Presentation Je voudrais vous inviter a un petit voyage aux origines de la psychotherapie et vous parler de l’hypnose. D’emblee, je rencontre une difficulte qui consiste m’y retrouver dans la multiplicite des manifestations. A l’heure actuelle il n’y a encore pas de definition qui rencontre l’unanimite. Pourtant ce phenomene aussi labile et inconstant soit il, est a la base de la plus ancienne des psychotherapies et l’etude de l’hypnose permet de retracer l’origine de beaucoup des concepts de la psychiatrie classique, bien sur de la psychanalyse et de tous ceux des psychotherapies modernes.
Dans le temps dont nous disposons je me contenterai de vous presenter la technique et son evolution et vous laisserai le soin de transposer dans vos pratiques ce qui peut etre rattache a l’hypnose. Dans le cadre d’une presentation je devrais pouvoir vous donner une liste simple des phenomenes hypnotiques. L’ideal serait d’obtenir ce vocabulaire descriptif et dans un second temps seulement, de proposer une hypothese theorique conforme a l’observation. Mais en fait l’hypnose se prete mal a une telle demarche, les phenomenes hypnotiques, avec le vocabulaire associe, ne peuvent pas etre decrits sans une conception theorique prealable.
Non seulement les theories de l’experimentateur, modifient la formulation de la description
Je commencerai par presenter les principaux termes et concepts utiles pour decrire l’hypnose : induction, reveil, catalepsie, suggestibilite, dissociation, amnesie, regression, etc. L’induction C’est la premiere etape du processus. Elle doit permettre au sujet d’entrer dans un etat hypnotique. La duree de l’induction est tres variable, de quelques secondes a plusieurs minutes, voire meme, plusieurs heures. Fixer un point lumineux, techniques respiratoires et autres ; certaines tres rigides et d’autres beaucoup plus a l’ecoute des reactions du sujet.
L’approfondissement de la transe L’hypnose classique definit la profondeur (legere, moyenne ou profonde), en fonction des phenomenes hypnotiques observes. Il existe des echelles etablissant une succession stricte des phenomenes hypnotiques. Transe legere : les signes sont la relaxation, la fermeture des paupieres, la catalepsie des membres, l’anesthesie et l’analgesie. Transes dites moyennes : on decrit l’amnesie post hypnotique, les distorsions temporelles. Transe profonde : apparaissent les hallucinations visuelles et le somnambulisme. Le reveil
C’est l’inverse de l’induction. Pendant cette etape, le sujet sort de l’etat hypnotique. La notion meme de reveil sous-entend un rapprochement de l’hypnose avec le sommeil. Et certains auteurs preferent les termes de » reorientation » ou de » sortie de l’etat hypnotique ». 3 phenomenes hypnotiques representeraient l’essence de l’hypnose ils sont consideres comme resumant tous les autres signes de la transe: la catalepsie, la suggestibilite, la dissociation. La catalepsie C’est un phenomene moteur qui survient frequemment pendant les transes hypnotiques.
Il est surtout observe au niveau des extremites, particulierement au niveau des doigts. Il se traduit par une tonicite involontaire des muscles, conferant aux membres une spasticite cireuse. La catalepsie peut etre generalisee, mais reste le plus souvent limitee a une portion du corps. C’est un phenomene spectaculaire, qui etonne le patient lorsque celui-ci constate par exemple que son bras conserve la position que le therapeute lui donne. L’etat cataleptique est une situation de passivite globale , a la fois psychique et corporelle.
Le sujet hypnotise n’a plus aucune volonte, aucune initiative et devient le jouet de l’hypnotiseur. La suggestibilite Pour de nombreux auteurs, la suggestibilite du sujet explique tous les autres phenomenes hypnotiques. Autrement dit, hypnose et suggestion seraient synonymes. Pour Bernheim , l’action des suggestions est le resultat d’un processus psychologique qu’il appelle l’ideodynamisme . Ce phenomene naturel traduit la tendance des idees a se transformer en acte ou en sensation, comme l’evocation d’un repas peut provoquer une sensation de faim et des crampes a l’estomac.
Meme si la suggestibilite n’explique pas tout, elle n’en reste pas moins un phenomene important en hypnose. La dissociation C’est le troisieme phenomene pouvant etre considere comme representatif de l’etat hypnotique dans son ensemble. Sa definition est variable mais il est possible d’en isoler trois. Dans la perspective psychodynamique (comme chez Freud et Janet, bien qu’ils n’emploient pas explicitement le mot), la dissociation est une division du psychisme que l’hypnose met en evidence. (conscient inconscient chez Freud et conscient subconscient chez Janet). L’etude des phenomenes hypnotiques nous a habitue a cette conception d’abord etrange que dans un seul et meme individu, il peut y avoir plusieurs groupements psychiques, assez independants pour qu’ils ne sachent rien les uns des autres. Des cas de ce genre, que l’on appelle » double conscience », peuvent, a l’occasion, se presenter spontanement a l’observation. Si, dans un tel dedoublement de la personnalite, la conscience reste constamment liee a l’un des deux etats, on nomme cet etat: l’etat psychique conscient, et l’on appelle inconscient celui qui en est separe. Freud , 1909- Cinq Lecons sur la Psychanalyse . traduction francaise Yves Le Lay, Payot, Paris, 1966 Freud trouve le phenomene de suggestion post-hypnotique particulierement demonstratif pour avancer l’idee d’une division du psychisme en conscient et en inconscient. » Dans cette experience, telle qu’elle fut realisee par Bernheim, un sujet est place en etat d’hypnose puis reveille. Pendant qu’il se trouve dans l’etat d’hypnose sous l’influence du medecin, il recoit l’ordre d’executer tel acte a tel moment apres son reveil, disons une demi-heure plus tard.
Il se reveille, semble etre pleinement conscient et se trouver dans sa condition habituelle; il ne garde pas de souvenir de son etat hypnotique et voici pourtant qu’au moment determine surgit dans son esprit l’impulsion de faire telle et telle chose, ce qu’il fait consciemment mais sans savoir pourquoi. Comment decrire le phenomene autrement qu’en ces termes: l’ordre est demeure present dans l’esprit de la personne sous forme latente, ou encore il a ete present inconsciemment, cela jusqu’a ce que le moment determine vienne, moment ou l’ordre est devenu conscient. «
Freud , 1915 Note sur l’Inconscient en Psychanalyse . in: Metapsychologie, Gallimard, 1968 . Pour Janet, l’hypnose apparait lorsqu’il y a une diminution de la « pensee intellectuelle » et de la » volonte » . A ce moment va apparaitre un fonctionnement psychique subconscient qualifie d’automatique. Une seconde definition de la dissociation se refere a l’experience subjective du sujet: pendant qu’une partie du sujet est engagee dans le processus hypnotique, une autre reste en position d’observateur. Contrairement a la premiere definition, la dissociation est creee par l’etat hypnotique. la dissociation princeps consiste en la separation qu’introduit le therapeute dans l’experience du sujet, entre une partie consciente de sa personnalite (l’observateur) et une partie inconsciente qui gere de maniere autonome et non intentionnelle l’apparition et le developpement de certains phenomenes qualifies par le terme d’hypnotique (l’observe). » ALAREWICZ J. A. – Cours d’hypnose clinique, etudes ericksoniennes . ESF, Paris, 1990. La troisieme definition est influencee par la psychologie cognitive .. Elle est appelee neodissociation.
Dans cette perspective, le psychisme est considere comme un assemblage de fonctions ( perceptives, cognitives, ideationnelles, affectives) manipulables par l’hypnose. Cette notion est utilisee dans le traitement des nevroses traumatiques pour dissocier le souvenir et l’emotion desagreable qui l’accompagne. Les autres signes Il existe un ensemble de signes plus labiles et non specifiques que l’on peut rencontrer a un moment ou a l’autre d’une seance ou d’une cure en fonction de son deroulement et des indications de l’hypnotiseur.
L’ensemble des voies sensorielles et des fonctions cognitives ou ideationnelles peut etre concerne. L’amnesie post-hypnotique C’est l’oubli du deroulement de la seance. Elle peut etre plus ou moins importante, survenir spontanement ou etre facilitee par le therapeute. Elle est classiquement un signe de transe moyenne ou profonde L’hypermnesie Elle permet de retrouver des souvenirs precis, en retrouvant des details que le sujet avait oublies. Cette technique a ete utilisee avec plus ou moins de succes pour aider a preciser des temoignages dans des enquetes policieres.
Sa fiabilite est tres contestee. L’hypnose permet sans doute de retrouver des souvenirs oublies, mais elle peut aussi en creer des faux. Erickson a utilise en clinique cette possibilite en fabriquant des faux souvenirs chez son patient. La distorsion de la perception du temps Le temps de la seance peut apparaitre plus long ou plus court qu’il ne l’a ete en realite. Cela peut etre suggere plus ou moins directement. La regression en age C’est la possibilite pour le sujet de revivre une experience de son passe plus ou moins lointain.
La reviviscence passe par les differents sens, et selon les cas le sujet peut retrouver des images, des sons, des odeurs, des sensations tactiles. La rememoration concerne eventuellement des souvenirs oublies a l’etat d’eveil. C’est grace a ce phenomene que Freud et Breuer ont developpe la methode cathartique. L’anesthesie et l’analgesie Avant l’utilisation du chloroforme, l’hypnose etait la seule possibilite d’eviter la douleur lors d’interventions chirurgicales. En 1829, Jules Cloquet utilise le premier cette methode pour operer un cancer du sein.
Depuis de nombreuses interventions chirurgicales ont ete realisees sous hypnose. Malgre les progres de l’anesthesie, l’analgesie par hypnose a souvent ete utilisee apres la deuxieme guerre mondiale. L’accouchement sous hypnose et la preparation a l’accouchement avec suggestion post-hypnotique d’analgesie sont des methodes frequentes. Actuellement l’hypnose est souvent utilisee en dentisterie et en petite chirurgie avec des methodes d’inductions courtes. Elle est encore utilisee pour des interventions plus lourdes. Les hallucinations Elles sont classiquement des signes d’hypnose profonde.
Les hallucinations peuvent etre de tous types, visuelles, auditives, olfactives, gustatives ou kinesthesiques. Elle peuvent etre complexes lorsque le sujet a toutes les sensations correspondant a une scene imaginaire. Il est parle d’hallucinations negatives lorsque le sujet ne percoit pas un objet reel. La levitation du bras Le signaling Il est defini comme un mouvement ideomoteur , involontaire ou automatique. Il se manifeste le plus souvent au niveau des doigts ou de la tete. Apres l’etablissement d’un code, il permet de communiquer avec le sujet hypnotise sans que celui-ci ait a parler.
L’hypnotiseur indique oralement le code, par exemple: » Vous pouvez repondre aux questions avec vos doigts. L’index se levera pour oui, le pouce pour non, et le median pour je ne sais pas ». Le signaling peut etre installe tres tot dans la transe et le sujet constate ainsi qu’il repond automatiquement, sans intervention volontaire de sa part. Ce caractere involontaire de la reponse fait parler d’une communication avec l’inconscient. L’ecriture automatique C’est la possibilite d’ecrire automatiquement sans savoir ce qui est redige. Tout comme le signaling, elle permet une » communication avec l’inconscient ».
En clinique, Erickson a beaucoup utilise cette possibilite. L’ecriture automatique est souvent maladroite, voire illisible, chez les sujets debutants. Bien formee et correctement lisible, elle peut etre differente de l’ecriture habituelle et volontaire Couplee avec une regression temporelle, l’ecriture prend les caracteristiques de l’age vecu hypnotiquement La depersonnalisation C’est le sentiment de ne plus etre soi-meme, voire d’etre quelqu’un d’autre. Ce phenomene, qui se produit spontanement a minima, est parfois suggere a des fins therapeutiques.
Certains therapeutes n’hesitent pas a demander au sujet hypnotise » d’oublier sa propre identite et d’en endosser une autre ». Certains faits actuels, comme la multiplication des cas de personnalite multiple (Multiple Personality Disorder) aux Etats-Unis, incitent a une plus grande prudence. Il existe de serieux arguments qui tendent a montrer que nombre de ces cas sont des pathologies hypnotiques iatrogenes. Le somnambulisme C’est classiquement un stade d’hypnose profonde. Le sujet garde les yeux ouverts, il peut agir, se lever, marcher et paraitre ne pas differer d’un individu normal.
Le somnambule presente volontiers des hallucinations et adopte un comportement qualifie » d’inconscient » different de son comportement conscient habituel. Le caractere spectaculaire de ces manifestations est utilise par les hypnotiseurs de music-hall. Couple a une regression temporelle, le sujet agit comme s’il revivait une situation de son passe en hallucinant tous les elements de la scene. Amnesie Classiquement, apres la sortie de l’etat hypnotique le sujet a une amnesie de la transe somnambulique. Les petits signes de l’etat hypnotiques
La salivation, la diminution de la deglutition, le larmoiement, le ralentissement de la respiration, l’immobilite, la relaxation, la difficulte d’elocution. Voila a peut pres l’ensemble des phenomenes observes durant les transes sans que cela ne constitue une description de l’hypnose. Je vais maintenant vous rappeler ou vous presenter quelques elements d’histoire Elements d’histoire Le magnetisme animal Mesmer va developper une theorie scientifique et medicale qui connaitra un important succes pendant toute la deuxieme moitie du XVIIIeme siecle. Il baptise sa decouverte le magnetisme animal.
A l’epoque il existe encore de nombreux exorcistes et cette nouvelle doctrine pretend pouvoir expliquer leur succes therapeutique. A la place des forces surnaturelles et demoniaques, le magnetisme pose l’existence d’un fluide universel qui remplit l’univers et permet de rendre compte des influences existant entre les planetes, les etres vivants et les objets. Ce fluide invisible obeit a des lois mecaniques. Il peut etre propage, communique, concentre, augmente. C’est l’epoque des lumieres et Mesmer utilise le langage des sciences pour le decrire .
Les dereglements du fluide dans le corps humain expliquent l’apparition des maladies. Le medecin va provoquer chez le malade une crise salutaire et retablir l’harmonie indispensable a sa sante. Mesmer provoque les memes phenomenes que les exorcistes mais il a remplace les theories de la possession par une theorie censee etre scientifique. Les techniques Les magnetiseurs vont elaborer de nombreuses techniques pour augmenter et transmettre l’action magnetique au patient. Sans entrer dans les details, il est possible de distinguer deux types de technique: les passes et les techniques collectives. Les passes
Les mains du magnetiseur communiquent au patient le fluide necessaire en effectuant des mouvements sur son corps. Exemple : « Le magnetiseur se place en face du malade, lui pose les mains sur les epaules; et apres une ou deux minutes les descend le long des bras pour lui prendre les pouces qu’il garde de meme une ou deux minutes. Il recommence ainsi cinq a six fois. Le malade doit rester entierement passif, et tacher de ne point distraire son attention par des pensees etrangeres a l’action qu’ont veut operer sur lui. » Les techniques collectives Il faut habituellement une demi-heure pour magnetiser un patient.
Ce qui est long. En utilisant les proprietes mecaniques du fluide, il est possible de construire des dispositifs qui permettent de le communiquer simultanement a plusieurs personnes. La plus celebre des methodes de magnetisation collective est le baquet de Mesmer. Les baquets remplis d’eau sont equipes de bouteilles, de baguettes de fer et de cordes qui permettent la circulation du fluide. Les patients, unis entre eux par des cordes, attendent la survenue de la crise. Si celle-ci tarde a survenir, le magnetiseur se centre sur un sujet particulier et lui communique par des passes appropriees le fluide necessaire.
Le declenchement d’une crise chez un sujet receptif permet, grace au baquet, de communiquer le fluide aux autres patients qui ne tardent pas a realiser la crise magnetique. La crise magnetique Les manifestations et les sensations eprouvees pendant la crise sont variables selon les sujets. La forme la plus repandue est la crise convulsive. La terminaison est annoncee par une phase de detente et de confort qui traduit le retour a l’harmonie, c’est a dire a l’equilibre du fluide, et donc a une meilleure sante La violence des crises traduit le combat du fluide qui libere le corps du blocage des humeurs.
Le somnambulisme C’est un autre etat magnetique, provoque lui aussi par le fluide d’un magnetiseur. Il est decrit et popularise par le marquis De Puysegur, disciple de Mesmer et ardent defenseur du magnetisme. Il utilise des passes magnetiques et une methode collective, un arbre magnetise auquel les malades sont rattaches par des cordes. Contrairement a Mesmer, Puysegur n’apprecie pas beaucoup les crises convulsives et il ne les considere plus comme indispensables a la guerison. Il va progressivement prendre des distances avec son maitre et privilegier le role de la volonte comme principal agent therapeutique.
Chez certains sujets magnetises il remarque l’apparition d’un etat particulier qu’il va appeler le somnambulisme. Dans cet etat, le sujet est soumis a la volonte du magnetiseur, il ne voit, n’entend ou ne ressent que les objets vers lesquels son attention est dirigee. A son reveil, provoque sur ordre, il a oublie le deroulement de la transe. Puysegur s’interesse au nouveau savoir du somnambule. Les sujets peuvent relater des souvenirs oublies a l’etat de veille et surtout, possedent une lucidite et une connaissance de leur maladie.
Le somnambule devient un medecin capable de prevoir l’evolution de sa maladie et de prescrire des traitements adaptes. Il s’etablit avec le magnetiseur un dialogue ou le somnambule accepte de repondre a certaines questions concernant sa maladie: quand guerira-t-il? qu’elle est l’origine de sa maladie? quel traitement faut-il entreprendre? Si des bains ou des purgations sont utiles? , etc. A son reveil le patient a totalement oublie cette conversation mais il peut la poursuivre lors d’une transe somnambulique ulterieure. Evolution de la theorie
Le magnetisme connait une importante diffusion pendant toute la premiere moitie du 19eme siecle. Il ouvre une voie nouvelle ou le medecin devient lui-meme un agent therapeutique. Neanmoins il rejoint vite le surnaturel et l’occultisme, sans doute parce que l’hypothese du fluide s’est revelee fausse. La theorie fluidique. Elle illustre deux points importants: 1- La theorie participe a la construction de la transe. Mesmer utilise le vocabulaire de la transe pour decrire ce qui se passe. Pendant le XVIIIeme siecle, etre possede fait partie de l’imaginaire social et les diables se manifestent encore souvent.
La crise de Mesmer est une transe de possession sans diable. Les principaux signes physiques de possession (la rigidite, la catalepsie, la chute en arriere, les mouvements partie dans la crise magnetique et reapparaissent dans la brusques du corps, l’alteration des sens et de la motricite). Il est egalement possible de faire un parallele entre le somnambule possedant des facultes et des connaissances surnaturelles et les capacites mentales de certains possedes (don des langues, connaissances jamais apprises par le sujet, prediction de l’avenir, etc. ). 2- La dimension sociale et politique de la transe. l’Academie royale de paris reconnait la validite des experiences presentes par Mesmer mais emettent des doutes sur la pratique car ils ont, eux,avant tout percus l’aspect trouble de la relation magnetiseur/magnetise). James Braid James Braid (1795-1860), medecin et chirurgien anglais, va au milieu du XIXeme siecle abandonner la theorie du fluide universel. La transe entre dans le champs de la medecine. Il va formuler une theorie, dont l’influence existe toujours. Braid nie categoriquement l’existence d’un quelconque fluide et il cree un nouveau vocable plus approprie a sa theorie: l’hypnotisme (qu’il reprend au Baron Henin de Cuvilliers).
A la place du fluidisme, il propose une theorie « psycho-neurophysiologique » , ou l’hypnose est un « sommeil special », secondaire a une « stimulation retinienne ». En considerant l’hypnose comme un etat neurologique particulier, il est le precurseur des theories de Charcot. La technique. Sa technique, depouillee des passes magnetiques, est simple et facilement reproductible car elle n’exige plus un fluide special. Elle consiste a exiger du sujet sa concentration sur un objet. L’etat hypnotique n’a plus rien a voir avec un etat surnaturel, c’est un etat physiologique connu: le sommeil.
Se constitue a ce moment la une image toujours actuelle de l’hypnotiseur et de l’hypnose. C’est un etat caracterise par une perte de la conscience avec un oubli au reveil. L’hypnose est provoquee par la fixation d’un objet brillant et elle provoque une anesthesie. Exemple : « Prenez un objet brillant quelconque (j’emploie habituellement mon porte-lancette) entre le pouce, l’index et le medius de la main gauche; tenez-le a la distance de 25 a 45 centimetres des yeux, dans une position telle au dessus du front que le plus grand effort soit necessaire du cote des yeux et des paupieres pour que le sujet regarde fixement l’objet.
Il faut faire entendre au patient qu’il doit tenir constamment les yeux fixes sur l’objet et l’esprit uniquement attache a l’idee de ce seul objet. » L’obtention de l’etat hypnotique est si simple que : « Les sujets exerces deviennent susceptibles d’etre affectes entierement par l’imagination. Chez les individus tres sensibles, la simple supposition que l’on fasse quelque chose capable de les endormir suffit par produire le sommeil » (Braid 1843) L’influence du braidisme. Le braidisme aura de nombreux emules dans les milieux chirurgicaux anglais et francais (Velpeau, Broca, Azam).
A cette epoque, l’emploi du chloroforme n’est pas encore tres repandu et les possibilites de l’anesthesie hypnotique sont serieusement etudiees. L’anesthesie devient le principal phenomene hypnotique. Hypnose et sommeil L’hypnose est-elle un sommeil? NON, l’hypnose n’est pas une sorte de sommeil Ce lien entre l’hypnose et le sommeil n’a pas ete confirme par les moyens electrophysiologiques modernes. Les traces electroencephalographiques realises chez des sujets hypnotises, ne montrent pas les signes electriques du sommeil.
De plus, l’amnesie post-hypnotique n’est pas obligatoire, elle doit etre suggeree, directement ou indirectement, pour se produire plus facilement. La crise de Mesmer avec ses convulsions est en train de disparaitre au profit d’une phenomenologie evoquant effectivement le sommeil. Cette modification n’a pas ete soudaine, elle commence avec Puysegur . Le terme de somnambulisme , comme celui d’hypnotisme , est une reference au sommeil. L’ecole de la Salpetriere Dans la seconde partie du XIXeme siecle, Jean-Martin Charcot (1825-1893) decrit l’hypnose avec des concepts issus de sa pratique medicale: la neurologie.
Cette ecole va assimiler l’hysterie et l’hypnose. Tous les signes cliniques de l’hysterie sont aussi ceux de l’hypnose, et seule l’etiologie, spontanee ou provoquee artificiellement, permet de les separer. Les techniques d’induction Les techniques d’induction hypnotiques rappellent les moyens utilises par les magnetiseurs: la lumiere vive, les bruits intenses et brutaux qui surprennent, la fixation du regard, la pression des globes oculaires, les vibrations du diapason appliquees sur le crane, la pression de certains muscles et de certains tendons, les passes, etc.
Il existe dans le corps des zones hypnogenes dont la pression declenche un etat hypnotique tout comme il existe des zones hysterogenes dont la pression declenche une attaque d’hysterie (cf. aussi les points de possession des exorcistes). Ces zones sont variables selon les individus mais certaines sont volontiers retrouvees: les points ovariens, les zones erogenes, les globes oculaires. L’etat hypnotique est decrit sur le modele de l’hysterie, avec un souci du detail quant aux signes neurologiques et objectifs. Il y a deux types d’etats hypnotiques: le grand et le petit.
Dans mon petit vocabulaire, on retrouve de nombreux signes decrits par Charcot. Mais l’essentiel des phenomenes observes a l’hospice de la Salpetriere ont tres vite fait l’objet d’une severe critique et malgre le renom de Charcot, peu apres sa mort, ils ont ete tres rapidement abandonnes. L’une des raisons de cet echec est sans doute son modele scientifique. Neurologue de formation, il a voulu faire de l’hypnose une maladie neurologique. Lui et ses disciples ont dresse un repertoire de signes cliniques impressionnant de precision sans jamais se poser la question de leur propre role dans la production des phenomenes observes.
Pour correctement decrire l’hypnose, il leur manquait un modele scientifique capable d’englober l’action de l’experimentateur. L’ecole de Nancy A la fin du XIXeme siecle, Ambroise-Auguste Liebault (1823-1904), medecin, et Hyppolyte Bernheim (1837-1919), Professeur de medecine, contemporain et rival de Charcot, rapprochent l’hypnose de la suggestibilite. Ils font entrer l’hypnose dans le champs de la psychologie. Aujourd’hui encore, elle exerce une influence decisive et pourtant cette meme ecole finira par se detourner de l’hypnose au profit d’une nouvelle technique baptisee psychotherapie
Si Bernheim abandonne l’hypnose c’est pour une seule raison: il n’y a pour lui aucun phenomene hypnotique qui ne puisse etre produit a l’etat de veille. L’etat hypnotique perdant toutes ses caracteristiques, il va progressivement etre relegue au rang des techniques illusoires et inutiles. La theorie de l’ecole de Nancy s’oppose point par point a celle de Charcot. L’etat hypnotique est analogue au sommeil naturel, c’est un etat physiologique. Il n’est pas propre aux hysteriques; tout le monde est hypnotisable a des degres variables.
Ce qui importe c’est l’ascendance sociale de l’hypnotiseur sur l’hypnotise. « L’hypnotisabilite est superieure chez les gens du peuple, les cerveaux dociles, les anciens militaires, les artisans, les sujets habitues a l’obeissance passive. De nombreuses pathologies mentales genent ou empechent l’hypnose. Le sommeil hypnotique est provoque par la suggestion et les signes cliniques decrits a La Salpetriere n’ont plus aucun interet. Ils sont tous suggeres par le therapeute. La naissance de la psychotherapie.
L’ecole de Nancy a pour but l’elaboration d’une psychologie experimentale basee sur l’hypnose. Elle se fixe la tache d’expliquer: « l’action du psychique sur l’organisme » et se propose de partir des faits observes, et seulement dans un second temps, d’en faire une synthese. Appliquee a la medecine, cette nouvelle psychologie experimentale est nommee psychotherapie, terme cree par Hack Tuke. , disciple anglais de Bernheim. L’experimentation se dirige dans deux directions principales. La premiere est polemique a l’egard de L’ecole de Charcot.
Bernheim provoque chez les hypnotises les phenomenes de la Salpetriere (paralysie, catalepsie, hallucinations, etc) en montrant que ce n’est pas un stimulus physique mais un stimulus psychologique qui provoque la reaction observable. La demonstration est sans appel tant les faits sont probants. La deuxieme direction est l’etude de la suggestion. Elle debouche sur la loi de l’ideo-dynamisme. La suggestibilite L’hypnose est la mise en sommeil de la volonte et des instances superieures du psychisme. Elle libere un automatisme psychologique ou ideodynamique .
La suggestibilite, favorisee par cet etat, s’explique par la propriete des idees a se transformer de maniere reflexe en acte ou sensation. Bernheim illustre ce mecanisme par de nombreux exemples, montrant comment une idee peut devenir une sensation (reflexe ideo-sensoriel ) , un mouvement (reflexe ideomoteur ) ou une emotion (reflexe ideo-sensitif ). Il explique ainsi l’effet du placebo ou l’idee de guerison produit celle-ci. De meme que l’idee du citron produit un afflux de salive, l’idee d’un bon repas provoque la faim, l’idee des vomitifs provoque un vomissement, etc.
Le therapeute utilise sa « creditivite » et la « suggestibilite » du patient pour permettre a « l’idee » d’avoir l’effet therapeutique escompte. Ce mecanisme psycho-physiologique de transformation de l’idee en acte est avant tout interne au sujet, et la nouvelle ecole de Nancy remplace le terme de suggestion par celui d’auto-suggestion . ( cf. methode Coue). Bernheim propose de simplifier la technique en vehiculant l’idee avec son support naturel: le langage. Technique L’idee transmise par Bernheim est avant tout celle du sommeil.
Pour etre correctement appliquee, la suggestion doit etre enoncee clairement, sans confusion possible, et doit etre repetee. « Le systeme a suivre est bien simple: on se pose avec autorite, on commande, on ne depense pas beaucoup de mot,… » Mais suivant les cas, Bernheim utilise aussi des suggestions douces ou des suggestions dites sur un ton d’autorite. Le deuxieme facteur important est la concentration du sujet: il doit etre interesse et mobilise par l’induction. Aussi, en debut d’induction, attire-t-on son attention sur le role curateur du sommeil. La mise en scene. Les procedes de la Salpetriere sont utilises deliberement.
Bernheim entretient dans son hopital une « atmosphere suggestive » , il fait attention a tout ce qui renforce son autorite, il utilise les phenomenes d’imitation, avec des malades deja formes devant les nouveaux. Une technique toujours d’actualite. Les regles d’utilisation de la suggestion sont toujours enseignees par les hypnotiseurs modernes. Par exemple, la methode d’induction decrite par Bernheim en 1884 est reproduite dans « l’hypnose » de Chertok , dans le chapitre des techniques d’induction. Elle resume bien la pratique de l’ecole de Nancy. « Regardez-moi bien et ne songez qu’a dormir.
Vous allez sentir une lourdeur dans les paupieres, une fatigue dans vos yeux; vos yeux clignotent, ils vont se mouiller; la vue devient confuse ; les yeux se ferment. Quelques sujets ferment les yeux et dorment immediatement. Chez d’autres, je repete, j’accentue davantage, j’ajoute le geste ; peu importe la nature du geste. Je place deux doigts de la main droite devant les yeux de la personne et je l’invite a les fixer, ou avec les deux mains je passe plusieurs fois de haut en bas devant ses yeux; ou bien encore je l’engage a fixer mes yeux et je tache en meme temps de concentrer toute son attention sur l’idee du sommeil.
Je dis: « vos paupieres se ferment, vous ne pouvez plus les ouvrir. Vous eprouvez une lourdeur dans les bras, dans les jambes; vous ne sentez plus rien, vos mains restent immobiles, vous ne voyez plus rien; le sommeil vient » DORMEZ. Souvent ce mot emporte la balance; les yeux se ferment; le malade dort. Les principaux elements des inductions modernes sont deja presents. Les suggestions sont construites en commencant par les plus faciles a obtenir pour aller aux plus complexes. Le therapeute tient compte de la reponse observee chez le sujet avant de proposer une autre suggestion qui s’appuie sur une reponse positive. Vos paupieres se ferment », accepte par le sujet, appuie la deuxieme suggestion « vous ne pouvez plus les ouvrir ». Partir d’une reponse obtenue, structure une sequence d’acceptation ou les suggestions qui suivent immediatement sont facilement acceptees. Certes, comparee aux methodes modernes, l’induction est directive et autoritaire mais cela doit etre replace dans le contexte socio-culturel de l’epoque ou le medecin occupe une position differente qui lui permet plus facilement cette directivite. L’echec de l’ecole de Nancy
Le concept de suggestion est au depart utilise pour montrer le role de l’hypnotiseur dans la production des phenomenes pretendus objectifs observes a la Salpetriere. C’est avant tout un concept qui caracterise la relation hypnotiseur hypnotise. Mais progressivement le champ d’application de la suggestion s’elargit au-dela des phenomenes hypnotiques. La suggestion existe sans hypnose. Elle devient de plus en plus un processus psychique, l’ideo-dynamisme , et de moins un moins un phenomene relationnel. Le concept de suggestion finit par etre tellement vaste qu’il ne designe plus rien de precis. Il perd sa specificite et devient inoperant.
Freud fait remarquer que la suggestion definie par Bernheim comme « acte par lequel une idee est introduite dans le cerveau et acceptee par lui » s’applique aussi a l’education par exemple. Elle devient un vague synonyme de l’activite psychique et elle n’explique plus rien devenant a son tour une enigme. Sigmund Freud et l’hypnose Generalites L’inventeur de la psychanalyse connait bien l’hypnose Son role dans ce domaine est loin d’etre negligeable. Il rencontre Charcot a la Pitie-Salpetriere puis, pour perfectionner sa technique, il rejoint Bernheim a Nancy. Entre 1886 et 1896, il publie 14 articles et textes sur l’hypnose.
Il va l’utiliser comme procede psychotherapeutique de 1887 a 1896. Puis, il abandonne la pratique de l’hypnose mais il continue, parallelement a sa reflexion sur la psychanalyse, a modifier sa conception du phenomene hypnotique. Sa technique Sa technique d’induction est classique pour l’epoque. Il pratique un braidisme (comparaison avec le sommeil, fixation visuelle), ameliore par les theories de la suggestion de Bernheim. Il remarque l’importance de la communication non-verbale de l’hypnotiseur, sa « mimique, sa voix et ses gestes », et la necessite d’observer attentivement les reactions du patient, son expression, sa respiration, ses yeux.
Il souligne l’importance de l’imitation et le role de l’entrainement des sujets. Exemple FREUD Il met en garde les debutants qui ont un schema trop rigide de l’hypnose, et donne des exemples pour montrer comment il faut accepter et reprendre les reactions du patient, meme si elles sont deroutantes. Ainsi quand le patient, apres la suggestion de sommeil, ouvre les yeux et: « Dit avec agacement: « Mais je ne dors pas du tout ». Le debutant donnerait maintenant l’hypnose pour perdue, mais celui qui a de la pratique ne perd pas sa contenance. Il replique sans etre fache le moins du monde, en lui fermant encore une fois les yeux: Restez calme, vous avez promis de ne rien dire. Je sais bien que vous ne dormez pas. D’ailleurs ce n’est pas du tout ce qu’on vous demande. A quoi cela rimerait-il que je me contente de vous endormir; mais vous ne me comprendriez pas quand je parle avec vous. Vous ne dormez pas, mais vous etes hypnotise ». Au debut de l’induction hypnotique, il suggere un endormissement au patient. Le patient s’irrite et fait remarquer qu’il ne dort pas du tout. Freud accepte ce comportement et il le verbalise: « vous ne dormez pas ». Il evite de se confronter directement a la resistance du patient.
Il va meme encourager cette resistance a l’endormissement par une technique de double-lien. Le double lien est un paradoxe de la communication qui place le sujet dans une situation ou il perd la possibilite de faire un choix. Sa structure apparait nettement ici. Freud accepte l’eveil du patient mais en plus, il lui demande de rester eveille: « Je sais bien que vous ne dormez pas, d’ailleurs ce n’est pas du tout ce que je vous demande ». Le sujet n’a plus que deux possibilites: soit il refuse de rester eveille, et donc il s’endort hypnotiquement, soit il accepte l’eveil.
Dans les deux cas, il suit le comportement suggere par Freud. Apres le double-lien, Freud glisse deux suggestions indirectes. Il suggere a nouveau le sommeil, « a quoi cela rimerait-il que je me contente de vous endormir », et il demande au sujet de se concentrer sur sa voix « vous ne comprendriez pas quand je parle ». Le sommeil et la focalisation sur la voix sont cette fois ci proposes indirectement pour contourner les resistances du patient. Freud n’utilise pas les termes de double-lien, « d’encouragement des resistances », « d’acceptation des comportements ».
Ces notions, developpees par la suite, font partie du bagage theorique de l’hypnose ericksonienne. Cet exemple malmene un peu l’opinion repandue que l’hypnose classique maniait avec rigidite et autorite les suggestions. L’hypnose moderne gagnerait en efficacite par sa permissivite et ses suggestions ouvertes et indirectes. Dans cet exemple, la technique de Freud peut etre qualifiee de « moderne ». Freud remarque deux faits cliniques confirmes apres lui. Tout d’abord, il est plus difficile d’hypnotiser les malades mentaux . Ensuite, l’efficacite therapeutique de l’hypnose n’est pas correlee avec la profondeur de la transe.
Son utilisation de l’hypnose en therapie Freud utilise l’hypnose pour la suggestibilite obtenue. A cette epoque, sa pratique therapeutique n’a aucune originalite. Il donne au patient en etat d’hypnose une suggestion visant a la disparition du symptome. Il utilise l’efficacite des suggestions post-hypnotiques mises en evidence par Bernheim. C’est la therapie suggestive. Par la suite, il modifiera sa methode au contact du Dr Breuer . Il utilisera la regression temporelle avec ses possibilites de rememoration de souvenirs oublies. C’est le traitement cathartique. Il prefere cette methode. Non seulement ce procede paraissait plus efficace que la simple injonction ou interdiction suggestives; il satisfait aussi le desir de savoir du medecin, qui avait tout de meme le droit d’apprendre quelque chose de l’origine du phenomene qu’il s’efforcait de supprimer par la monotone procedure suggestive ». La regression temporelle permet de retrouver l’origine des symptomes: Une scene traumatique oubliee. La reviviscence canalise alors le « quantum d’affect » utilise pour entretenir le symptome. La theorie psychanalytique doit ses principaux concepts a sa pratique.
Ce sont les suggestions post-hypnotiques qui demontrent a Freud l’existence de l’inconscient. La methode cathartique l’oriente sur l’importance des traumatismes passes dans la genese des nevroses. Il decouvre la dimension libidinale de la relation therapeutique lors de l’hypnotisation d’une de ses patientes qui se jette a son cou. A partir de cet incident, il commence le developpement de sa theorie du transfert, et il abandonne l’hypnose. C’est de sa pratique de l’hypnose qu’il retient la position couchee du patient sur un lit derriere lequel il reste assis. L’abandon de l’hypnose
Les raisons de l’abandon de cette technique sont nombreuses, complexes et objet de polemiques. Il faut rappeler qque Freud n’utilise que la suggestion post-hypnotique et la regression temporelle dans sa pratique therapeutique. Il va decouvrir la principale insuffisance de la methode cathartique: les malades peuvent mentir sous hypnose. Ce fait l’oblige a abandonner sa theorie de la seduction et des traumatismes sexuels precoces. L’hypnose n’est pas un instrument de verite fiable. Il decouvre egalement la dimension relative des phenomenes hypnotiques. Freud s’exprime ainsi: Une suggestion post-hypnotique est un produit de laboratoire, un fait artificiellement produit ». Ce qui freina aussi Freud fut que l’hypnose semble contourner les resistances du patient, alors que la psychanalyse les utilise (en s’ouvrant la possibilite de les interpreter, notamment). Egalement, les forces psychiques en presence dans les productions symptomatiques ne peuvent etre analysees : l’hypnose fonctionne « en aveugle » sur ce point. Or, la psychanalyse joue egalement sur ces donnees. Enfin, la suggestion notamment joue selon lui par le mecanisme de transfert.
Ces donnees transferentielles ne sont pas reconnues dans l’hypnose, alors qu’elles sont au centre du traitement analytique. Selon lui, l’hypnotiseur peut se retrouver piege dans ce jeu transferentiel. Ses theories Malgre cet abandon dans sa pratique clinique, Freud poursuit d’un point de vue theorique sa reflexion sur l’hypnose Hypnose et ideal du moi. L’ideal du moi est l’instance psychique qui represente l’interiorisation par le sujet des figures parentales. Le transfert sur l’hypnotiseur des fonctions devolues a l’ideal du moi explique les phenomenes hypnotiques.
L’hypnotiseur occupe la place des figures parentales, particulierement celle du pere, d’ou son ascendance et son autorite sur le sujet. L’ideal du moi est l’instance psychique chargee de considerer la realite d’une perception. Cette fonction explique la possibilite des hallucinations hypnotiques. Hypnose et sexualite. Le lien unissant l’hypnotiseur a l’hypnotise est de la meme nature que le lien amoureux. L’hypnose est selon Freud « un etat amoureux sans tendances sexuelles directes ». Freud a ecrit que la suggestion se fonde sur une notion libidinale, autrement dit sur quelque chose de l’ordre du transfert.
Le transfert, denominateur commun a l’efficacite recherchee dans toute prise en charge soignante? Hypnose et psychologie collective. La repression de la sexualite dans l’hypnose est identique a celle observee dans les groupes sociaux. Ainsi Freud peut-il dire: « L’hypnose represente une foule a deux ». Cette repression est possible grace a la toute puissance de l’hypnotiseur qui renvoie l’individu aux stades precoces de l’humanite ou les humains vivaient sous l’autorite absolue d’un chef. L’hypnose est possible car elle est la resurgence d’un etat ancien entre dans l’heritage phylogenetique des individus.
Hypnose et regression Les mecanismes de l’hypnose sont possibles grace a une modification du fonctionnement psychique du sujet. Le transfert hypnotique ramene l’hypnotise a un stade precoce de son developpement. L’hypnose et la psychanalyse apres Freud. Generalites Les psychanalystes qui utilisent l’hypnose sont une minorite. Par contre, les hypnotiseurs qui se referent a la theorie psychanalytique sont tres nombreux. Ce mouvement s’est surtout developpee aux Etats-Unis dans la mouvance de la psychologie du moi de Hartman et du courant empathiste issu en grande partie de la psychanalyse de Sandor Ferenzci.
En France, le developpement de l’hypnose en psychanalyse est tardif. On le doit essentiellement a Leon Chertok . L’empathie. L’empathie definit le mode de relation affective et cognitive qui s’etablit entre le patient et le therapeute. Elle designe ce mouvement par lequel le medecin tente de se mettre a la place du patient pour mieux comprendre et ressentir sa realite de malade. Le processus permet au medecin de laisser de cote sa conception de la realite pour se situer du point de vue du patient et entrer en quelque sorte dans sa realite interne.
La psychanalyse empathique ne cherche plus une verite sur l’origine des troubles, elle recherche une action, une efficacite. Le but de la therapie est formule en terme de reparation, de restauration, de reprise du developpement. En pratique, c’est un renversement de l’attitude psychanalytique. Le medecin doit s’impliquer dans sa relation avec le patient. Il ne craint plus d’influencer le malade, c’est au contraire le but recherche. C’est ce renversement qui explique le renouveau de l’hypnose dans certains milieux psychanalytiques. L’echec vis a vis de la phenomenologie hypnotique.
L’apport des theories psychanalytiques a l’hypnose rejoint celui de la psychologie experimentale. C’est avant tout un constat d’echec vis a vis de la phenomenologie hypnotique. En voici les principaux points resumes par le psychanalyste L. S. Kubie: – « Nous pouvons decrire les caracteres de l’induction hypnotique avec une precision approximative ». – – « Il n’est pas encore possible de decrire l’etat hypnotique ». – – « Nous ne savons pas encore de quelle maniere s’assurer qu’un individu est reellement hypnotise » – – « Nous ne savons pas ce que signifie la metaphore profondeur ( de l’etat hypnotique) » – « Devant une telle ambiguite sur la nature meme de la « suggestibilite », nous sommes obliges d’admettre qu’il est impossible, a l’heure actuelle, de definir la nature de l’etat hypnotique en fonction d’aucun de ses produits ou de ses sequelles, ou en fonction d’aucun des degres de « suggestibilite », surtout si apres une etude approfondie la suggestibilite s’avere etre largement illusoire, comme cela semble maintenant probable. » – KUBIE L. S. -(1972)- L’Illusion et la Realite dans l’Etude du sommeil, de l’Hypnose, de la Psychose et du Reveil . (Traduit par Kalmonovitch J. ). Revue de Medecine. Psychosomatique. 976, 18, (2) : 163-180. La regression La psychanalyse, comme la psychologie experimentale, abandonne son etude des phenomenes hypnotiques pour se diriger vers l’intra-psychique . L’hypnose doit trouver ses caracteristiques dans un certain fonctionnement mental. L’hypnose est une variete de transfert, elle est un mode relationnel qui correspond chez l’hypnotise a un certain etat psychique. C’est un etat modifie de conscience qui est une regression. Le sujet revit par l’intermediaire du transfert un mode de fonctionnement psychique archaique, infantile . Il met son « Moi » de cote au profit de celui de l’hypnotiseur.
Cela explique la suggestibilite. La limite de la suggestibilite est fixee par le moi du sujet qui accepte une suggestion dans la mesure ou elle lui est profitable. Ce fonctionnement psychique se caracterise par une organisation differente de la pensee qui se rapproche du fonctionnement inconscient. Ses principales caracteristiques sont la reduction de l’epreuve de realite, la reduction de la notion de la temporalite, une disparition de la logique, avec notamment l’absence de respect du principe de contradiction. L’hypnotiseur est en relation avec l’inconscient du sujet. Les consequences pratiques.
Les techniques d’induction vont surtout changer de style. L’hypnotiseur favorise la regression, il se comporte comme un pere ou une mere vis a vis de son enfant. Il est attentif, protecteur, observateur. Il felicite le sujet lorsqu’il progresse dans l’etat hypnotique. La relation hypnotique est elle-meme une gratification pour le sujet, elle doit lui permettre la realisation d’un desir (archaique). Ferenczi separe l’hypnose paternelle , plus autoritaire, basee sur la crainte, et l’hypnose maternelle plus rassurante et protectrice, basee sur l’amour. L’hypnotiseur ne cherche plus a produire les phenomenes classiques.
Il sollicite la « production inconsciente », l’imagerie mentale, l’imagination, la sensibilite, les associations d’idees. La technique favorise une ambiance rassurante, enrobante. La communication de l’hypnotiseur passe surtout par le non-verbal: le ton, les gestes. La communication verbale, plus evoluee, entrave le mouvement regressif. Pour decrire ce style, Chertok donne le procede de l’australien Meares. « Je parle tres peu . J’essaie, par mon attitude, de communiquer l’idee de detente et de calme. Je cherche a etablir un sentiment de communaute avec le patient.
L’idee de calme est communiquee en outre par des moyens phonetiques non verbaux, par d’occasionnels « hum » ou « ah ». Si le patient manifeste le moindre signe d’angoisse, je me met a debiter, sur un ton tranquille, une foule de propos sans liens qui n’appellent pas de reponse. Le patient est ensuite invite a oter ses vetements tout comme il l’avait fait lors de sa premiere visite et a se mettre sous la couverture. A ce stade, je quitte la piece en laissant le patient a lui-meme. Quand je reviens, quelques minutes apres, le patient est etendu sur le divan, en sous-vetements, la couverture tiree sur lui … etc. « . Meares in Chertok l. L’Hypnose. Theorie, Pratique et Technique . Payot, 2eme edition remaniee et augmentee, Paris,1989. Nous retrouvons ici la regression infantile favorisee par la position couchee sous une couverture, le peu de communication verbale, sans information reelle, la presence attentive et rassurante de l’hypnotiseur. L’hypnose experimentale Au XXeme siecle le comportementalisme avec sa methodologie scientifique s’interesse au phenomene hypnotique. Il tentera de le saisir grace a l’experimentation. Un echec relatif Inauguree par Hull en 1933, l’hypnose experimentale n’a pas reussi a proposer une theorie admise par tous les experimentateurs. L’hypnose ne fait meme pas encore l’objet d’une definition satisfaisante » L’hypnose experimentale apporte surtout des resultats « negatifs » ( elle nous apprend avant tout ce que n’est pas l’hypnose ). Neanmoins, ces resultats « negatifs » apportent d’importantes informations que nous allons resumer. L’absence de correlat physiologique Aucun signe physiologique mesurable ne permet de differencier les etats hypnotiques et non hypnotiques. Les modifications observees, comme la frequence cardiaque, la frequence respiratoire, les traces electro-encephalographiques, ne sont ni constantes ni specifiques de l’hypnose.
L’electroencephalogramme semble presenter en etat d’hypnose de legeres modifications liees aux suggestions, telle l’augmentation du rythme alpha si un sommeil profond est suggere. Par contre, aucun des signes electriques des phases de sommeil paradoxal ou des phases de sommeil profond n’est retrouve dans l’etat hypnotique. Les donnees de l’electrophysiologie moderne ne permettent plus l’assimilation de l’hypnose avec le sommeil, ou, comme dans les theories pavloviennes, l’assimilation avec un etat de demi-sommeil du a une inhibition partielle du cortex.
L’absence de correlat psychiatrique La recherche de criteres permettant de selectionner les sujets les plus hypnotisables n’a pas debouche sur des resultats probants. Les mesures faites avec les tests utilises en clinique (comme la MMPI) n’ont apporte aucune precision quant a la personnalite des sujets hypnotisables. De meme, aucune correlation n’est retrouvee avec le quotient intellectuel, le niveau d’education ou le sexe du sujet. En utilisant des echelles qui ne mesurent pas des traits de personnalites appartenant a la pathologie, on a isole certaines caracteristiques.
Les sujets sociables appreciant les activites de groupe avec une forte ascendance (habitude de parler en public, de diriger) auraient une susceptibilite hypnotique superieure. Ce resultat est sans doute biaise par le protocole experimental, ou l’hypnotiseur ne prend pas toutes les mesures de reassurance utilisees en clinique et ou les sujets les plus surs d’eux peuvent s’abandonner le plus facilement aux suggestions hypnotiques. Ces resultats sont interessants: « si l’on se refere aux prejuges qui font generalement decrire et envisager le sujet hypnotisable comme dote d’une personnalite plutot faible et plutot soumise. «
La confirmation des phenomenes hypnotiques Toute la gamme des phenomenes hypnotiques classiques a ete reproduite experimentalement. Certains phenomenes qualifies de psychosomatiques sont sans doute parmi les plus surprenants. Signalons l’experience celebre de Leon Chertok, realisee en 1976. Il verifie la possibilite de creer une lesion de brulure cutanee en appliquant sur la peau du sujet hypnotise une piece de monnaie normale en formulant la suggestion suivante : »Cette piece est brulante » (ce qui, bien entendu, n’est pas le cas). Une demi-heure apres l’experience, les manifestations tangibles d’une brulure au premier degre apparaissent.
Aussi surprenant soient-ils, les resultats n’apportent pas de precision sur la nature du phenomene hypnotique. Les faits de l’hypnose classique sont reconnus, leur interpretation pose toujours question. Un phenomene a priori simple comme l’anesthesie est en fait sous-tendu par des processus psychologiques complexes. Les sujets hypnotises percoivent la douleur mais ils n’en n’ont pas conscience. Hilgard a demontre ce fait en demandant aux sujets de laisser leur main coter la douleur par ecrit (ecriture automatique) sans pour autant la ressentir.
Alors que verbalement les sujets hypnotises temoignent d’une analgesie, l’ecriture automatique donne une evaluation correcte du stimulus nociceptif. Apres l’hypnose, il n’y a pas de sensation douloureuse evoquee. Cette « douleur cachee » peut etre rememoree lors d’une hypnotisation ulterieure, l’evaluation donne des resultats comparables a ceux obtenus par ecriture automatique. Hilgard conclut qu’une partie du psychisme a correctement percu la douleur. Un mecanisme compare a celui de l’amnesie permet au sujet de ne pas en avoir conscience.
L’hypnose agirait par un mecanisme de dissociation du psychisme , en laissant inconsciente l’information nociceptive. Hilgard fait l’hypothese « d’un observateur cache » (hidden observer) qui percoit la douleur et peut l’evaluer correctement. Milton H. Erickson Milton Erickson insiste sur l’importance de l’experimentation en hypnose, mais il rappelle que les individus sont si differents les uns des autres que les techniques standardisees ne peuvent jamais rendre justice au sujet. Les chiffres d’hypnotisabilite de la population generale sont tres variables et tournent generalement aux alentours de 60 a 80%.
L’approche exploratrice des processus mentaux doit etre individualisee en tenant compte des differences individuelles et des cadres de reference propres au sujet. Erickson rappelle aussi que de nombreuses personnes ont besoin de temps et d’entrainement pour fonctionner d’une maniere hypnotique. Dernier point important rappele par Erickson: l’experimentation ne doit pas oublier que l’hypnose a une dimension relationnelle (interpersonnelle) Le facteur relationnel La recherche experimentale a surtout essaye de supprimer le facteur relationnel.
Elle tente d’etudier le phenomene en supprimant toutes les influences provoquees par le contexte et surtout par l’experimentateur. « La demarche experimentale suppose un phenomene purifiable, que l’experimentateur peut definir objectivement. Les experimentateurs ont par definition une crainte, celle de confondre le fait et l’artefact, celle de produire, par leurs operations, le phenomene que ces operations devaient permettre d’isoler et d’etudier objectivement. » L’hypnose se prete mal a ces imperatifs. La relation hypnotiseur-hypnotise n’est pas un biais a faire isparaitre, elle est une dimension importante du phenomene etudie. Meme si toute la gamme des reponses hypnotiques apparait n’etre qu’une construction realisee par l’hypnotiseur et l’hypnotise, ces faits, certes non isolables du contexte hypnotique, n’en sont pas moins reels. « L’hypnose etablit une relation alors que l’experimentation exige, pour permettre un jugement, la separation ». L’evolution de la querelle des etatistes et des non-etatistes L’abandon de la phenomenologie classique Progressivement, la polemique entre etatistes et non-etatistes a evolue. Elle est devenue moins incisive.
La recherche initiale etait influencee par les theories behavioristes . La querelle portait alors sur l’existence d’un comportement hypnotique specifique. Cette premiere etape a confirme l’essentiel des theses non-etatistes. Hormis quelques subtilites peu quantifiables par ces methodes, il ne reste pas grand chose de la phenomenologie hypnotique. Tous les signes que nous avons decrits dans la transe classique peuvent etre provoques sans hypnose, avec des suggestions plus ou moins directes, realisees dans des protocoles placant les sujets dans une situation particuliere.
Les comportements hypnotiques sont pour l’essentiel une reponse adaptee a une situation. Ils peuvent etre compris en terme d’apprentissage. L’etude comportementale devient insuffisante pour definir la specificite hypnotique. Le comportementalisme ne represente plus un modele suffisant pour etudier l’hypnose. Il a ete remplace par le cognitivisme . Cette fois-ci la querelle porte sur la specificite des strategies cognitives utilisees par les hypnotises. La recherche s’est en quelque sorte deplacee vers l’intra-psychique des sujets.
C’est le meme mouvement qui est observe a la meme epoque avec les approches psychanalytiques de l’hypnose. Les theses anti-etatistes recentes, representees par Spanos , ne reduisent plus l’hypnose a une simple suggestion. Elles tiennent compte des modifications des procedures de communication mises en place dans la situation hypnotique, et de la maniere dont le psychisme du sujet s’y adapte en utilisant un « fonctionnement » particulier. Actuellement, l’hypnose se definit surtout comme « la mise en jeu d’une activite mentale ». Jean Godin defini ainsi l’hypnose: L’hypnose est un mode de fonctionnement psychologique1 dans lequel un sujet, grace a l’intervention d’une autre personne, parvient a faire abstraction de la realite environnante tout en restant en relation avec l’accompagnateur. » L’oeuf et la poule La question de la specificite de l’activite mentale hypnotique perd considerablement de son interet. Elle rejoint la question de la primaute de l’? uf et de la poule. Les deux camps disent la meme chose mais le formulent differemment. Pour les non-etatistes, ce fonctionnement mental existe dans des situations non-hypnotiques, il n’est donc pas specifique.
Pour les etatistes, si la situation met en jeu ce fonctionnement mental, il s’agit de fait d’un etat hypnotique. Les etatistes estiment que l’etat hypnotique est frequent, qu’il se produit dans de tres nombreuses situations comme les etats de reverie eveillee, les exercices de relaxation, l’absorption devant un film cinematographique ou il est fait abstraction de la realite environnante, etc. C’est la transe commune , nous y entrons plusieurs fois par jour. Formulee en termes ericksoniens, elle est un mode de fonctionnement psychique adapte.
Le sujet va developper des capacites lui permettant de reagir d’une maniere adaptee. Pour les non-etatistes, les procedures cognitives mises en jeu dans l’hypnose sont frequentes en dehors de l’hypnose. Il n’y a pas de manifestation hypnotique specifique, et donc pas d’etat hypnotique. Voici une description de la situation hypnotique donnee par Milton Erickson : « la transe hypnotique est quelque chose qui se deroule dans le patient. Il s’agit d’un processus de comportement dans lequel les patients modifient leurs relations avec l’environnement; ils modifient leurs relations avec vous et avec tout ce qui se deroule.
La patient assis dans un fauteuil de dentiste modifie sa relation avec la realite exterieure- avec la fenetre, le fauteuil et les meubles- Tous ces elements perdent tellement de leur importance. Il n’y a qu’une chose importante pour ce patient dans ce fauteuil, c’est sa bouche. [… ] Le patient ne sent pas les choses non pertinentes pour la situation immediate, mais il peut experimenter tres intensement une bouche seche. » Dans cette situation, un etatiste reconnaitra un etat hypnotique, avec le detachement de l’environnement, le mono-ideisme, alors qu’un non-etatiste y reconnaitra une situation non-hypnotique mettant en jeu les ecanismes psychiques retrouves aussi dans l’hypnose. Pour le premier c’est un argument montrant la banalite de l’etat hypnotique, pour le second c’est un argument montrant son absence de specificite et donc son inexistence. Consequences pratiques La situation actuelle de l’hypnose est analogue a celle de l’apres-Bernheim. Des concepts psychologiques plus complexes sont venus remplacer celui de suggestibilite. L’hypnose est utilisee pour les processus psychologiques qu’elle permet de mettre en ? uvre. Ces processus, specifiques ou non, sont frequemment utilises par le sujet dans sa vie quotidienne.
L’induction hypnotique devient tres courte et rapide; elle ne cherche plus a obtenir les phenomenes classiques et se contente de provoquer l’apparition d’un certain « etat d’esprit ». A cote de l’hypnose formelle, utilisant une procedure d’induction classique, se developpe une hypnose dite « informelle, » « conversationnelle » . Le but n’est plus l’apparition de phenomenes classiques, mais uniquement d’amener le sujet dans un etat de relaxation avec un detachement relatif vis a vis de l’environnement tout en se fixant sur la communication de l’operateur.
Dans cet etat, le sujet « fonctionne » differemment, plus spontanement, et il s’abandonne a son imagination et a sa fantaisie. A titre d’exemple, voici une induction « moderne » proposee par Jean Godin. « Maintenant je vais vous demander de vous installer CONFORTABLEMENT, car ce n’est que lorsqu’on est confortable que l’on peut entrer a l’interieur de soi-meme. Vous allez vous souvenir d’un moment AGREABLE ou vous etiez bien… alors… vous avez fait un voyage ou vous etiez BIEN… a ce moment la, alors… vous allez revivre une journee par exemple… Vous allez vous reveiller, voir ce que vous avez fait… oi, je n’ai pas besoin de savoir les details… bien retrouver atmosphere, retrouver peut-etre les odeurs de la campagne, bien retrouver les paysages, les bruits,…. etc. GODIN J. – La Nouvelle Hypnose; Vocabulaire, Principes et Methodes. Albin Michel, 1992. Pour le sujet il s’agit d’une rememoration qui lui permet de se detacher de son environnement immediat et de se laisser aller dans un etat de reverie. En quoi cela constitue-t-il une hypnose? La question reste entiere. En devenant des artefacts produits par les protocoles d’induction classiques, les phenomenes hypnotiques ont perdu leur statut epistemologique .
Ils ne signent plus l’apparition d’un etat hypnotique. Cela laisse un vide mal comble par les notions imprecises « de fonctionnement hypnotique, « fonctionnement inconscient ou hemispherique droit » ou de « processus psychique ». Il est aujourd’hui devenu difficile de separer l’hypnose de ce qui n’en n’est pas; les frontieres sont tres floues. Quelques consequences de la disparition des limites de l’hypnose Les etats modifies de la conscience L’etat hypnotique, defini comme un etat modifie de conscience avec certaines caracteristiques psychologiques, est la porte ouverte a tous les amalgames.
L’hypnose psychanalytique n’est sans doute pas le seul agent de cette derive mais elle y contribue pour une large part. Les etats modifies de la conscience regroupent avec l’hypnose, le reve, l’orgasme sexuel, les etats de mort imminente, la meditation, le yoga, les etats induits par les hallucinogenes, les etats mystiques, etc. cf LAPASSADE G. – Les Etats Modifies de Conscience . PUF, 1987. La disparition d’un reperage semiologique des etats hypnotiques permet tous les rapprochements « psychologiques ». L’experience interieure du sujet est devenue le seul critere valable.
Cette tendance syncretiste donnera naissance a la sophrologie, mais aussi a la psychanalyse bioenergetique de Reich . L’etat hypnoide Cette absence de limites observables claires a aussi des repercussions en medecine. Les pathologies mentales sont comprises comme des etats modifies de conscience. La psychose, la pathologie psychosomatique, les nevroses hysteriques et traumatiques, les personnalites multiples en sont les principales manifestations. Elles deviennent secondaires a des etats hypnotiques declenches par certaines circonstances.
La persistance du trouble s’explique par un mecanisme auto-hypnotique ou post-hypnotique. L’etat hypnoide, hypothese clinique vite abandonnee par Freud, est de nouveau d’actualite dans certains milieux psychanalytiques cf, WIDLOCHER D – Doit-on Oublier l’Etat Hypnoide? . Psychologie Medicale, 1987, 19, (2) : 243-245. Cet etat hypnoide est un etat de transe survenant le plus souvent apres un traumatisme. Il en resulterait une amnesie, et le symptome clinique residuel devient l’equivalent d’une suggestion post-hypnotique. Il est difficile de discuter de ces hypotheses etiopathogeniques et psychologiques.
Trop d’elements indispensables manquent comme une definition claire de l’hypnose. Nous pouvons tout de meme remarquer que cela fait resurgir tous les « vieux demons » de l’hypnose . Elle est de nouveau comparee avec les pathologies, comme a l’epoque de Charcot. Le surnaturel et le mysterieux du somnambulisme de Puysegur pointent de nouveau. L’hypnose et le sommeil sont de nouveau rassembles dans la categorie des etats modifies de conscience. L’archaisme des modernes Les representations culturelles de l’hypnose, meme archaiques, et ce malgre les resultats scientifiques, semblent toujours avoir une influence.
La « possession » de l’individu par une autre personnalite que la sienne est tres ancienne dans la phenomenologie hypnotique. Elle a ete particulierement etudiee au XIXeme s