Le bonheur est il l’affaire de l’etat?

Le bonheur est il l’affaire de l’etat?

Le bonheur est-il l’affaire de l’Etat ? Introduction « Le bonheur est une idee neuve en Europe », declarait Saint-Just, constatant la revendication croissante des citoyens desirant que l’Etat developpe les conditions necessaires au bien-vivre. Naissait alors une idee nouvelle : le bonheur est l’affaire de l’Etat. Lorsque nous nous rebellons contre les decisions etatiques, c’est souvent parce que ces dernieres vont a l’encontre de notre bien-etre.

Cependant, nous ne nous representons pas tous le bonheur de la meme maniere : pour certains, etre heureux c’est etre en bonne sante ; pour d’autres, c’est etre riche…Si nous nous accordons pour dire que le bonheur est bien la fin ultime de nos actions, nous divergeons quant a la conception de son contenu. En ce sens, le bonheur n’est-il pas plutot une affaire privee ? I. Le bonheur se realise dans l’Etat. A. Le bonheur est la fin ultime de toute activite

Bien que le malade place son bonheur dans la sante, beaucoup sont malheureux tout en etant en bonne sante : les diverses conceptions particulieres que nous construisons en fonction de notre situation personnelle ne representent pas le bonheur en tant que tel, mais seulement des satisfactions diverses qui varient a chaque age de la vie et d’un individu a l’autre. Le

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bonheur est ce que tout homme recherche. Chaque activite est subordonnee a cette fin ultime : etre heureux. Ainsi, le bonheur doit etre pense dans son universalite comme fin ultime de l’homme.

L’homme, dirons-nous avec Aristote, ne peut atteindre le bonheur qu’a condition de realiser son essence. B. L’accomplissement de l’homme reside dans la vie politique. Or, le propre de l’homme est de vivre avec d’autres dans une societe politiquement organisee. En effet, Aristote montre que l’homme est « par nature a un animal politique ». En d’autres termes l’homme est par essence un etre qui vit dans une societe politiquement organisee. Et si le bonheur consiste justement pour l’etre humain dans la pleine realisation de son humanite, l’Etat est bien ce grace a quoi l’homme peut trouver le bonheur.

Le bonheur est alors l’affaire de l’Etat : il assure que chacun, en participant a la vie de la cite, realise en meme temps son humanite et accede au bonheur. C. La soumission avantageuse L’Etat est l’autorite politique souveraine qui s’exerce sur une population et un territoire determines. Si l’homme accepte de se soumettre aux lois, c’est qu’il doit y trouver quelque avantage. Or, est avantageux ce qui ne nous nuit pas, ce qui constitue un bien. Le bonheur serait donc bien l’affaire de l’Etat. Mais l’Etat n’est-il pas institue pour d’autres raisons et donc en vue d’autres fins que le bonheur ?

II. Le bonheur est une affaire privee A. Bien prive et bien public De fait, tout homme n’est pas heureux. En ce sens, on peut affirmer que, si l’Etat doit realiser le bonheur, il ne remplit pas son role. Il faut donc distinguer bien public, fin de l’Etat, et bien prive, fin de l’individu en quoi il place son bonheur. Nous concevons le bonheur comme « la satisfaction de toutes nos inclinations tant en extension, c’est-a-dire en multiplicite, qu’en intensite, c’est-a-dire en degre, et qu’en protension, c’est-a-dire en duree » (Kant).

Or, les desirs varient d’un individu a l’autre, d’un age a un autre, et peuvent se contredire. Il y a donc contradiction a affirmer qu’une loi puisse rendre heureux : la loi qui me rendrait heureux maintenant pourrait tres bien demain entrer en contradiction avec mon bonheur, mes desirs ayant change entre-temps. Kant en conclut que « relativement au bonheur, aucun principe universellement valable ne peut donner pour loi ». B. L’Etat garantit d’abord la securite L’Etat cree des lois que tous doivent respecter.

Et, par definition, la loi oblige : si elle existe, c’est bien parce que, de fait, nous n’agissons pas comme elle le prescrit. Sinon, nous n’aurons pas besoin de sanctionner celui qui la transgresse. Pourquoi interdire le vol et punir le voleur si personne ne convoite le bien d’autrui ? Ainsi, la loi oblige et restreint la liberte d’action. C’est ce qu’affirme Hobbes lorsqu’il decrit l’etat de nature comme un etat de conflit permanent, de « guerre de tous contre tous ». Si nous nous soumettons a l’Etat, ce n’est pas en vue du bonheur, mais en vue de la securite qu’il garantit.

En effet, si l’Etat menait au bonheur, il n’aurait pas besoin d’obliger par les lois : le bonheur etant ce que tous recherchent, si l’Etat nous le garantissait, il n’aurait pas besoin de nous obliger a agir de telle ou telle maniere. La fin de l’Etat n’est donc pas le bonheur, mais la securite. La fin de l’Etat n’est donc pas le bonheur, mais la securite. Ainsi, on ne peut affirmer que le bonheur est l’affaire de l’Etat. Mais alors, contre quoi nous rebellons-nous lorsque nous remettons en cause la legitimite d’une loi, si ce n’est contre le fait qu’elle va a l’encontre de notre bonheur ?

III. Le bonheur ne doit pas etre exclu des preoccupations de l’Etat. A. L’Etat ne doit pas imposer sa conception du bonheur Nous refusons les lois qui entrent en conflit avec notre bien-etre. Mais pouvons-nous reellement vouloir que l’Etat s’occupe de notre bonheur ? Un Etat qui pretendait veiller au bonheur des citoyens serait un Etat totalitaire qui imposerait a ses membres sa propre vision du bonheur. On nomme en effet « totalitaire » tout Etat qui veut regenter tous les domaines de la vie, qui s’immisce dans la vie privee des gens.

L’Etat peut-il raisonnablement decider a notre place du nombre d’enfants que nous souhaitons avoir, des activites qui nous permettent de nous epanouir, etc. ? On ne peut rendre quelqu’un heureux en lui imposant sa propre vision du bonheur. Ce que nous dirait un tel Etat, finalement, c’est : « Sois heureux, sinon tu seras puni ». C’est en ce sens que Kant ecrit : « On n’ordonne jamais a quelqu’un ce qu’il veut deja inevitablement de lui-meme. » B. L’Etat doit garantir la liberte de chacun de rechercher le bonheur. Dire que la fin de l’Etat est le bonheur revient a etruire ce qui fait la legitimite de l’Etat, a savoir la garantie de la liberte. Si, en effet, chacun accepte de se soumettre aux lois, ce n’est pas tant pour assurer sa survie que pour garantir la liberte dont il dispose. A l’etat de nature, les libertes s’annulent les uns les autres ; si j’ai la liberte de posseder cette pomme, autrui a la liberte de me la voler, si bien que ma liberte premiere disparait. Le droit seul peut fonder la liberte. La fin veritable de l’Etat est donc de garantir par les lois la liberte de chacun. Or, la liberte premiere que nous exigeons est celle de pouvoir rechercher par nous-memes le bonheur.

Si bien qu’il y a contradiction entre le principe meme du contrat social (garantie de la liberte) et la conception d’un Etat cherchant a faire notre bonheur a notre place (ce qui infantilise et nie notre liberte de placer notre bonheur ou nous le souhaitons). C. La possibilite du bonheur concerne l’Etat L’Etat joue cependant un role vis-a-vis du bonheur : s’il doit garantir notre liberte, et si celle-ci contient la possibilite de rechercher le bonheur, l’Etat se doit de veiller non au bonheur des citoyens, mais a la possibilite de la recherche de ce bonheur. Chacun a le droit de vivre ans un Etat qui ne fasse pas obstacle a sa quete du bonheur. L’Etat doit veiller au respect des conditions permettant d’acceder au bonheur. L’Etat doit veiller au respect des conditions permettant d’acceder au bonheur. Chacun a le droit de vivre dans un Etat qui ne fasse pas obstacle a sa quete du bonheur. Ainsi, nous ne pouvons exiger un droit au bonheur, mais seulement un droit a des conditions de vie qui respectent notre liberte et notre poursuite du bonheur. Benjamin Constant ecrit en ce sens : « Prions l’autorite de rester dans ses limites ; qu’elle se borne a etre juste.

Nous nous chargerons d’etre heureux » (De la liberte des Anciens comparee a celle des modernes). Conclusion : Le bonheur n’est donc pas l’affaire de l’Etat : bien que l’homme ne realise son humanite qu’en vivant dans une societe organisee, il n’y trouve pas necessairement ce qui serait susceptible de faire son bonheur personnel. L’Etat a pour role premier de garantir la liberte du citoyen, ce qui suppose qu’il ne lui impose pas sa propre vision du bonheur. L’Etat doit cependant veiller au respect de la liberte et des conditions minimales de bien-etre de chacun, celles-ci etant, pour une part, des conditions necessaires au bonheur.