Guillaume Thomas Raynal écrivait « le corps qui avait concentré entre ses mains tous les pouvoirs, manqua aux engagements qu’il avait pris avec ses sujets, au si l’on veut, avec ses esclaves » Ce philosophe inscrit dans le courant de pensée des Lumières prêche la séparation des pouvoirs principaux, au nombre de trois : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvolr judiciaire, au nom de la liberté des citoyens.
Le corps ou la personne possédant ces trois pouvoirs est susceptible d’en abuser, et de sombrer dans l’abus de pouvoir ou dans le despotisme. La séparation des pouvoirs est la clé de voûte de otre République : aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni I n’a point de Constitu n » or 12 dans le paysage jurid e f, » • Sv. ige to View Indépendantes semb constitutionnel. ne -rs déterminée, eur apparition és Administratives ntre ce principe ndépendante (AAI) est une institution de l’Etat charg e, en son nom, d’assurer la régulation de secteurs considérés comme essentiels et pour lesquels le gouvernement veut éviter d’intervenir trop directement. Cette autorité juridique relativement nouvelle, ontrairement à
Elles ne peuvent recevoir d’ordres des pou Swipe to View next page pouvoirs publics. Par ailleurs, elles agissent au nom de l’Etat et certaines compétences dévolues à l’administration leur sont déléguéesl , comme le pouvoir règlementaire. Au del? du pouvoir réglementaire, elles disposent des pouvolrs de recommandation, décision et de sanction. Véritables « punitions » infligées par l’administration, dont la diversité va croissant, es sanctions administratives « procèdent d’uns intention de punir un manquement à une obligation »2.
L’exemple le plus fréquent est celui des sanctions fiscales. Pourtant, dans la conception classique de séparation des pouvoirs, seul le juge administratif possède la compétence de punir les atteintes au droit. Ce cumul de tous les pouvoirs, que d’aucuns qualifient d’insupportable, a valu aux AAI le surnom de « petit Etat « 3. Elles seraient instituées comme « des sortes de petits Etats sectoriels, en quasi-lévitation par rapport à l’Etat traditionnel »4, bâties ur le principe de séparation des pouvoirs.
Les AAI marquent ainsi deux ruptures : l’unification des trois pouvoirs en leur sein constituerait une attaque allant à l’encontre de l’unicité de l’Etat, aussi bien qu’elles creent un déséquilibre du fait de l’inexistence des contre-pouvoirs, d’une part, et d’autre part de contrôles de l’exécutif faibles. Pourtant, ce cumul de prérogatives a pour but ultime de servir l’intérêt général, dans la mesure où il permet une optimisation des résultats inédite.
Dans quelle mesure la fonction de répression, confiée aux AAI, compose-t-elle avec le respect des roits fondamentaux tout en visant une efficacité optimale dans leur champ d’application ? E 12 leur champ d’application ? En outre, quel est le statut juridique qui devrait être accordé aux AAI ? Les AAI sont une forme légitime et crédible de l’actlon publique (l) dont le caractère relativement récent soulève des questionnements quant à leur impartialité relative ainsi qu’à leur juridictionnalisation (Il). ) LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES, UNE FORME CREDIBLE ET LEGITIME DE L’ACTION PUBLIQUE L’avènement des Autorités Administratives Indépendantes arque l’essor d’un nouveau mode de régulation (A) dont l’encadrement des sanctions est en pleine évolution A) ESSOR D’UN NOUVEAU MODE DE RÉGULATION EN ACCORD AVEC LA CONSTI UTION ET UNE CONCEPTION PLUS SOUPLE DU PRINCIPE DE SÉPARATION DES POUVOIRS La sanction administrative présente des atouts considérables en termes de proximité, de simplicité, d’efficacité, d’acceptabilité, de prévention et d’adaptation.
En plus d’éviter la saisine préalable dun juge, avec les délais qu’un renvoi comporte, elle est d’une grande simplicité procédurale, et est immédiatement exécutoire. Elle permet de faire face de manière optimale à des contentieux multiples : reprenant l’exemple de M. Sauvé, en matière fiscale, 2 millions de pénalités sont infligées chaque année, contre moins de 1 000 poursuites pénales engagées. La sanction administrative est, à ce jour, le seul moyen permettant à l’administration de faire face à une délinquance de masses.
La sanction administrative apparaît enfin comme étant nettement moins infamante et stigmatisante que la sanction pénale. Elle semble atteindr 19 comme étant nettement moins infamante et stigmatisante que la sanction pénale. Elle semble atteindre l’objectif sous-jacent à une telle sanction : la rétribution. En pensant à la sécurité routière, par exemple : le retrait de points a une fonctlon punitive sur l’usager, mais il le conduit également à respecter le code de la route de manière plus assidue.
Cet aspect préventif peut, d’autre part, faire penser à une mesure de police. Par ailleurs, l’un des derniers atouts des AAI réside dans la composition de leur collège, établie par le législateur : y ont été intégrés des professionnels d’origine et de compétences diverses, participant aux délibérations et pportant ainsi leur expertise personnelle, gage de compétence technique et de points de vue éclairés aux niveaux social, économque et technique.
Ainsi, la sanction administrative prononcée par les Autorités Administratives Indépendantes paraît aujourd’hui indispensable ; elle complète les lacunes de la sanction pénale, en punissant les infractions dans des domaines touchés par la délinquance de masse de manière plus pertinente, efficace et éclairée. Le Conseil Constitutionnel a finalement admis sa légitimité dans sa décision n’ 88-248 DC du 17 janvier 1 9896.
Comme l’a ?crit Bruno Genevois : « plutôt que d’opposer un obstacle de principe aux sanctions administratives, ce qui n’irait pas sans conséquences pratiques, le juge constitutionnel a choisi la voie de l’encadrement de ce type de sanctions Y. En effet, la Constitutionnalité des sanctions administratives a fait débat, l’interprétation stricte du principe de séparation des pouvoirs paraissant 2 administratives a fait débat, l’interprétation stricte du principe de séparation des pouvoirs paraissant s’opposer à ce que l’administration soit dotée d’un pouvoir répressif dont le caractère ne serait pas exceptionnel.
Ainsi, le Conseil Constitutionnel a d’abord rejeté ce type de sanction dans sa décision du 11 octobre 19847. Il l’a admise cinq ans plus tard, semblerait-il en raison du lien préexistant entre l’administration et la personne sanctionnée8. Ce n’est que dans sa décision du 28 juillet 1989 que le Conseil Constitutionnel dissipe les incertitudes en admettant que les sanctions administratives peuvent aussi être infligées ? des personnes sans lien préexistant avec l’administration. La constitutionnalité de ces sanctions est régulièrement contrôlée, et des garde-fous ont été instaurés.
B) UN POUVOIR DE SANCrION ENCADRÉ ET CONTRÔLÉ « Dans la période historique actuelle, la règle de procédure dispose aux plans politique, juridique et philosophique, d’un prestige incomparable pour assurer la transparence, l’équité, l’impartialité et, finalement, la décision la plus juste et la plus adéquate. Les sanctions administratives ont été saisies par ce mouvement profond »9, avançait JM Sauvé. Cette évolution est marquée par une jurisprudence constitutionnelle et administrative cherchant à encadrer les sanctions administratives, également inspirée de l’article 6 de la Convention Européenne des
Droits de l’Homme (CEDH). Alnsl, le juge administratif exerce un contrôle accru des sanctions prononcées par les « l, en étendant son contrôle aux mesures dordre interieur qui portent une a PAGF s 9 les AA, en étendant son contrôle aux mesures d’ordre intérieur qui portent une atteinte grave au droit des personnes10. Il exerce son contrôle en se prononçant sur la proportionnalité de la sanctlon à la fautel 1, vérifie qu’il n’y ait pas d’abus de pouvoir, et vérifie la qualification juridique des faits.
Dans sa décision du 4 juillet 201212, le Conseil d’Etat affirme en effet que e juge administratif exerce un « contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation n. Bien que les AAI disposent d’un large pouvoir discrétionnaire quant à la sanction à adopter, le juge possède le pouvoir d’encadrer la décision par des éléments indicatifs. D’autre part, le juge constitutionnel a estimé nécessaire de s’inspirer largement de la procédure pénale en déterminant des principes constitutionnels que les autorités administratives se doivent de suivre.
Ainsi, après avoir énuméré les principes fondamentaux de la procédure pénale, le Conseil Constitutionnel appelle régulièrement dans ses décisions « que ces exigences ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives, mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle»1 3.
Il souligne également que les AAI sont libres d’exercer leur pouvoir de sanction dans la mesure où il est exclusif de « toute privation de liberté » et est assorti de « mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis »14. Dans sa décision du 5 juillet 20131 5, le Conseil Constitutionnel a confirmé sa jurisprudence a PAGF 19 garantis »14. Dans sa décision du 5 juillet 201315, le Conseil Constitutionnel a confirmé sa jurisprudence antérieure, en y précisant des principes devant être respectés dés lors qu’une AAI possède un pouvoir de sanction. armi eux, les droits de la défense, le principe de légalité des délits et des peines. S’y ajoutent le principe de proportionnalité issu de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme1 6, et le principe de non- rétroactivité des loisl 7. En outre, la jurisprudence issue de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme incite – sans pour autant pouvoir contraindre — les AAI possédant un pouvoir de sanction à respecter les disposition de ce dernierl 8.
Ainsi, particle 6 de la CEDH soulève la question de l’impartialité applicable aux AAI, dans la mesure où ces principes sont applicables aux juridictions, le statut juridique des AAI semble se transformer. Les garanties qui entourent la sanction augmentent, tout en créant un trouble Il) UN ACCROISSEMENT DE GARANTIES LAISSANT PLACE À UN DOUTE QUANT A LA NATURE DES AA La jurisprudence récente semble pousser à un cloisonnement de la phase de sanction des AAI (A), alors même que le propre des AAI semblait être le cumul des pouvoirs dans un but d’efficacité et de rapidité.
Cet isolement interroge ainsi la nature des AAI (B). A) L’ALOURDISSEMENT DE L’IMPÉRATIF D’IMPARTIALITÉ DES AA « La phase de sanction entretient des liens particulièrement étroits avec le modèle du explique que sa PAGF 7 2 progressivement reconnue et traitée comme telle »19. L’impartialité se place ainsi au cœur du fonctionnement des AAI. Elle peut être subjective, c’est à dire relative à la conviction ersonnelle d’un juge particulier concernant une sltuation particulière, ou objective, à savoir portant sur l’existence de garanties suffisantes ôtant tout doute légitime20.
Concernant l’impartialité subjective, le Conseil d’Etat condamne la participation au délibéré d’une personne pouvant être biaisée car possédant un intérêt dans une affaire21, mais au contraire soutient qu’un membre de la formation de la Commission des sanctions, au motif qu’il ait été « rapporteur, quelques années auparavant, d’une affaire dans laquelle le requérant était mis en cause et portant sur des manquements imilaires ne méconnaît pas le principe d’impartialité, dès lors que les deux procédures portaient sur des faits distincts »22.
Il est également possible de citer l’article L 463-7 du code de commerce, qui s’applique désormais aux services d’instruction de l’Autorité de la Concurrence et empêche le rapporteur d’avoir une voix délibérative lorsqu’il assiste au délibéré, dans un but d’impartialité. Toutefois, c’est surtout l’impartialité objective, moins circonstancielle, qui se trouve au cœur des questionnements actuels. L’impartialité dont il est question est l’impartialité dans a procédure de sanction des AA123.
Le droit positif interdit aujourd’hui la confusion entre pouvoirs de poursuite et de jugement au nom des principes élémentaires d’impartialité. En effet, le Conseil d’Etat a estimé, dans sa décision du 28 Octobre 200 9 d’impartialité. En effet, le Conseil d’Etat a estimé, dans sa décision du 28 Octobre 2002, que la Commission de Contrôle des Assurances devait être regardée « comme un tribunal au sens des stipulations de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, uquel s’impose l’exigence d’impartialité, laquelle s’apprécie objectivement »24.
Par la suite, le Conseil Constitutionnel a eu l’occasion de préciser que le principe d’impartialité devait être respecté de manière stricte, via une séparation des organes de poursuite et de jugement25. Si une séparation organique n’est pas opérée, elle se doit d’être au moins fonctionnelle. Le Conseil d’Etat a validé l’organisation de la CNIL après la loi du 29 mars 2011, dans la mesure où elles assurent la séparatlon de la phase d’enquête de celle de sanction du fait de l’interdiction des embres ayant procédé à la phase d’enquête de siéger au sein de la formation chargée de prononcer les sanctions26.
Ainsi, le droit positif s’oriente vers une séparation stricte de la fonction régulatrice par rapport à la fonction répressive confiée aux AAI, qu’elle dopère au niveau des organes chargés de la sanction et de la poursuite, ou au niveau des personnes27. L’impartialité des AAI requise par le droit positif actuel se rapproche de l’impartialité qui s’applique aux tribunaux : historiquement, c’est au tribunal que la notion d’impartialité est le plus fortement attachée.
Cette translation de principes pose la question de la juridictionnalisation des AAI. B) UN FONCTIONNEMENT DE PLUS EN PLUS SIMILAIRE AUX JU juridictionnalisation des AAI. B) UN FONCTIONNEMENT DE PLUS EN PLUS SIMILAIRE AUX JUIDICTIONS Bien que les AAI ne soient pas des tribunaux, la jurisprudence actuelle les pousse à respecter l’article 6 de la CEDH.
La Cour européenne a en effet développé une interprétation « matérielle » et non « organique » de la notion d’« accusation en matière pénale »28 comme d’ailleurs de celle de « droits et obligations de caractère civil »29, au sens de l’article 6 de la Convention uropéenne des droits de l’homme30, et dans la mesure où les dotées d’un pouvoir de sanction ont une composition et des attributions extrêmement proches de celles des juridictions, elles sont astreintes à respecter l’article 6 de la CEDH31.
Comme on peut le voir, les AAI ont tendance à mimer le procès pénal, rapprochant naturellement leur statut de celui des juridictions. Le droit actuel semble à « la croisée des chemins Il n’affirme plus simplement que de telles sanctions sont prononcées par des AAI, mais ne franchit pas non plus le pas en déclarant qu’elles le ont par une autorité juridictionnelle32.
Cette juridictionnalisation est pourtant reconnue en droit européen, mais pas en droit interne puisque les catégories juridiques internes n’ont pas ? coïncider avec les catégories juridiques européennes. Le principe d’impartialité semble au centre du problème, dans le sens où il touche au cœur de l’analogie entre un tribunal et une AAI. Le Conseil constitutionnel a affirmé par exemple que telle AAI « est, à l’instar de tout organe administratif, soumise à une obligation d’impartialité pour l’examen des affaires qui re