L’Assemblee Constituante Les reformes (Automne 1789-Automne 1790) La Fayette ou Mirabeau Apres l’installation du roi a Paris, les desordres s’apaiserent dans la capitale. En province et dans les campagnes, quelques troubles ponctuels eclataient encore ici et la visant a l’abolition complete des droits seigneuriaux. Dans la France entiere et surtout a Paris, l’homme cle du moment est La Fayette. Apres les evenements d’octobre, il s’estime etre le sauveur du roi et de la reine. Tous deux le detestent mais n’ayant pas le choix, feignent d’accepter ses conseils et ses services.
Sa popularite est immense dans la capitale, ou il devient rapidement l’idole des partisans d’une revolution bourgeoise tendant a mettre en place une monarchie constitutionnelle. Par sa fonction a la tete de la Garde Nationale, par son ascendant sur les hommes, sa courtoisie et sa moderation envers les plus demunis, son courage et son implication lors des troubles ou manifestations il parvient a desamorcer les tensions les plus explosives. Sur de sa popularite, il vise le plus haut pouvoir, c’est-a-dire le poste de Premier ministre d’un roi constitutionnel. Deux rivaux ne voient pas d’un tres bon oeil cette popularite.
Le duc d’Orleans qui convoite toujours le trone et Mirabeau qui se voit lui
Mirabeau enfin ecarte, le pouvoir et la popularite de La Fayette vont croitre et prosperer jusqu’a l’ete 1790. Les debats a la constituante Composition de l’assemblee En novembre 1789, l’Assemblee vient sieger aux Tuileries dans la salle du Manege. La salle longue et etroite n’est pas tres adaptee a ce genre de seance. Le president est a une extremite, les orateurs sont a l’autre, le public pouvant assister aux seances interrompt frequemment les deputes. Les travaux prepares par les differents comites sont discutes en seance le matin puis le soir apres 18 heures.
Depuis le vote sur le droit de veto du roi le 11 septembre 1789 ou les deputes s’etaient partages en deux groupes (les partisans du veto a droite du president et les opposant a sa gauche) les differentes tendances d’opinions se repartissent maintenant selon ce clivage. A l’extreme droite de l’assemblee se tiennent les aristocrates defendant l’ordre ancien, la monarchie absolue et les privileges. A leur tete le vicomte de Mirabeau « Mirabeau-tonneaux » frere du grand Mirabeau, l’officier Cazales grand orateur et l’abbe Maury.
Ce dernier, violent et efficace dans ses paroles, fait preuve d’une repartie et d’un sang-froid imperturbable qui en font un orateur et un adversaire redoute. Cette droite s’effritera rapidement et desertera les tribunes. Fin 1789 environ 200 de ses membres nobles auront emigre et 194 autres se seront retires dans leurs terres. Plus moderes, on trouve ensuite, a droite, les monarchiens comme Clermont-Tonnerre, Lally-Tollendal ou Mallouet. Souhaitant s’en tenir aux reformes adoptees dans la nuit du 4 aout, ils craignent un derapage de la revolution. Mounier, leur chef de file a deja choisi la voie de l’emigration.
La majorite de l’Assemblee est formee des constitutionnels. Nous y trouvons essentiellement des hommes de loi comme Le Chapelier, Merlin de Douais, Lanjuinais, Thouret et des nobles liberaux comme La Rochefoucauld-Liancourt, Montmorency, Talleyrand ou Sieyes. Plus a gauche un groupe mene par le triumvirat Barnave, Lameth, Duport. Enfin a l’extreme gauche on peut voir Petion, Buzot et Robespierre. Ce dernier est alors tres peu ecoute a l’Assemblee et est raille par l’ensemble des deputes qui disaient « Si M. de Mirabeau est le flambeau de la Provence, M. de Robespierre est la chandelle d’Arras ».
Le role des clubs En dehors de l’Assemblee, les deputes se retrouvaient dans des clubs ou ils reprenaient avec leurs partisans les debats de l’Assemblee. Les aristocrates avaient « le Salon Francais ». Les monarchiens se regroupaient au « Club des Impartiaux » qui deviendra « le Club des Amis de la Constitution Monarchique ». Les patriotes qui avaient fonde a Versailles « le Club Breton » se reunissaient maintenant au couvent des Jacobins; ils prirent donc le nom de « Club des Jacobins » dans lequel se regroupaient les constitutionnels et toute la gauche de l’Assemblee.
En 1790 ce club aura plus de 1100 adherents sur Paris et essaimera en province: debut 1791, 227 filiales, elles seront 406 a la fin de la Constituante. Tres vite, la place prise par les Jacobins deviendra preponderante et ce club tendra a diriger les debats a l’Assemblee. En juillet 1791 « le Club des Feuillants » sera cree, issu de la tendance moderee des Jacobins. Tous ces clubs demandaient une cotisation assez elevee. Ils etaient donc reserves a la bourgeoisie, aussi des avril 1790 sera creee « la Societe des Amis des Droits de l’Homme » ouverte a tous et qui siegera au couvent des Cordeliers.
Ses principaux dirigeants en seront Danton et Marat. La reorganisation du royaume La constitution de 1791 Les debats sur la Constitution se poursuivront pendant tout cet hiver 1789-1790 et pour certains points dureront jusqu’a l’automne 1791. Distribution des pouvoirs Depuis aout, ou les propositions des bi-cameristes avaient ete rejetees, les pouvoirs executifs et legislatifs se repartissaient ainsi: Le pouvoir executif est aux mains de Louis XVI qui perd son titre de roi de France et devient desormais le roi des Francais.
Dans la devise inscrite sur les actes publics il ne tient plus que la troisieme place « La Nation – La Loi – Le Roi ». Chef supreme des armees et de l’administration il nomme les tres hauts fonctionnaires, il frappe la monnaie, il dirige les armees et signe les traites. Sur autorisation de l’Assemblee il declare la guerre. Il choisit ses ministres (en dehors de l’Assemblee), peut les renvoyer et s’opposer pendant 2 legislatures a la loi decretee (veto suspensif). Il doit preter serment d’etre fidele a la nation et a la constitution. Sa personne est inviolable et sacree.
Le legislatif est entre les mains d’une chambre unique, l’Assemblee Legislative, elue pour deux ans. Elle discute et vote les lois. Elle ne peut etre dissoute par le roi et l’armee a interdiction de s’approcher a moins de 30000 toises du corps legislatif. Aucun de ses membres ne peut etre ministre. Cette premiere Constitution souleve deja des problemes dans l’organisation des pouvoirs. 1. Le pouvoir executif n’est pas en relation avec le legislatif par le biais d’un ministere parlementaire. Les ministres ne sont pas politiquement responsables devant l’Assemblee.
La motion excluant les deputes du ministere cree une cloison etanche entre les deux pouvoirs. Les deux pouvoirs n’ont aucun moyen d’action l’un sur l’autre et cette impossibilite de regler les differends inevitables constitue le vice principal du systeme. 2. Le roi est le chef de l’administration mais n’a aucun moyen de commander a des fonctionnaires qui seront en majorite elus par la Nation et donc qu’il ne pourra ni suspendre ni revoquer. La Fayette pose lui-meme la question fondamentale « Quelle conduite tenir en cas de desobeissance de la part des administrations ? elles sont aux ordres du roi mais etant electives peuvent ne pas le respecter … » 3. Une assemblee elue pour deux ans, c’est un travail risquant d’etre interrompu prematurement. Le cas s’aggravera encore lorsqu’en 1791 une disposition rendra non eligible a la premiere legislative les deputes sortant de la Constituante. Quel suffrage employe ? En depit de la clause « tous les hommes naissent egaux » de la Declaration des droits de l’homme, la Constituante ne semble guere disposee au suffrage universel.
On s’achemina donc vers deux categories de citoyens (7 millions de citoyens en excluant les femmes), les citoyens actifs qui jouiront des droits politiques complets ( 4,3 millions en 1789) et les citoyens passifs qui n’auront que des droits naturels et civils (2,7 millions repartis massivement dans les campagnes et a Paris). Les citoyens actifs seront ceux acquittant un impot direct egal a au moins trois journees de travail. Malgre les oppositions de Robespierre ou de Gregoire partisans du suffrage universel la distinction est adoptee le 29 eptembre 1789. Les citoyens actifs eliront des delegues pris parmi ceux payant un impot au moins egal a dix journees de travail (plus que 50000 personnes). Ce sont ces delegues qui eliront les deputes. Pour pouvoir pretendre a la deputation le citoyen devra acquitter un impot d’au moins un marc d’argent (50 livres) et etre proprietaire d’un bien foncier. La clause du marc d’argent, violemment attaquee a l’Assemblee par Lameth et dans les journaux par Loustallot, sera supprimee le 27 aout 1791. Reorganisation administrative
Les anciennes organisations, parlements ou provinces, sont supprimees. Le decret du 15 janvier 1790 divise la France en 83 departements subdivises en districts puis en cantons. Leurs noms, limites et superficies en sont definitivement fixes le 26 fevrier 1790. Par le decret du 22 decembre 1789, l’administration du departement etait assuree par un conseil de 36 membres elus pour deux ans et choisis parmi les citoyens actifs qui pourront elire les deputes (impot au moins egal a 10 journees de travail). L’administration des districts appartenait a 12 membres egalement elus pour deux ans.
L’administration des 44000 communes appartenait au conseil general de la commune compose pour 1/3 d’un conseil municipal et pour 2/3 des notables tous elus pour deux ans par les citoyens actifs uniquement. De par leurs elections ces nouveaux administrateurs des departements et communes se trouvaient totalement independants du pouvoir central qui ne pouvait les revoquer. D’autre part, avec le systeme de vote et la notion de citoyens actifs tous les pouvoirs se retrouvaient entre les mains de la bourgeoisie et des notables de la commune et du departement.
La preponderance de la classe bourgeoise deviendra alors generale a tous les niveaux de l’administration. Reorganisation judiciaire La reorganisation judiciaire suit le meme principe. Les juges sont elus a tous les degres (juges de paix dans les cantons, juges des tribunaux civils des districts, juges des tribunaux criminels des departements). Les parlements sont supprimes. Cote ministere public, seul le commissaire qui saisit le tribunal est nomme par le roi, l’accusateur public lui est elu. Sont elus egalement, les magistrats des tribunaux de cassation (un par departement) et ceux de la haute-cour.
L’oeuvre de reforme est enorme, peut etre meme unique dans l’histoire, mais fragile. Le pouvoir est en haut mais il ne vient pas d’en haut. Le gouvernement commande a des gens qui peuvent lui desobeir impunement puisqu’ils ne sont pas nommes par l’administration. En revanche, ces gens sont elus par des citoyens qu’ils doivent administrer et juger. Ce nouveau visage administratif de la France etait lourd de menaces: risque de secession dans les departements, important role revolutionnaire qu’allaient prendre les societes populaires en province et les sections a Paris.
Ce role n’aurait put etre pris en face d’une administration fortement constituee. La concentration de tous les pouvoirs dans les mains de la bourgeoisie et l’ignorance complete d’une part importante de la population (citoyens passifs) ne pouvaient qu’etre une pomme de discorde future. Reorganisation fiscale Aux anciennes taxes et impots, totalement injustes et inegales, on substitua le principe de l’egalite de tous devant l’impot. Le mot impot etait banni du vocabulaire et remplace par le mot plus populaire de contribution. La contribution fonciere, fixee chaque annee par l’Assemblee, serait repartie entre les departements et les communes en proportion de la surface possedee par chacun. La loi du 23 novembre 1790 donna aux municipalites la responsabilite de sa repartition et de la maniere de l’etablir par des calculs compliques. • La contribution mobiliere porte sur tous les revenus issus d’autre chose que la terre ou le commerce (rente, benefice industriel). Elle est basee sur les signes exterieurs de richesse au prorata des revenus de chacun. C’est encore la municipalite qui a la charge de la collecter. La patente taxe les benefices commerciaux proportionnellement au loyer de la boutique. Les municipalites ayant la charge de collecter ces differentes contributions, et la moitie d’entre elles ayant des officiers municipaux ne sachant ni lire ni ecrire, il en resulta une belle pagaille. Il fallut alors mettre en place un personnel adapte pour centraliser toutes ces sommes. L’erreur fut de les faire elire pour six ans avec possibilite de reelection par les administrateurs de districts, ils ne pouvaient donc qu’etre sensibles a leurs electeurs.
Des la mise en application du systeme, les impots rentrerent tres mal. La nationalisation des biens du clerge Le probleme financier A l’automne 1789, le principal probleme qui se trouve maintenant pose a la Nation concerne l’effondrement des recettes fiscales. Cet effondrement est du a un ensemble de causes economiques: prix des grains eleve, mecontentement et crise de confiance dans les manufactures, emigration des capitaux et ruine du commerce de luxe mais egalement aux revoltes fiscales.
Les entrees fiscales sont en panne depuis juillet 1789, les barrieres d’octroi ont ete brulees. Dans plusieurs regions la taille n’est toujours pas rentree et les agents du fisc ne font pas preuve d’un grand zele dans une epoque aussi troublee. En janvier 1790, les recettes seront de 15 millions par mois, les depenses de 70 millions. Des aout 1789, dans l’impossibilite d’un emprunt a court terme, Necker s’etait resigne a lancer un premier emprunt a long terme de 30 millions (9 aout 1789) puis un second de 80 millions (27 aout 1789) tous deux avaient echoue.
En octobre, le principe de la contribution patriotique, egale a un quart du revenu et ne touchant que les revenus superieurs a 400 livres est adopte puis celui du don patriotique: les resultats sont nuls et ramenent tout juste 1 million de livres. La proposition de Talleyrand Les moyens classiques ne ramenant rien on dut se resoudre a recourir a des moyens revolutionnaires. Il fallait donc prendre l’argent la ou il se trouvait en quantite, c’est a dire dans les coffres du clerge. En effet, les biens du clerge etaient evalues a quelques 2 milliards de livres et representaient environ 12% du territoire.
Ces revenus annuels se montaient a environ 200 millions de livres (120 millions de dime et 80 millions de revenu immobilier). La repartition de ces revenus entre les differents membres etait par contre en desaccord complet avec les evangiles puisqu’un cure congruiste ne disposait que tres rarement de plus de 500 livres annuelles alors qu’un haut dignitaire disposait lui de plusieurs centaines de milliers de livres. Le 10 octobre 1789, Talleyrand propose la nationalisation des biens du clerge. En contrepartie, la prise en charge salariale des ecclesiastiques et la determination du nombre total de ceux ci seront definis par la Nation.
La proposition de Talleyrand va etre aprement debattue trois semaines durant. Combattue d’un cote par l’abbe Maury, Malouet et Sieyes sur des criteres mettant en cause le droit de propriete transgresse par la Nation lorsqu’elle s’approprie les biens d’autrui. Soutenue par ailleurs par Mirabeau ou Thouret lorsqu’ils precisent que ces biens n’appartiennent pas au clerge mais a la masse des fideles qui leur en ont fait don, donc a la Nation. Le clerge se divise egalement sur la question. Tout d’abord surpris par la proposition de Talleyrand, les cures se joignent finalement a elle.
D’une part la proposition precise que le salaire verse par la Nation ne pourrait etre inferieur a 1200 livres annuel soit plus du double que ce dont ils disposent, et d’autre part si la Nation restreint le nombre d’ecclesiastique ce sera la categorie des prelats et des hauts dignitaires qui en souffrira et non les simples cures. Une ultime proposition de contribution exceptionnelle du clerge ayant ete ecartee, la proposition de Talleyrand reformulee par Mirabeau est votee par 568 voies contre 346 voies et 40 abstentions le 2 novembre 1789.
Cette motion precise d’une part que les biens de l’Eglise seront mis a disposition de l’Etat et d’autre part que tout cure recevra au moins 1200 livres, non compris le logement et le jardin. Restait maintenant a transformer ces biens en liquidites exploitables par l’Etat et son ministre des finances Necker. La mise en vente massive d’autant de biens immobiliers risquait en effet d’entrainer une baisse considerable de leur prix. Meme en cas de vente echelonnee d’une partie seulement des biens, la partie restante risquait de voir son cours baisser.
Les assignats La loi du 19 decembre 1789 decide de creer des assignats emis par l’Etat et gages sur les biens de l’Eglise. Sorte de bon du tresor emis sur un capital de 400 millions de livres, la valeur de l’emission est de 1000 livres par bon portant interet a 5%. Pour accelerer et faciliter la vente, le 17 mars 1790 il est decide le transfert de ces biens aux municipalites qui devront en assurer la vente. Ces ventes connurent un succes enorme et c’est un transfert de propriete gigantesque qui s’amorce.
Le 17 avril 1790 un decret donne aux assignats valeur de monnaie, l’interet en est reduit a 3% et des coupures de 300 et 200 livres apparaissent. L’ere perilleuse des assignats et de la monnaie-papier commencait. Jusqu’a cette periode, le systeme monetaire reposait sur les monnaies en metal (or, argent et cuivre) utilisant la livre comme monnaie de compte. 1 livre valait 20 sols, 1 sol valait 12 deniers. 1 louis d’or valait 24 livres et 1 ecu d’argent 6 livres jusqu’au liard de cuivre. Desormais la monnaie metal se fera rare et va disparaitre dans les « bas de laine » en vertu de l’adage « la mauvaise monnaie chasse la bonne ».
Le 29 septembre 1790 contre les avis de personnalites aussi diverses que Talleyrand, Maury, Dupont de Nemours, Lavoisier ou Condorcet l’assignat devient papier-monnaie ne porte plus d’interet et son cours devient force. 800 millions sont de nouveau emis portant a 1,2 milliards de livres le volume d’assignats pour un stock de monnaie metal de 2,2 milliards de livres. La tendance s’accentuera dans les annees suivantes, en juin 1791 on emettra 1,6 milliards d’assignats, 4 milliards en octobre 1792, 9 milliards en septembre 1793, 14 milliards en fevrier 1794 et 30 milliards en janvier 1795.
Les consequences des assignats Les effets ne se font pas attendre. Il y a immediatement une depreciation de l’assignat, une inflation generale des prix. Un double etiquetage des prix d’une part en monnaie metal et d’autre part en monnaie papier apparait. Le papier-monnaie sera aussi a l’origine de la rarefaction des denrees sur les marches aggravant les problemes de ravitaillement dans les villes. Les bons effets sont une acceleration de la vente des biens du clerge et une acceleration de la consommation car la monnaie-papier se devaluant rapidement les gens ne cherchent pas a la garder.
La depreciation de l’assignat se confirmera au rythme des emissions jusqu’a son retrait le 19 fevrier 1796 (la depreciation sera de 92% en 1795 c’est a dire qu’un assignat de 1000 livres n’est echange que contre 80 livres de monnaie metal). La federation Le 14 juillet 1790 l’unite de la France s’acheve. A la revolution politique du 23 juin 1789 qui vit s’effondrer l’absolutisme, a la revolution sociale du 4 aout 1789 qui marqua la fin de la societe d’ordre succede la revolution nationale.
Depuis juillet 1789, partout en France s’etaient formees dans chaque commune des gardes nationales a l’image de celle de Paris commandee par La Fayette. Elles avaient un but defensif contre les bandes de rodeurs et devaient assurer la libre circulation des grains et le soutien des lois emanant de l’Assemblee. Certaines de ces communes s’etaient federees entre elles comme en Bretagne ou dans le Dauphine. L’exemple fut suivi dans tout le royaume et des federations de communes se creerent au niveau des provinces puis au niveau inter-provinces.
Le 15 fevrier 1790 les delegues de la Bretagne et de l’Anjou se reunissaient a Pontivy et declaraient « solennellement qu’ils n’etaient ni Angevins ni Bretons mais citoyens du meme Empire ». Ces federations donnerent lieu a des fetes comme a Lyon le 30 mai 1790 ou 50000 gardes nationaux representants du midi et de l’Est se reunirent. Il en fut de meme a Lille ou a Strasbourg. Paris se devait d’accueillir les representants de toutes les provinces. La fete de la federation La ceremonie etait prevue au Champ-de-Mars pour le 14 juillet 1790.
L’esplanade dut etre transformee en un vaste amphitheatre, au centre fut dresse l’autel de la Patrie en face duquel furent eleves des gradins talutes. 12000 ouvriers travaillaient au projet mais celui-ci n’avancant guere on dut compter a partir du 4 juillet sur des milliers de volontaires qui travaillerent jours et nuits pour tenir les delais en chantant le « Ca ira » du chansonnier Lade.. De toutes les communes de France arrivaient des delegues des gardes nationales a raison de 1 pour 100 gardes qui logeaient chez l’habitant.
Le 14 juillet la ceremonie commenca par un defile de toutes les gardes qui passerent sous un arc de triomphe ou etait inscrit: Nous ne vous craindrons plus Subalternes tyrans Vous qui nous opprimez Sous cent noms differents Rassembles au Champ-de-Mars, 300. 000 spectateurs vont voir entrer sur l’esplanade le cortege conduit par une compagnie de grenadiers avec une fanfare, suivis des electeurs de la ville de Paris, d’une compagnie de soldats citoyens, de diverses personnalites puis des deputes de l’Assemblee Nationale precedes d’un bataillon d’enfants et suivis du bataillon des vieillards.
Vient ensuite l’armee federale representant les 83 departements puis un detachement de grenadiers et de gardes a Au centre, sur l’autel de la Patrie, Talleyrand eveque d’Autun entoure de 400 pretres portant des ceintures tricolores sur leur aube blanche, la mitre sur la tete et la crosse a la main benit les 83 flammes blanches representant les departements. En celebrant la messe, il aurait dit a son abbe « Ne me faite pas rire » toujours est-il que le ciel se couvrit et qu’il tomba des trombes d’eau. La Fayette, alors a son apogee, s’avanca vers l’autel l’epee a la main et prononca le serment de fidelite a la Nation, a la Loi et au Roi.
La foule saisie de delire, le porta en triomphe. Ce fut ensuite au tour des deputes de l’Assemblee Nationale de preter le serment puis vint le tour du roi. Louis XVI assez mesquinement ne quitta pas sa place ou il etait a l’abri de la pluie pour preter serment. Il n’en fut pas moins beaucoup applaudi de meme que la reine et le dauphin. L’enthousiasme etait general. Apres la ceremonie un banquet de 25000 convives fut organise et pendant trois jours il y eut des feux d’artifice, des illuminations et on dansa sur la place de la Bastille.
Dans toute la France on celebra avec la meme joie la Federation. Ce serment de fidelite etait en effet tres important. Jusqu’alors le royaume avait ete constitue par annexions successives a la couronne de provinces ou de cites. Par l’intermediaire de ce serment toutes ces provinces se declaraient francaises par libre consentement. La constitution civile du clerge La nationalisation des biens du clerge associee au salaire que l’etat devait verser a ses membres faisait entrer l’Eglise dans la societe civile. De ce fait, elle allait etre reformee en profondeur.
Des l’automne 1789, l’Assemblee s’attaqua au probleme et suspendait, au nom de la liberte, les voeux religieux (28 octobre 1789). Ils seront abolis le 13 fevrier 1790 par un decret qui interdira egalement les ordres religieux contemplatifs. Les ordres hospitaliers ou enseignants seront par contre maintenus. La reforme du clerge seculier reposera sur le projet de Martineau depose le 21 avril 1790. Elle sera adoptee definitivement et votee article par article du 31 mai au 12 juillet 1790 sous le nom de Constitution civile du clerge.
Par cette Constitution, les constituants donnerent a l’Eglise une organisation civile choisie par des juristes (Treilhard, Camus, Thouret) a l’ecart des theologiens. Elle touchera a l’organisation de l’Eglise de France mais ne touchera pas au dogme bien que Camus ait declare « Nous sommes une Convention Nationale. Nous avons assurement le pouvoir de changer la religion mais nous ne le ferons pas. » Les points importants de cette nouvelle organisation seront les suivants: • La carte des dioceses est simplifiee. Ils recouvrent maintenant la carte des departements et seront 83.
Il y a donc suppression de 53 eveches. A la tete de chaque diocese un eveque dont 10 sont nommes metropolitains (Aix, Besancon, Bordeaux, Bourges, Lyon, Paris, Reims, Rennes, Rouen et Toulouse) • Dans le meme souci de simplification, environ 4000 paroisses sont supprimees. Il en est de meme pour les fonctions de chanoines, chapelains et archidiacres. • Les eveques et cures seront desormais elus, les eveques par les electeurs du departement, les cures par les electeurs du district. Les candidats doivent avoir quinze ans de ministere pour un eveche et cinq ans pour une cure.
L’institution sera faite non plus par le pape mais par un eveque metropolitain. • Les eveques et les cures seront tenus de preter serment a la Constitution en ces termes « veiller avec soin sur les fideles du diocese, d’etre fidele a la Nation, a la Loi et au Roi, de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution decretee par l’Assemblee Nationale et acceptee par le roi. » • Les cures ont a charge la nomination des vicaires. • Les traitements verses par la nation seront eleves: 50. 000 livres pour l’eveque metropolitain de Paris, 20. 00 livres pour les autres eveques. Les cures, repartis en huit classes, percevront des emoluments etages entre 1200 et 6000 livres. Les cures, nombreux a l’Assemblee, avaient tout a gagner a cette Constitution, cependant des problemes de taille se posaient. L’Assemblee avait-elle le pouvoir de modifier les circonscriptions ecclesiastiques ? L’Assemblee pouvait-elle unilateralement supprimer le Concordat de 1516 (eveques nommes par le roi et institues par le pape) ? L’Assemblee pouvait-elle rompre les liens etablis entre le pape et les eveques de France ?
Les eveques avaient demande au pape de se prononcer mais Pie VI tardait a repondre. Le 22 juillet 1790 Louis XVI fait savoir qu’il accepte la constitution civile du clerge mais qu’il demande un delai dans son application. Le 23 juillet 1790 Louis XVI recevait des brefs du pape, dates du 10 juillet 1790, dans lesquels Pie VI condamne la Constitution. Les eveques francais tentent en vain de convaincre le pape de trouver un compromis, le 24 aout 1790 Louis XVI sanctionne, sans l’accord de Pie VI, le decret esperant encore un arrangement.
C’est le decret du 27 novembre 1790 donnant obligation aux ecclesiastiques de preter serment de fidelite a la Nation a la loi et au roi et donc a la Constitution civile du clerge qui precipitera la fracture. Les autres reformes Divers decrets seront pris pendant cette periode touchant a differents aspects de la vie des Francais. On peut citer de maniere non exhaustive: • Le decret du 1er decembre 1789 etablissant l’egalite des peines pour tous les citoyens (Dr Guillotin), suivi le 21 janvier 1790 de la proposition (toujours du Dr Guillotin) de faire decapiter les condamnes a mort a l’aide d’une machine inventee par le Dr Louis. Le decret du 24 decembre 1789 rendant eligible les non-catholiques c’est a dire les protestants (le cas des juifs restant reserve) • Les decrets du 28 fevrier 1790 et du 28 mai 1790 abolissant le monopole des grades pour la noblesse puis l’interdiction du port de la cocarde blanche et l’obligation du port de la cocarde tricolore pour les officiers. • Les decrets du 8 mars 1790 et du 12 octobre 1790 reaffirmant la legalite de l’esclavage. • Le decret du 15 mars 1790 instituant l’egalite des partages lors des successions et supprimant le droit d’ainesse et de masculinite. Le decret du 21 mars 1790 supprimant la gabelle. • Le decret du 8 mai 1790 posant le principe de l’uniformisation des poids et mesures suivi deux jours plus tard de la creation d’une commission des poids et mesures. • Le decret du 19 juin 1790 abolissant la noblesse hereditaire, les titres de noblesse, les ordres militaires, les armoiries et les livrees. • Le decret du 21 octobre 1790 qui remplace le drapeau blanc fleurdelise par le drapeau tricolore comme embleme de la France.