L’annee 1956 Date charniere dans les relations internationales, l’annee 1956 annonce une nouvelle donne dans les rapports est-ouest et dans la hierarchie des puissances. L’arrivee sur la scene internationale du tiers-monde et la defaite franco-britannique dans la crise de Suez montrent bien ou se situent les nouveau enjeux. Alors que le debut des annees 50 caracterise une periode d’apogee pour les Etats-Unis d’Eisenhower, l’URSS entre en 1956 dans une nouvelle phase politique, basee sur la destalinisation et la volonte de coexistence pacifique formulee par Khrouchtchev, nouvellement arrive au pouvoir.
Neanmoins, la repression de Budapest marque les limites de la destalinisation mise en place par Khrouchtchev. Pourquoi l’annee 1956, marquee par une relative detente internationale entre les deux grands, est-elle marquee par des divisions, a l’interieur des blocs, comme entre Etats-Unis et anciennes puissances coloniales dans le « monde libre » ou encore entre democraties populaires et URSS au sein du monde communiste, mais aussi par l’emergence de nouveaux acteurs internationaux, Tiers-monde et nouveaux Etats decolonises ? I) Une nouvelle donne dans la guerre Froide
A) « la coexistence pacifique » ? la destalinisation Des la mort de Staline en 1953 on amorce une phase de « detente » dans les relations Est- Ouest . Mais c’est en fevrier 1956
Mais Khrouchtchev ne s’arrete pas la ; avec la theorie de la « coexistence pacifique » c’est un relachement des tensions et une politique d’apaisement avec l’Occident. Voici les cinq principes : _ respect mutuel de l’integrite territoriale et des souverainetes _non- agression _ non- ingerence _ egalite et avantages reciproques _ coexistence pacifique et cooperation economique (La coexistence pacifique est alors en adequation avec l’offensive du sourire que Khrouchtchev met en place pour detendre les relations internationales, tout en se rapprochant d’un Tiers-Monde emergent, qui commence a etre libere de la colonisation.
Neanmoins, le concept de coexistence pacifique se voit remis en cause dans sa dimension interieure, au travers notamment des relations que l’URSS entretient avec les democraties populaires satellites en Europe de l’Est : l’apaisement apparaissant dans les relations entre les deux blocs est plus exigu a l’interieur du bloc communiste, comme le montre la repression de l’insurrection de Budapest. ? Un concept ambigu Comment expliquer l’introduction de ce concept ?
Khrouchtchev voit dans la coexistence pacifique un moyen de rattraper economiquement les Etats-Unis, au travers notamment d’un developpement des echanges commerciaux et des transferts de technologies. Derriere l’apparent objectif que serait une detente des relations internationales, le camps communiste se positionne toujours en contre-modele au capitalisme, et considere ce changement comme necessaire pour un avenement prochain du socialisme. Des son discours au 20eme congres du PCUS, Khrouchtchev rappelle que la victoire du socialisme demeure, a long terme, l’objectif supreme et la utte des classes le moteur de l’Histoire. ( L’ambiguite du concept de coexistence pacifique repose donc sur le paradoxe entre une detente des relations entre les deux grands, necessaire dans ce contexte d’equilibre de la terreur (nucleaire notamment), et l’affirmation du monde communiste en contre-modele au capitalisme, soit une opposition latente toujours d’actualite en 1956. B) l’heure des contestations ? le coup d’etat Polonais Avec l’assouplissement du regime dans le cadre de la destalinisation, les revendications nationales se font de plus en plus fortes.
Le Kominform est dissout en avril et en Pologne la destalinisation permet la rehabilitation de nombreux intellectuels opposes a la terreur du regime Stalinien, et revendiquent une voie polonaise vers le socialisme. Les troubles ne tardent pas : des le 28 juin une emeute ouvriere eclate a Poznan, reprimee par les forces de l’ordre. Gomulka, ancien secretaire du parti ouvrier revient en octobre 1956 et choisit la voie du compromis avec Moscou pour assurer une relative autonomie au pays. Dans le contexte de destalinisation, le Kremlin semble donc tolerer certains ecartements a la ligne de conduite sovietique. Neanmoins, le modele communiste ne semble pas pouvoir etre remis en cause par les differents satellites, comme le montrera la repression des emeutes de Budapest d’octobre 1956. ? La revolution Hongroise En octobre 1956 a Budapest, les Hongrois reclament comme les Polonais le retour de leur ancien leader Imre Nagy, contraint a l’exil sous l’ere Stalinienne. Il revient et amorce une tentative neutraliste encouragee par les occidentaux via Radio Europe Libre.
Face aux revendications de rupture avec Moscou, notamment sur une remise en cause du pacte de Varsovie, l’insurrection est avortee par l’arrivee des chars d’URSS qui repriment par le sang les emeutes antisovietiques hongroises. ( Cette crise est donc une epreuve de force voulue par l’URSS pour montrer aux democraties populaires comme aux Etats-Unis que son bloc ne peut etre remis en cause. On observe que malgre un assouplissement relatif lie a la destalinisation, Moscou reste tout de meme le reel centre de decisions dans les relations entre bloc communiste et « monde libre ».
L’avenement d’un Tiers-monde de plus en plus unis constitue alors un nouveau terrain d’affrontement entre les deux grands. II) L’emergence du Tiers monde, une nouvelle donne geopolitique. A) La decolonisation, poursuivie en Afrique avec l’independance du Maghreb. ? L’independance du Maroc et de la Tunisie, et debut de la decolonisation en Afrique noire Le gouvernement de Guy Mollet elu en janvier 1956 se veut dans la continuite de l’? uvre de Pierre Mendes France sur le plan colonial. G.
Mollet fait alors aboutir les revendications d’autonomie des protectorats tunisiens et marocains, afin notamment d’eviter un embrasement comme en Algerie et pour proteger les interets francais aux Maghreb, premices d’un post-colonialisme (base militaire a Carthage, echanges economiques). De plus, le gouvernement francais de front republicain souhaite concentrer son action sur l’Algerie qui connait une montee des violences (bien que les tentatives de negociations soient refusees par les colons francais en Algerie).
Cette meme annee, le gouvernement ebauche la decolonisation de l’Afrique noire en adequation avec le concept d’auto-determination des peuples en vigueur a l’ONU, grace a la loi-cadre Defferre, instituant une assemblee dans lesquels s’illustreront les leaders nationaux (F. Houthouet-Boigny, L. Senghor, M. Ould-daddah…). (La France entame donc un tournant dans la gestion des colonies, qu’avait pu initier Mendes France, et que poursuit le gouvernement de front republicain de Guy Mollet. Neanmoins, les aspects positifs sont passes inapercus des contemporains tant le gouvernement G.
Mollet se trouve hypotheque par la guerre d’Algerie qui prend a ce moment son caractere le plus aigu. ? Le cas Algerien L’independance du Maroc (2 mars 1956) et de la Tunisie (20 mars) est une rapide evolution de la situation geopolitique au Maghreb mais qui laisse de cote le probleme Algerien. Dans un premier temps, Guy Mollet souhaite « mettre fin a une guerre absurde » et donner des solutions au conflit par des reformes. Cependant, le remplacement du gouverneur general Soustelle par le general Catroux est mis a mal par les volontes des colons, manifestant leur mecontentement lors de la visite de G.
Mollet a Alger en fevrier 1956 (jet de tomates). Mollet recule, en nommant Lacoste il definit une nouvelle politique de negociations admise par les colons mais supposant un FLN vaincu et donc une recrudescence de l’action militaire. (Les amorces diplomatiques de Guy Mollet debouchent donc paradoxalement sur une augmentation des effectifs militaires. L’exercice du pouvoir est alors majoritairement assure par les militaires. Cette annee est donc un tournant dans un durcissement du conflit, qui debouchera en 1957 sur la bataille d’Alger et le conflit arme. Les « non- alignes » A la suite de la conference de Bandung (1955), une nouvelle attitude politique des nouveaux Etats independants du Tiers-Monde fait emerger le mouvement des « non-alignes ». Une ligne politique, fondee sur la volonte d’opposer l’independance et la souverainete nationale aux ingerences ou a la domination des plus grands. En juillet 1956 avec la conference de Brioni (Nasser, Nehru, Tito), les non-alignes definissent quelques positions communes concernant la securite internationale et les conditions du maintien de la paix. L’emergence d’un Tiers-monde comme force politique entraine donc une modification des rapports de force internationaux et surtout un nouvel enjeu pour les deux blocs dans la guerre froide. La volonte de peser sur les affaires internationales par le Tiers-Monde s’illustrera d’ailleurs dans la crise de Suez de d’octobre 1956. B) La crise de Suez (27 octobre-7 novembre 1956) ? Le jeu des alliances Nasser, president Egyptien, est un des leaders du panarabisme et un des chefs de file des non- alignes.
A la tete du pays depuis 1954, le colonel Nasser souhaite affirmer par sa politique, a la fois son independance dans la guerre froide (non-alignes), mais aussi s’imposer comme leader du panarabisme. De plus, en souhaitant nationaliser le canal de Suez, Nasser ebranle les interets economico-strategiques britanniques et francais dans la region. Enfin la France voit dans Nasser un danger pour le retour a la stabilite en Algerie, de part les aides egyptiennes accordees au FLN. Les sovietiques soutiennent Nasser dans une logique de soutien aux « bourgeoisies nationales ». La crise de Suez, ultime manifestation de la « politique de la canonniere », pratiquee depuis le 19eme siecle par les europeens, trouve son issus a l’automne 1956 par une intervention armee israelo-franco-britannique. La reussite militaire (occupation du Sinai le 29 octobre) est suivie rapidement d’un echec diplomatique pour les francais et les anglais. ? un fiasco diplomatique La victoire militaire rapide et totale cache cependant un fiasco diplomatique entrainant un retournement des rapports de force dans la region.
Les sovietiques menacent d’envoyer des fusees sur Londres et sur Paris, tandis que les americains exercent des pressions politiques et financieres sur le cabinet Eden qui pousse, par sa defection, le gouvernement francais a accepter le cessez-le-feu de l’ONU. (On observe donc que les superpuissances substituent leur propre influence a celle des anciennes puissances coloniales. La crise de Suez est pour Nasser un moyen de transformer sa defaite militaire en succes politique, alors que les deux grands se trouvent face a face au Proche Orient, presageant un nouvel espace de conflit dans la guerre froide.
CONCLUSION 1956 est donc un tournant dans les relations internationales, aussi bien par le contexte nouveau de coexistence pacifique que par l’emergence de nouveaux acteurs internationaux, un Tiers-Monde souhaitant trouver une place au c? ur de la guerre froide. Le drame hongrois montre par ailleurs que la destalinisation s’arrete la ou commencent les interets politiques et strategiques de l’URSS, tandis que la crise de Suez constitue pour les deux grands un moyen d’affirmer leur pregnance dans les decisions internationales.
Cette annee 1956 est un tournant pour la France dans la mesure ou 1956 definit la nouvelle politique algerienne et le durcissement de la guerre face a cet « ennemi intime ». C’est a cause de l’enlisement du conflit et de l’impossibilite de trouver une solution que la 4eme Republique s’effondrera deux ans plus tard. Source : Berstein-Milza Histoire du 20eme siecle, Encyclopedia Universalis