Les defis de la protection des civils pour les soldate de la paix

Les defis de la protection des civils pour les soldate de la paix

AFRIQUE: Les defis de la protection des civils pour les soldats de paix – Analyse Photo: Anthony Morland/IRIN Plus de 120 000 soldats de maintien de la paix sont actuellement engages dans 16 missions (photo d’archives) NAIROBI, 30 septembre 2010 (IRIN) – La protection des civils en situations de conflit est un defi majeur pour les Casques bleus du monde entier, mais que faudrait-il pour que les soldats de maintien de la paix deployes en Afrique remplissent mieux leur mission ?

Cette question est devenue encore plus pressante a la suite des viols massifs de plus de 300 civils commis par des rebelles armes pendant quatre jours fin juillet, debut aout 2010 dans des villages de l’est de la Republique democratique du Congo (RDC), situes pres d’une base des soldats de maintien de la paix des Nations Unies.

Ces Casques bleus, a rapporte le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme, « n’avaient suivi aucune formation specifique a la protection civile, et se trouvaient confrontes a un certain nombre de contraintes operationnelles : ils avaient notamment une capacite limitee a recueillir des informations, et ne disposaient pas d’un systeme de telecommunication dans la zone ». Selon Paul Williams, maitre de conferences

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a l’universite George Washington, « pour beaucoup de gens, la protection civile est l’essence meme du maintien de la paix.

Mais proteger les civils dans les zones de guerre en Afrique pose d’enormes defis ». Notamment, explique M. Williams dans Enhancing Civilian Protection in Peace Operations: Insights from Africa [Ameliorer la protection des civils dans le cadre des operations de maintien de la paix : Un apercu d’Afrique], la necessite de concevoir des systemes efficaces de collecte et d’analyse d’informations pour detecter les schemas d’atrocites, et l’elaboration de strategies et d’approches operationnelles axees sur la protection contre les violences physiques. Quoique difficile, la protection civile peut etre amelioree si les politiques des operations de maintien de la paix sont axees sur une conception de la protection a plusieurs niveaux, une analyse fine de la dynamique du conflit en question et une vision claire de la strategie orientant les activites de protection, et si les soldats de maintien de la paix disposent des ressources necessaires pour entreprendre des taches operationnelles et tactiques cruciales », note-t-il. Le defi le plus strategique a long terme consiste a determiner comment decourager efficacement les attaques contre les populations civiles. Des progres peuvent etre accomplis en reagissant avec fermete pour arreter et sanctionner les auteurs de telles atrocites ; en imposant des contraintes legales et normatives internationales plus strictes pour freiner les comportements hostiles aux civils, et en renforcant les forces de securite… e sorte qu’elles fassent respecter ces regles », peut-on lire dans ce document, publie par l’Africa Center for Strategic Studies (ACSS), sis a Washington. « Les couts humains des guerres africaines sont colossaux. Les civils sont les premieres victimes de ces conflits, et bien que la plupart d’entre eux succombent a la maladie et aux effets de la malnutrition, un grand nombre sont massacres ». « Depuis 1990, le programme de collecte de donnees sur les conflits mene par l’universite d’Uppsala a ainsi recense le massacre de plus de 570 000 civils dans 27 pays d’Afrique », indique M.

Williams. Davantage de Casques bleus Le nombre de soldats de maintien de la paix deployes a enregistre une augmentation sans precedent : 124 000 d’entre eux, originaires de 115 pays, sont actuellement engages dans 16 missions sur quatre continents, selon le Departement des operations de maintien de la paix (DPKO) des Nations Unies, ce qui represente plus de huit milliards de dollars de depenses annuelles.

Au fil des annees, ces missions, autrefois chargees d’assurer le suivi traditionnel des accords negocies entre belligerants, ont commence a assumer la responsabilite d’accompagner les processus electoraux, de renforcer les capacites des institutions publiques, de proteger les civils ou bien encore de s’engager concretement dans des combats. « La presence meme des soldats de maintien de la paix cree des attentes au sein des populations locales : celles-ci s’attendent a etre protegees si des violences eclatent », a dit l’organisation non gouvernementale (ONG) Refugees International (RI) dans un rapport publie en fevrier et intitule Last Line of

Defense: How Peacekeepers Can Better Protect Civilians [Derniere ligne de defense : Comment les soldats de maintien de la paix peuvent mieux proteger les civils]. Faits et chiffres sur le maintien de la paix Faits et chiffres sur le maintien de la paix 124 000 membres, engages dans 16 missions sur quatre continents 88 000 soldats, 13 000 policiers, 5 800 civils internationaux, 2 400 Volontaires des Nations Unies (VNU) Le contingent le plus important (deploye en RDC) compte environ 17 000 hommes Allegations d’exploitation et de sevices sexuels, commis par le personnel

Moins couteux que d’autres formes d’intervention internationale Premier contingent indien exclusivement feminin deploye au Liberia en 2007 Principaux fournisseurs d’effectifs : le Bangladesh, le Pakistan, l’Inde Principal bailleur de fonds : les Etats-Unis Source: DPKO « Si ces attentes ne sont pas satisfaites, la legitimite globale d’une mission peut etre remise en question et les soldats de maintien de la paix auront alors beaucoup de difficultes a atteindre d’autres objectifs de consolidation de la paix a long terme ».

En juillet 2009, au Soudan, une coalition de 22 ONG a averti qu’il fallait en faire davantage pour permettre aux soldats de maintien de la paix du Darfour d’assurer la protection des populations civiles. La mission des Nations Unies « a echoue dans de nombreuses situations critiques en raison d’un soutien qui se fait attendre de la part de la communaute internationale et des efforts d’obstruction continus du gouvernement soudanais », ont-elles declare dans un communique collectif. « Les helicopteres necessaires au transport n’ont toujours pas ete fournis, et le gouvernement soudanais continue d’entraver l’efficacite de la mission ».

D’autres missions se sont egalement heurtees a des difficultes. « L’exemple le plus extreme de la maniere dont l’incapacite a ravitailler une mission peut se repercuter [sur] la capacite de celle-ci a mener des activites de protection a sans doute ete observe au cours des premiers jours du genocide de 1994 au Rwanda, lorsqu’il est apparu clairement que la [Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda] MINUAR n’avait pas les moyens de se reapprovisionner, notamment en munitions et en medicaments », notent les auteurs du rapport de l’ACSS.

Dans certaines situations, les Casques bleus ont egalement opere aux cotes de forces gouvernementales accusees d’avoir participe aux atrocites. La Mission des Nations Unies en RDC (MONUC), qui aidait les forces du gouvernement congolais a vaincre differents groupes rebelles, a ainsi du faire face a des allegations selon lesquelles « les soldats du gouvernement se [seraient] regulierement rendus coupables de violences envers les civils ».

Certains de ses employes ont egalement ete accuses d’exploitation et de sevices sexuels. Une responsabilite partagee En juin 2010, l’Assemblee generale des Nations Unies s’est reunie pour aborder la question du maintien de la paix. « Si la paix est difficile a etablir a long terme, elle est plus probable en presence d’une mission de maintien de la paix », a estime Ban Ki-moon, Secretaire general des Nations Unies. Toutefois, a-t-il ajoute, un maintien de la paix reussi « est une responsabilite partagee ».

Lakhdar Brahimi, ancien conseiller special du Secretaire general des Nations Unies, a expose les differentes difficultes rencontrees dans ce domaine, des problemes systemiques au manque de donnees et de renseignement, en passant par les difficultes liees au recrutement et a la necessite d’assurer une participation plus generale des pays developpes. « Les Nations Unies ne peuvent pas etre partout et tout faire », a-t-il declare. Dans le passe, certaines missions ont echoue, a-t-il ajoute, car elles avaient ete depechees dans des situations qui n’etaient pas propices au maintien de la paix. Nous pensions a l’epoque, et j’ai encore la profonde conviction aujourd’hui, que quoi que [les Nations Unies] fassent, [elles] devraient le faire bien », a-t-il declare a l’Assemblee. « Si elles souhaitent proteger les civils d’une menace imminente, elles doivent le faire. Si elles n’en sont pas capables, elles devraient reflechir a deux fois avant de prendre de tels engagements ». Changement de contexte Aujourd’hui, les soldats de maintien de la paix assument toute une variete de taches complexes, notamment le renforcement des institutions de gouvernance, le suivi des droits humains, la reforme du secteur de la ecurite, et le desarmement, la demobilisation et la reinsertion des anciens combattants. « La nature des conflits a egalement change au fil des ans », note le DPKO. Si l’armee reste l’epine dorsale d’une majorite d’operations de maintien de la paix, elle a de nombreuses facettes : elle compte en effet des administrateurs et des economistes, des officiers de police et des experts juridiques, des demineurs et des observateurs electoraux, des specialistes du suivi des droits humains, des affaires civiles et de la gouvernance, des travailleurs humanitaires et des experts de la communication et des relations publiques.

Les missions de maintien de la paix des Nations Unies continuent d’evoluer sur les plans conceptuel et operationnel, mais le Departement est deborde face a l’augmentation de la demande en operations de maintien de la paix complexes, et ses capacites sont mises a rude epreuve. A en croire les critiques, cela aurait entraine certains problemes. S’il ne fait aucun doute que le souci de protection civile de la communaute internationale est de plus en plus enracine dans la rhetorique et le langage politique de haut niveau, les soldats et les civils deployes dans le cadre des missions de maintien de la paix ne savent pas exactement ce qu’implique leur mandat de protection civile », note Nicki Bennett, ancien conseiller d’Oxfam en politiques humanitaires mondiales. « Face a la necessite de conserver le consentement du gouvernement d’accueil, a un Secretariat des Nations

Unies reticent a prendre des risques et au desir general de certains Etats-membres des Nations Unies de se raccrocher au principe de « l’usage minimum de la force » (un des dogmes fondamentaux du maintien de la paix, avec les principes d’impartialite et de consentement), les missions ont evidemment eu des difficultes a definir la protection civile, a s’accorder sur le sens precis des restrictions imposees par les mandats et a traduire ces concepts en strategies d’ensemble et en actions concretes », a-t-il ecrit, en mars, dans le Humanitarian Exchange Magazine.

Photo: Anthony Morland/IRIN Certains soldats de maintien de la paix patrouillent a pied ou en vehicule dans les zones a risque pour decourager les attaques (photo d’archives) Manque de ressources RI cite l’exemple d’une attaque menee en mai 2008 a Abyei, au Soudan, qui a detruit la ville et provoque le deplacement de milliers d’habitants. « Les communautes locales et les acteurs humanitaires internationaux etaient indignes que la MINUS [Mission preparatoire des Nations Unies au Soudan] n’ait pas pu prevenir cette crise », note l’ONG. Pourtant, les Casques bleus ne pensaient pas disposer des ressources necessaires pour intervenir, et compte tenu des conditions du mandat, de nombreux membres de la mission ont nie qu’il etait de leur responsabilite d’assurer ce type de protection… les doctrines et l’entrainement militaires traditionnels ont ete concus essentiellement pour defendre des territoires, et non pour proteger des individus ». En outre, les soldats de maintien de la paix sont la cible d’attaques de plus en plus frequentes.

D’apres Human Rights Watch, la recrudescence des attaques deliberement ciblees contre les soldats de maintien de la paix et les organisations humanitaires au Soudan (le bilan des morts a atteint 27 en juillet) est un obstacle supplementaire aux operations. Dans le monde, selon les Nations Unies, plus de 700 soldats de maintien de la paix sont morts dans l’exercice de leurs fonctions ces cinq dernieres annees, et plus de 3 000 ont ete tues depuis la premiere operation, en 1948. En revanche, operer dans des circonstances difficiles a incite les soldats de maintien de la paix a chercher d’autres moyens de proteger les civils.

Certains patrouillent a pied et en vehicule dans les zones a risque pour decourager les attaques, selon l’ACSS. « Au Soudan et en RDC, pres de 35 000 civils ont ete massacres au cours d’episodes de violence unilaterale depuis 1990 », note le Centre. « Pourtant, bien qu’etant largement vues comme des echecs cuisants, les operations de maintien de la paix menees dans ces pays ont permis de concevoir des moyens des plus innovants d’ameliorer, a l’avenir, les politiques de protection ».

Quand bien meme, ajoute RI, une definition operationnelle uniforme de la notion de protection du point de vue du maintien de la paix doit etre etablie pour orienter leurs plans et leurs activites. Renforcer le droit humanitaire international La protection des populations civiles trouve son fondement juridique dans l’effort mondial deploye en vue de renforcer le droit humanitaire international (DHI) et les droits humains.

Par exemple, le DHI a cree un cadre normatif de protection civile qui interdit certaines armes et certains comportements, et prevoit egalement d’imposer des sanctions aux auteurs de crimes individuels ou de masse. Selon l’ACSS, les tribunaux internationaux et la Cour penale internationale (CPI), qui se sont efforces de soutenir ces principes, ont realise d’importantes avancees en compromettant l’impunite dont jouissent habituellement les auteurs de violations flagrantes du DHI et des droits humains.

La Resolution 1265 du Conseil de securite cite egalement les mesures possibles a adopter en « situations de conflit arme dans lesquelles des civils sont pris pour cible ou dans lesquelles l’acheminement de l’assistance humanitaire destinee aux civils est deliberement entrave ». Les Etats, est-il indique dans la Resolution, devraient ratifier les principaux traites relatifs aux droits humains et s’efforcer de mettre fin a l’impunite en engageant des poursuites a l’encontre des individus coupables de genocides, de crimes contre l’humanite et de violations graves du DHI.

Malgre les difficultes, le maintien de la paix reste un element essentiel de la resolution des conflits internationaux. Selon le DPKO, les Casques bleus ont contribue au desarmement de plus de 400 000 anciens combattants ces 10 dernieres annees, coutent bien moins que d’autres formes d’intervention internationale, et operent de plus en plus en collaboration avec d’autres organisations regionales et internationales, dont l’Union africaine et l’Union europeenne. Apres 10 ans d’augmentation considerable, il semble que les operations de maintien de la paix des Nations Unies pourraient desormais s’orienter vers une periode de consolidation, et peut-etre meme de compression », a declare Alain Le Roy, Secretaire general adjoint aux operations de maintien de la paix, a l’Assemblee generale, en juin. « Cela ne signifie pas que notre tache sera facile. Les difficultes auxquelles nous nous trouvons confrontes aujourd’hui sont colossales, a bien des egards ».

Le Departement, a-t-il ajoute, a defini un programme prioritaire pour renforcer l’efficacite des operations de maintien de la paix des Nations Unies : ce programme prevoit notamment l’elaboration d’une politique visant a proposer une orientation pratique quant aux roles critiques du maintien de la paix moderne, le developpement des capacites afin de conserver les aptitudes requises pour soutenir le maintien de la paix, aujourd’hui et a l’avenir, et enfin, le soutien des troupes, la planification et la supervision des activites sur le terrain. o/mw/nh/ail Theme (s): Democratie et gouvernance, Droits de l’homme, Paix et securite, [Cet article ne reflete pas necessairement les vues des Nations Unies] http://www. irinnews. org/fr/ReportFrench. aspx? ReportID=90640