LES BOUTS DE BOIS DE DIEU (1960) DE SEMBENE OUSMANE Les bouts de bois de Dieu est un roman de Sembene Ousmane, publie pour la 1° fois en 1960. Les bouts de bois de Dieu est une oeuvre autrement complexe, dense, profonde, poetique, une oeuvre plus travaillee dans presque tous ses details. L’histoire se base sur des faits authentiques. Nous sommes au tournant des annees 50 et les travailleurs africains de la compagnie ferroviaire Dakar-Niger sont en pleine revendication.
Ils exigent les memes avantages que leurs collegues francais: allocations familiales, retraite satisfaisante, salaire egal a travail egal. On leur signifie alors plus ou moins clairement que les droits de l’Homme ne sont pas les droits de l’Homme de couleur. Ils se cabrent et insistent. La direction de la regie persiste dans son refus. L’affrontement est inevitable: c’est la greve.
Le patronnat francais, de conivence avec l’administration coloniale, est determinee a briser cette greve, les premiers par necessite economique, et les seconds par principe. Ils utilisent d’abord la force, puis changent de strategie et optent pour des moyens plus retors: coupure d’eau dans la ville, suspension des salaires, c’est a dire coupure des vivres; avec leaders syndicalistes, ils alterneront la carotte (billets de banque)
Mais ceux qui s’appellent eux-memes « Banty mam yall » -Les bouts de bois de Dieu- plient sans rompre, a Bamako, a Thies, et a Dakar. Sembene Ousmane se propose donc de conter cette resistance qui tres vite devient epique, tragique. Il raconte les forces qui lentement s’epuisent, le moral qui hausse et qui baisse, le bloc qui menace de s’effriter devant l’epreuve; il raconte les mille petits drames occultes par le drame, le courage et la lachete, l’egoisme et la generosite, l’amour qui sans echo se transforme en haine.
Il montre l’homme qui douloureusement affame devient animal; la femme qui pietinne sa vertu pour nourrir ses enfants; il montre comment les valeurs cardinales de la societe deviennent impuissantes, inoperantes, et caduques lorsque le quotidien devient inhumainement difficile, et comment ces memes valeurs, paradoxalement, restent le refuge et le bouclier de cette meme societe devant l’adversite, devant le siege. Breve Bibliographie Militant, ecrivain et cineaste senegalais, Sembene Ousmane est mort hier a l’age de 83 ans.
Cet homme , » l’aine des anciens « , fut le premier grand cineaste du continent africain, mais c’est loin d’etre tout. Ne a Ziguinchor en Casamance en 1923, il a participe activement aux affrontements de la seconde guerre mondiale en tant que tirailleur senegalais, avant de se jeter a corps perdu dans la bataille de l’ecriture avec de nombreux classiques comme » La Noire de… » ou « Les Bouts de Bois de Dieu ». Cet ouvrage est particulierement significatif de ce qu’etait Sembene Ousmane, qui etait artiste, qui etait militant mais qui etait avant tout un combattant de la cause des desherites d’Afrique. c’est-a-dire de la cause des peuples, de la cause des classes populaires contre leurs exploiteurs noirs ou blancs. « Les bouts de bois de Dieu » raconte, de facon romancee, la greve du chemin de fer Dakar-Niger. Ce combat fut exemplaire pour tous les hommes, car il ne fut possible que grace a la solidarite traditionnelle, qui remplaca les caisses de greve inexistantes et grace a l’internationalisme de la CGT , le syndicat communiste francais, qui fut seul a le soutenir.
Son roman presque autobiographique » O pays mon beau peuple « , raconte l’histoire d’un Senegalais parti pour l’Europe, revient au pays natal affuble d’une femme blanche, ce qui est considere par les anciens et les parents – a cette epoque ou contradictions de la colonisation et ses blessures etaient encore vives , comme un outrage aux coutumes locales ; le temeraire finira assassine mais ses efforts pour se mettre au dessus des querelles raciales, pour se consacrer uniquement a des travaux utiles aux gens, finiront par laisser un souvenir inoubliable au sein de son peuple.
Sembene, militant de premiere heure du droit des Africains, avait su rejeter les tentations du populisme et du regionalisme. Issu d’une province aux velleites independantistes comme la Casamance , le doyen des ecrivains et cineastes africains est reste nationaliste unitaire malgre sa connaissance et sa comprehension des motivations des rebelles Il a tenu etroitement a son identite, mais parce que, pour chacun de nous, l’individualite rejoint l’universel.
Beaucoup de ses livres et maintes figures de ses films montrent aussi son attention pour le sort des femmes d’Afrique, fait d’autant plus remarquable qu’il etait issu d’un pays musulman. Une de ses nouvelles, qui raconte l’expulsion de son village d’une jeune fille devenue mere a la suite d’un viol incesteueux s’appelle « Vehy Ciosane », ce que l’on pourrait traduire par « Balche Genese », mais aussi par « Chastement engendre ». Il en etait de meme des films qu’il a realises, et pour lesquels il a transmis le message du dialogue des cultures , longtemps avant qu’il ne soit a la mode.
Faut-il le dire , son autheticite africaine, sa culture vraie, son souci profond des masses populaires deplut profondement au tres occidental Senghor, qui alla jusqu’a interdire son film « Ceddo », sous pretexte que le mot devait etre ecrit avec un seul « D ». Le sort des vrais militants populaires africains a toujours ete d’etre persecute d’abord par la bourgeoisie , heritiere des passe-droits coloniaux… L’Afrique et le monde pleurent celui qui a incarne plusieurs annees durant, le combat de l’egalite des hommes par l’entremise du septieme art et des lettres.