La vie est un songe

La vie est un songe

LA VIE EST UN SONGE Dans cette piece, le prestigieux dramaturge espagnol, Pedro Calderon de la Barca (1600-1681) illustre l’idee typiquement baroque selon laquelle les certitudes ou verites humaines sont des illusions au regard de Dieu, unique realite ferme et constante. Un horoscope a predit au roi de Pologne, Basyle, que son fils Sigismond deviendrait un tyran sanguinaire : il l’a donc enferme dans une tour. Apres quelques annees, le roi cherche a verifier la prediction et libere Sigismond, sans que celui-ci s’en rende compte, grace a une potion soporifique.

Mais celui-ci commet des mefaits et est a nouveau conduit en prison, toujours sous l’effet d’un narcotique. A son reveil, le personnage se confie a Clothalde, son precepteur et geolier. Il se demande s’il a vecu ou reve, soulignant ainsi la parente entre la vie et le songe. « Dans ce monde, en conclusion, chacun reve ce qu’il est, sans que personne ne s’en rende compte. Moi, je reve que je suis ici, charge de ces fers, et j’ai reve que je me voyais dans une autre condition plus flatteuse. Qu’est ce que la vie ? -une fureur. Qu’est ce que la vie ? une illusion, une ombre, une fiction, et le plus

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grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe, et les songes meme ne sont que songes.  » ( » La vie est un songe », Calderon) Le vieux Roi Basilio a fait enfermer son fils Sigismond des sa naissance donnant foi a un oracle qui avait prophetise que son heritier deviendrait un tyran, un monstre, qui ferait ployer la Pologne sous le poids de sa cruaute. L’importance de l’intrigue est somme toute relative. Au dela des figures de style et des jeux de scenes, l’interet premier de la piece est sa signification.

Car celle qu’on a souvent taxee (a tort ? ) de philosophie recele une reflexion profonde de Calderon sur l’Homme et l’Existence, l’Etre et le Neant. L’epopee de Sigismond illustre en fait l’existence des hommes et leur quete de Sens. Un recent court-metrage le declamait ainsi :  » chacun cherche son chat « . Tous les hommes cherchent du sens a leur existence. Calderon se penche sur ces trefonds de l’ame humaine et son heros represente ici l’humanite toute entiere. La vie est un songe se fonde sur un paradoxe initial auquel Sigismond repond a la fin de la piece.

Basilio pour dejouer le destin, enferme celui qui deviendra un monstre dans une tour ou il erre comme un fantome enchaine et vetu de peaux de betes poussant de lugubres plaintes. Si Sigismond est devenu une bete feroce ce n’est pas en raison d’un quelconque dessein concu par l’infini mais bel et bien parce que son pere a fait de lui l’animal qu’il est devenu. Il n’y a pour Calderon ni Destin ni Fatalite, il n’existe aucun Absolu qui decide de nos vies. Nous ne sommes et ne devenons que tels que la vie nous forge. Rien n’est donne d’avance.

Ajoute a ce constat la permeabilite latente dans La vie est un songe des frontieres entre reve et realite, on comprend qu’il n’existe pas de Verite en soi. Le reel n’existant donc pas, il serait vain d’y chercher un sens : c’est la croyance en l’Absurde chere a Camus, pourquoi ferrer du sens de facon sterile dans un monde par essence vain tant il est vrai qu’il n’existe pas en lui-meme, qu’il n’est que le produit de la juxtaposition hasardeuse de plusieurs elements, qu’il n’est que le fruit de la Contingence. Il faut maintenant souligner l’echec de la prophetie qui annoncait un tyran et qui voit le couronnement d’un Roi juste et genereux.

Outre le fait qu’il n’existe pas de Fatalite, Calderon nous montre qu’il n’existe pas de Nature humaine. Sigismond croit rever, mais pour se flatter de sa propre image et pour continuer a jouir de ses chimeres, il se fait defenseur de la vertu et apotre de la noblesse. L’Homme n’est que ce qu’il veut etre, aucune epee de Damocles ne pese sur nos tetes foetusiennes. Sartre dirait :  » L’Existence precede l’Essence « . Par ailleurs, ne pas croire en la Fatalite, ne pas s’abandonner a l’arbitraire du destin responsabilise l’Homme qui se sent investi d’une incroyable mission, celle de mener son existence, seul.

Le songe est une metaphore de la Contingence de l’existence et le songe, ainsi revele a Sigismond, lui permet de se prendre en main.  » Arriere les majestes feintes, les pompes fantastiques, arriere les illusions…Pour moi plus de mensonges car desabuse de tout, je sais que la Vie n’est qu’un songe « . Ce qui deviendra la pensee Existentialiste prend ici son envol. Le Monde n’est qu’un contenant dans lequel rien n’est fixe. Mu par cette liberte nouvelle, l’Homme est  » forgeron de son destin « , il choisit sa vie et son etre profond. Il a conscience qu’il vit dans un monde incertain, hasardeux, et evolue de son propre chef, libre et heureux.

La philosophie que developpe La vie est un songe est perceptible et applicable par tous : avoir a l’esprit que la vie n’est que le mouvement, l’impulsion que l’on donne a son existence. En bref le monde est a nous. Est il perspective plus enivrante ? Pedro Calderon de la Barca Dramaturge espagnol (Madrid, 1600 — id. , 1681). Issu d’une famille castillane anoblie depuis peu, eleve chez les jesuites, Calderon, nanti de charges officielles a la cour de Philippe IV, puis de Charles II, y exercera avec succes ses talents de dramaturge, sera brievement tente par la carriere militaire, et entrera tardivement dans les ordres.

Bien enracine par sa culture dans la tradition dramatique espagnole, il la renouvelle par une production theatrale considerable et variee, riche de quelque deux cents pieces: autos sacramentales, comedies et intermedes, pieces lyriques agrementees de choregraphies, drames historiques et moraux, ses commandes pour les fetes royales ou religieuses sont autant d’ uvres baroques, intensement poetiques, qui revelent le genie d’un auteur profondement chretien et font de lui l’un des maitres du theatre espagnol.

Sigismond, le heros de son chef-d’ uvre, La vie est un songe, est devenu le symbole universel de l’homme et de sa condition. Un lettre de petite noblesse Pedro Calderon nait a Madrid le 17 janvier 1600. Son pere occupe une charge dans l’administration des finances et sa mere appartient a la petite noblesse. Il a trois s urs et deux freres, qui deviendront l’un avocat, l’autre officier. Il perd ses parents tot: sa mere en 1610, son pere en 1615. Dans son testament, ce dernier l’engage a uivre la carriere ecclesiastique, ce que Calderon ne fera pas, du moins dans l’immediat. Entre 1608 et 1614, il recoit une excellente education au college imperial de la Compagnie de Jesus de Madrid, ou il est initie au latin, a la rhetorique et a la lecture des classiques. Il entreprend ensuite des etudes de droit a Alcala de Henares, puis a Salamanque, sans cependant les terminer. La rigueur et la logique de l’argumentation de ses textes, la vaste culture qu’ils revelent sont la marque de l’empreinte profonde laissee par ces annees de formation.

Entre plume et epee De sa jeunesse, on connait quelques episodes tumultueux et dignes de l’une de ses comedies de cape et d’epee. Ainsi, en 1621, implique avec ses freres dans une affaire d’homicide, il doit vendre la charge de son pere pour indemniser la famille de la victime. En 1629, l’un de ses freres est blesse par un acteur qui cherche ensuite refuge dans le couvent des religieuses trinitaires, a l’interieur duquel Pedro, suivi de pres par la police, le poursuit: il sera accuse d’avoir viole un lieu sacre.

Ces demeles avec la justice et l’Eglise n’entament ni sa vocation poetique ni la faveur dont il jouit bientot aupres de son souverain. Des l’age de vingt ans, il participe a des concours de poesie, puis il ecrit ses premieres uvres dramatiques. Amour, Honneur et Pouvoir, sa premiere comedia, est representee en 1623 au Palais royal, comme le seront par la suite la plupart de ses uvres: Calderon ne tarde pas a devenir le dramaturge favori de la cour, surtout apres la mort de Lope de Vega (1635).

Entre 1630 et 1640, il ecrit ses uvres majeures, dont une premiere partie est publiee des 1636. L’annee suivante, il devient chevalier de l’ordre de Saint-Jacques, apres quelques difficultes: l’emploi de son pere le rendant indigne de recevoir l’habit de chevalier, il doit obtenir de Rome une dispense. En 1640 et 1641, delaissant la plume pour l’epee, il participe aux campagnes contre la rebellion des Catalans, et y est blesse a la main. Sa breve experience militaire s’arrete la. Retraite spirituelle Quant a sa vie privee, elle demeure peu connue.

On lui connait un fils naturel, nomme comme lui Pedro, ne vers 1647 d’une mere dont on ignore tout, et mort a peine dix ans plus tard. En 1651, Calderon entre dans les ordres et ce n’est qu’une fois ordonne pretre qu’il reconnaitra avoir eu ce fils, qu’il lui etait arrive auparavant de presenter comme son neveu. A partir de cette date commence pour le dramaturge une vie de retraite, sa «biographie du silence». Un temps chapelain a la cathedrale de Tolede, il s’en retourne a Madrid en raison de problemes de sante.

Cessant d’ecrire directement pour les corrales (theatres) populaires comme dans sa premiere epoque, il se consacre des lors exclusivement a la composition d’autos sacramentales et de divertissements pour la cour. Fait chapelain honoraire de Philippe IV en 1663, il jouit aupres du public d’une popularite durable, et des recueils de ses uvres sont regulierement edites. En 1680, la derniere piece de Calderon est representee au theatre du Buen Retiro, devant le roi Charles II. Un an plus tard, le 25 mai, il expire a Madrid, a l’age de quatre-vingt-un ans. Honneur et pouvoir

Calderon a beaucoup ecrit, qu’il s’agisse de comedies de cape et d’epee ou de pieces a caractere hagiographique (le Magicien prodigieux), historique (le Siege de Breda) ou mythologique (Echo et Narcisse). Il a egalement compose des poemes et les livrets de courtes pieces musicales, les zarzuelas. On distingue dans cette uvre foisonnante deux periodes. Avant 1640, ses drames presentent un conflit dont on suit l’evolution jusqu’a sa resolution finale. Dans la deuxieme partie de sa carriere, le spectacle l’emporte sur l’intrigue et les autos destines a l’edification religieuse predominent alors dans sa production.