L’angagement lise gauvin

L’angagement lise gauvin

Compte-rendu et approche d’analyse Le contexte litteraire quebecois actuel fait office d’une accreditation soutenue par un corpus litteraire majeur. Ce fait, aujourd’hui entendu par le milieu populaire litteraire, s’illustre particulierement chez les libraires, tant anglophones que francophones, qui octroient une division majeure de leurs etablissements a la litterature dite quebecoise. Toutefois, cette pleine reconnaissance est jeune et issue d’importants debats. Dans son ouvrage langagement , Lise Gauvin s’interroge sur cette evolution rapide et prolifique de l’ecriture au Quebec.

Une ecriture empreinte d’un profond questionnement d’appartenance a sa propre langue, une recherche de legitimite quasi obsessive ! En etudiant l’eventail de l’heritage litteraire quebecois, tous genres confondus, Gauvin enonce l’hypothese de la surconscience linguistique propre aux Quebecois. Dans cette meme optique, nous verrons, dans un premier temps, comment cette hypothese retrace les piliers de la litterature, mais surtout de la langue quebecoise. Dans un second temps, nous nous concentrerons sur certains chapitres clefs qui permettent d’analyser d’un point de vu glottocritique, c’est-a-dire linguistique et langagier, une ? vre de Sabica Senez parue en septembre 2010 aux editions Lemeac : Petite armoire a coutellerie. L’idee sera, dans le cadre d’une evaluation finale au cours de litterature quebecoise et ses langues, d’extrapoler les notions illustrees par Gauvin

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une decennie apres la publication de son ouvrage de reference. Dans son ouvrage theorique sur l’engagement et la langue des ecrivains au Quebec, Gauvin propose une hypothese qui souligne l’ampleur de la relation d’amour qui unit les Quebecois a leur langue maternelle francaise.

Cet amour intransigeant, puissant, redondant meme fait place a un phenomene de condition d’ecriture familier aux litteratures emergentes : «la surconscience linguistique». Celle-ci se distingue entre autres choses par sa coexistence avec deux spheres de domination sociale : la suprematie anglophone du debut du 20e siecle dans le domaine economique et politique ainsi que l’office francais de la langue francaise. Ces deux joueurs dephases de la realite quebecoise entrainent un phenomene d’alienation collective des Quebecois qui persistent pourtant encore !

Bref, c’est en survolant le corpus litteraire du Quebec que Gauvin «se propose d’examiner les positions theoriques — critiques et polemiques — enonces par les ecrivains que les positions langagieres vehiculees par les textes, et tout particulierement les recits. » Pour se faire, Gauvin etablit deux eres de reference creatrice qui indiquent non seulement cette particuliere obsession des Quebecois pour le debat linguistique, mais aussi toute la richesse du corpus base sur tant d’engagement. Ainsi, Gauvin nomme «tourment litteraire» cette zone d’abondance ’essais, de manifestes, de recits, de theatre, etc. fondee sur l’utopie, vehiculee depuis Cremazie d’«une langue a soi» ! Pourtant, ce mal qui souleve tant les ecrivains les force a user de leur langue, d’en profiter, de la hierarchiser, de l’assumer pour combattre l’indignation face a la domination culturelle et sociale ! On verra apparaitre joual, oralite, quebecismes, anglicismes, francisation de l’anglais : le tout a travers un polemique poignante qui illustre bien toute la singularite de ce mouvement general combatif.

Lise Gauvin voit donc juste lorsqu’elle etablit une forte complementarite entre cette fragilite linguistique et l’utilisation de sa richesse pluriculturelle en matiere de stylistique. Elle nommera donc la seconde partie de son ouvrage en l’honneur de cette envolee creatrice de l’ecrivain qui cesse d’avoir peur, qui n’est plus aliene ! Cette fierte quebecoise s’accompagnera d’une attestation globale qui permet, ensuite d’exploiter artistiquement cet «imaginaire des langues. » C’est une toute nouvelle liberte d’expression qui s’amorce.

Si la premiere partie de l’ouvrage de Gauvin nous illustre bien toute la problematique entourant l’elaboration de la litterature quebecoise (debat encore actuel dans la mesure ou l’anglais et l’immigration etoffent le corpus litteraire du Quebec et contribuent a l’attester en tant que grande litterature), nous nous interesserons davantage a la seconde partie qui s’amorce par la conclusion de la premiere. En effet, les recherches et derivations linguistiques qui animent les ecrivaines feministes enclenchent le processus d’eloignement par rapport aux debats precedents.

Cette nouvelle distance permet d’utiliser la langue comme outil de style, outil du vraisemblable, outil de distanciation et de distinction entre les differents personnages voir du narrateur lui meme ! Pour paraphraser Mme Gauvin, la langue devient litteralement l’objet de la fiction ! En effet, comme la deuxieme partie etudie les effets de langue dans le recit, on se demande «maintenant dans quelle mesure les esthetiques contemporaines echappent au « francais fictif » qui a longtemps tenu lieu de langue litteraire, c’est-a-dire au clivage entre une langue polie, ideale et somme toute assez neutre […] » Dans l’? vre Petite armoire a coutellerie qui sera bientot etudiee, le discours narratif est tenu par une femme qui laisse croire a l’autofiction. Dans cette mesure, le chapitre IV de Gauvin illustre bien comment l’ecriture feminine se distingue du point de vu masculin. En effet, la sensibilite qui s’en degage et le travail linguistique qui la manifeste sont, d’emblee, des caracteristiques clefs de la voix litteraire. « La demythification est d’autant plus efficace qu’elle s’accompagne d’une mise en scene textuelle visant a faire eclater, en les exhibant dans toute leur negativite, les images et les mythes denonces. Ainsi, nous verrons comment l’ecriture denonce la souffrance de la narratrice. Comment ses recours a l’anglais, a l’oralite et aux references culturelles etoffent son discours et son recit. Dans cette mesure, nous elaborerons ensuite une analyse des effets de reels crees par l’utilisation de sa langue crue et de la description sauvage qui s’en suit. Nous nous pencherons sur la figure dominante d’ellipse qui donne son rythme a l’? uvre tout en l’enrichissant d’une mise en page saisissante qui met l’emphase sur les chacun des passages de l’? vre. Ce sont donc les chapitres 4,5 et 7 qui nous permettrons d’etudier en profondeur le jeu de langage de cette courte mais combien poignante, pour ne pas dire poignardante, ? uvre qu’est Petite armoire a coutellerie. Pour conclure, si l’? uvre de Gauvin fournit une excellente retrospective de l’univers litteraire quebecois ainsi que de ses conditions d’existence, nous ajouterons que l’ouvrage tire parfois en longueur ce qui rompt l’elaboration de la problematique dans une linearite claire.

Toutefois, il apparait clair que l’hypothese enoncee par l’auteur et bel et bien reelle et appuyee par des exemples concret qui facilitent l’extrapolation et l’analyse d’? uvres qui succedent a l’ouvrage. Une qualite qui revele ici un ouvrage certainement clef et incontournable de la theorie litteraire quebecoise. ——————————————– [ 1 ]. ibid, p. 95. [ 2 ]. Ibid, p. 77.