INTRODUCTION Ce passage se situe apres le suicide d’Emma Bovary, l’epouse de Charles. Charles cesse donc, desormais d’etre represente a travers l’interiorite d’Emma pour la premiere fois depuis sin mariage avec celle-ci, leur installation a Yonville. Dans un point de vue narratologique, cela donne a penser qu’Emma ecrasait son existence, car Charles dans les chapitres suivant le suicide d’Emma n’agit que par rapport a celle-ci, il adopte ses predilections esthetiques, lui fait dresser un mausolee funeraire, conserve la chambre d’Emma alors meme que le reste de la maison est liquide pour payer les dettes contractees par la defunte.
Il vit contrit et recueilli dans son souvenir, cristallise, quand bien meme il fait face a la realite des adulteres qu’il s’etait jusqu’a alors refuse a s’admettre. PROBLEMATIQUE Comment cet extrait fait de Charles Bovary, malgre sa simplicite le seul personnage authentiquement romanesque et affirme le triomphe de la realite ? PLAN 1. Prolongement de l’existence d’Emma. « Le soir, dans l’ete…Concurrence » 2. Le narrateur singularise Charles et fait de lui le seul personnage romanesque. « Un jour qu’il etait alle au marche…effluves amoureux qui gonflaient son c? r chagrin» 3. Le narrateur nous fait sortir de l’histoire et lui confere la valeur
Apres la mort d’Emma, la vie continue terriblement pour Charles, une vie que va profondement reliee a l’ame d’Emma comme le montre, cette visite quotidienne au cimetiere. Les references de temps : « soir, ete, nuit close » et de l’absence de lumiere « il n’y avait plus d’eclaire que la lucarne » vont conferer a ce rite une dimension mystique et meme romanesque comme Emma aurait pu le rever. Mais le paragraphe chutant sur la lucarne de Binet va une aussi avoir un caractere ironique, Binet etant un personnage mediocre et vil parmi les villageois qui represente la mauvaise conscience d’Emma.
Il est le personnage inquietant, diabolique, bizarre et ridicule dont les apparitions ponctuent le chemin d’Emma Bovary vers la mort (Binet refuse a Emma l’argent qui lui aurait permis d’echapper a la mort). Enfin, Binet est celui qui veille le dernier, meme apres la mort de l’heroine (quand il faut que Charles disparaisse a son tour. ) 2 . Singularisation de Charles qui devient un personnage romanesque Ce deuxieme mouvement est compose de deux parties : a. la rencontre avec Rodolphe b. la desolation sous la tonelle
Dans ce mouvement le narrateur va elever le personnage de Charles jusqu’au sublime, en le faisant superieur a Rodolphe, car il est au dela de toute ranc? ur, et d’autre part en le faisant mourir d’amour. a. La Rencontre avec Rodolphe « Un jour, qu’il etait alle au marche d’Argueil pour y vendre son cheval, -derniere ressource, – il rencontra Rodolphe. Ils palirent en s’apercevant. Rodolphe, qui avait seulement envoye sa carte, balbutia d’abord quelques excuses, puis s’enhardit et meme poussa l’aplomb (il faisait tres chaud, on etait au mois d’aout), jusqu’a l’inviter a prendre une bouteille de biere au cabaret. Le lecteur va eprouver une forte antipathie envers Rodolphe. D’abord parce qu’il y a un decalage entre Charles sans ressource (qui rentrera certainement a pied chez lui), completement abattu et Rodolphe, qui est toujours l’homme fort et arrogant meme si au debut il est intimide. On trouve une gradation dans son attitude que vas des « palirent », « balbutia », « s’enhardit », «poussa l’aplomb ». L’alliteration du son « b » qu’on trouve dans « balbutia », « bouteille », « biere » et « cabaret » peut nous evoquer l’intimidation que Rodolphe eprouve en rencontrant Charles.
On peut sous entendre aussi le jugement du narrateur cache sous le mot « seulement » dans la phrase « Rodolphe, qui avait envoye seulement la carte » de maniere que le lecteur ne va plus le considerer superieur a Charles. Cette idee est renforcee aussi par la nuance donnee l’emploi des mots « d’abord » « meme » et « jusqu’a ». L’allusion a la chaleur propre au mois d’aout « il faisait tres chaud » attribue a cette scene une certaine pesanteur de maniere a rendre la situation encore plus difficile aux personnages, on peut facilement imaginer l’angoisse ressentie par Rodolphe. Accoude en face de lui, il machait son cigare tout en causant, et Charles se perdait en reveries devant cette figure qu’elle avait aimee. Il lui semblait revoir quelque chose d’elle. C’etait un emerveillement. Il aurait voulu etre cet homme » Retour a l’imparfait. La situation est envisagee depuis l’interiorite de Rodolphe, depuis sa pensee. On voit un Rodolphe qui persiste dans sa representation desinvolte, osee « il machait son cigare tout en causant », meme s’il s’agit d’une strategie de Rodolphe, le lecteur peut avoir une image mediocre et meme vulgaire de lui. Aussi cette attitude va fortement contraster vec celle de Charles, qui ne va que percevoir les manieres de Rodolphe, tout en oubliant ses propos vides sans reliefs et va echapper a la realite a travers la reverie et le souvenir de sa femme. Dans sa reverie, il se produit une extension du phenomene de cristallisation. Si Emma, cristallisee a aime Rodolphe, alors celui-ci se retrouve pare de milles perfections. Ce passage va avoir un effet d’echo avec celui de Vaubyessard (Premiere partie, ch VIII, page 101. « et sans cesse les yeux d’Emma revenaient d’eux-memes sur ce vieil homme a levres pendantes, comme sur quelque chose d’extraordinaire et d’auguste.
Il avait vecu a la Cour et couche dans le lit des reines ! Sans se rendre compte Charles va etre emerveille par Rodolphe de la meme maniere qu’Emma l’avait ete par le vieux duc de Laverdiere, sur qui rejaillissaient a ses yeux la majeste et le romanesque de son ancienne maitresse. La difference entre Emma et lui est que pour Emma cet emerveillement est fonde sur la raison, sur l’imagination, sur les images sophistiquees tandis que pour Rodolphe il s’agit d’un reflet naturel, spontane qui entre directement dans ses sentiments, dans son c? ur simple.
Les deux dernieres phrases qui auraient pu etre une avec une autre ponctuation, rapporte la spontaneite des emotions et des raisonnements de Charles. L’emploi du conditionnel reflete la conscience que Charles a de l’impossibilite d’etre Rodolphe. 2. b. Mort de Charles « Le lendemain, Charles alla s’asseoir sur le banc, dans la tonnelle. Des jours passaient par le treillis ; les feuilles de vigne dessinaient leurs ombres sur le sable, le jasmin embaumait, le ciel etait bleu, des cantharides bourdonnaient autour des lis en fleur, et Charles suffoquait comme un adolescent sous les vagues effluves amoureux qui gonflaient son c? r chagrin ». On passe du passe simple (temps de l’action) a l’imparfait qui dans ce cas indique la description et la pause narrative. Ironie et cruaute du narrateur, car le lieu ou Charles meurt est aussi le lieu ou Emma s’abandonnait a Rodolphe. « Des jours passaient par les treillis » : souligne l’immobilite de Charles par rapport a la course de soleil. On sent que le temps de Charles est long et lent, et ne correspond plus au temps de la realite.
Cette idee de lenteur est renforcee par les descriptions d’une toile de fond et par la presence d’une phrase tres longue (periode) destinee a emouvoir le lecteur. Ainsi le narrateur etablit une correspondance entre l’etat de Charles et le style utilise. Le champ lexical utilise de la nature, nous evoque la forte presence des sens ou « les feuilles de vigne dessinaient » et « le ciel etait bleu » evoquent le sens de la vue, « le jasmin embaumait » le sens de l’odeur et « des cantharides bourdonnaient » le sens de l’ouie, Charles va s’abandonner dans une nature vivante et pleine de lumiere.
Comparaison entre Charles et un adolescent du fait qu’il va sentir l’amour aussi vivant, aussi intense qu’un adolescent, ce qui attribue a Charles une dimension romantique. Les effluves amoureux vont se confondre avec l’exhalation des fleurs. La conjonction « et » qui continue avec le tableau mais qui s’oppose avec le debut du paragraphe. La chaleur qu’on peut imaginer au mos d’aout a la campagne normande peut aussi alourdir la scene de la meme facon que Charles est lourd dans le sens qu’il deborde de sentiments, son ame est pleine des chagrin, de melancolie, d’amour de douleur, une douleur qui lui pese deja trop.
C’est dans ce cadre que Charles va mourir seul sans faire presque pas de bruit. Charles disparait petit a petit dans l’air, dans la nature, Le narrateur depeint un tableau ironique de la mort authentiquement romanesque par opposition a celle d’Emma qui etait une mort forcee, violente et pleine d’agitation. Alliteration en « s » et en « f » evoquent le souffle, le chagrin, le dernier frisson, le dernier rale d’une agonie silencieuse, qui durait depuis la mort d’Emma.