Le discours d’Octavien a la veille de la bataille d’Actium : l’affrontement de deux mondes Depuis 509 avant J-C, et la Lex Iunia ordonnant l’exil de Tarquin le Superbe (dernier roi de Rome), la monarchie romaine a laisse place a la Republique. Cette derniere que l’on peut qualifier d’oligarchie (venant des termes grecs « arkhe » (pouvoir) et « oligoi » (quelques uns) est un gouvernement allant jusqu’en 31 avant J-C.
C’est une periode de l’histoire romaine caracterisee par une repartition bien precises des pouvoirs entre les mains du senat, de differents magistrats mais aussi au peuple, de nombreuses guerres de conquetes etendant considerablement le territoire romain jusqu’en Gaule, Espagne, Afrique du Nord, Asie Mineure, ainsi que plusieurs guerres civiles, dont la derniere provoqua sa chute. C’est precisement l’objet de notre texte que nous allons commenter.
Ce texte est un extrait du discours d’Octavien a la veille de la bataille d’Actium (le 2 septembre 31 avant J-C). Cela se remarque par le la structure particuliere du texte, melant apostrophes a l’egard de son auditoire qui est ici militaire (soldats (l. 1)) et l’impression d’un dialogue constant avec le public avec l’emploi de la premiere personne du pluriel (l. 9, 10, 22, etc. ).
Ainsi ce personnage de la
Ce dernier, ne vers 155 ou 163 et mort en 235, de son vrai nom Cassius Dio Cocceiabus, naquit a Nicee, en Bithynie dans une famille de notables grecs. Ses oeuvres etant ecrites en grec, nous le considerons donc comme un ecrivain grec du IIe et IIIe siecle apres J-C. Issu d’une famille senatoriale, il occupa d’importantes charges tout au long de sa carriere : il fut senateur sous Commode, preteur sous Pertinax, consul sous Severe Alexandre, ainsi que gouverneur de Dalmatie et d’Afrique.
En 235, apres avoir franchi toutes les etapes du Cursus Honorum, allant meme jusqu’a devenir membre du consilium (le conseil) imperial, il quitta le monde de la politique, et se retira a Nicee, la cite dont il etait originaire, ou il mourut. La plus importante oeuvre de Dion Cassius fut son Histoire romaine, retracant l’histoire de Rome, de l’arrivee d’Enee dans le Latium jusqu’a 229 apres J-C. Cette oeuvre magistrale, composee de 80 livres, couta dix annees de recherche a son auteur, puis encore dix annees de redaction.
Cependant, cette oeuvre ne nous est parvenue que tres fragmentee. Elle est doublement commanditee : par ce qu’il appelle son « demon personnel » et par l’empereur Caracalla. Nous pouvons voir une composition bipartite, la bataille d’Actium marquant la cesure). Les 36 premiers livres ne nous sont parvenus que par fragments ; les livres XXXVII a LX sont a peu pres intacts ; mais nous n’avons que des fragments et l’Abrege de Xiliphin pour les derniers livres (Xiliphin etait un moine byzantin du XIe siecle, qui fit une abreviation de la derniere partie de l’? vre de Dion Cassius). Grace a son experience, il est un temoin important de son epoque et un precieux commentateur des aspects politiques de l’histoire mais peu fiable quant aux institutions republicaines. Son style est particulier, du certainement au fait qu’il recut une formation de rheteur. Il denonce dans son oeuvre les abus de pouvoirs des empereurs et se fait le porte parole de son ordre, reclamant plus d’equilibre entre le Princeps et le Senat.
Une derniere chose que l’on peut remarquer quant a son oeuvre, c’est que l’on peut noter beaucoup d’emploi du Merveilleux afin d’expliquer la causalite divine dans l’histoire humaine. C’est l’une des caracteristiques des oeuvres de Dion Cassius. Ce texte d’Octave, qui nous a ete retranscrit par Dion Cassius, a des buts biens precis. En effet, Octave fait ce discours devant ses soldats a la veille de la bataille navale d’Actium (le 2 septembre 31 avant J-C), ainsi, il a pour objectif principal la motivation des troupes.
Octave use de plusieurs artifices pour entrainer ses soldats a ne pas fuir, a combattre pour lui contre les ennemis de Rome, car en effet, il s’averait que l’armee d’Octave etait bien moins nombreuse que celle de Marc-Antoine et Cleopatre. De fait, il etait necessaire de retenir l’attention de ses soldats, les convaincre (les amener, par un raisonnement logique, a reconnaitre une verite) et les persuader (les amener a faire quelque chose), telles sont les deux structures de son argumentation, car ce discours en est vraiment une. On a a faire ni plus ni moins a un texte de propagande.
De ce fait, nous pourrons nous poser la question suivante : en quoi le discours d’Octavien a la veille du conflit arme d’Actium nous donne une nouvelle dimension de la guerre civile touchant de nouveau Rome, non plus un conflit cantonne a l’Occident mais affectant des lors tout l’empire romain, de l’Hispanie a la Parthie, amenant donc a une situation de paroxysme la crise qui touche la Republique? Pour y repondre, nous pourrons voir un plan en deux parties successives : dans un premier temps les caracteristiques de la societe romaine (I) et en second lieu les deux mondes aux antipodes (II).
I] Les caracteristiques de la societe romaine. Par ce discours d’Octavien, personnage que nous verrons dans la deuxieme partie du commentaire, nous pouvons voir une description relativement precise des differentes caracteristiques sociales de la Rome Antique sous le gouvernement oligarchique de la Republique, societe que l’on peut qualifier de tres conservatrice. A) La misogynie. Tout au long du texte, nous pouvons voir un trait essentiel de la pensee romaine : la misogynie qui est l’un des traits centraux du texte.
En effet, le terme de femme apparait partout, mais toujours precede de termes pejoratifs tels qu’esclave d’une femme (l. 22), ou encore que nous [les romains] soyons meprises et foules aux pieds par une femme (l. 9-10), on le remarque aussi par l’allusion a un fleau de femme (l. 15). En effet, la societe romaine a un fort caractere machiste. La femme romaine (mulier en latin) est consideree comme mineure, et reste toute sa vie soumise a une tutelle masculine, sous la dependance de son pere (pater familias), puis de son mari.
Alors que les garcons recoivent un prenom, ce qui est une marque d’individualite, les filles ne conservent que celui du pere. La societe romaine, tres friande des decoupes claires garantissant des droits particuliers a certaines personnes, classe aussi les femmes selon leur statut. Nous avons tout d’abord la matrona qui est une citoyenne romaine mariee selon le mariage legitime (uxor), mere de famille digne et respectable, chargee du bon maintien de la maison et de l’education des enfants.
La mulier, quant a elle, est la simple femme romaine non mariee, encore sous l’autorite du pater familias, ou alors, lorsqu’elle en avait la volonte et la possibilite, elle pouvait s’emanciper. Dernier statut de la femme, l’esclave. Nous y reviendrons dans la sous-partie suivante. La coutume romaine donnait originellement le meme statut aux femmes que celui des enfants, elles etaient destinees a etre femme et mere. Les femmes, comme dans nombre de civilisations, sont politiquement mineures et exclues de la plupart des droits civiques (participation aux discussions dans les assemblees, occupation d’une fonction de senateur ou magistrat).
Etre romaine permet neanmoins d’etre choisie comme Vestale (les pretresses de Vesta) encore fallait-il etre patricienne (membre de la nobilitas), de participer a certains cultes traditionnels et de contracter le mariage legal. Elles ont le droit a l’eloge funebre, pour les femmes les plus honorable (telle Pompee, la fille de Jules Cesar) lors de leurs funerailles. La misogynie occupe une grande place dans la reflexion qu’a Octave dans ce texte. Il considere Antoine comme ayant abandonne toutes les facons de vivre de [leurs] peres (l. 28) en epousant ce fleau de femme (l. 15) qui n’est autre que la reine d’Egypte
Cleopatre VII, bien qu’il ne l’ait jamais epouse. Selon Octavien, etre sous la dependance d’une femme, comme l’est le peuple egyptien ainsi que desormais Antoine, est contraire a toute conception d’une societe selon Rome. C’est donc non seulement, par cette vison des chose, une guerre entre deux hommes, mais deja une guerre entre deux conceptions differentes : la Rome machiste et l’Egypte dirigee par une femme. Il n’est pas trop que de rappeler que ce texte est un discours prononce par Octave a ses soldats, tous citoyens romains et donc defendant leurs valeurs dont la vision d’une femme soumise.
C’est donc ici un argument de poids quant a la motivation des troupes engagees dans le combat. B) L’esclavage, un statut meprise. Une autre idee centrale du texte, nous pourrons en voir trois en tout, est la constante allusion au statut meprise des esclaves. Octave, toujours dans le but de convaincre ses troupes, emploie des termes ayant une grande puissance, il veut faire passer un sentiment de peur d’etre meprise et foule aux pieds (l. 9) par cette dite femme egyptienne. Mais l’artifice le plus puissant, et le plus habile qu’il ait pu utiliser est celui de la peur de l’esclavage (l. 2) qui habitait chaque citoyen-soldat, romain. L’exemple le plus probant relatant cette peur, est que le soldat defait preferait se suicider plutot que de tomber aux mains des barbares et ainsi devenir leur esclave. Mais qu’en est-il du statut de l’esclave? Pourquoi cette peur? Pour un citoyen romain, la libertas est la faculte naturelle qui permet a chacun de faire ce qu’il veut, si ce n’est pas une chose interdite par la force ou par le droit. La servitude resulte d’une decision du droit des gens, en vertu de laquelle une personne contrairement a l’ordre naturel, est soumise a la puissance d’un autre.
Cette definition de Florentinus (un jurisconsulte de l’epoque d’Antonin le Pieux (138-161)) tires des Institutes (des traites elementaires de droit) resume tres bien ce qu’est ce statut, d’ou ce mepris. Les esclaves sont soumis a la puissance de leurs maitres (la potestas). On distinguait les esclaves qui appartiennent a l’Etat (servi publici) de ceux, beaucoup plus nombreux, qui sont la propriete de particuliers (servi privati). Le maitre (dominus) possede un nombre d’esclaves tres variable et l’ensemble des esclaves d’un maitre) prend le nom de familia.
L’esclave, simple chose, simple outil (instrumentum genus vocale, c’est a dire espece d’outil dote de la parole), a une existence legale mais il est depourvu de tout droit civil (par exemple il ne peut pas se marier, il vit en concubinage. Pour autant, son maitre n’a pas le droit de le traiter n’importe comment, selon son bon plaisir : les censeurs peuvent noter d’infamie le maitre coupable de mauvais traitements. Si celui-ci dispose du droit de vie et de mort sur lui , il ne peut l’exercer, du moins en theorie, que dans le cadre des lois.
L’esclave releve donc du droit des biens, et non de la personne, le latin le laisse bien paraitre : le servus (esclave) s’oppose a l’ingenuus (homme de naissance libre), ainsi l’esclave n’a pas de nom (encore moins de prenom qui etait le privilege du citoyen), il prend celui de son maitre, meme apres son affranchissement lui donnant alors la liberte. On devenait esclave pour dette envers une personne (meme un membre de sa famille), en tant que prisonnier de guerre, suite a un acte de piraterie ou par decheance civique.
La dure loi romaine prevoyait de plus que le pater familias avait le droit de vie et de mort sur ses enfants, ainsi a la naissance d’un d’eux, il pouvait soit le reconnaitre soit « l’exposer », ainsi recueilli, l’enfant devenait souvent esclave. Un autre moyen de devenir esclave, et celui la irremediablement, est d’etre ne de parents eux-meme esclaves. Il y a plusieurs facon pour voir un esclave affranchi : soit le maitre l’affranchit de son vivant ou il prevoit son affranchissement dans son testament, soit l’esclave fait des economies et se constitue un pecule (peculium), avec lequel il achetera sa liberte.
L’esclave affranchi (libertinus) est un homme presque libre, un client, il reste encore soumis a certaines obligations a l’egard de son ancien maitre et a des restrictions de droit (il a le droit de vote, sans avoir le droit d’etre elu, n’a pas le droit d’entrer dans l’armee, a le droit de participer a certains cultes de la cite) auxquelles echappera son fils, lui sera vraiment libre. Une fois tout ceci connu de notre part, on peut aisement comprendre le choix d’Octave de faire appel a cet argument pour convaincre ses soldats.
Cleopatre prevoyait de s’emparer du pouvoir a Rome et le deplacer a Alexandrie. Etre esclave d’une femme (l. 22) etait pour un romain peut-etre la pire des choses qui puisse lui arriver, c’est encore un argument habile utilise par le fils adoptif du divin Cesar (Octave). C) Une part importante accordee a la religion. La societe romaine accorde une grande importance a sa religion polytheiste. Octave ici en fait reference, ses entreprises humaines et ses projets executes selon les bons droits des lois humaines et divines (l. 3-4).
En effet l’homme romain est profondement religieux ; le mot de religio est specifiquement romain. Il ne designe pas, d’abord, le culte rendu aux divinites, mais un sentiment assez vague, d’ordre instinctif, d’avoir a s’abstenir d’un acte donne, l’impression ressentie que l’on se trouve en face d’un danger d’ordre surnaturel. Ce dit sentiment tient plus particulierement du pressentiment, de l’intuition superstitieuse. Il s’agissait d’un rapport presque mercantile : on fait des sacrifices, et/ou des offrandes aux dieux en echange de leurs services.
Le sacre, dans le monde romain, se manifeste partout. Il existe des endroits dits sacer, cela appartient donc aux dieux. Aller a l’encontre de ces lieux est considere comme un sacrilege. On peut voir par exemple le cas du pomerium qui est la limite de la cite romaine que Romulus, en tant que rex (roi) traca d’un sillon lors de la fondation de Rome en 753 av. J. -C. C’est une aire ou l’efficacite des rites est garantie. C’est un endroit pur, et donc la mort et les hommes en armes n’y sont pas admis.
L’autre espace dit sacer est le templum (different de « temple ») est un espace terrestre ou celeste, coupe du monde des humains, et dedie aux dieux. On peut distinguer le templum « terrestre », qui peut etre un temple ou un autre lieu choisi (comme la Curie) et donc consacre, du templum « celeste », qui sert lorsqu’un augure (magistrat destine aux rites et cultes) demande a un dieu son avis pour une action immediate (different de la divination, qui vise a lire l’avenir). Un exemple des lois divines (l. ) est la consultation des oracles pour connaitre le bon vouloir d’un dieu en particulier en fonction de l’action que l’on veut entreprendre. Le plus connu du monde romain est certainement le sanctuaire oraculaire de la Fortuna Primigenia a Preneste. Le vol des oiseaux pouvait etre aussi examine (les augures) par les auspices. Un autre de ses exemple reste le sacrifice : les Romains ont connu le sacrifice humain, puis il a disparu, sauf en cas de danger considerable (les guerres puniques, par exemple).
Restait le sacrifice animal qui etait tres ritualise : les victimes etaient choisies rigoureusement (type d’animal, couleur, etc. ), la viande de l’animal etait cuite (les pretres la mangeaient) et les dieux etaient censes se nourrir de la fumee la viande. On consultait les entrailles de l’animal (c’est le foie qui etait surtout examine) pour connaitre l’avenir ou l’avis des dieux sur tel ou tel sujet. Les pretres specialises s’appelaient les haruspices. . L’ideal romain s’entendait a considerer une trilogie dominant tous les aspects de la vie familiale, militaire, economique et social.
La religion ne fait que la garantir. Il s’agit de la Virtus (la maitrise de soi), de la Pietas (respect des rites, des personnes (un fils a son pere)) et egalement la Fides (respect des engagements). Il s’agit des trois formes de la discipline romaine. Pour en revenir au texte, on pourra voir que dans cette lutte menee depuis les ides de mars -44, ce n’est pas seulement le conflit de deux ambitieux qui en domine l’histoire, d’un cote Octave, fils adoptif et heritier legal de Cesar, de l’autre Antoine, heritier de la pensee politique du dictateur assassine.
Ce n’est meme pas seulement le conflit de deux mondes, l’Occident avec ses traditions rationnelles et l’Orient avec ses habitudes theocratiques, c’est aussi la rivalite religieuse, l’opposition de l’apollinisme (selon Nietzsche, style qui met en valeur l’harmonie de la forme caracterise par la divinite d’Apollon) octavien et du dionysisme (toujours pour Nietzsche, conception opposee a l’apollinisme et qui se caracterise par la reconnaissance du caractere foisonnant, exuberant de la vie, accorde alors au dieu Dionysos) antonien, associe a l’isiasme (culte d’Isis) de la reine lagide; d’ou les appellations donnees par Octave a ces deux derniers : Dionysos (l. 31) et Isis (l. 30). Chacun mobilise ses dieux pour sa cause.
Le combat prend une toute autre orientation, le vainqueur sera amene a affirmer la puissance de son dieu protecteur sur les autres. D) Un culte des « heros ». Une autre des caracteristiques essentielle de la societe romaine est l’importance accordee aux ancetres. Cela nous apparait que d’une maniere sous-jacente lorsqu’Octave nous dresse la liste des differents peres (l. 10) victorieux, ces heros (l. 14) et ayant participe a la grandeur de Rome, agrandissant de fait son empire (l. 10 a 14). Ces heros victorieux ne sont pas cites, mais plutot leurs ennemis, facon sans doute pour glorifier leurs actes, pour evertuer leurs apports respectifs a Rome et son empire.
En effet, ces derniers servent avant tout pour le prestige d’une gens (sorte de famille se reconnaissant un ancetre commun), se dire descendant de Scipion l’Africain, de Paul Emile, pour n’en citer que deux, apporte vraiment un « plus » a sa vie, un respect de la part des autres. C’est une sorte de legitimite qui s’instaure avec elle. A fortiori, lorsqu’il s’agissait de rentrer dans les rangs de la nobilitas, alors que l’on n’etait pas patricien donc pas membre de droit, il fallait qu’un grand-pere ait occupe la charge de consul, donc par cette utilisation politique, les ancetres bien que par definition morts, tenaient encore une grande place dans la societe.
Le cas d’Octave est tres interessant, et montre a plus forte raison l’usage que l’on peut faire d’un ancetre. Ce dernier est le fils adoptif de Cesar, qui a ete par ailleurs divinise, il herite donc de son nom et de sa fortune. Il utilise meme a des fins personnelles la divinisation de son pere adoptif, se faisant appele des -38 Imperator Caesar Divi Julii Filius (fils du divin general (victorieux) Jules Cesar) et se presente comme un fils respectueux des regles de la Pietas : venger son pere et magnifier son souvenir. Revenons en maintenant a nos heros (l. 14) romains. Le premier implicitement honore est le consul Dentatus qui battit le roi d’Epire (royaume de Grece) Pyrrhus (l. 0) a la bataille de Benevent en -275 mettant du coup fin a la domination de ce roi sur l’Italie et l’independance des cites grecques dans le Sud de l’Italie, fort de plusieurs victoires sur les romains auparavant. Le deuxieme cite est Flamininus, consul lors de la Deuxieme Guerre de Macedoine (200-197 avant J-C) l’opposant au roi de Macedoine Philippe V (l. 10). A la fin de la Deuxieme Guerre Punique (en -201), les romains se placent en protecteurs de la Grece contre l’imperialisme de Philippe V qui en devient l’agresseur. La guerre prend fin lors de la defaite de ce dernier a Cynoscephales en -197. Paul Emile le Macedonien vainquit quant a lui le fils de Philippe V, Persee (l. 10) alors roi de Macedoine, lors de la bataille de Pydna en -168.
Ce dernier avait rearme son royaume, allant a l’encontre des closes de la paix signee avec son pere en -197, ce qui provoqua l’entree en guerre des romains. Cette bataille met fin par ailleurs a la Troisieme Guerre de Macedoine (172-167 avant J-C). Par Antiochos III (l. 11), un roi seleucide (de Syrie), Octave celebre la memoire de Scipion l’Asiatique (frere de Scipion l’Africain) qui le battit a Magnesie en -189, le contraignant de fait a signer la paix d’Apamee en -188 l’obligeant a ceder une partie de son royaume a Pergame (alliee de Rome), livrer sa flotte et ses elephants de guerre a Rome et payer une immense indemnite de guerre. Par cet engagement contre Antiochos III, Rome entame ses interventions en Asie Mineure. La suite presente plutot les cites depeuplees (l. 11) par Rome.
La premiere reference est celle de Numance (l. 11) qui etait une ville au Nord de l’Hispanie qui a longtemps resiste a la conquete romaine (143-133 avant J-C). La cite fut finalement prise et detruite en -133 par Scipion Emilien apres un siege long et brutal. Ce fut le premier effort de guerre notable de Caius Marius (l’adverse bien connu de Sylla). Carthage (l. 11), ville au Nord de l’Afrique, fut le principal adversaire de Rome lors de la periode republicaine, nous en connaissons trois guerres dites les Guerres Puniques. La premiere (264-241) eut pour theatre des operations la Sicile. Cela se solde par la victoire romaine et la creation de la province de Sicile.
La deuxieme (218-202), dite aussi la « Guerre d’Hannibal » est d’abord une suite de defaites romaines, les Carthaginois sous le commandement d’Hannibal, arrivent par les Alpes en Italie enchainant les victoires et notamment celle de Cannes (-216). Mais Scipion l’Africain entraine le combat en Afrique ou il gagne la bataille de Zama (-202) mettant fin a la guerre. L’entre guerre est cette fois marquee par la celebre formule de Caton l’Ancien (« Delenda Carthago Est », « cela est bien mais il faut detruire Carthage). La troisieme Guerre (150-146) est donc l’initiative de Rome d’aller detruire la cite, chose faite en -146. Le terrain de la cite est declare sacer. En -113, les Cimbres et les Ambrons (l. 1-12), tribus originaires du Jutland (actuel Danemark) commencent une migration vers le Sud menacant des lors les equilibres instaures par Rome en Gaule. En -105, ils remportent une grande victoire sur les Romains a Orange et entrent en Espagne, d’ou ils sont rapidement expulses par les Celtiberes. Marius bat alors les Teutons allies aux Ambrons a Aix-en-Provence en -102, -101 vit la victoire romaine a Verceil sur les Cimbres et la fin de la guerre. Les autres evocations des conquetes romaines ne sont pas moins que des guerres d’extension de l’empire, la Bretagne (actuelle Grande-Bretagne), la Pannonie (actuelle Hongrie), la Guerre des Gaules (58-51) par Jules Cesar.
Tres conservatrice, la societe romaine republicaine s’appuie sur une religion tres omnipresente dans tous les faits du quotidien, la fierte de ces « heros » qui ont fait la gloire passee de Rome ainsi que la repartition de la population selon leur statut (homme libre, femme, esclave, etranger). Mais dans ce contexte de guerre civile, on peut remarquer que deux hommes, Octavien et Marc-Antoine, ont chacun leur propre vision de cette meme Rome, le premier tourne vers les valeurs traditionnelles, le deuxieme etant plus ouvert a l’apport d’autres m? urs. II] Deux mondes aux antipodes. Par leur politique de conquetes respective, Octavien et Marc-Antoine ont ete amene a s’approprier chacun une partie de l’empire de l’epoque. Ainsi, Octavien se retrouve maitre de l’Occident, et Marc-Antoine a l’Orient.
Mais cette decoupe n’etait pas sans avoir des consequences : on voit la naissance de deux mondes bien distincts, par leur chef respectif, mais aussi par les valeurs y vehiculant a l’interieur. A) Octavien, le defenseur des idees conservatrices. En effet, Octave, dans son discours envers ses soldats, toujours dans un but d’attiser leur bravoure, les faire combattre pour la patrie et ses idees, nous dresse un portrait pejoratif d’Antoine, ayant abandonne les facons de vivre de [leurs] peres (l. 28) et embrasse toutes les coutumes etrangeres et barbares (l. 28). Il est necessaire d’ajouter pour mieux cerner la situation qu’Antoine, a la suite de l’assassinat de Cesar en -44, avait tisse une zone d’influence a travers l’Orient de l’empire.
De plus Cleopatre nourrissait un autre dessein : celui de prendre le pouvoir a Rome, et transferer la capitale a Alexandrie (alors capitale du simple royaume lagide) ; les romains seraient des lors, selon Octave, esclaves d’une femme et non d’un homme (l. 22). C’est de nouveau un habile moyen de s’attirer les faveurs de ses soldats, qui combattront alors jusqu’a leur mort pour defendre les idees de Rome. Octave se presente comme un general soucieux de ses soldats. En effet, il leur adresse plusieurs conseils comme celui d’adopter le principe d’executer ses projets selon les lois humaines et divines (l. 3-4). Il se place donc en defenseur des idees de la societe romaine que nous avons vu precedemment. Son experience personnelle (l. 1-2) a fait de lui un homme respecte par la population romaine, de part son pere adoptif, Caius Iulius Caesar, et comme l’exemple du fils respectueux de la Pietas.
En effet, a la mort de son pere adoptif, Cesar le Jeune (Octave), n’a que 19 ans, donc faible par rapport a Marc-Antoine alors consul et Lepide, maitre de cavalerie de son defunt pere. Lui n’avait encore eu aucun haut poste dans la societe. A la suite des ides de mars, une guerre civile s’engage donc entre les tyrannicides (menes par Brutus, le fils de Cesar qui l’a assassine), les heritiers de Cesar (Octave, Marc-Antoine et Lepide) et le Senat pour la conquete du pouvoir. Apres la Guerre de Modene (-43), voyant la victoire de l’armee du Senat (commandee par Octave) face a la ville que tenaient les tyrannicides, Octave marche sur Rome et prend le consulat.
Octave, relativement jeune en -44, se presenta habilement comme un allie du Senat (notamment de Ciceron), s’imposa face a Marc-Antoine qui fut chasse d’Italie et rallia Lepide (alors en Gaule) a sa cause. La meme annee, les trois hommes les plus forts du moment conclurent les accords de Bologne, donnant naissance au second Triumvirat. Les trois cesariens (heritiers de Cesar) contraignirent les conjures de mars (les tyrannicides) a s’exiler en Orient, et firent placardes des proscriptions (par la Lex Pedia) qui allaient couter la vie a trois cent senateurs dont Ciceron et deux mille chevaliers (classe sociale des citoyens payant un cens superieur a quatre cents mille sesterces). C’est la fin du triangle politique pour le controle du pouvoir, le Second Triumvirat est scelle en -43.
Cette magistrature (relevant de la Lex Titia votee en -43) avait pour but la reorganisation et la refonte de la cite, basee sur un imperium consulaire (pouvoir de commander, l’autorite administrative devolue le commandement a la guerre, l’interpretation et l’execution de la loi (y compris le pouvoir d’imposer la peine de mort)) accorde pour cinq ans, la convocation du Senat et du Peuple, enoncer les edits et designer les candidats aux magistratures, controler le personnel politique. Le pouvoir est ainsi confie aux Tresviri Reipublicae Constituendae, ou tout simplement les triumvirs. Octave dit executer ses projets selon les lois humaines et divines. Il ne ment pas par cela, puisqu’il tient reellement un imperium (toujours approuve par une loi) et aussi, mene ce combat contre Marc-Antoine selon l’ancienne coutume archaique que l’on connait sous le nom de rite du Fecial. Les feciaux font partie des principaux colleges religieux de Rome.
Toute declaration de guerre ou conclusion de traite de paix requiert leur intervention. En cas de conflit arme, les feciaux examinent les responsabilites. Si Rome est en cause, ils livrent le coupable a l’adversaire. Mais, si c’est l’ennemi qui est en cause, la guerre est solennellement declaree par une ceremonie rituelle, la clarigatio, consistant a ce que quatre feciaux se rendent a la frontiere adverse, symboliquement representee par une aire a cote du Temple de Bellone. La, ils reclament l’extradition des fauteurs de trouble. S’ils n’obtiennent pas satisfaction, ils projettent alors un javelot ensanglante sur la terre adverse. C’est le debut de la guerre.
Octave respecta aussi les anciens rites en ouvrant les portes du Temple de Bellone sur le Forum, signe de guerre. Il dit de plus mener une guerre juste (l. 7), c’est-a-dire commencee par ces rites, mais aussi pour contrer une menace exterieure, a la difference d’une guerre d’imperialisme, visant a s’etendre. En effet, pour Rome, toute guerre ne se justifie que par la defense de son territoire et de ses institutions. Seules quelques guerres ont ete effectuees sans cette justification d’une guerre juste, c’etait principalement des guerres de conquetes. Octave se place donc en conservateur des idees de la societe romaine. Il a confiance en elle et en ses soldats, son armee des plus fournies et des plus puissantes (l. -6) qui donnerait meme la victoire dans une guerre qui n’etait pas justifiee (l. 7). Comme tout romain, il est fier de sa patrie, des ancetres qui ont fait sa gloire, les romains se disent un « peuple elu », comme nous avons pu le voir dans la partie precedente. C’est cette fierte d’appartenance a cette patrie, la plus grande et la meilleure terre habitee (l. 9), qu’Octave veut attiser chez ses soldats, le fait de defendre leurs valeurs qui ont triomphe des autres peuples, ce qui sous-tend chez lui la suprematie de ces valeurs sur toutes autres. Il est sans cesse a les interpeller, leur relatant leur destin (esclave d’une femme) si la victoire leur echappait.
Octave fait preuve de beaucoup d’habilete. B) Antoine, un traitre a la Nation romaine? Tout la deuxieme partie du texte est ici batie selon le modele de l’opposition. En effet, Octave (le garant des moeurs romaines) se presente face a Antoine (l. 25) ou Marc-Antoine comme nous l’appelons plus communement, celui qui a embrasse les coutumes etrangeres et barbares (l. 28). Ne a Rome, Marc Antoine (en latin Marcus Antonius) est d’origine plebeienne par son pere et apparente a la gens Julia par sa mere. Il sert comme officier de cavalerie durant les campagnes romaines en Palestine et en Egypte (-58-56), puis en Gaule sous les ordres de Jules Cesar (-54-50).
Avec l’appui de son superieur devenu son ami, il obtient les charges de questeur (-52), augure (-50) et tribun de la plebe (49). En -49, lorsque la guerre civile eclate entre Jules Cesar et Pompee, Marc Antoine, alors tribun soutient Cesar et est nomme commandant en chef de l’armee de ce dernier en Italie. L’annee suivante, il s’illustre a la bataille de Pharsale (9 aout -48) aux cotes de son ami, ce qui lui vaut le titre de « maitre de cavalerie » (le second) du dictateur. Apres l’assassinat de ce dernier, en 44 av. J-C, l’oraison funebre de Marc Antoine tourne le peuple romain contre les conspirateurs, laissant Marc Antoine pratiquement seul maitre a Rome puisqu’en effet il etait consul (l. 26) avec Cesar, mais la mort de ce dernier le laissa donc seul.
Octave etait l’heritier de Cesar, Antoine le continuateur des idees du dictateur mort. Ainsi, en -43, apres la conclusion des accords de Bologne, Marc-Antoine obtient, avec Octave et Lepide, la direction des affaires publiques (l. 26-27), autrement dit c’est la formation du second Triumvirat. Le tournant intervient lorsque les tyrannicides s’etaient replies, a la suite du siege de Modene, en Orient sous le commandement de Brutus et Cassius. Octave et Antoine decident donc de les ecraser. Chose faite en octobre -42 a la bataille de Philippes (en Macedoine). Comme lors du premier « Triumvirat », l’alliance fut renforcee par le mariage entre Antoine et Octavie (la soeur d’Octave).
Antoine mena cette guerre en Parthie et reorganise l’Orient en grandes principautes clientes auxquelles il place a leur tete des monarques de confiance (tel Cleopatre VII en Egypte). La tension devenait vive entre les deux hommes (Lepide n’eut que tres peu d’influence), a temoin les differents conflits comme la Guerre de Perouse (-40) precedant la paix de Brindes et le retour a l’entente entre les deux hommes. C’est la qu’interviennent les premieres disputes, car desormais, l’empire etait a partager entre les triumvirs. Lepide avait l’Afrique, Octave l’Occident (Espagne et Gaule) et Antoine l’Orient (Macedoine, Bithynie, Syrie, Asie) ainsi qu’a charge la guerre a mener contre les Parthes (pour venger Crassus, mort dix ans auparavant) : ce sont les accords de Brindes (-40).
Octave voulait aussi etendre son influence en Occident. Mais le seul point noir a son entreprise fut le retour sur le devant de la scene d’un Pompee, Sextus Pompee, le fils du Grand Pompee (mort a Pharsale, et ennemi de Cesar) qui faisait de la resistance en Sicile. Les triumvirs durent s’allier pour le defaire. Chose faite en -36, un an apres l’entrevue de Tarente qui reconduisait le Triumvirat pour cinq ans, Sextus Pompee est defait et mis a mort apres la bataille navale de Nauloque. La Sicile entre dans l’ere d’influence d’Octave. Lepide fut definitivement mis a l’ecart et banni de l’exercice de la politique sous pretexte d’une collusion avec S. Pompee. 36 marque donc le debut reel de l’affrontement entre les deux hommes restants, pour la pouvoir personnel a Rome. Tous deux voulaient etendre leur influence dans les provinces qu’ils controlaient, et meme annexer d’autres territoires. Mais, pour Octave, Marc-Antoine a epouse toutes les coutumes etrangeres et barbares (l. 28) puisqu’a partir de l’hiver 41-40, il devient l’amant de la reine lagide, allant jusqu’a lui faire des enfants : Alexandre-Helios (l. 31) assimile au Soleil, Ptolemee-Philadelphe et Cleopatre-Selene (l. 31) assimilee a la Lune. L’expedition de -36 contre l’Armenie (vu qu’Antoine a subi un cuisant echec contre les Parthes) marqua Octave. Ce dernier, riche de sa victoire, decida de faire un triomphe.
Mais un triomphe a Alexandrie, vu que Cleopatre l’a aide pour la victoire. C’est le comble pour Octave. Et encore plus fort, Antoine se considerait desormais comme le maitre de toute la terre et la mer (l. 32), il accorde en present [des parties de l’empire] (l. 32-33), a ses enfants qu’il eut avec la reine lagide. Helios recut les regions de l’Euphrate jusqu’a l’Inde, Philadelphe la Phenicie et la Syrie et Selene la Cyrenaique. Ce don de territoire traduisait en fait la volonte de recreer l’empire d’Alexandre le Grand. Mais le pire pour Octave devait arriver, le debut de l’affrontement partait du seul fait qu’Antoine repudia Octavie pour Cleopatre en -32.
Le Triumvirat devait etre renouvele l’annee la, mais s’en etait trop pour Octave qui mena ses armees en Orient pour la bataille finale qui eut lieu a Actium (le 2 septembre -31). L’armee octavienne est certes bien moins nombreuse que la coalition Antoine-Cleopatre, mais par ce discours de propagande, Octave et ses soldats allaient defendre la mere patrie, le sol sacre, contre les « Barbares » d’Orient. C) Cleopatre VII et l’Egypte, les ennemis de Rome. Tout au long du texte, Octave nous parle d’une femme (l. 10-15-22), qui plus est une egyptienne (l. 10). On peut aisement la reconnaitre comme etant Cleopatre VII, celebre maitresse de Cesar puis d’Antoine.
Cleopatre est nee au cours de l’hiver -69/-68 probablement a Alexandrie. Elle appartient a la dynastie des Lagides (fondee par l’un des Diadoques (successeurs) d’Alexandre le Grand : Ptolemee Ier Soter), dynastie macedonienne qui gouverne l’Egypte depuis la fin du IVe siecle avant J-C. Cleopatre est l’une des trois filles de Ptolemee XII Aulete. Le testament du roi Ptolemee XII, mort en mars -51, la designe comme son successeur avec l’un de ses freres cadets, Ptolemee XIII, a qui elle est nominalement mariee car selon la coutume ptolemaique car elle ne peut regner seule. A l’automne -49 les relations se degradent totalement entre les deux souverains.
En fait c’est une veritable guerre qui eclate entre les deux monarques puisqu’a l’ete -48, ils se font face a Peluse. Cleopatre se trouve en difficulte et fuit en Syrie. C’est alors qu’intervient la puissance romaine. En effet Pompee, vaincu par Jules Cesar a Pharsale, tente de trouver refuge en Egypte. Le jeune roi Ptolemee XIII et ses conseillers le font assassiner, des qu’il pose le pied sur le sol egyptien le 30 juillet -48. Cesar debarque en Egypte et est fait prisonnier lors de la Guerre d’Alexandrie ; seule la noyade du roi met fin au conflit (janvier -47). Cleopatre epouse alors un autre de ses freres cadets, Ptolemee XIV, sur l’injonction de Cesar.
Cependant elle est la seule a detenir reellement le pouvoir (sous protectorat romain). Sa liaison avec Cesar n’est un mystere pour personne. Ce dernier cependant doit bientot quitter Alexandrie pour combattre le roi du Pont, Pharnace, puis les derniers partisans de Pompee en Afrique. Elle loge donc a Rome. Cesar eut meme l’intention de transporter a Alexandrie sa capitale (selon Suetone). Dans son testament il ne fait aucune allusion a Cesarion, ne de Cleopatre, mais fait d’Octave son heritier. Au debut de l’annee -44 Cesar est assassine. Profitant de la situation confuse qui s’ensuit, Cleopatre quitte alors Rome a la mi-avril, fait escale en Grece, puis fait voile vers Alexandrie ou elle arrive en juillet -44.
A peine de retour dans son pays elle fait assassiner Ptolemee XIV, a la fois monarque inutile et rival potentiel. Cesarion prend le titre de Ptolemee XV, mais c’est sa mere qui prend la regence. Ainsi, c’est une chose qui choque profondement Octave et les moeurs romaines, une femme maitresse d’un royaume, c’etait impossible pour des romains, qui consideraient la femme comme inferieure, comme nous l’avons vu plus haut. Un autre point essentiel qui heurta les coutumes d’Octave est la religion. Comment peut-on rendre un culte divin aux reptiles et aux autres animaux (l. 19-20)? En effet, la religion romaine a la particularite de proner l’anthropomorphisme (representation humaine des dieux).
Le polytheisme egyptien fait adorer aussi bien des animaux (Horus est un faucon, Apophis un serpent pour ne prendre que deux exemples) que des elements : Apis est le dieu du Nil par exemple. Ce n’est que plus tard (sous l’empereur Caligula) que ces divinites serons adorees a Rome. Dernier point qui choque Octave est le fait que les egyptiens embaument leurs morts pour appuyer leur croyance a l’immortalite (l. 20). Les romains, eux, inhument ou brulent les morts. Mais la ceremonie de l’embaumement consiste en l’ouverture du corps du defunt pour en extraire toutes les visceres (sauf le coeur) pour les placer dans des vases dits canopes. Octave en vient meme a comparer Antoine a Osiris (l. 1), dieu des morts chez les egyptiens, un dieu-momie qui plus est, renforcant de fait cette propagande. Cela est considere comme une profanation d’un corps pour un romain, chose qui est « autorisee » seulement pour les traitres a la Nation, ceux des Gracques ont ete profanes pour prendre un exemple. Les romains sont donc loin de comprendre les moeurs egyptiennes, ils se ferment sur leurs coutumes et critiquent les autres, cela se voit tres bien par cet exemple. De part leurs propres croyances, les romains font preuves de chauvinisme et de fait n’acceptent pas d’autres coutumes, ils sont fiers de leur patrie, de leurs idees qu’ils jugent avoir fait la grandeur de Rome ; les idees de ces grands heros cites dans le texte.
Cleopatre, toute sa vie, employa tout son talent a eviter la desagregation du dernier royaume hellenistique, et consacra tous ses moyens a la restauration du grand royaume de ses ancetres, les Ptolemees. Mais que pouvait faire une femme, reine d’un royaume place sous la tutelle de Rome si ce n’est rechercher la faveur de ses protecteurs, et lier son destin et celui de l’Egypte aux maitres consecutifs de Rome (Pompee, Cesar, Antoine et Octave)? Faite « reine des rois » par Antoine, Cleopatre n’est pas une conquerante ni une reformatrice, encore moins une actrice pour son epoque, toujours dependante de Rome, puissance incontestable du moment. ¦¦¦
En guise de conclusion, nous pourrons dire que ce discours d’Octavien a la veille de la bataille d’Actium (le 2 septembre 31 avant J-C) nous donne beaucoup d’informations quant a la situation que connait alors la Republique, la crise est alors a son paroxysme. L’enjeu de cette derniere etait la succession de Jules Cesar, qui avait etabli un reel pouvoir personnel. Cela avait montre la faiblesse qu’avait la Republique, et ouvert de nouveaux horizons. Depuis les lois agraires des Gracques, Rome connait une serie de guerres, de plus en plus violentes, dechirant la capitale romaine et l’Italie, mais aussi la Gaule et l’Hispanie. Mais ces conflits restaient au sein de l’Occident, les provinces ne jouant pas un role preponderant comme on a pu le voir avec le conflit entre Octavien et Marc-Antoine.
En effet, cette guerre civile (qui n’est d’autre que la troisieme en quarante ans) prend une toute autre dimension : l’enjeu du controle des provinces devenant important par le systeme de serment (Octavien) ou d’assises politiques (Marc-Antoine), provoquant de fait une nouvelle forme de guerre : non plus une simple guerre civile entre deux partis se disputant le pouvoir dans la capitale mais un conflit entre l’Occident (Octavien) et l’Orient (Marc-Antoine) devant deboucher indeniablement a une prise de pouvoir en solitaire tant la situation ne pouvait etre autre. C’est donc apres treize annee de conflits latents, depuis les ides de mars -44 et la mort de Cesar, que cela se denoue avec la bataille d’Actium opposant la flotte d’Octavien a celle de Marc-Antoine et de la reine lagide Cleopatre VII.
Ainsi, par ce discours, Octave a reussi a convaincre et persuader ses troupes d’engager le combat contre d’autres citoyens romains, mais ces derniers etant consideres comme ennemis de Rome du seul fait qu’ils aient adopte des coutumes etrangeres, barbares comme le dit Octave dans son discours de propagande. L’issu du conflit nous est bien connue, les suites aussi. Marc-Antoine se suicide, Cleopatre le suit de peu. Octavien, dans le soucis de faire reconnaitre sa legitimite, fait mettre a mort Cesarion (le fils naturel de Cleopatre et de Jules Cesar). Nous considerons donc la chute de la Republique a ce jour, puisque ne reste plus qu’un seul maitre pour tout l’empire romain : Octavien, mettant bas au systeme de collegialite republicain. Ce dernier a donc la voie ouverte afin d’instaurer un regime ou il gouvernerait seul, mais prend bien garde de camoufler ses pouvoirs reels de peur de finir comme son pere adoptif : c’est le debut du Principat.