle ne reste pas fidèle à Dieu), dont elle rend Dieu responsable : « pourquoi faites-vous mentir la vérité elle-mêm 3 Dieu), dont elle rend Dieu responsable : « pourquoi faites-vous mentir la vérité elle-même ? » (l. 9-10). Elle espère un dialogue avec lui (questions : l. 6, 9) mais il n’est plus possible car elle est désormais entendue par Perdican. De Musset montre l’incompatibilité entre amour humain et amour divin.

Les deux personnages sont présentés comme responsables e la mort de Rosette, comme le symbolise la didascalie (l. 34) : on entend un cri retentir lorsqu’ils s’embrassent. Ce cri peut symboliser celui du spectateur qui se dit « Enfin, ils se l’avouent ! », ou bien celui de Rosette, horrifiée par le baiser car elle est amoureuse de Perdican. C’est donc un aveu marqué par le sentiment de culpabilité, mais ce dialogue complexe qui use de la double énonciation théâtrale n’apporte pas que la révélation de l’amour des deux protagonistes, il va aussi établir indirectement un portrait de la personnalité de Perdican…

Il. Un portrait de Perdican Quand il entre, il invoque l’orgueil, qu’il considère comme « le plus fatal des conseillers humains » (l. 12). Il en fait une véritable allégorie et le prend pour responsable des malheurs des hommes : I. 15. conditionnel passé : « elle aurait pu m’aimer » (l. 14) irréel du passé présent de l’indicatif : « nous nous aimons » (l. 17) effectif du présent, quand le dialogue s’installe. Caveu a besoin du dialogue pour être proféré. Perdican tente de se réconcilier avec Camille, il tente de rapprocher amour humain et divi 4 proféré. pprocher amour humain et divin : « Tu nous l’avais donné, pêcheur céleste » en parlant du bonheur (l. 21-22), « cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser » (l. 26-27). L’auteur donne à travers la réplique de Perdican sa vision de la vie humaine dans un registre lyrique : sentiments (« la vanité « la colère » à la l. 26), interjections exclamatives Hélas ! » à la l. 19, « ô mon Dieu ! » à la I. 20-21, « Ô insensés ! » à la l. 28), nature (« un vent funeste » à la l. 19, « une perle si rare dans cet océan » à la l. 1, « profondeurs de l’abîme » à la l. 2, « le vert sentier » ? la l. 24, « entouré de buissons si fleuris » à la l. 25, « leurs rochers informes » à la l. 26). L’emploi dominant du passé composé (« avons-nous fait » à la l. 17-18, « ont passé » à la l. 18, « a voulu » à la l. 19, « nous en avons fait » à la l. 23, « il a bien fallu » à la l. 27) traduit les regrets du personnage concernant son passé. Ce passé s’oppose au présent heureux des retrouvailles et de l’amour enfin librement exprimé. Perdican a manipulé Rosette, il a « badiné » avec l’amour, ce que ondamne le titre.

Il refuse d’assumer ses actes. Champ lexical du crime et de la culpabilité : « mes mains sont couvertes de sang » (l. 39), « un meurtrier » (l. 47), le verbe « tuez » (l. 52), « ma faute » (l. 54). Il demande son pardon à Dieu, dans un registre pathétique : « Je vous en supp S (I. 54). II demande son pardon à Dieu, dans un registre pathétique : « Je vous en supplie mon Dieu ! » (l. 46). La mort non représentée renforce le tragique, par l’attente de Perdican, seul sur scène, et par la sobriété de la formule de Camille pour ‘annoncer : « Elle est morte. ? (I. 60). Son amant apparait comme un lâche, il a conscience qu’il a mal agi mais n’ose pas affronter la réalité puisqu’il ne veut pas entrer dans la galerie. Camille est plus forte, elle y entre, et met fin au dialogue. Pourtant Faveu est plus difficile pour elle, à travers la présence de Dieu dans sa vie, qui est un obstacle. Perdican lui, ne jure que par l’orgueil. Camille est la seule à aller jusqu’au bout, à s’assumer. Elle endosse toutes les responsabilités. Conclusion L’aveu ne concerne pas que ceux qui le profèrent.

Il peut avoir es conséquences, car c’est une vérité dérangeante, sur des tierces personnes. Les absents jouent donc un rôle dans cette vérité. L’aveu au théâtre peut parfois marquer l’adieu de deux personnages : dans Le mariage de Figaro Chérubin va à l’armée et ne reverra plus la Comtesse, dans Phèdre, elle et Hyppolyte vont mourir, dans Antigone, Œdipe se crève les yeux, Antigone est emmurée vivante… Alfred de Musset, après l’échec de sa pièce La nuit vénitienne, va écrire des pièces uniquement destinées à être lues, publiées dans un spectacle dans un fauteuil.