SFS Birmingham 2007 abstracts: Les poetes maudits La malediction litteraire : Notes sur la constitution du mythe Depuis une trentaine d’annees, plusieurs chercheurs se sont interesses au phenomene des poetes maudits.
Diana Festa-McCormick remarquait avec justesse en 1980 que, si les Poetes maudits publies par Verlaine en 1884 avaient eu un tel retentissement, si le concept de « poete maudit » « was able to claim so many past and present poets among the disciples of gloom and neglect1 », c’est moins en raison de la qualite des analyses proposees par Verlaine dans son ouvrage que parce que le phenomene de la malediction du poete avait connu, bien avant la publication des Poetes maudits, une large diffusion. L’essai de Verlaine avait ainsi consacre un mythe preexistant, deja fortement ancre dans l’imaginaire litteraire.
Cette stimulante perspective conduit a s’interroger sur les origines et les phases de la constitution de ce mythe de la malediction litteraire. Admettrons-nous, avec Festa-McCormick, que le mythe trouve son origine dans les articles que Baudelaire ecrivit sur Egdar Poe en 1852 dans La Revue de Paris? Suivrons-nous plutot Gwendolyne Diane Gwin2 et Ales Pohorsky3 qui voient en Vigny le veritable concepteur de la malediction litteraire, ou nous accorderons-nous avec Jean-Luc
On verra d’abord brievement les principales theses qui ont ete proposees sur le sujet par differents chercheurs depuis une trentaine d’annees, avant de presenter une nouvelle « histoire » de ce mythe. On s’interessera a la fois aux topiques historiques qui ont donne lieu a l’emergence du mythe en France vers 1770, ainsi qu’aux conditions de son emergence et de sa perpetuation au XIXe siecle. Pascal Brissette Universite McGill, Montreal « Jacques d’Adelsward-Fersen ou les multiples revanches d’un poete-Cain au debut du XXe siecle »
A l’issue d’un proces retentissant pour excitation de mineurs a la debauche en 1903 a Paris, l’ecrivain francais Jacques d’Adelsward-Fersen publie un recueil de poemes (L’Amour enseveli) puis un premier roman (Messes noires. Lord Lyllian) consacres a son experience carcerale et presentant une transposition litteraire de son affaire penale. L’auteur y revendique son statut de reprouve de la societe, se conformant ainsi au personnage brosse par ses contemporains.
Ce statut s’illustre dans un cortege d’avatars du « poete maudit » : il s’agit tout d’abord du « poete juge » par de multiples instances, puis « poete naufrage » a la suite du verdict. Du « poete exile » a Capri (« Puisque le monde le rejetait, il vivrait hors du monde. »), image christique en son nouveau Golgotha, le palais sur la mer, une variante des palais blancs de Sodome. Du « poete Albatros », dont les ailes ont ete brisees par le jugement et que la societe veut museler.
Du « poete reprouve », dont le statut social se definit par son homosexualite. Du « poete agenouille » dans la position du repentir puis de l’expiation (« Aujourd’hui, je me repens et je suis sauve »), mais c’est la lumiere qui est source de redemption et dispense le pardon. Et finalement du « poete Cain », renaissance deviante de la figure du patriarche antediluvien, le revolte, le protege, mais egalement le jaloux menacant qui maudit et persecute le poete homosexuel : « O Cain ! Quel demon te pousse a nous maudire ? »
Ecrase sous ces avatars, le poete manifeste neanmoins une volonte ascendante de revanche (« L’ame du reprouve jaillira du tombeau ») qui passe par le truchement des ancetres, les Adelsward, aigles s’opposant a l’albatros. La revanche passe egalement par le livre vengeur, la transposition litteraire de l’affaire d’Adelsward dans Messes noires. Lord Lyllian (1905), ou ecrire, c’est cracher les calomnies. Enfin, la vengeance sur Cain, « semblable que je hais », vengeance qui s’apparente au sacrifice du poete, qui partage le martyre de Cain pour guerir ses plaies. Mlle Patricia Marcoz
Mallarme, Manet, poete maudit / peintre damne : Un dialogue interdisciplinaire Mallarme rencontre Manet en 1873 dans le cercle de Nina de Callias. Commence alors une amitie et une collaboration qui durera jusqu’a la mort de Manet en 1883. Mallarme defend Manet dans ses ecrits sur l’art ; Manet soutient Mallarme quotidiennement et fait son portrait, dont la gravure illustre « les poetes maudits » de Verlaine. Mallarme se rappelle apres la mort de Manet l’intensite de cette relation dans une lettre a Verlaine: « J’ai vu mon cher Manet chaque jour pendant dix ans ; je trouve sont absence aujourd’hui incroyable ».
Nous nous proposons dans cette intervention d’etudier les portraits litteraires et picturaux que le poete et l’artiste ont fait l’un de l’autre ainsi que les projets sur lesquels ils ont collabores, tel que la traduction et l’illustration du « Corbeau » de Poe en 1875 et l’illustration de « L’apres-midi d’un faune » en 1876. Nous tenterons ainsi de nous engager dans l’exploration du dialogue interdisciplinaire entre le poete maudit et le peintre damne et de saisir comment et dans quelle mesure leurs travaux se repondent. Dr. Emilie Sitzia University of Canterbury, New Zealand