Les contes de la becasse

Les contes de la becasse

SUJET : La vie est cruelle : tel est le message que Maupassant livre au lecteur dans le conte « Aux champs ». Discutez. Le Petit Larousse presente Guy de Maupassant comme un auteur de contes et de nouvelles realistes. Il s’est applique a decrire fidelement la societe de son epoque, aussi bien la classe des petitsbourgeois que la vie des paysans normands. C’est ce milieu campagnard que nous retrouvons dans « Aux champs », publie en 1883 dans Les contes de la becasse. Peut-on affirmer que, dans ce ecit, le message que livre Maupassant au lecteur est que la vie est cruelle ? Nous allons voir que ce que l’auteur cherche a transmettre, c’est bien plus la vraie misere des paysans, leur manque d’ouverture d’esprit et le fait qu’ils n’ont finalement que ce qu’ils meritent. Au debut de l’histoire, Maupassant evoque les conditions materielles dans lesquelles vivent les deux familles : les Tuvache et les Vallin. Leurs noms suggerent deja la misere : pas besoin d’expliquer le premier, et le deuxieme mele les idees de « vallee » et de « vilains »… C’est une vie difficile ue connaissent ces paysans qui « besogn[ent] dur sur la terre infeconde pour

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elever tous leurs petits ». (l. 2) Ces derniers ne semblent pas d’ailleurs posseder des personnalites bien distinctes : « Les deux meres distinguaient a peine leurs produits dans le tas ; et les deux peres confondaient tout a fait. » (l. 7-8) Meme le pere Tuvache ne semble pas posseder de prenom, sa femme se contentant de l’appeler « l’homme » (l. 89). L’important dans ce monde decrit avec realisme, c’est qu’on puisse s’alimenter : « Tout cela vivait peniblement de soupe, de pommes de erre et de grand air. » (l. 13) La nourriture est grossiere et les meres s’occupent de leurs petits comme on s’occupe de nourrir les animaux : « Le soir, les menageres reunissaient leurs mioches pour donner la patee, comme les gardeurs d’oies assemblent leurs betes. » (l. 14-15) Dans l’expression « La mere empatait elle-meme le petit » (l. 19-20), le Petit Larousse donne au verbe « empater » le sens d’« engraisser (une volaille) ». Tout cela est-il cruel ? Pas vraiment : pour l’auteur, c’est surtout realiste.

Deuxiemement, lorsque Mme d’Hubieres vient faire des propositions a la mere de Charlot, c’est le manque d’ouverture d’esprit que l’auteur fait surtout ressortir. A ce sujet, la question de M. d’Hubieres en dit assez long : « Avez-vous bien compris ? » (l. 61) La mere de Charlot ne considere aucunement l’interet de la proposition et se contente d’exprimer des reactions emotives : PREPARATION A L’EPREUVE DE FRANCAIS Exemples complets de dissertations PREPARATION A L’EPREUVE DE FRANCAIS MAUPASSANT : EXEMPLE DE DISSERTATION 2

LES EXERCICES DE FRANCAIS DU CCDMD www. ccdmd. qc. ca/fr Voulez-vous nous prend’e Charlot ? Ah ben non, pour sur. (l. 54) Vous voulez que j’vous vendions Charlot ? Ah ! mais non ; c’est pas des choses qu’on d’mande a une mere, ca ! (l. 63-64) C’est tout vu, c’est tout entendu, c’est tout reflechi… Allez-vous-en, et pi, que j’vous revoie point par ici. (l. 73-74) Quant au pere, aussi bien dire qu’il manifeste encore moins d’ouverture : « L’homme ne disait rien, grave et reflechi ; mais il approuvait sa femme d’un mouvement continu de la tete. (l. 65- 66) On dirait bien le pere quebecois du terroir ou de la Revolution tranquille. Moins instruit que sa femme, il la laisse decider. Encore ici, peut-on parler de cruaute ? Parlons plutot d’une incapacite a prendre une decision rationnelle. Ce qui devait arriver arriva. On constate assez vite que les Tuvache n’ont pas pris la bonne decision : « Les Tuvache, sur leur porte, les regardaient partir, muets, severes, regrettant peut-etre leur refus. » (l. 106-107) Cela n’empeche pas la mere Tuvache de se vanter du choix qu’elle a fait : J’sieus pas riche, mais vends pas m’s efants ». (l. 115-116) Elle avait meme « fini par se croire superieure a toute la contree parce qu’elle n’avait pas vendu Charlot. » (1. 118-120) Les deux familles ne connaissent plus le bon voisinage qui les unissait si completement avant l’evenement : « Les Vallin vivotaient a leur aise, grace a la pension. La fureur des Tuvache, restes miserables, venait de la. » (l. 124-125) Mais la plus terrible des consequences, c’est certainement la reaction de Charlot lorsque le fils des Vallin vient faire sa visite. Ce sont d’abord les reproches irects a ses parents : « Faut-i qu’vous soyez assez sots pour laisser prendre le p’tit aux Vallin ! » (l. 144), « C’est-i pas malheureux d’etre sacrifie comme ca ! » (l. 149), « J’aimerais mieux n’etre point ne que d’etre c’que j’suis. » (l. 159) Finalement, s’il y a quelque chose de cruel dans le recit de Maupassant, c’est la decision de partir dont Charlot fait part a ses parents, pendant que « les Vallin festoyaient avec l’enfant revenu » (l. 168). Au bout du compte, affirmer que le message de Maupassant est la cruaute de la vie n’est vrai qu’en partie.

Le depart du fils a la fin du recit a certainement ete une attitude cruelle a l’egard de ses parents, qui s’etaient fait un point d’honneur de ne pas le « vendre ». Mais ce que Maupassant a surtout voulu montrer dans sa recherche de realisme, c’est le milieu difficile ou les paysans de son histoire doivent survivre en se serrant les coudes. C’est l’esprit borne de ceux qui ne savent pas profiter d’une bonne occasion. Enfin, on a ce qu’on merite… telle est la lecon qu’on peut tirer du conte « Aux champs », un peu comme on en tire toujours une a la fin d’une fable de La Fontaine.