FICHE DE LECTURE « Sur la litterature du seizieme siecle » Introduction au Rire Populaire du Moyen Age Mikhail Bakhtine. 1) Presentez rapidement l’auteur et situez-le dans un courant critique Mikhail Bakhtine est un historien et theoricien russe ne en 1895 et mort en 1975 en URSS. Il suit des etudes de lettres a l’universite de Saint-Petersbourg puis devient professeur a Vitebsk. Il devient par la suite collaborateur de l’institut d’Histoire de l’Art a Leningrad et publie ses premieres etudes (Le Freudisme en 1927, La methode formelle en histoire litteraire en 1928 et Problemes de la poetique de Dostoievski en 1929).
Suite a l’arrivee de Staline au pouvoir, Bakhtine quitte Leningrad et est deporte au Kazakhstan. Il revient a Moscou et parvient a publier ses critiques litteraires sans attirer l’attention. Il devient directeur de la section de litterature russe et etrangere a l’universite de Saransk, pres de Moscou en 1961 et c’est alors que son ? uvre est mondialement decouverte. En 1965, il publie L’? uvre de Francais Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance. Il meurt en 1975 a Moscou.
Il a notamment critique le formalisme, a etudie le dialogisme et la polyphonie romanesque, a invente la notion de
La redecouverte de l’Antiquite, la revelation de la culture italienne, l’invention de l’imprimerie ont permis le culte du savoir, et la fin de la « periode obscure » que serait le Moyen Age. L’humanisme du debut du XVIeme est loin de l’austerite du savoir scolastique qu’il engendrera par la suite, mais se veut enthousiaste face au monde : Rabelais invite son lecteur a « rompre l’os et sucer la substantifique moelle ». L’Humanisme est alors marque par l’humilite, la compassion et l’humour.
Pourquoi la litterature de la Renaissance montre-t-il « un amour exuberant du jeu verbal depuis le XVeme siecle, jeu sans retenue, ou le langage est livre a la seule fantaisie de celui qui le manie » ? Malgre un rejet voire un degout du Moyen Age a la Renaissance, l’Humanisme a conserve beaucoup de traits de la culture populaire (et non officiel) moyenageuse. Tout d’abord, elle a conserve la culture du rire, ce rire qui ne se moque pas. C’est un rire qui appartient au monde, qui rassemble, qui n’individualise pas : un rire exclusivement humain d’apres Bakhtine, le rire carnavalesque.
Un rire a la fois simple et profond puisqu’il peut etre satirique ou bouffon. Ce rire est le fruit notamment d’un certain vocabulaire familier, franc qui abolit « les regles courantes de l’etiquette et de la decence » : un rire cocasse sans jugement negatif. Ce rire est commun au Moyen Age chez le peuple et, sous la Renaissance, chez Rabelais, Erasme dans « Eloge de la folie », ou chez Cervantes dans Don Quichotte. Ensuite, la litterature du XVIeme et la culture populaire moyenageuse ont en commun leur vision contestataire.
L’Humanisme denonce la religion trop attachee au ritualisme et desire une politique se partageant les pouvoirs et plus pacifique. On voit naitre au Moyen Age des « doubles parodiques » d’elements du culte religieux tels que des parodies des lectures evangeliques, des prieres, des litanies, des testaments « du cochon » ou « de l’ane », des liturgies « des buveurs », « des joueurs ». Le juron devient egalement un art pour les inities (les non officiels) jusqu’a devenir un signe de reconnaissance.
On parodie egalement le regime feodal, on inverse les pouvoirs dans le carnaval, on elit le « roi de la foire », on rit contre « toute superiorite ». Au XVIeme siecle, on raille la glorification dans les epopees et chansons de geste de la societe officiel du Moyen Age, le Roland furieux de L’Arioste reecrit la chanson de Roland sur un ton moqueur, les romans picaresques rendent derisoire les valeurs fondamentales du regime feodal que sont la foi et l’honneur en prenant comme heros un gueux.
Certes La tournure de la denonciation n’est pas la meme, a la renaissance il s’agit d’une volonte de transformation politique, au Moyen Age, de rire et de rassembler; mais la critique est bien presente. Enfin, tout comme l’humanisme, la culture populaire du Moyen Age est materialiste. L’humanisme developpera la medecine, les sciences : or dans la culture populaire, on parle avant tout « de la terre et du corps » d’ou la notion de realisme grotesque. Loin du negatif actuel du corps, a cette epoque, tout ce qui etait lie a la chair etait considere comme « propre a l’ensemble du peuple ».
Le realisme grotesque va permettre de transferer le spirituel, l’abstrait, l’ideal au corporel et au materiel, jusqu’a creer une communion avec la terre. « L’ideal est ici bas ». Le monde est alors vu comme un tout, une mort et une regeneration permanente. La terre etant a la fois la fin et le commencement. La culture populaire n’a ni peur du laid, ni de la mort : le laid est celebre puisqu’il est la marque la plus evidente de la vie, de l’humour ; la mort n’est que ce qui precede et suit la vie.
La vie est celebree par « le manger, le boire, les excrements, l’urine, le phallus » : les besoins primaires, indivisibles et universels. On peut conclure que la litterature du XVIeme siecle est certes marquee par le savoir issu de la redecouverte de la civilisation antique, la revelation de l’art italien, la propagation des idees facilitee grace a l’invention de l’imprimerie mais egalement par l’esprit de la culture populaire du Moyen Age par son rapport au rire, sa contestation face a tout pouvoir officiel, et son materialisme charnel.