La rose et le reseda

La rose et le reseda

LA ROSE ET LE RESEDA Aragon, La Diane francaise INTRODUCTION Le texte que nous allons etudier est un poeme d’Aragon, ecrivain surrealiste connu pour son engagement ideologique au cote du Parti Communiste. Le recueil La Diane francaise d’ou est extrait le texte reunit des poemes ecrits pendant la guerre ou a la Liberation. Il contient notamment des poemes, comme « La rose et le reseda » qui, furent publies au depart dans la clandestinite.

Les deux fleurs, la rose rouge et le reseda blanc symbolisent par leurs couleurs deux appartenances politico-religieuses : le rouge est la couleur des socialismes, traditionnellement athees, le blanc, celle de la monarchie, et plus generalement du catholicisme qui lui est associe dans l’histoire de France. Poeme de circonstance a l’origine, (a l’epoque le Parti Communiste pratique la politique de « la main tendue ») ce texte, au-dela des circonstances precises de sa composition vaut par la beaute de l’ideal d’unite qu’il illustre. LECTURE ANNONCE DES AXES I – Le recit d’un episode type de la Resistance II – Le registre epique

III – De nombreux procedes d’amplification ETUDE I – LE RECIT D’UN EPISODE TYPE DE LA RESISTANCE Ce poeme est dedie a 4 grands Resistants de droite et de gauche, fusilles

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par les Allemands : • Gabriel Peri : homme politique et journaliste francais, membre du Parti communiste, fusille en 1941 • Honore d’Estienne d’Orves : officier de marine francais, rallie au General de Gaulle en 1940, fusille en 1941 • Guy Moquet, fils d’un depute communiste, fusille comme otage en 1941, a l’age de 17 ans • Gilbert Dru : il organisa la Resistance dans les milieux de la Jeunesse Chretienne, fusille a Lyon en 1944, a l’age de 24 ans

C’est donc en reference a des faits reels qu’Aragon ecrit ce texte, qui raconte avant tout un episode type de la Resistance. Ce texte est concu sous forme de recit, en 3 etapes tres distinctes A. Premiere etape (vers 1 a 27) • Presentation des personnages avec une dominante imparfait : l’athee et le chretien, unis par la meme construction anaphorique et parallelique « celui qui croyait au ciel / celui qui n’y croyait pas » • Image de la France prisonniere • Determination des Resistants et abolition des querelles ideologiques au nom du commun combat B. Deuxieme etape (vers 28 a 50) Un evenement : « la sentinelle tira » v. 28 = passage au passe simple dominant de l’action • La detention • L’execution a « l’aube cruelle », et le melange de sang • Present de narration v. 47 C. Troisieme etape (v 51 a la fin) • L’utilite du sacrifice : le sang des martyrs nourrit une France qui redeviendra feconde : « murisse un raisin muscat » v. 54 • Un plan elargi sur une France se redecouvrant, d’Ouest en Est – sur fond de ritournelle, presque de comptine – comme creuset unifiant des couples antithetiques, comme la rose piquante e le fade reseda. II – LE REGISTRE EPIQUE A.

A chaque etape, le poete narrateur intervient pour commenter l’action avec une visee argumentative destinee a embellir le geste 1. Premiere etape Le narrateur intervient au present de verite generale pour commenter et approuver l’attitude des personnages : « Qu’importe comment s’appelle… v. 9 / Fou qui fait le delicat / Fou qui songe a ses querelles v. 22-23 ». Les commentaires ont une visee argumentative, Aragon en appelle a l’union sacree. 2. Deuxieme etape Le narrateur insiste sur le fait que l’insurrection contre la barbarie transcende les convictions personnelles « Un rebelle est un rebelle » v. 39 3. Troisieme etape

Ici la presence du narrateur se ressent dans l’apostrophe la « flute » et au « violoncelle » v. 60 qui est un appel au lyrisme a propos du sujet pose : voir le lexique : « Rechantera » v. 60 : le poete pose ici une mission qui est celle de chanter les louanges des heros : on retrouve ici la tradition epique ou le narrateur intervient pour commenter la bataille en la grandissant. B. Un registre epique • Allegorie de la France, jeune femme « la belle » v. 3, « celle / Qu’aucun des deux ne trompa » v. 45-46 : cette allegorie pose les heros un peu comme des chevaliers du Moyen-Age, charges de liberer la « Prisonniere des soldats v. 4

D’autant plus que comme dans l’amour courtois, l’amour est total, platonique et fidele : – « Tous deux adoraient la belle » v. 3 – « Tous les deux etaient fideles / Des levres du c? ur et des bras » v. 15-16 -> rythme ternaire qui accentue la plenitude de l’amour suggere – « le nom de celle / Qu’aucun des deux ne trompa » v. 45-46 • Reseau lexical abondant de la guerre et de la mort • Grandissement epique de certaines images : – Metaphore filee, des recoltes entre le vers 21 et la fin du texte : de maniere antithetique, le ble « sous la grele » (metaphore des bombardements) trouvera un echo dans « le raisin muscat » qui murit a la fin v. 4 = images opposees destinees a dramatiser la situation – Le sang dont se nourrit la terre : v. 47, 51-52 : le caractere epique de l’image est d’autant plus souligne par le singulier qui designe ici les 2 morts ; idee = grandissement des heros par leur unite. (Il ne font plus qu’un face a la mort) – La transformation finale : « L’un court et l’autre a des ailes »v. 57 : ange ou demi-dieu, les heros ont acquis des pouvoirs magiques. III – DE NOMBREUX PROCEDES D’AMPLIFICATION

La visee d’Aragon dans ce poeme est semblable a celle d’Eluard : resolument hostile au nazisme et a la collaboration, il fait de la poesie une arme qui doit toucher immediatement : d’ou l’importance accordee aux procedes d’amplification : • L’anaphore, toujours presente des lors qu’un texte est oratoire : – « Celui qui / celui qui » : les personnages sont a la fois differents (par le singulier) et lies (par l’anaphore) – « Lequel / et lequel ». – « Tous les deux / et tous les deux » : la aussi, les anaphores marquent l’un et le double. – « Fou qui / fou qui » : rappel d’une structure courante de la poesie ancienne : « Heureux qui… » Les rimes : la limpidite apparente est le fruit d’un systeme de rimes tres elabore, qui participe a l’effet d’insistance. Deux rimes seulement [II] (L) et [a], toujours croisees, comme sont croisees les destines des deux personnages. On peut observer que ces rimes sont parfois redoublees a l’interieur du vers (par ex : v. 5, v. 28, v. 35), et que tout un reseau d’assonances, d’une part autour du [a], d’autre part autour du [e], [II] leur fait echo. • Le refrain : dix fois, a la facon d’une litanie, il rappelle l’indefectibilite du lien qui unit des personnages que tout pourrait separer ; ce lien, c’est celui du « commun combat ». Aucune ponctuation dans ce parcours en heptasyllabes (comme dans « Liberte ») vers la « saison nouvelle », ce qui ne signifie pas pour autant un parcours parfaitement lineaire. En effet, le rythme ne fait pas forcement coincider l’unite metrique et l’unite semantique, et produit des effets soit d’etirement, soit de rupture, soit de mise en valeur. On constate par exemple des enjambements : – V. 3-4 : « la belle / prisonniere » – V. 17-18 : « qu’elle / Vive », qui permettent la mise en valeur du mot en position de rejet – V. 45-46 : « celle / Qu’aucun des deux… »

Mise en valeur des mots en contre-rejet : – V. 33-34 : « Lequel / A le plus triste… » – V. 51-52 : « se mele / la terre… » Enjambement qui illustre bien la continuite entre la vie et la mort. On observera que c’est souvent l’enjeu du combat, jamais nomme, la France, qui est valorisee par ces effets de rythme. • Quant aux alliterations, elles constituent une respiration du texte. Sans pretendre a une etude exhaustive, on remarque que dans certains passages, les alliterations sont dures : [k], v. 24 ; [g], v. 40 ; [t], v. 28 ; [d], v. 3 et dans d’autres passages, plus douces : [v], v. 8 ; [s], v. 47 Sans proposer une interpretation mecanique et sterile des sonorites, on peut cependant constater que ces echos consonantiques « colorent » de facon efficace des enonces, tantot dramatiques, tantot sereins. CONCLUSION Recit et chanson tout a la fois, cette poesie engagee se veut avant tout un hymne a l’unite face a l’adversite : que l’on partage ou non les convictions de l’auteur, force est de reconnaitre la puissance du souffle epique qui parcourt ce texte et dont l’allegorie de la France (dans un autre registre cependant) n’est pas sans rappeler le texte de d’Aubigne.