Math. Sci. hum / Mathematics and Social Sciences (49e année, no 193, 2011(1), p. 37-45) A PROPOS DE LA NOTION DE ROLE DANS L’ANALYSE DES RELATIONS SOCIALES Alain DEGENNEI RÉSUMÉ – La notion de rôle, en sociologie est traditionnellement définie comme un ensemble de prescriptions comportementales associées à une position dans la société. Le point de vue interactionniste permet de renouveler cette vision en faisant découler les rôles sociaux d’une analys entre les individus. or 15 permet de mettre en définitions des rôles les individus.
L’équiv se révèle particulièrement int ressante. hes d’interactions ce de position entre MOTS-CLÉS – Équivalence régulière, Rôle, Sociologie SUMMARY – About the concept of role in the analysis of social relations ln sociology the concept of role is traditionally defined as a set of behavioural requirements associated Wlth a posltion in the society. The interactionist perspective can renew this vision by deducing the social roles of an analysis of interactions between individuals.
The formal analysis of interaction graphs can implement multiple definitions of roles related to the idea of the equivalence of positions between ndividuals. The regular equivalence is particularly interesting. KEYWORDS – Regular equivalence, Role, Sociology de la pensée sociologique [2005] qu’il signe, Ralph H. Turner en
Rejetant le terme de statut à cause de ses connotations trop statiques et hiérarchiques, il décrivit la société comme un composé de positions devant être occupées par les individus, chacune d’elles comportant une série de prescriptions comportementales estinées à son occupant. Ce sont ces manières de se comporter qui sont appelées rôles. Cette définition ou celles qui en sont voisines inspire fondamentalement la sociologie que l’on peut qualifier de structuro fonctionnaliste.
Coenen Huther [2005] nous propose une revue historique de la notion de rôle en sociologie : Il émerge de deux orientations théoriques distinctes : une orientation structurelle issue des travaux anthropologiques de Linton [1936], qui fait du Anciennement Directeur [email protected] fr de recherche CNRS 15 sociaux et l’on attend que ceux qui occupent ces positions emplissent ces rôles. Mais cette définition est figée, elle ne rend pas compte des dynamiques.
On peut aller plus loin et abandonner la référence à des rôles institués et reconnus par la collectivité pour rechercher comment émergent des rôles de fait à partir des interactions entre les individus. C’est là aussi que l’on va rencontrer les mathématiques et la statistique pour analyser les observations faites de ces comportements, en vue de la mise en évidence des rôles. 2. QUELQUES REPÈRES La transcription de la question que pose l’étude des rôles par les mathématiciens, s’est ‘abord inspirée des travaux effectués initialement autour de la parenté.
Il faut citer ici les structures élémentaires de la parenté de Claude Levi-Strauss [1949] et la transcription mathématique qu’en fait le mathématicien André Weil au chapitre 14 de l’ouvrage. Cet antécédent va fortement et durablement infléchir les réflexions sur l’équivalence structurale. En 1971, François Lorrain et Harrison White publient un article dans lequel ils posent un principe : définir des équivalences entre individus doit s’appuyer sur un traltement similaire au niveau des relations :
Thus, when we speak of the global network structure of social system, we have in mind the overall objective logic of this system, as it exists concretely in a population of so man lated in such and such PAGF 15 effet, l’étude de la parenté invite à prendre en compte simultanément plusieurs types de relations, père, mère, frère ou sœur etc. Leur composition fait sens tout naturellement : le père du père est le grand-père, la sœur du père est la tante etc.
Les auteurs vont donc considérer un ensemble de relations définies sur une population donnée et ils vont chercher à créer des équivalences entre les ndividus sur la base de leur engagement dans ces relations. Dans l’ouvrage où il développe plus largement sa pensée, François Lorrain [1975] étendra ce principe à un ensemble quelconque de relations et formulera même cette proposition ambitieuse : L’hypothèse de cet ouvrage sera que tout composé d’effets (relations), quels qu’ils soient, joue un rôle explicite ou implicite dans la vie sociale d’une collectivité [cité par C.
Flament, 1977]. On peut critiquer ce parti pris de départ sur le fond. Pourquoi considérer que toute combinaison de relations fait sens ? On trouverait aisément de nombreux contre exemples. Même si Hon n’en critique pas le postulat de départ, il reste qu’un très petit nombre de relations distinctes sur un ensemble donné engendrent un semi-groupe dont À PROPOS DE LA NOTION DE RÔLE DANS L’ANALYSE DES RELATIONS SOCIALES 39 5 équivalentes des relations ayant le même graphe. Cest une première étape, mais cela limite considérablement le champ d’appllcation de la méthode.
Alors il admet que l’on peut considérer comme équivalentes des relations ayant des graphes qui se ressemblent d’un certain point de vue. On passe ainsi à l’analyse des données. C’est ce que Flament [1977] souligne dans son commentaire de l’ouvrage. Ces travaux seront poursuivis dans le même esprit par Boyd [1979, 1983]. Différents travaux vont alors contrlbuer à affiner la notlon d’équivalence de position des individus dans un graphe. La première idée, celle d’équivalence structurale des objets, est déjà présente dans le texte de Lorrain et White [1971] .
Objects a ,b of a category C are structurally equivalent if, for any morphism M and any Object x of C aMx if and only ifbMx and xMa if and only if xMb. n other words, a is structurally equivalent to b if a relates to every Object x of C in exactly the same way as b does. From the point of View of the logic of the structure, then a and b are absolutety equivalent, they are substitutable. Deux individus sont donc, du point de vue de cette définition, structurellement équivalents s’ils sont liés aux autres exactement de la même manière.
Bien entendu, cette définition est extrêmement restrictive et ne peut s’appliquer strictement en sociologie, qu’à des situati amine des règles PAGF s 5 statistique. Un tournant va se prendre dans la communauté des analystes de éseaux à partir de l’article de White, Boorman et Breiger [1 976], qui envisage la question de l’équivalence de position des individus dans un graphe ou un ensemble de graphes définis sur la même population, sous un angle délibérément Ces auteurs vont associer la notion de Block model à l’usage d’un algorithme, CONCOR,2.
On assiste alors à un recentrage des travaux sur ces idées d’équivalence et de construction de blocs d’individus équivalents dans une matrice, c’est-à-dire dans le cas d’une seule relation. Une autre manière d’envisager réquivalence va faire son pparition : dès 1978, Lee Sailer signale que John Boyd a proposé la notion de Structural relatedness qu’il 2 Étant donné la matrice d’incidence d’un graphe G. On peut si on le souhaite lui accoler sa transposée de façon à tenir compte simultanément des liens dans les deux sens.
La première phase de l’algorithme consiste à calculer les corrélations entre les lignes de ce tableau. On obtient ainsi une matrice de corrélation RI. Soit Ri une matrice de corrélation produite ? l’étape i du calcul, l’algorithme calcule Ri+l, comme étant la matrice des corrélations entre les lignes de Ri. Cet algorithme converge vers une matrice qui ne comporte que des O et des 1 et dont on peut réorganiser les lignes et les colonnes aire 6 5 blocs et en appliquant sur chacun d’eux le même algorithme, on initie une partition en quatre blocs.
Ce processus peut se poursuivre de façon à obtenir une partltion en autant de blocs que l’analyste le juge utile. A. DEGENNE définit ainsi : B is a structural relatedness relation if and only if iBj implies that whenever there exist a k such that kRi, there exist an m such that mRj and kBm. C’est cette définition qui sera reprise plus tard par White et Reitz 1983] sous le nom d’équivalence régulière. L’idée était dans l’air, Degenne et Flament [1984] avaient alors proposé une définition semblable.
Principe : deux acteurs sont équivalents au sens de l’équivalence régulière, s’ils sont liés à des acteurs eux-mêmes équivalents (classes corrélatives). L’équivalence régulière se traduit dans la matrice du graphe par des blocs qui comportent au moins un 1 dans chaque ligne et dans chaque colonne. Reitz et White [1989] reprendront les définitions proposées pour définir l’équivalence de positions des individus dans un graphe, et en eront une présentation synthétique et organisée.
On a ainsi : DÉFINITION 1. soit G = (P, R) un graphe et une relation d’équivalence sur P, alors est une équivalence forte t si, pour tout E PAGF 7 5 alors est une équivalence structurale si et seulement si, pour tout e P, aeb implique – aRb si et seulement si bRa – aRc si et seulement si bRc et – cRa si et seulement si cRb, et – aRa implique aRb Les sommets structuralement équivalents sont reliés de la même manière à chacun d’entre eux et à tous les autres.
DÉFINITION 3. soit G = (P, R) un graphe et une relation st une équivalence régulière si et seulement si, pour tout E P, implique – aRc implique a d E P : bRd et d c, et -cRa implique Bd EP : dRb et d = c. Les sommets régulièrement équivalents sont reliés de la même manière à des points correspondants équivalents.
On a alors : équivalence forte équivalence structurale équivalence régulière L’équivalence forte et l’équivalence structurale sont des notions très restrictives qui conviennent surtout pour représenter des règles de conduite. L’idée : être reliés de la même manière aux autres sera cependant largement exploitée ‘un point de vue statistique, de la manière suivante, conforme à la proposition faite en 1976 par White, Boorman et Breiger. ?tant donné un Graphe et sa matrice d’adjacence, on calcule un indice de ressemblance entre les lignes et les colonnes de cette matrice. Il en résulte une matrice de similitude (ou de distance entre les sommets du graphe. Cest sur la base de cette une classification ascendante hiérarchique. 3. L’EQUIVALENCE RECULIERE L’équivalence régulière apporte un tout autre éclairage qui correspond beaucoup mieux à l’idée que l’on se fait des rôles sociaux. La Figure 1 illustre cet aspect.
Si sont des enseignants et des élèves, chaque élève est relié à un enseignant au moins, sinon on ne pourrait pas le qualifier d’élève et chaque enseignant est relié à un élève au moins, sinon rien ne justifie qu’on l’appelle enseignant. Il en résulte que dans la matrice du graphe de la figure 1 la relation définit des blocs qui comportent soit des O, soit un 1 dans chaque ligne et dans chaque colonne comme il apparait sur la Figure 2. FIGURE 1. L’équivalence régulière abc def ghi a000000100 b000000101 c000001010 eooooooool 001000000