LE PROCHE-ORIENT : ENTRE DESTRUCTION ET RECONSTRUCTION Introduction La guerre menee a Gaza par l’armee israelienne a partir du 27 decembre 2008 et la possibilite d’un terme a l’occupation americaine en Irak sont symptomatiques des evenements qui agitent le Proche-Orient depuis plus d’un demi-siecle. D’un cote, une lente mais persistante destruction de la Palestine ; de l’autre, la reconstruction d’un pays ravage par 30 annees de guerres. Le Proche-Orient est articule autour de ces deux termes opposes : destruction et reconstruction.
D’un cote, les ravages des guerres, les massacres fratricides et la decomposition de certains Etats ; de l’autre, de jeunes Etats qui emergent, des ressources petrolieres exceptionnelles et l’espoir d’une paix sans cesse renouvele. L’unite du Proche-Orient n’est qu’un mythe. Cet espace est avant tout une notion geographique. Les recompositions territoriales suscitees par les interets economiques des uns et les velleites hegemoniques des autres risquent a tout moment de se fissurer.
Dans l’optique de comprendre ces dynamiques, nous verrons dans une premiere partie les differents elements qui remettent en cause l’apparente unite de Proche-Orient. Une deuxieme partie s’attachera a etudier les nouveaux liens et les regroupements regionaux. Enfin, une troisieme partie mettra en evidence les nouvelles menaces pour le Proche-Orient. 1. La remise en cause de
Depuis les conquetes du XVIe siecle, l’ensemble du monde arabe est passe sous controle de l’Empire ottoman (carte 1). Dans la seconde moitie du XIXe siecle, des reformes administratives ont ete mises en ? uvre par les autorites musulmanes. Les decoupages territoriaux en petites unites administratives ont eu pour but de resserrer l’autorite ottomane sur la region du Proche-Orient. A la fin de la Premiere Guerre mondiale, l’Empire ottoman est demantele par le traite de Sevres. La Societe des Nations (S. D. N. accorde des mandats a la France et au Royaume-Uni pour administrer les anciennes provinces ottomanes. Entre 1920 et 1922, la France s’installe au Liban et en Syrie, tandis que le Royaume-Uni occupe la Palestine, la Transjordanie et l’Irak. Une clause speciale dans chacun des mandats souligne que les peuples pourront acceder rapidement a l’independance. En 1923, le traite de Lausanne permet a la Turquie de conserver l’Asie mineure, Istanbul et la Thrace orientale. La carte geopolitique du Proche-Orient contemporain se dessine progressivement.
Les independances surviennent a l’issue de la Seconde Guerre mondiale : Liban et Syrie (entre 1943 et 1946), Jordanie (1946), Israel (1948), Koweit (1961), Yemen du Sud (1967#), Oman (1970), Bahrein, Qatar et Emirats Arabes Unis (1971). Le plan de partage de la Palestine est approuve le 29 novembre 1947. Il prevoit la creation d’un Etat arabe, d’un Etat juif et la mise sous tutelle internationale de la ville de Jerusalem. 12. Les divergences politiques Les jeunes Etats-nations connaissent un certain nombre de difficultes. Les independances vont se confronter aux logiques communautaires traditionnelles.
En outre, dans le contexte de la Guerre froide, l’orientation politique de chaque Etat et le trace des frontieres ont souvent ete un motif de desaccord. La communaute religieuse constitue le groupe de reference essentiel, l’Oumma. Jusqu’au milieu du XXe siecle, chaque Oumma est gouvernee par une autorite specifique et soumise a une juridiction autonome. Cette conception est en contradiction avec la definition meme d’un Etat-nation qui ne reconnait de fait que des citoyens egaux en droit. La formation des Etats-nations a fait disparaitre les privileges des diverses communautes.
En prise avec des contestations communautaires, un certain nombre de ces jeunes Etats ont rencontre des difficultes pour exercer leur fonction d’autorite. En 1932, c’est par la force que Ibn Saoud unifie la peninsule arabique et en prend la tete. L’Arabie Saoudite devient un royaume musulman, avec l’arabe comme langue officielle, le Coran et la Sunna comme Constitution. Au Liban, ce n’est qu’apres la signature d’un « Pacte national » en 1943 qu’un consensus et un partage du pouvoir ont pu etre trouves entre les communautes (etude de cas).
Le trace des frontieres genere egalement de nombreux contentieux entre ces jeunes Etats-nations, d’autant plus que la region est riche en ressources petrolieres. Independant en 1932, l’Irak revendique le Koweit – ancienne province a qui Londres donna l’independance en 1961 – considere a la fois comme un debouche naturel de la Mesopotamie sur le golfe arabo-persique et comme un territoire riche en ressources petrolieres. D’autres exemples illustrent les vives tensions suscitees par les independances.
La Syrie revendique le Liban, cree par l’administration francaise et juge comme une province devant etre rattachee a la « Grande Syrie », objectif qu’elle poursuit encore aujourd’hui. Le cas palestinien est aussi symptomatique. Des la proclamation de l’Etat d’Israel, en 1948, les Etats arabes limitrophes attaquent Israel. Les armees arabes sont tres vite vaincues. Les Palestiniens sont depossedes de leur territoire : Israel occupe 77 % des terres, tandis que l’Egypte prend Gaza et que la Jordanie occupe la Cisjordanie (carte 2). Les orientations politiques et les choix geostrategiques des Etats sont a l’origine de certaines rivalites.
Il existe au Proche-Orient une grande variete de regimes politiques rivaux : monarchies religieuses (Arabie Saoudite, Qatar), monarchies parlementaires (Jordanie), republiques presidentielles autoritaires (Hosni Moubarak en Egypte, Bachar el-Assad en Syrie), republique islamique (Iran) ou democraties parlementaires (Turquie, Israel). De surcroit, pendant la Guerre froide, Washington soutenait Tel-Aviv alors que Moscou aidait plutot les regimes anti-israeliens et anti-americains, comme celui de Nasser, le leader charismatique egyptien, extremement populaire dans le monde arabe depuis l’affaire du canal de Suez en 1956.
Les choix politiques et les ambitions de chaque Etat ont largement contribue a brouiller les relations. 13. Les divergences religieuses L’ensemble composite du monde musulman occasionne des fractures. Deux principaux courants s’y affrontent : le sunnisme et le chiisme. A cela s’ajoute des antagonismes entre l’islam et les minorites religieuses : chretienne et juive. Ces rivalites theologiques s’inscrivent dans le paysage. La division entre sunnites et chiites est survenue des la mort du prophete Mahomet en 632 (annexe, document 1).
Les sunnites, majoritaires avec 70 % des musulmans du Proche-Orient (300 millions), s’opposent aux chiites (140 millions) sur la designation du chef religieux, successeur de Mahomet. A une opposition historique politico-familiale se superpose une fracture geographique nette. Les chiites sont regroupes autour du golfe arabo-persique et au nord d’une ligne nord-ouest/sud-est reliant Damas a Riyad. Les chiites sont majoritaires en Irak, en Iran, au Yemen, a Bahrein et dans les Emirats Arabes Unis (carte 3). La querelle entre sunnites et chiites peut etre a l’origine de tensions.
La guerre civile qui ravage actuellement l’Irak en est l’exemple le plus symptomatique. Sous la dictature imposee par Saddam Hussein (1979-2003), lui-meme de confession sunnite, toute la communaute chiite avait ete ecartee du pouvoir. Depuis la chute du regime, les chiites, majoritaires dans le pays, tentent par tous les moyens de prendre les renes du pouvoir. 90 % de la population du Proche-Orient est musulmane, a laquelle s’ajoutent les juifs et tous les chretiens (maronites, catholiques, orthodoxes, etc. ). Les minorites juives, autrefois importantes mais dispersees dans l’Orient arabe, sont regroupees en Israel.
De leur cote, les communautes chretiennes orientales sont multiples : catholiques (avec des rites romain, grec et armenien), protestantes ou encore maronites. La coexistence des monotheismes (judaisme, christianisme et islam) est souvent utilisee comme une explication des tensions entre les minorites (juive, chretienne) et la majorite musulmane. Cet argument trouve certaines limites. En aucun cas, il ne s’agit de guerres strictement religieuses. La religion est le plus souvent un pretexte utilise par les communautes pour revendiquer des prises de position politique opposees.
La guerre du Liban (1975-1989) a ete particulierement revelatrice des rivalites intercommunautaires (carte 4). Au debut des annees 1970, l’arrivee massive de refugies palestiniens dans le sud du Liban (400 000, soit 12 % de la population libanaise) a provoque un desequilibre dans les rapports de force intercommunautaires. Une grande partie de la population chiite desirait ardemment soutenir la cause palestinienne ; les sunnites et les chretiens maronites rejeterent, au contraire, l’idee d’un soutien aux Palestiniens. La guerre eclata en 1975.
Israel et la Syrie profiterent de cet effondrement pour envahir le pays en 1982, dans le but de pourchasser les combattants palestiniens pour les premiers et de mettre en place une emprise economique pour les seconds. Jerusalem est egalement un exemple parlant des tensions intercommunautaires : le plan de partage de l’ONU de 1947 prevoyait d’ailleurs son internationalisation afin d’eviter tout parti pris. Ville sainte pour les trois religions monotheistes, elle cristallise les tensions depuis sa prise de controle par les Israeliens en 1967 lors de la guerre des Six-Jours.
Chaque quartier de la vieille ville est symbolise par un monument : la basilique du Saint-Sepulcre pour le quartier chretien, la cathedrale Saint-Jacques pour le quartier armenien, le Mur des Lamentations pour le quartier juif et le Dome du Rocher pour le quartier musulman. Les Palestiniens refusent la mainmise d’Israel sur la vieille ville. En 2000, les emeutes de la seconde Intifada sont parties de l’esplanade de la mosquee al-Aqsa, a la suite d’une visite provocatrice d’Ariel Sharon. 2. Recompositions et hierarchisation des territoires Aucune puissance de premier plan n’emerge du Proche-Orient.
Pourtant, a l’interieur meme de cet espace geographique, des ensembles regionaux s’organisent autour de poles qui apparaissent a la fois comme des espaces economiques moteurs et des interlocuteurs incontournables dans la gestion des differents conflits. Ce sont la deux criteres essentiels pour comprendre la hierarchisation des territoires. Le Proche-Orient apparait plus que jamais comme un espace a plusieurs vitesses. 21. Les organisations supra-etatiques : echecs et reussites Les tentatives d’unite regionale ont souvent ete des echecs (annexe, document 2). Exceptes a l’O. P. E. P. les divers evenements qui bousculent le Proche-Orient sont souvent pretextes a des dissensions entre les membres des differentes organisations supra-etatiques. La Ligue arabe, fondee en 1945 et integrant 22 membres en 2008, a longtemps ete divisee, pendant la Guerre froide, entre les Etats pro-sovietiques et ceux plus proches de l’Occident. D’autres evenements ont ete l’objet de desaccords. En 1978, l’Egypte a ete evincee de la Ligue arabe, apres avoir signe et accepte la paix avec Israel. Le meme phenomene d’exclusion a failli se reproduire en 1991, lors de la guerre du Golfe.
De nombreux pays arabes se sont ranges du cote americain et de la coalition : l’Iran y voyait une revanche apres l’echec de la guerre Iran-Irak (1980-1988), les petromonarchies du Golfe alliees au Koweit craignaient l’Irak. En revanche, l’Egypte et la Jordanie reconnaissaient la validite des propositions de Saddam Hussein. Celui-ci etait pret a accepter la liberation du Koweit si Israel rendait les territoires occupes aux Palestiniens. L’Egypte et la Jordanie ont alors ete proches de l’exclusion. Certaines organisations regionales sont plus solides. Le Conseil de Cooperation du Golfe (C.
C. G. ), fonde en 1981 et qui compte aujourd’hui six Etats de la peninsule arabique, a jete les bases d’une plus grande cooperation economique entre les membres, en abaissant les tarifs douaniers et en reconnaissant la libre circulation des hommes entre les Etats membres. Le 1er janvier 2008, le marche commun du C. C. G. s’est officiellement ouvert. La mise en place d’une monnaie unique est prevue pour 2010. Pour sa part, l’Organisation des Pays Exportateurs de Petrole (O. P. E. P. ) est certainement la cooperation la plus stable depuis environ un demi siecle.
En 2007, les Etats membres possedaient plus de 75 % des reserves de petrole et fournissaient plus de 40 % de la production mondiale estimes, avec en moyenne 87 millions de barils par jour. Autre exemple de solidarite : en janvier 2009, la Ligue arabe et l’Organisation de la Conference Islamique (O. C. I. ) ont unanimement condamne l’intervention israelienne a Gaza. Ainsi, les organisations regionales sont diversement sensibles aux problemes qui touchent le Proche-Orient. 22. Les centres economiques et geopolitiques Seuls trois
Etats peuvent pretendre s’imposer dans la region du Proche-Orient : l’Iran, la Turquie et Israel. Certains auteurs parlent des « poids lourds » de la region. Il est evident que les ressources en petrole sont un des criteres fondamentaux de hierarchisation des Etats du Proche-Orient. Mais ce n’est pas un critere suffisant. L’Iran reclame la reconnaissance de son role de puissance depuis la chute de l’Irak. Le pays met en avant des atouts que l’on ne peut lui contester : une bonne position geostrategique, des ressources petrolieres non negligeables et des relations privilegiees avec les anciens pays satellites de l’ex-U.
R. S. S. Les interets primordiaux du pays se situent dans le golfe arabo-persique. La region concentre les principaux gisements petroliers du pays. Les revenus petroliers de l’Iran etaient estimes a 20,7 milliards de dollars en 2001. Ils ont ete evalues a 60 milliards de dollars en 2008. Les ambitions regionales de l’Iran reposent egalement sur sa capacite a bloquer le detroit d’Ormuz, route du petrole du golfe arabo-persique. En ce qui concerne les pays du rivage mediterraneen, l’Iran nourrit une haine constante contre Israel.
Le pays soutient ouvertement la Syrie, le Hezbollah et les Palestiniens (Hamas et « Djihad islamique ») dans leur lutte contre Israel (annexe, document 3). Enfin, par rapport aux anciens pays satellites de l’ex-U. R. S. S. , l’Iran met en avant ses atouts geostrategiques, c’est-a-dire des debouches maritimes pour ces espaces enclaves. Pour des raisons bien differentes, la Turquie occupe elle aussi une place de choix dans la geopolitique du Proche-Orient. Le pays est marque par la volonte d’egaler l’Occident sans pour autant suivre strictement son modele. Entre dans l’O. T. A. N. n fevrier 1952 et dans toutes les organisations internationales, l’Etat turc a de bonnes relations avec Israel (cooperation avec l’armee israelienne) et s’oppose tres souvent aux Etats arabes. Laique, la Turquie se projette vers l’Ouest, pour une integration eventuelle a l’Union europeenne. Israel est un electron libre dans la region du Proche-Orient. Puissance economique indeniable (carte 5) – son PIB/habitant (25 000 dollars) est bien superieur a la plupart des Etats de la region (annexe, document 4) alors que le pays ne possede pas de ressources petrolieres – elle est pourtant bien isolee dans le contexte geopolitique actuel.
Le pays est toujours sorti vainqueur des conflits dans lesquels il s’est engage contre les Palestiniens et les Etats arabes voisins. Depuis son intervention au Liban en 2006 et a Gaza en 2009, la communaute internationale a multiplie les critiques vis-a-vis de sa politique exterieure. D’un point de vue economique, Israel n’a developpe que tres peu d’echanges avec le Proche-Orient, hormis avec la Turquie et la Jordanie. Le pays est davantage tourne vers l’Europe ou les Etats-Unis, au point d’apparaitre comme une fenetre de l’Occident au Proche-Orient. 23.
Les espaces peripheriques emergents Longtemps marginalises, plusieurs espaces arrivent aujourd’hui, a differents degres, a s’inserer a la fois dans l’economie mondiale et dans la diplomatie regionale. Les petromonarchies du Golfe forment un ensemble solidaire, plutot bien integrees dans la region et a l’echelle internationale. En effet, l’Arabie Saoudite, Les Emirats Arabes Unis, le Koweit, Oman, le Qatar et Bahrein controlent 70 % des reserves petrolieres du Proche-Orient. Ces pays pesent de plus en plus dans les decisions diplomatiques de la region.
Le Qatar, deja auteur d’un succes diplomatique, avec l’accord de Doha en mai 2008 – par lequel les differentes parties libanaises se sont accordees pour designer leur president de la Republique, le general Michel Sleimane (etude de cas) –, a reitere, en janvier 2009, en s’investissant dans la resolution du conflit israelo-palestinien. Pour le reste, la plupart des Etats de la region presentent encore des difficultes a s’integrer dans l’economie mondiale, voire dans la region. C’est notamment le cas de la Jordanie, de la Syrie et du Liban. La Jordanie est prise en etau dans les conflits de la region sans aucun moyen d’en rechapper.
Le pays est tres affaibli depuis la defaite de la guerre des Six-Jours en 1967 (perte de Jerusalem Est et de la Cisjordanie ; carte 2). En revanche, la Syrie a accompli un certain nombre de concessions depuis le milieu des annees 1990. Apres s’etre ouvert au tourisme, le pays a renonce a toute forme de confrontation avec la Turquie, a retire ses troupes qui occupaient le Liban depuis 1976 et a renoue le dialogue avec Israel en echange du Golan. La Syrie sort progressivement de son isolement, aidee notamment par la France qui a accueilli le president syrien, Bachar al-Assad, le 14 juillet 2008.
Mais le soutien officieux au Hezbollah et la tentative d’acquisition de l’arme nucleaire en 2007 restent des handicaps a son retour dans le concert des nations. 3. Les risques d’une nouvelle fragmentation La situation actuelle au Proche-Orient parait bien fragile. L’islamisme tout autant que les ressources et les ingerences des grandes puissances mondiales representent un risque fort de degradation. 31. Le radicalisme religieux : l’islamisme L’islamisme est une lecture politique de l’islam. C’est un cri lance contre l’occidentalisation des m? urs, le refus de la mixite et de la laicisation des regimes politiques.
L’islamisme est associe au Djihad#. Les mouvements terroristes prosperent dans les Etats les plus conservateurs (instauration de la charia) ou les Etats les plus pauvres. Depuis les annees 1970, certains Etats reintroduisent les principes de la charia dans l’appareil legislatif et judiciaire. C’est le choix de l’Iran. En 1979, des islamistes chiites iraniens, diriges par l’ayatollah Khomeiny (1902-1989), conquierent le pouvoir (annexe, document 8). L’Iran fait sa revolution. Khomeiny affirme que seuls les religieux sont competents pour mettre en ? uvre une republique dans laquelle les lois divines doivent dominer les activites humaines.
Il finance parallelement les groupes terroristes du Hezbollah et du « Djihad islamique ». Les islamistes peuvent egalement acceder legalement au gouvernement, comme en Turquie, avec le parti du Refah de Necmettin Erbakan, premier ministre de 1996 a 1997, ou l’A. K. P. (Parti de la justice et du developpement) de Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis novembre 2002. L’islamisme et le discours djihadistes ont incontestablement progresse au Proche-Orient. Les evenements en Irak, au printemps 2008, dans le Sud du pays et a Sadr City, montrent bien la fragilite des avancees sur le plan securitaire.
La mouvance al Qaida y mene de facon recurrente des attaques contre les populations civiles. Parmi les djihadistes, les Saoudiens, les Syriens, les Palestiniens et les Algeriens fournissent les contingents les plus nombreux. L’appel au djihad en Irak (carte 6) se repand rapidement via Internet, par l’intermediaire de forums et de blogs djihadistes. L’islamisme est souvent l’ecueil de la pauvrete. Les Palestiniens vivent une veritable situation d’enfermement. La situation economique des Territoires palestiniens s’est considerablement degradee.
En 2008, d’apres la Banque mondiale, 60 % des Palestiniens ont un revenu inferieur a 2 dollars par jour. Le taux de chomage a Gaza depasse les 35 % de la population active. La population, jeune et defavorisee, trouve dans le discours radical du Hamas, cree en 1987, un echo favorable (annexe, document 3). Le mouvement, qui se presente comme une branche des Freres musulmans, s’oppose a la politique de l’Autorite palestinienne. Il remporte les elections legislatives de janvier 2006. Des lors, l’Autorite palestinienne perd tout pouvoir. Les tirs de roquette sur Israel depuis Gaza reprennent.
Pauvrete, discours anti-Israel et islamisme sont ainsi tres lies. 32. Les ressources : un enjeu geostrategique Les ressources representent un enjeu geostrategique evident. Dans une region ou l’aridite est un des traits caracteristiques, l’eau devient a la fois un atout de puissance sur laquelle repose toute possibilite de developpement, mais aussi une arme de guerre. Le poids de « l’or noir » dans l’economie regionale est lui aussi considerable. Certains Etats profitent a plein de cette ressource tant convoitee. Les precipitations ne depassent que tres localement les 600 mm/an. Les zones humides ne representent que 7 % de l’espace.
Les espaces desertiques, c’est-a-dire recueillant moins de 100 mm de pluies par an, representent plus de 40 % de la surface totale du Proche-Orient. Par ailleurs, seuls quatre grands cours d’eau traversent le Proche-Orient : le Nil, le Jourdain, le Tigre et l’Euphrate. La ressource en eau est donc rare et tres inegalement repartie. D’autre part, le climat desertique provoque une evaporation prejudiciable aussi bien pour les activites agricoles que pour l’etablissement de reserves aquiferes durables. Les Etats tentent alors de compenser ces carences en favorisant l’amenagement de reserves artificielles.
La Turquie s’est lancee dans la realisation d’un immense projet d’amenagement hydraulique, legitime par la necessite de developper l’hydroelectricite. En realite, ce projet, appele G. A. P. , a un double interet geopolitique : coloniser un espace largement domine par les Kurdes (annexe, document 5 ; carte 7) et utiliser un moyen de pression en controlant les debits des deux grands fleuves de la region, le Tigre et l’Euphrate. La Syrie et l’Irak, situes en aval, sont obliges de se plier aux exigences de la Turquie, au risque de perdre leurs seules ressources en eau.
L’eau peut egalement servir de veritable arme, dans le but d’affaiblir un ennemi. C’est la strategie que mene Israel contre les Palestiniens. Pour ces derniers, le probleme est a la fois vital et sans issue dans la mesure ou les Israeliens utilisent deja les deux tiers de l’eau de Cisjordanie et de Gaza (carte 8). La situation a Gaza est tres critique car la nappe, depuis longtemps surexploitee, connait des infiltrations par l’eau de mer : l’eau fournie est a peine propre a la consommation. Contrairement aux ressources en eau, les reserves petrolieres sont tres abondantes.
Dans une region qui concentre 60 a 70 % des reserves mondiales de petrole, la possession et l’exploitation de cette ressource energetique deviennent un atout geostrategique. Globalement, l’axe majeur des reserves petrolieres s’etend du bassin du Tigre et de l’Euphrate au Golfe arabo-persique. Mis a part le Liban et la Palestine, tous les pays du Proche-Orient possedent des gisements de petrole. Les plus grands producteurs sont l’Arabie saoudite (11 % de la production mondiale en 2007), l’Iran (5,2 %), les Emirats Arabes Unis (E. A. U. , 3,2 %) et le Koweit (3 %).
Les autres pays font figure de moyens et petits producteurs, comme le Yemen, la Syrie, l’Egypte, le sultanat d’Oman et le Qatar. Le Proche-Orient est egalement la premiere region exportatrice de petrole dans le monde avec 47 % du total mondial. En 2007, les plus gros exportateurs sont l’Arabie Saoudite (9 millions de barils par jour), l’Iran (3,8), l’Irak (2,3), les E. A. U. (1,8) et le Koweit (1,2). En 2008, selon l’O. C. D. E. , grace au cours du baril qui a depasse les 140 dollars pendant l’ete, les revenus de la vente du petrole ont rapporte en tout plus de 1 000 milliards de dollars aux Etats du Proche-Orient.
Mais, l’inegale repartition geographique du petrole impose des strategies de developpement differentes. Certains pays, qui disposent de reserves abondantes, refusent de reguler leur production et leurs exportations, ce qu’impose pourtant l’O. P. E. P. C’est ce qu’a vainement tente le Koweit dans les annees 1980. D’autres cherchent, par tous les moyens, a s’approprier des reserves extraterritoriales. En 1990, l’Irak a envahi le Koweit dans le but d’accroitre ses propres reserves et d’augmenter de fait ses revenus. 33.
Le jeu des puissances etrangeres dans la region Les puissances mondiales menent des politiques discordantes. Chacune a son protege : Russie / Iran, Etats-Unis / Israel, France / Liban, Chine / Qatar et Iran. Le Proche-Orient apparait plus que jamais comme le point d’affrontement des grandes puissances. Depuis l’effondrement de l’U. R. S. S. , les Etats-Unis imposent leurs vues dans la region. Ils mettent en pratique le principe de « Grand Moyen-Orient » qui a pour but de developper le modele democratique et de stabiliser le marche economique.
Tout Etat, juge autoritaire ou suppose heberger des groupes terroristes, est classe parmi les « Etats voyous ». En janvier 1991, puis en mars 2003, deux conflits ont oppose l’Irak aux Etats-Unis. Lors de la premiere guerre du Golfe, les Etats-Unis menent une coalition anti-irakienne, mandatee par l’O. N. U. Le second conflit est lie aux attentats du 11 septembre 2001 : Washington pretend que Bagdad a soutenu le terroriste Oussama ben Laden et que Saddam Hussein detient des armes de destruction massive. La capitulation irakienne sans condition est signee le 1er mai 2003 et Saddam Hussein est capture en decembre.
La democratisation du pays est lente. Des poches de rebellion se maintiennent, surtout dans le centre et au sud majoritairement chiite. Apres l’Irak, les Etats-Unis ciblent l’Iran. Le duel ne trouve pour le moment aucune issue. Les Etats-Unis pretextent cinq obstacles a la normalisation des rapports avec l’Iran : le soutien iranien au terrorisme international, la poursuite du programme d’acquisition de l’arme nucleaire (carte 9), l’opposition au processus de paix israelo-palestinien, les menaces directes contre les oisins arabes du Golfe et les violations des droits de l’Homme par le regime islamique. En contrepartie, l’Iran reclame la reconnaissance de la legitimite de la revolution islamique, la fin des sanctions economiques, le retrait des forces americaines dans le Golfe et l’abandon de la politique americaine de soutien a Israel. Le pays a trouve deux allies de poids : la Russie et la Chine dont la mefiance vis-a-vis des Etats-Unis est leur principal point commun.
La Chine est soupconnee de contribuer au programme nucleaire iranien. Elle a parallelement renforce, depuis quelques annees, ses liens diplomatiques avec l’Iran, en vue d’assurer son approvisionnement en petrole. Depuis 2002, l’Iran est le deuxieme fournisseur petrolier de la Chine. Conclusion generale Le Proche-Orient est un espace desuni et a geometrie variable. Tantot, les relations geopolitiques entre les Etats sont animees par des tentatives de rapprochement, tantot elles se marquent par des conflits ouverts.
Les motifs anciens de conflit sont relayes par des motifs actuels, fondes sur les ressources et le leadership regional. Le jeu des grandes puissances contribue largement a complexifier la carte geopolitique du Proche-Orient. Peu a peu, les puissances etrangeres en viennent a proner une solution regionale aux conflits. Le Qatar, l’Egypte ou encore la Syrie apparaissent progressivement comme des acteurs incontournables dans la pacification de la region, de l’Irak a Israel. RETOUR A L’INTRODUCTION