TD n°5 Expose: les conditions de la compensation Introduction Le Code civil definit la compensation de la maniere suivante «lorsque 2 personnes se trouvent debitrices l’un envers l’autre, il s’opere entre elles une compensation qui eteint les deux dettes…» (Article 1289). Puis il precise « la compensation s’opere de plein droit par la seule force de la loi, meme a l’insu des debiteurs ; les deux dettes s’eteignent reciproquement, a l’instant ou elles se trouvent exister a la fois, jusqu’a concurrence de leurs quotites respectives ». (Article 1290).
Il parait donc logique que lorsque le montant des deux dettes est le meme, les creanciers debiteurs sont entierement liberes. Quand l’une des deux dettes est superieure a l’autre, la compensation s’opere jusqu’a concurrence de la plus faible. Exemple : X doit 1000 euros a Y tandis que Y doit 700 euros a X. Ces deux creances s’eteignent reciproquement a concurrence de 700 euros. Il en resulte que Y est libere tandis que X ne devra plus que 300 euros. Il n’y aura donc de paiement de la part de X que pour le solde. Il en resulte que la compensation est une sorte de double paiement abrege.
En effet, celui qui compense paie de cette facon sa dette
Ces conditions n’ont un caractere imperatif que dans le cadre de la compensation legale. La plupart de ces conditions peuvent etre mises de cote si telle est la volonte des parties auquel cas on parle de compensation conventionnelle. L’une de ces conditions a savoir la liquidite est susceptible de naitre d’une decision du juge, on parle alors de compensation judiciaire. Dans le cadre de notre developpement, nous allons reprendre successivement la compensation legale, puis la compensation conventionnelle et enfin la compensation judiciaire. I. La compensation legale. A. La condition de reciprocite.
Selon l’article 1289 du Code civil, la compensation a lieu entre deux personnes respectivement debitrices « l’une envers l’autre ». Il s’ensuit donc que les dettes doivent etre personnelles a chacune des parties. Autrement dit, que le creancier de l’une des obligations soit debiteur lui meme de l’autre obligation et inversement. Exemple : dans l’exemple utilise precedemment, X etait bien a la fois debiteur de 1000 et creancier de 700. Civ 1ere 31 mars 1993. La victime qui exerce l’action directe contre l’assureur dont elle n’est pas le debiteur ne peut se voir opposer par celui ci la creance de prime qu’il avait contre l’assure).
Toutefois, cette exigence de reciprocite n’inclues pas l’exigence de connexite. L’article 1293 du Code civil alinea 1 dispose que « la compensation a lieu, quelles que soient les causes de l’une ou l’autre des dettes (…) ». L’une des dettes peut par exemple resulter d’un pret et l’autre d’une vente. (Cependant, cette regle n’a pas une portee absolue. Parfois la loi tient compte de la qualite des creances a compenser estimant qu’elles ne peuvent pas etre placees sur un pied d’egalite. Il est possible qu’une creance procedant d’une cause jugee plus « digne d’interet » permette au beneficiaire d’avoir le droit a un paiement veritable.
C’est le cas des hypotheses suivantes. – Dans le cas d’une creance de caractere insaisissable, l’article 1293 3° prevoit que la compensation est exclue dans le cas « d’une dette qui a pour cause des aliments declares insaisissable ». les aliments ayant un caractere vital, il ne saurait etre question de priver celui qui en est creancier d’une perception effective. De cette solution particuliere, un principe general a ete degage selon lequel la compensation ne joue pas quand l’une des creances est frappee d’insaisissabilite ( exemples : rente allouee a la suite d’un accident du travail, creance de salaire, prestation compensatoire…) Dans le cas d’une creance nee d’une spoliation, l’article 1293 1° prevoit que le creancier, bien qu’il soit debiteur par ailleurs peut exiger la restitution de la chose dont il a ete « injustement depouille ». – Dans le cas d’une creance de restitution d’un depot ou d’un pret a usage, l’article 1293 2° prevoit que le deposant ou le preteur qui a place sa confiance dans le depositaire ou l’emprunteur dispose d’une obligation de restitution. Il ne faut donc pas que cette partie, sous pretexte qu’elle est devenue creanciere a son tour soit en droit de se dispenser de rendre l’objet donne en depot ou en pret. Dans le cas d’une creance de fourniture faite par l’employeur au salarie l’article L144-1 du Code de travail defend d’opposer en compensation a l’ouvrier qui reclame le paiement de son salaire les sommes qu’il doit a son employeur pour les diverses fournitures. – Dans le cas d’une creance entre particuliers et personnes morales de droit public, L’Etat etant repute solvable et ses creances considerees comme insaisissables, aucune compensation ne peut etre invoque a son encontre par un particulier. B. la condition de fongibilite
D’apres l’article 1291 du Code civil, chacune des obligations doit avoir pour objet des choses fongibles entre elles c’est a dire susceptibles de se remplacer l’une par l’autre. En effet la compensation, consistant dans une soustraction automatique, elle implique des choses identiques de part et d’autre. Exemple : on ne concevrait pas qu’une compensation soit possible entre des sommes dues au titre d’un contrat de travail a une employee de maison et la valeur des objets empruntes (tapis, radiateur et lampe) par cette derniere a sa patronne. (Civ 1ere 10 juin 1987). De plus, il faut que les choses fongibles soient de la meme espece.
Exemple : on ne peut pas compenser du ble avec du vin. A defaut de choses de la meme espece, aucune des parties ne recevrait ce qui lui est due alors que la compensation doit placer chaque partenaire dans la situation ou il se serait trouve si les deux paiements (au sens general de l’execution de l’obligation) avaient eu lieu. Il s’impose donc que les objets soient de meme qualite. En general, la condition de fongibilite n’est realisee que dans les dettes de sommes d’argent car il est bien rare qu’en dehors de cela les obligations reciproques aient un objet interchangeable.
A la difference de la condition de reciprocite qui a ete etudiee precedemment et qui est l’essence de la compensation, la condition de fongibilite n’est pas absolument indispensable. En effet, la volonte des parties peut suppleer a son defaut. Cette hypothese sera etudiee dans le cadre de la compensation conventionnelle. C. la condition de liquidite L’article 1291 alinea 1 prevoit que les deux dettes doivent etre liquides c’est a dire determinees dans leur quotite. En d’autres termes, elles doivent etre chiffrees. En consequence, n’est pas admissible une dette dont le quantum ne peut etre fixee.
Par exemple, une creance de la victime d’un dommage qui n’a pas encore ete evalue. Faute de liquidite, le defendeur s’expose apres avoir paye sa dette a ne recevoir qu’une fraction de sa creance. e demander au charge de TD pourquoi si le debiteur n’a pas une dette chiffree il va quand meme payer une fraction de la dette au creancier. Les parties peuvent eliminer cet obstacle en arretant d’un commun accord le quantum de la dette jusqu’alors indetermine. Toutefois, cette compensation conventionnelle est suspendue a la bonne volonte du debiteur dont le quantum de la dette n’est pas encore fixe.
Faute d’accord, l’injustice subsiste et le seul moyen d’y echapper est de recourir au juge. D. la condition d’exigibilite E. la condition de disponibilite II. la compensation conventionnelle lorsque deux personnes sont reciproquement creanciere et debitrice, pour quelque cause que ce soit, sans que les conditions de la compensation legale soient remplies, le principe de la liberte des conventions postule qu’elles puissent decider de se liberer mutuellement, par compensation de leurs obligations.
On concoit aisement qu’un debiteur accepte d’executer un engagement avant terme ou que les parties ne s’accordent pour considerer comme equivalentes des prestations non liquides ou non fongibles, afin de beneficier d’une liberation reciproque. La condition de reciprocite est en revanche toujours requise. Exemple: Ainsi le creancier qui a transmis sa creance a une societe d’affacturage par voie de subrogation ne peut il plus conventionnellement obtenir une compensation entre cette creance et une dette envers le debiteur. Il ne pourrait en etre autrement que moyennant un accord triangulaire avec la troisieme personne concernee.
Cass. Com. 23 juin 1992 c’est un type de convention de compensation dont aucun texte ne prevoit la force obligatoire. Elle ne heurte aucune regle d’ordre public. Tout au plus peut elle apparait comme une forme privilegiee de paiement que rien n’interdit, l’egalite de traitement des creanciers n’ayant valeur de regle que dans des circonstances particulieres exemple: ainsi la compensation conventionnelle d’une dette non echue tombe t’elle certainement sous le coup de l’article L632-1 du code de commerce qui declare « nul tout paiement quel qu’en ai ete le mode ») d’une telle dette pendant la periode suspecte cass comm. novembre 1976 > en l’espece la compensation par inscription en compte etait anterieure a la cession de paiement. Cass. Com. 9 decembre 1977 > Dans le meme sens pour une clause de compensation convenue et ayant fonctionne des avant la periode suspecte. De meme une telle compensation convenue pendant la periode suspecte en fraude des droits des autres creanciers seraient nulle par application de l’article L 632-2. ne telle convention n’est pas sans analogie suivant les circonstances avec une dation en paiement reciproque ou avec une remis-e de dette mutuelle. A la difference de la compensation legale, la compensation conventionnelle n’est pas declarative mais constitutive d’une situation nouvelle. Elle ne peut produire effet qu’au jour de l’accord des volontes. Elle requiert contrairement a la compensation legale, la capacite et le pouvoir de disposer des droits ainsi volontairement eteints. III. la compensation judiciaire.
La compensation judiciaire est celle qui se produit en vertu d’une decision de justice quand un debiteur poursuivi en paiement, oppose une dette certaine a son creancier mais a laquelle manque une des conditions requises pour la compensation legale. La compensation judiciaire n’est pas prevue par le code civil mais admise implicitement par l’article 564 du nouveau code civil qui dispose : « les parties ne peuvent soumettre a la cour d’appel de nouvelles pretentions, si ce n’est pour opposer compensation ».
C’est une demande reconventionnelle que le debiteur forme devant le juge. Comme toute demande reconventionnelle, elle est subordonnee a la competence d’attribution du juge Le juge a bien entendu le pouvoir de trancher une contestation sur l’une des conditions necessaires pour que la compensation legale puisse s’effectuer, mais aussi il peut permettre de suppleer a la carence de l’une des conditions en ordonnant la compensation dans un cas ou elle est legalement exclue. Ainsi, en pratique, les tribunaux admettent la compensation des lors que deux dettes sont connexes.