Les transformations de « l’ecole moyenne » des annees 20 aux annees 60 Actuellement, de nombreux politiques et medias critiquent la structure de l’enseignement francais et remettent notamment en cause le concept du college unique. Ceux-ci relatent d’un «formatage absurde et universel» (Xavier Darcos, Ministre de l’Education Nationale, 2007) que constituerait l’enseignement pour tous au meme moment, ne prenant pas suffisamment en compte les differences de chacun.
Pourtant, pendant longtemps, l’ecole francaise a ete organisee en deux ordres d’enseignements cloisonnes: le Primaire (pour les classes populaires) et le Secondaire (pour les classes bourgeoises). Ainsi la population francaise scolaire etait divisee en fonction des classes sociales d’appartenance. Le XX eme siecle sera marque par le projet de rassembler au sein d’une meme ecole, les eleves des differentes categories sociales. Cette histoire sera abordee a travers plusieurs temps forts, de la redaction du manifeste des Compagnons de l’Universite Nouvelle en 1918 a la constitution du college unique en 1975.
Des la fin du XIX eme siecle, l’organisation en deux ordres est remise en cause. C’est en 1910 que Ferdinand Buisson depose un projet qui critique le fonctionnement de l’ecole, qui selon lui ne prend pas en compte « le talent, la capacite, l’aptitude au travail, le merite
Il faudra tout le prestige associe au monde des anciens combattants pour que les propos des Compagnons de l’Universite Nouvelle soient pleinement entendus. Dans la perspective de reconstruire le pays ravage par la guerre, ces Compagnons mettent en avant la necessite de repandre l’enseignement. Ils redigent un manifeste intitule « l’Universite Nouvelle » qui s’appuie sur les notions de «democratie» et «d’enseignement democratique». Leur projet fait apparaitre egalement la notion de selection, notion fondamental liee a l’ecole unique. L’ecole unique resout simultanement deux questions: elle est l’enseignement democratique et elle est la selection par le merite» (l’Universite Nouvelle, I, p. 26). Il s’agit la de renover le systeme scolaire tout entier en creant une nouvelle ecole primaire, en reculant l’age limite de la scolarite ainsi qu’en renouvelant un enseignement du second degre. Telles seraient les consequences du projet ambitieux qu’ont imagine les compagnons. De 1920 a 1936, de nombreux gouvernements se sont succedes. Au lendemain de la 1ere guerre mondiale, le bloc national arrive au pouvoir.
Ce gouvernement de droite et du centre qui beneficie du soutien des radicaux va rester en place jusqu’en mai 1924. Cependant, aucune reforme concernant l’enseignement n’aura lieu durant cette periode. En effet, ce n’est qu’a partir de l’arrivee au pouvoir du Cartel des gauches, preside par Edouard Herriot, en 1924 que vont apparaitre les premieres reformes. Tout d’abord, grace au decret de 1925, les instituteurs issus du primaire pourront dorenavant enseigner dans les petits lycees. Aussi, a partir de 1926, les programmes des deux ordres vont etre unifies.
Cependant, de nombreux problemes financiers ( effondrement du franc ) vont finalement conduire Herriot a demissionner en juillet 1926 et mettre ainsi fin a l’experience du Cartel des gauches. Raymond Poincare, homme de droite, revient au pouvoir en juillet 1926 et reunit autour de lui un gouvernement d’Union Nationale. C’est dans cette perspective qu’il fait appel a des radicaux, dont Herriot, auquel il confie le ministere de l’Instruction publique. Dans un contexte financier difficile, Poincare recherche un redressement economique et une stabilite des finances.
Cela va notamment passer par la rationalisation de l’administration. C’est dans ce contexte politique et economique, qu’est publie le decret du 1er octobre 1926 qui demande que dans les etablissements secondaires ou se trouve annexee une EPS ( et inversement ), certains cours soient donnes en commun afin de faire des economies. Herriot met en place cette reforme en defendant ses trois objectifs : objectif economique, de defense des colleges et de contribution a la mise en ? uvre de l’ecole unique.
De nombreux gouvernements vont se relayes suite au depart de Poincare en 1929, mais aucun ne parvient a enrayer les difficultes de l’epoque ( chomage, inflation ). La crise economique des annees trente s’accompagne d’une crise politique dont l’aboutissement conduira a l’avenement du gouvernement du Front populaire en 1936. C’est dans le cadre de ce gouvernement que Jean Zay occupe, entre 1936 et 1939, les fonctions de ministre de l’Education nationale. Le ministre va notamment prolonger a 14 ans l’obligation scolaire en 1936.
Le debut de la seconde guerre-mondiale ainsi que le regime de Vichy va marquer la fin des conquetes progressistes anterieures. Cependant, ce regime a involontairement contribue a un rapprochement des differents ordres. En effet, Carcopino, alors ministre de Petain, a supprime les EPS en les transformant en «colleges modernes» car il a decrete que ceux-ci exercaient une concurrence deloyale a l’enseignement secondaire. L’immediat apres guerre est marque par un temps fort dans le monde scolaire : la redaction du plan Langevin-Wallon.
De 1944 a 1947, une commission dirigee par Langevin puis par Wallon prone une democratisation de l’enseignement en etablissant une reorganisation du systeme scolaire. Ce systeme serait bati de deux degres : le premier compose de trois cycles, gratuit et obligatoire pour tous les eleves jusqu’a 18ans; et le deuxieme reserve aux eleves les plus meritants. Ce plan demande donc une reorganisation generale de l’enseignement mais n’aboutira finalement pas. En effet, durant la 4eme Republique, de nombreux projets vont emerger, mais il n’y aura pas de reelles mises en ? vre, du fait de l’instabilite des gouvernements qui se sont succedes. Il faudra attendre l’avenement de la 5eme republique pour voir apparaitre de nouvelles reformes concernant l’enseignement. La premiere se fera sous l’egide de Berthoin en 1959, qui redessine les contours du systeme scolaire : limite de la scolarite repoussee a 16ans, transformation des cours complementaires en College d’Enseignement General (CEG), transformation des colleges techniques, ecoles nationales professionnelles et ecole professionnelle en lycees techniques ( integrant tout le cursus ).
Aussi, en 1963, d’autres transformations vont apparaitre grace a la reforme Capelle- Fouchet. Tout d’abord, celle-ci va deboucher sur la creation des Colleges d’Enseignement Secondaire (CES) destines a remplacer le premier cycle du lycee. Ensuite, il y aura une separation en trois voies bien distinctes : la filiere 1 ayant pour objectif de mener les eleves au lycee grace a un enseignant general, la filiere 2 de les mener au college technique et la filiere 3 de les inserer dans la vie active. Enfin, ces colleges sont mixtes des leur creation.
C’est en effet dans les annees 60 que va se generaliser la mixite a l’ecole. Toutes ces reformes et ces idees qui ont jalonne la periode de 1920 a 1960 vont finalement trouver leur aboutissement grace a la loi Haby de 1975 et la creation du college unique. En effet, la loi de juillet 1975 unifie les CES et les CEG et supprime ainsi les trois voies de formation caracterisant le CES jusqu’alors. L’architecture scolaire est donc devenue, distinctement et explicitement, une superposition de trois degres : l’ecole elementaire, le college et les lycees.