I. Manouchian et l’affiche rouge 1) Biographie 1/ Enfance Missak Manouchian est ne dans une famille de paysans armeniens du village d’Ad? yaman en Turquie. Enfant, il perd son pere, probablement tue par des militaires turcs lors du genocide armenien. Sa mere meurt quelque temps apres, victime de la famine qui suivit. Il est alors recueilli, avec son frere Karabet, dans un orphelinat du protectorat francais de Syrie. En 1925, ils debarquent a Marseille ou Missak exerce le metier de menuisier qu’il a appris a l’orphelinat. Puis les deux freres montent sur Paris ou Karabet tombe malade.
Missak se fait alors embaucher aux usines Citroen comme tourneur, afin de subvenir a leurs besoins. Karabet decede en 1927 et Missak sera licencie au moment de la grande crise economique du debut des annees 30. Il gagne alors sa vie en posant pour des sculpteurs. Missak ecrit des poemes et, avec son ami armenien Semma, il fonde deux revues litteraires, Tchank (l’Effort) et Machagouyt (Culture), ou ils publient des articles concernant la litterature francaise et armenienne et traduisent Baudelaire, Verlaine et Rimbaud en armenien.
A la meme epoque, Missak et Semma s’inscrivent a la Sorbonne comme auditeurs libres et y suivent des cours de litterature,
Interne au camp de Compiegne, il est libere au bout de quelques semaines : aucune charge n’etant retenue contre lui. Il devient alors responsable politique de la section armenienne clandestine de la MOI dont on ne connait guere l’activite jusqu’en 1943. En fevrier 1943, Manouchian est verse dans la FTP MOI, groupe des Francs-tireurs et partisans – Main-d’? uvre immigree de Paris, groupes armes constitues en avril 1942 sous la direction du juif bessarabien Boris Holban.
Le premier detachement ou il est affecte comporte essentiellement des juifs roumains et hongrois et quelques Armeniens. Le 17 mars, il participe a sa premiere action armee, a Levallois-Perret, mais son indiscipline lui vaut un blame et une mise a l’ecart. En juillet 1943, il devient commissaire technique des FTP-MOI parisiens. En aout, il est nomme commissaire militaire des FTP-MOI parisiens, a la place de Boris Holban qui avait ete demis de ses fonctions pour raisons disciplinaires.
Joseph Epstein, responsable d’un autre groupe de FTP-MOI, etait devenu le responsable de l’ensemble des FTPF de la region parisienne. Il est donc le superieur hierarchique de Manouchian qui a sous ses ordres trois detachements soit au total une cinquantaine de militants. On doit mettre a son credit l’execution (par Marcel Rayman, Leo Kneler et Celestino Alfonso), le 28 septembre 1943, du general Julius Ritter, adjoint pour la France de Fritz Sauckel, responsable de la mobilisation de la main-d’? uvre (STO) dans l’Europe occupee par les nazis.
Les groupes de Manouchian accomplissent pres de trente operations en plein Paris d’aout a la mi-novembre 1943. La Brigade speciale n° 2 des Renseignements generaux avait reussi deux coups de filet en mars et juillet 1943. A partir de la, elle put mener a bien une vaste filature qui aboutit au demantelement complet des FTP-MOI parisiens a la mi-novembre avec 68 arrestations dont Manouchian et Joseph Epstein. Au matin du 16 novembre 1943, Manouchian est arrete en gare d’Evry Petit-Bourg. Sa compagne Melinee parvient a echapper a la police.
Missak Manouchian, torture, et vingt deux de ses camarades sont livres aux Allemands de la Geheime Feld Polizei (GFP) qui exploitent l’affaire a des fins de propagande. La fameuse Affiche rouge, placardee a 15 000 exemplaires, le presente en ces termes : « Manouchian, Armenien, chef de bande, 56 attentats,150 morts, 600 blesses ». Mais l’affaire de l’Affiche rouge, placardee sur les murs de Paris par l’ennemi, produit l’effet contraire a celui escompte : pour toute la Resistance, elle devient l’embleme du martyre.
Les soutiens de sympathisants se multiplient. Les vingt-deux hommes furent fusilles au Mont-Valerien le 21 fevrier 1944. 3/ L’Affiche rouge La campagne de l’affiche fait suite a l’arrestation des 23 membres du groupe Manouchian, affilie aux FTP – MOI (Francs-tireurs et partisans – Main d’? uvre immigree). Les 22 hommes seront fusilles le 21 fevrier 1944 au Mont Valerien, tandis qu’Olga Bancic sera guillotinee le 10 mai de la meme annee a Stuttgart, une loi francaise interdisant alors de fusiller les femmes.
L’affiche sert a la propagande nazie qui stigmatisera l’origine etrangere de la plupart des membres de ce groupe, principalement des Armeniens et des Juifs d’Europe de l’Est. Le reseau Manouchian etait constitue de 23 resistants communistes, dont 20 sont etrangers, des espagnols rescapes de Franco, enfermes dans les camps francais des Pyrenees, des Italiens resistant au fascisme, Armeniens, Juifs surtout echappes a la rafle du Vel’d’Hiv’ de 1942 et dirige par un Armenien, Missak Manouchian. Il faisait partie des mouvements de
Resistance communiste et etait le responsable des FTP MOI de la region parisienne. Ils sont enterres dans le cimetiere d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, ou une stele a ete erigee en leur memoire. Bien des annees apres, en 1985, Stephane Courtois et Mosco Boucault realisent un documentaire, Des terroristes a la retraite . Ce long metrage, qui met en scene Simone Signoret en voix-off, accuse la direction de l’epoque du parti communiste francais (PCF) d’avoir lache voire vendu le groupe Manouchian.
Un documentaire diffuse sur France 2 le 15 mars 2007 contredit cette these, en suivant l’historien Denis Peschanski, lequel s’appuie sur de nouveaux documents dans les archives russes, francaises (aux Archives nationales et a la prefecture de police) et allemandes. D’apres ces documents d’archives ouverts recemment, la chute du reseau est le fruit du travail de la seule police francaise. Ce sont les deux branches creees par les Renseignements generaux ; les Brigades Speciales 1 et 2, la BS2, dirigee par Fernand David firent un travail de filatures pendant des mois.
Lorsque Marcel Rayman commit avec Leo Kneler et Celestino Alfonso, l’attentat du 28 septembre 1943, il abat le docteur Von Ritter qui etait l’un des principaux organisateurs du Service du travail obligatoire, il etait deja suivi, depuis deux mois, et ce n’est que plus tard a force de recoupements et au fil des arrestations, dont celle de Davidovitch qui avoua sous la torture, et fut libere, que le groupe fut demantele. 2) Un symbole de la resistance Missak mourut pour une patrie qui n’etait meme pas la sienne.
Il mourut pour defendre des valeurs de paix et de respect. Il merite d’etre honore comme symbole de la resistance pour sa mort autant que pour sa vie. Son nom figura sur l’affiche rouge (doc4) et fut donc condamne a mort. A quelques heures de mourir, il envoya a sa femme une lettre (doc3) ou il lui fit part de sa determination , du fait qu’il ne regrettait rien ; il lui fit part de son amour et de son bonheur de s’etre rapproche du but malgre sa mort. II. Joseph Kessel 1) Biographie
Joseph Kessel est ne a Clara (Argentine), le 10 fevrier 1898. Fils de Samuel Kessel, medecin juif d’origine lituanienne qui vint passer son doctorat a Montpellier, puis partit exercer en Amerique du Sud, Joseph Kessel vecut en Argentine ses toutes premieres annees, pour etre emmene ensuite de l’autre cote de la planete, a Orenbourg, sur l’Oural, ou ses parents residerent de 1905 a 1908, avant de revenir s’installer en France. Il fit ses etudes secondaires au lycee Massena, a Nice, ensuite au lycee Louis-le-Grand, a Paris.
Infirmier brancardier durant quelques mois en 1914, il obtint en 1915 sa licence de lettres et se trouva engage, a dix-sept ans, au Journal des Debats, dans le service de politique etrangere. Tente un temps par le theatre, recu en 1916 avec son jeune frere au Conservatoire, il fit quelques apparitions comme acteur sur la scene de l’Odeon. Mais a la fin de cette meme annee, Joseph Kessel choisissait de prendre part aux combats, et s’enrolait comme engage volontaire, d’abord dans l’artillerie, puis dans l’aviation, ou il allait servir au sein de l’escadrille S. 9. De cet episode, il tirerait plus tard le sujet de son premier grand succes, L’Equipage. Il termina la guerre par une mission en Siberie. Ainsi, quand le conflit s’acheva et que Kessel, des qu’il eut atteint sa majorite, demanda la nationalite francaise, il portait la croix de guerre, la medaille militaire, et il avait deja fait deux fois le tour du monde. Il reprit alors sa collaboration au Journal des Debats, ecrivant egalement a La Liberte, au Figaro, au Mercure, etc.
Mais, pousse par son besoin d’aventure et sa recherche des individus hors du commun, ou qu’ils soient et quels qu’ils soient, il allait entamer une double carriere de grand reporter et de romancier. Il suivit le drame de la revolution irlandaise et d’Israel au debut de son independance ; il explora les bas-fonds de Berlin ; au Sahara, il vola sur les premieres lignes de l’Aeropostale, et navigua avec les negriers de la mer Rouge. Son premier ouvrage, La Steppe rouge etait un recueil de nouvelles sur la revolution bolchevique.
Apres L’Equipage (1923), qui faisait entrer l’aviation dans la litterature, il publia Mary de Cork, Les Captifs (Grand Prix du roman de l’Academie francaise en 1926), Nuits de princes, Les C? urs purs, Belle de jour, Le Coup de grace, Fortune carree (qui etait la version romanesque de son reportage Marche d’esclaves), Les Enfants de la chance, La Passante du Sans-Souci, Le Lion, ainsi qu’une tres belle biographie de Jean Mermoz, l’aviateur heroique qui avait ete son ami.
Tous ces titres connurent, en leur temps, la celebrite. Kessel appartenait a la grande equipe qu’avait reunie Pierre Lazareff a Paris-Soir, et qui fit l’age d’or des grands reporters. Correspondant de guerre en 1939-40, il rejoignit apres la defaite la Resistance (reseau Carte), avec son neveu Maurice Druon. C’est egalement avec celui-ci qu’il franchit clandestinement les Pyrenees pour gagner Londres et s’engager dans les Forces Francaises libres du general de Gaulle.
En mai 1943, les deux hommes composaient les paroles du « Chant des Partisans », voue a devenir le chant de ralliement de la Resistance, et Kessel publiait, en hommage a ses combattants, L’Armee des Ombres. Il finirait la guerre, capitaine d’aviation, dans une escadrille qui, la nuit, survolait la France pour maintenir les liaisons avec la Resistance et lui donner des consignes. A la Liberation, il reprit son activite de grand reporter, voyagea en Palestine, en Afrique, en Birmanie, en Afghanistan. C’est ce dernier pays qui lui inspirerait son chef-d’? vre romanesque, Les Cavaliers (1967). Entre-temps, il avait publie un long roman en trois volumes, Le Tour du malheur, ainsi que Les Amants du Tage, La Vallee des Rubis, Le Lion, Tous n’etaient pas des anges, et il ferait revivre, sous le titre Temoin parmi les hommes, les heures marquantes de son existence de journaliste. Consecration ultime pour ce fils d’emigres juifs, l’Academie francaise lui ouvrit ses portes. Joseph Kessel y fut elu le 22 novembre 1962, au fauteuil du duc de La Force, par 14 voix contre 10 a Marcel Brion, au premier tour de scrutin. Pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a resonne glorieusement pendant un millenaire dans les annales de la France, declara-t-il dans son discours, dont les ancetres grands soldats, grands seigneurs, grands dignitaires, amis des princes et des rois, ont fait partie de son histoire d’une maniere eclatante, pour le remplacer, qui avez-vous designe ? Un Russe de naissance, et juif de surcroit. Un juif d’Europe orientale… vous avez marque, par le contraste singulier de cette succession, que les origines d’un etre humain n’ont rien a faire avec le jugement que l’on doit porter sur lui.
De la sorte, messieurs, vous avez donne un nouvel et puissant appui a la foi obstinee et si belle de tous ceux qui, partout, tiennent leurs regards fixes sur les lumieres de la France. » Citons encore ce bel hommage rendu a Joseph Kessel par Francois Mauriac, dans son Bloc-notes : « Il est de ces etres a qui tout exces aura ete permis, et d’abord dans la temerite du soldat et du resistant, et qui aura gagne l’univers sans avoir perdu son ame. » Il meurt d’une rupture d’anevrisme le 23 juillet 1979 entoure des siens. 2) Un Symbole
Etant l’un des plus grand poete de la resistance, il doit etre considere comme l’un des symboles de celle-ci. Il a notamment ecrit le chant des partisans (doc6) en collaboration avec Maurice Druon ou il raconte le systeme et la situation de la resistance. III. Conclusion Ces deux resistants, bien que le faisant differemment, defendirent tous les deux des valeurs tels que le respect mutuel, l’egalite, la paix et bien d’autre encore. Ils mirent tous deux leurs vies en jeux pour que ces valeurs soit reintegre a l’etat francais. L’un mourut cependant alors que l’autre put regarder l’? vre de ce qui ne fut au debut une minorite de francais mais qui finit par rassembler la France entiere Comme l’a dit Raymond Aubrac : « Resister se conjugue au present », ce combat qui autrefois fut le leur ne doit pas se faner mais au contraire s’epanouir tel une fleur immortelle et perdurer ainsi dans les memoires pour que jamais de pareilles horreurs ne puissent se reproduire, pour que jamais plus la meme injustice ne soit commise, que nous puissions la combattre avant qu’elle ne devienne trop forte, pour resister. « Constater l’injustice, la refuser et la combattre, c’est tout simplement resister. »