L’influence des medias

L’influence des medias

3. Campagnes electorales mediatiques et systeme politique Si les recherches precedentes ne permettent pas de conclure aux effets puissants des medias de masse sur les elections, il est un domaine ou ces effets ne font aucun doute, il s’agit de l’organisation des campagnes electorales. La maniere de se presenter des hommes politiques, de parler, leurs arguments, les debats, l’annonce des resultats sont les marques les plus evidentes des changements qui se sont operes de facon radicale avec le developpement des medias de masse en particulier audiovisuels.

Les recherches sur les elections se sont beaucoup penchees sur cette nouvelle societe politique. Celle-ci est caracterisee depuis les annees 1950 aux Etats Unis et 1es annees 1960 en France par la generalisation des techniques du marketing a la vie politique en particulier au moment des campagnes electorales. Le marketing politique Pour Gilles Achache, « le marketing politique renvoie a un modele de la communication politique » et ce modele est dominant dans nos societes [21]. Ce sont les elements de ce modele qui interessent les chercheurs.

Le marketing politique se caracterise par l’application des techniques de marketing par les partis ou par les hommes politiques a une situation politique. Ces techniques consistent a ajuster l’offre politique a

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la demande des electeurs, et pour cela utiliser toutes les techniques d’etudes de marche et de connaissance du « marche » electoral : segmentation des electeurs (selon les differentes variables socio-demographiques et politiques des electeurs), ciblage (choix des segments vers lesquels communiquer, et positionnement (du candidat par rapport a la concurrence)).

C’est dire que la strategie des hommes politiques et des partis depasse largement la simple publicisation de leurs programmes et de leurs idees. Ils sont aides dans leurs strategies par des instituts de sondage, des professionnels de la communication qui sont souvent des publicitaires (on dit des lors que les hommes politiques sont vendus « comme des savonnettes ! ) ou par des « spin doctors ». De nombreuses recherches vont s’appliquer a decrire, a comprendre, a reveler les differents elements de ces campagnes orchestrees sur des bases que certains pretendent scientifiques.

Les sondages, les mediascopies, les « focus group », les strategies des hommes politiques et de leurs conseillers, leur image, leurs competitions (horserace), les evenements de campagne sont autant de segments de la campagne relativement faciles a apprehender pour un chercheur. Les medias occupent le centre de ces strategies et il n’est pas possible de travailler sur la campagne electorale sans le faire en relation avec l’etude des medias. Si dans ce type de recherches, il n’est plus question (ou tres indirectement) d’etudier les effets des edias sur les intentions de vote, on retrouve pourtant a cette occasion la question des effets forts des medias en etudiant le personnel politique : n’est-il pas en effet la premiere victime de cette croyance ? Les menaces et les derives en particulier la substitution des messages et autres cibles aux programmes et aux electeurs, l’assujettissement a la segmentation au mepris des interets generaux, mais aussi l’obscenite des couts et la marchandisation de la vie politique sont egalement des elements nouveaux qui sont a etudier au moment des campagnes electorales.

Dans cette situation compliquee d’interaction entre les medias et les acteurs politiques, un ensemble de reglementations est apparu progressivement qu’il a ete important de prendre en compte. L’adaptation de la classe politique a ces nouvelles logiques mediatiques a donc ete totale [22]. Les consequences de cette mediatisation de la vie politique sont-elles clairement evaluees ? Beaucoup la deplore – en particulier Michel Rocard – tous inferent du caractere essentiel, determinant de la campagne electorale mediatique.

Quelques recherches s’interessent a l’autonomisation de la campagne electorale avec une importante prise en compte de la variable communication. [23]. Persuasion et propagande Il convient de prendre egalement en compte les travaux qui concernent la propagande, la manipulation et les differentes techniques de persuasion . Ces etudes concernent assez peu les pays democratiques en periode electorale, elles peuvent neanmoins fournir des elements de connaissance sur le contexte politique et mediatique d’une situation particuliere.

Les recherches sur l’espace public et sur l’opinion publique qui ne s’interessent pas forcement, directement, au contexte des elections, tendent a expliquer la formation de cette opinion publique qui se coagule au moment du vote, par l’effet des medias. Faisant fi des alternances pour certaines geopolitiques (URSS), elles y voient toujours le renforcement de la domination des pouvoirs en place. Un certain nombre de recherches se sont penchees sur la maniere dont les messages mediatiques que d’autres avaient su si bien analyser, etaient recus par les groupes.

Ils se sont interroges sur le travail d’analyse et d’interpretation faits par le public sur les messages. Les recherches sur la reception des medias, nous l’avons vu plus haut datent des premieres recherches sur les medias, elles sont donc anciennes, mais elles ne sont pas les plus nombreuses, ni les plus concluantes. Ce qu’elles ont montre c’est encore une fois l’activite du recepteur. 4. La reception Lazarsfeld avait montre que l’influence des medias etait indirecte et limitee, mais la television (absente de ses premiers travaux) ne detenait pas alors la place qu’elle a prise depuis dans l’espace public.

Des etudes en particulier celles de Michel de Certeau ou celles de Michel Souchon avaient fait long feu de la theorie de la passivite des recepteurs, et le modele stimulus-reponse n’etait plus credible dans des societes informees, eduquees ayant fait montre de leur capacite d’installer des alternances politiques regulieres. Stuart Hall [24] et les chercheurs qui travaillent autour de lui dans la mouvance des « cultural studies » avaient montre que face aux messages mediatiques les individus avaient trois types de comportement : rejet du message, acceptation ou negociation (« j’en prends et j’en laisse »).

Chaque individu possede des grilles d’interpretation qui le conduisent a interpreter differemment selon ses origines, ses appartenances, ses gouts, ses experiences, etc.. L’importance de la lecture dite « hegemonique » c’est a dire celle qui accepte comme tel le message mediatique est evidemment la question essentielle puisque sa mesure permettrait de verifier l’impact des medias. Mais les etudes empiriques sur la reception des messages sont tres difficiles a mener et les resultats pechent toujours par l’incapacite fondamentale d’isoler le message mediatique des autres influences.

Pippa Norris et son equipe [25] ont recemment mis en place un lourd dispositif permettant d’apprecier les effets des images televisuelles sur les comportements electoraux. Mais le dispositif extremement experimental – des extraits de la television sont projetes a des groupes choisis au hasard dans la rue et rassembles dans une tente -souffre de nombreuses imperfections. La encore l’etude ne conclut pas a un role decisif des medias dans les decisions de vote. Recemment, dans les pays anglo-saxons se sont developpes des travaux portant sur les mecanismes de recherche et d’acquisition de l’information.

Partant de l’hypothese d’un citoyen actif, progressant a travers les medias afin de se « faire une opinion » avant de voter, certains travaux ont cherche a retrouver le chemin intellectuel de ce type de citoyen. Les etudes concernant la recherche de l’information sont prometteuses mais embryonnaires. Theses cognitivistes Des approches cognitivistes completees par des etudes psycho-sociales ont cherche a retrouver la facon dont le cerveau traite les informations qu’il recoit. Ces etudes en anglais n’ont pas ete utilisees (a ma connaissance) au moment des campagnes electorales.

Elles restent encore mysterieuses. La complexite du traitement de l’information est confirmee et d’une certaine maniere justifie « scientifiquement » les obstacles rencontres depuis 60 ans par les recherches sur le traitement de l’information. Ce bref panorama des recherches sur la mediatisation des campagnes electorales a montre a quel point (le vocabulaire en fait foi) les recherches etaient anglo-saxonnes et combien il etait difficile d’acquerir des certitudes sur la question de l’influence des medias sur les comportements electoraux.

En France, la force de la tradition critique mais aussi le dynamisme de la linguistique expliquent la place des travaux portant sur l’analyse de contenu, sur les professionnels et sur les strategies des acteurs, ce type de recherches cachant a peine le desir des chercheurs impliques dans ce type d’etude, de devoiler et de denoncer des pratiques politiques de domination. Cela n’a pas empeche que ce soit egalement dans ce pays que des travaux pionniers sur l’activite du recepteur aient vu le jour.

D’autre part le manque de moyens de la recherche en sciences sociales dans ce pays explique que les grosses enquetes de terrain necessaires a d’ambitieuses etudes, faisant l’analyse des campagnes, de l’elaboration des messages politiques a leur reception en passant par les strategies des acteurs, n’ont pas pu etre realisees malgre la presence d’une communaute de chercheurs de toutes disciplines (histoire, info-com, sociologie, science politique) [26] reconnus sur leurs objets.

Les grandes enquetes sur les campagnes electorales sont regulieres dans les pays anglo-saxons, mais en France les travaux sur les elections donnent rarement une place importante au role des medias en tant que tels. L’apparition de la television et plus recemment d’Internet auraient du pourtant les multiplier.