La responsabilite du fait des produits defectueux

La responsabilite du fait des produits defectueux

Droit des contrats speciaux La responsabilite du fait des produits defectueux Dissertation : « L’introduction en Droit francais d’un regime de responsabilite du fait des produits defectueux etait-elle indispensable ? » La securite des produits mis en circulation a depuis longtemps preoccupe le legislateur. Cependant, il s’agissait surtout de prevenir les dommages en imposant des normes particulieres a tel ou tel bien, et a imposer au fabricant de verifier la securite des biens qu’il met sur le marche.

Sous l’angle de la reparation, la question s’est peu a peu posee de savoir si le contrat de vente faisait naitre une obligation autonome de securite, en plus des obligations traditionnelles, au moins a la charge des vendeurs professionnels. Le droit positif francais s’est engage dans ce sens des avant la transposition, en droit interne, d’une directive communautaire du 25 juillet 1985, qui a consacre cette obligation. Le sujet utilise le terme « d’introduire » qu’il faut prendre au sens d’insertion de la responsabilite du fait des produits defectueux en Droit francais.

Le Droit francais designe l’ensemble des normes applicables sur le territoire francais. Le sujet est relatif a la responsabilite du fait des produits defectueux. Cette derniere a ete prevue par la directive communautaire du 25 juillet 1985, qui

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obligeait alors les Etats membres a la mettre en place. Or, la France ne transposa pas la directive a la date fixee, qui etait le 30 juillet 1988. Cette inertie du legislateur va avoir pour consequence de faire reagir la jurisprudence. Une evolution jurisprudentielle va alors avoir lieue.

Dans un arret du 20 mars 1989, la premiere chambre civile de la Cour de cassation va preciser que « le vendeur professionnel est seulement tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout defaut de fabrication de nature a creer un danger pour les personnes ou les biens ». Cette decision a ainsi admis un principe de responsabilite autonome du vendeur professionnel pour les defauts de securite. Cette responsabilite est independante des actions traditionnelles dont dispose l’acheteur, et en particulier de l’action en garantie des vices caches.

Il s’agit d’une responsabilite particuliere. En effet, il ne s’agit ni d’une responsabilite de moyens (la victime n’a pas a prouver une faute), ni une obligation de resultat (outre le dommage, la victime doit prouver l’existence causale d’un defaut de securite rendant le bien dangereux). De plus, cette obligation autonome ne se limite pas aux seuls rapports vendeur/acheteur. D’une part, la jurisprudence en a fait application pour engager la responsabilite contractuelle du vendeur originaire a l’egard du sous acquereur. (Civ. ere, 27 janvier 1993) D’autre part, la Cour de cassation en fait application sans distinguer selon qu’il s’agit d’une responsabilite contractuelle ou delictuelle. En effet, il s’agit d’un troisieme ordre de responsabilite qui est limitatif, dans la mesure ou il ne concerne que la responsabilite du fait des produits defectueux. La Cour de cassation va aller encore plus loin. En effet, dans un arret du 17 janvier 1995, la premiere chambre civile consacre la responsabilite contractuelle du vendeur envers les tiers, usagers de la chose.

De plus, dans un arret du 15 octobre 1996, la troisieme chambre civile considere le fabricant est egalement tenu par une obligation de securite. Enfin, dans un arret du 28 avril 1998, la premiere chambre civile va retenir la responsabilite d’un centre regional de transfusion sanguine en tant que fabricant du sang. Cet arret en particulier, et cette evolution jurisprudentielle en general, sont un appel au legislateur. Le legislateur reagira en adoptant la loi du 19 mai 1998, consacrant la directive communautaire du 25 juillet.

Cette loi est intervenue apres divers recours en manquement introduits par la Commission, et en particulier, apres une condamnation sous astreinte debut mai 1998. Cette loi a donne lieu aux articles 1366-1 a 1386-18 du Code civil. Il faut noter qu’une loi du 9 decembre 2004 est venue modifier celle de 1998, dans la mesure ou, en janvier 2000, la Commission a introduit un recours devant la CJCE pour mauvaise transposition, et que la France a ete condamnee sous astreinte, dans un arret de la CJCE du 25 avril 2002.

La responsabilite du fait des produits defectueux s’insere dans le cadre des actions dont dispose l’acheteur dans un contrat de vente. Quand on parle de l’obligation de securite en general, il s’agit de l’evolution jurisprudentielle avant la loi de 1998, la loi du 21 juillet 1983 et la loi de 1998. Nous n’etudierons pas la loi du 21 juillet 1983 qui donne de larges pouvoirs de prevention et de controle au gouvernement pour assurer la securite des produits et des services destines aux consommateurs.

D’une maniere generale, l’article L 221-1 du Code de la consommation admet le principe d’une obligation de securite des produits et des services a la charge des professionnels. De plus, quand on parlera de l’obligation de securite dans ce devoir, il s’agira d’entendre la responsabilite du fait des produits defectueux. D’un point de vue juridique, l’interet de ce sujet est l’enjeu d’une telle responsabilite en Droit francais, les consequences qu’elle peut avoir, et notamment le bouleversement dans l’ordonnancement juridique francais qu’elle provoque.

En pratique, il faut remarquer que cette nouvelle reglementation augmente considerablement les risques de mise en jeu de la responsabilite des entreprises, pour cause de defaillance d’un produit. Ainsi, dans ce cas, cette responsabilite a un double volet : la mise en jeu plus facile de la responsabilite des entreprises, alors que la mise sur le marche d’un produit defectueux a des consequences tres prejudiciables pour l’entreprise, et elle represente egalement un moyen de defense fondamental pour ses clients. Dans son intitule, le sujet pose eja une question, a savoir celle de savoir si l’introduction du regime de responsabilite du fait des produits defectueux etait-elle necessaire en Droit francais. On pense des lors a l’utilite de cette responsabilite en Droit francais. La responsabilite du fait des produits defectueux est-elle utile en Droit francais ? On peut des lors penser que, certes, l’instauration d’un tel regime de responsabilite est utile, au regard de sa specificite. Cependant, cette responsabilite entraine certaines consequences relativement nefastes, qui permet de s’interroger sur une reelle necessite de cette responsabilite du fait des produits defectueux.

Tout depend du point de vue au niveau duquel on se place : si on regarde le regime en lui-meme, cette responsabilite du fait des produits defectueux peut etre consideree comme indispensable dans la mesure ou elle vient combler certains manques ; si on regarde d’un point de vue general englobant toutes les actions possibles de l’acheteur en Droit francais, on peut considerer que l’introduction d’un regime de responsabilite supplementaire n’etait pas necessaire. En effet, la presence d’une obligation autonome de securite dans la vente n’est pas inutile.

Elle permet a l’acheteur d’etre indemnise sans etre soumis au bref delai de l’article 1648, et elle evite que la garantie soit sollicitee en dehors de sa fonction normale qui est d’assurer la possession utile de la chose, la securite de la personne et de ses biens relevant de l’obligation de securite. Ce sont ces avantages qui permettent d’affirmer que l’introduction de la responsabilite du fait des produits defectueux etait utile, indispensable en Droit francais. Cependant, l’obligation de securite est largement admise.

Elle s’etend pratiquement a tous les contrats dont l’execution affecte d’une maniere ou d’une autre la securite de la personne ou de ses biens. C’est en ce sens que l’introduction de la responsabilite du fait des produits defectueux peut paraitre discutable, et du moins sa necessite est jugee relative, car la securite de l’acheteur est prise en compte par la garantie des vices caches. Si l’acheteur subit un prejudice dans sa personne ou dans ses biens, il peut en demander reparation sur le fondement de l’article 1645 du Code civil.

Parce que la responsabilite du fait des produits defectueux a pris une place importante en Droit francais, et qu’elle revet une specificite incontestable, il convient d’etudier l’utilite certaine de la responsabilite du fait des produits defectueux (I), pour ensuite, examiner sa necessite relative (II). I La responsabilite du fait des produits defectueux, une utilite certaine L’introduction de la responsabilite des produits defectueux etait indispensable au regard de sa particularite, qui se manifeste a plusieurs egards.

En effet, le regime de cette responsabilite est particulier, et ainsi, on peut observer que l’action de la victime est enfermee dans deux delais determines, ce qui rompt avec le droit positif. Tout d’abord, l’action en reparation se prescrit par un delai de trois ans « a compter de la date a laquelle le demandeur a eu ou aurait du avoir connaissance du dommage, du defaut, et de l’identite du producteur » (article 1386-17 du Code civil).

Ensuite, l’action en responsabilite est eteinte par l’ecoulement d’un delai de dix ans a compter de la mise en circulation du produit. Ce regime se revele specifique a d’autres niveaux egalement, ce qui le rend utile dans notre Droit. On peut remarquer que l’introduction de la responsabilite du fait des produits defectueux en Droit francais a ete utile a deux niveaux, a savoir une protection accrue de la victime (A), ainsi que une extension de ses droits (B).

A – Un regime specifique particulierement protecteur de la victime La responsabilite du fait des produits defectueux se revele particulierement protectrice de la victime, c’est-a-dire l’acheteur, au regard de plusieurs elements definissant son regime : les personnes pouvant agir sur ce fondement, les responsables au titre de cette responsabilite du fait des produits defectueux, les produits concernes, et du principe de l’illiceite de toute clause limitative ou exoneratoire de cette responsabilite.

Concernant la victime elle-meme, la responsabilite du fait des produits defectueux est particulierement protectrice, dans la mesure, entre autre, ou elle se definit tres largement quant aux personnes qui peuvent s’en prevaloir. En effet, l’action est ouverte a toutes les victimes, independamment de leur qualite. Tout d’abord, peu importe que la victime soit acheteur du produit defectueux, un sous acquereur, un utilisateur ou un simple tiers. La victime peut donc etre liee par le contrat, ou non. La meme action est ouverte dans tous les cas, et aux memes conditions.

Cela resulte de l’article 1386-1 du Code civil, qui dispose que « le producteur est responsable du dommage cause par un defaut de son produit, qu’il soit ou non lie par un contrat avec la victime ». De plus, peu importe que la victime soit un consommateur ou un professionnel. L’acheteur qui a acquis un bien defectueux pour les besoins de sa profession est protege au meme titre que le simple consommateur. Il demeure tout de meme une certaine difference entre ces deux categories de victimes quant aux clauses limitatives de responsabilite.

La responsabilite du fait des produits defectueux est egalement protectrice au niveau du nombre important de personnes pouvait etre mis en cause au nom de cette responsabilite. La directive communautaire preconisait de « tirer la responsabilite vers le haut », c’est-a-dire d’en faire remonter la charge jusqu’au producteur, qui est a l’origine du defaut de securite, ou au moins a l’importateur. Les fournisseurs et revendeurs ne devaient engager leur responsabilite que dans le cas ou ils n’auraient pas pu designer le producteur ou l’importateur du produit defectueux.

Ils supportaient donc une responsabilite subsidiaire. La France a cru pouvoir proceder differemment, en permettant d’engager la responsabilite de tous les professionnels impliques dans une chaine de distribution de produit. Elle a ete condamnee par le juge communautaire, et desormais la France concentre la responsabilite sur le producteur. Les vendeurs, loueurs et fournisseurs professionnels ne seront donc responsables que si le producteur demeure inconnu, sauf s’il designe leur propre fournisseur ou le producteur dans un delai d’un an.

La responsabilite de tous les professionnels impliques va devenir subsidiaire de celle du producteur, mais elle existe tout de meme. De surcroit, le producteur peut etre le fabricant professionnel d’un produit fini, le fabricant d’une partie composante, le producteur d’une matiere premiere. Le texte assimile egalement au producteur, l’importateur professionnel du produit dans l’Union europeenne, ainsi que celui qui appose, sur le produit, son nom ou sa marque. On peut des lors observer que la victime trouvera quasiment a chaque fois un responsable auquel la defectuosite du produit pourra etre imputable.

Quant aux produits, l’article 1386-3 du Code civil, a l’instar de la directive communautaire, vise tous les biens meubles, meme incorpores dans un autre meuble ou dans un immeuble. La responsabilite du fait des produits defectueux concerne egalement la defectuosite d’un composant de l’immeuble. La reference a « tout bien meuble », sans restriction, inclut les « produits du sol, de l’elevage, de la chasse et de la peche », et conduit egalement a inclure les elements du corps humain comme les produits issus de celui-ci, ainsi que les medicaments.

La loi ajoute que l’electricite est consideree comme un produit. On peut remarquer qu’un nombre important d’hypotheses s’ouvrent alors pour la victime qui subira un prejudice du fait d’un produit defectueux afin d’agir sur ce fondement. Par ailleurs, la directive interdit la stipulation de toute clause limitative ou exoneratoire de la responsabilite du fait des produits defectueux. Le texte francais reprend ce principe dans l’alinea 1 de l’article 1386-15. Cependant, le Droit francais assorti ce principe d’une importante exception dans les rapports entre professionnels.

En effet, l’alinea 2 de l’article 1386-15 dispose que « toutefois, pour les dommages causes aux biens qui ne sont pas utilises par la victime principalement pour son usage ou sa consommation prives, les clauses stipulees entre professionnels sont valables ». Les clauses limitatives ou exoneratoires de responsabilite sont donc admises entre professionnels, mais seulement pour les dommages subis par les biens qui sont principalement a usage professionnel. L’interdiction demeure pour les dommages corporels et pour ceux qui affectent les biens de consommation acquis par un professionnel.

La encore, on est au niveau d’une specificite du regime de cette responsabilite en s’eloignant des criteres traditionnels de la jurisprudence qui n’admet les clauses limitatives de la garantie des vices caches qu’entre professionnels de meme specialite. Par ailleurs, la France a instaure une limitation au montant de l’indemnisation auquel la victime peut pretendre en instaurant une franchise de 500€. Concernant la condition de la preuve d’un defaut du produit, la victime doit etablir l’existence du fait generateur.

Elle n’a pas a prouver une quelconque faute commise par la responsable dans la conception ou la fabrication du produit. Au regard de tous ces elements, on peut observer que l’introduction de la responsabilite du fait des produits defectueux etait utile en Droit francais. De plus, outre ces conditions de l’action favorable a la victime, on peut remarquer que l’introduction de la responsabilite du fait des produits defectueux a permis d’etendre les droits de l’acheteur (la victime), en creant le droit de choisir sur quel fondement il va intenter son action. B – L’extension des droits de l’acheteur, le droit de choisir son action

La question du choix de l’acheteur entre les differentes actions est reglee par le legislateur lui-meme lorsque sont en concours une action fondee sur le defaut de securite d’un produit (article 1386-1 et suivants du Code civil) et toute autre action traditionnelle de l’acheteur. En effet, l’article 1386-18 du Code civil dispose que « les dispositions du present titre ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se prevaloir au titre du droit de la responsabilite contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d’un regime special de responsabilite ».  Le producteur reste responsable des consequences de sa faute et de celle des personnes dont il repond ». Lorsque les conditions d’application des articles 1386-1 et suivants du Code civil sont reunies, la victime peut donc intenter l‘action instituee par cette loi nouvelle ou l’une des actions traditionnelles en garantie ou en responsabilite. Ce maintien des actions traditionnelles concurrentes vaut autant pour les actions delictuelles que pour les actions contractuelles. Ainsi, la regle est posee : l’action nouvelle n’exclut pas les actions anciennes, ce qui consacre le droit de l’acheteur a choisir.

Cela permet d’eviter les difficultes de frontiere, ce qui rend cette regle plus opportune. Cependant, au regard de la proximite des notions et les conditions des actions etant differentes, l’acheteur peut avoir interet a invoquer la responsabilite du fait des produits defectueux plutot qu’une autre responsabilite ou garantie. La Cour de Justice des Communautes europeennes exclut cependant qu’une victime puisse exercer une action ayant le meme fondement que celle qui resulte de la directive de 1985.

La jurisprudence n’y semble pas hostile puisqu’elle a admis de qualifier en « defaut du produit » un defaut d’information, de mise en garde et de conseil. Il en resulte que la responsabilite fondee sur l’obligation jurisprudentielle de securite devrait etre amenee a disparaitre dans la double mesure ou elle couvre la meme exigence de securite des produits que le regime instaure par la directive, et que la jurisprudence l’a concue avec une reference anticipee a la directive. Devrait egalement etre exclue une action delictuelle fondee sur la responsabilite du fait des choses.

En revanche, si le dommage subi est du a un defaut de securite de la chose vendue, l’acheteur (ou le sous acquereur) doit pouvoir agir a l’encontre d’un vendeur ou fabricant professionnel, soit sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil, soit sur les fondements distincts de la garantie des vices caches ou de l’obligation d’information et de conseil. (Cass. 1ere Civ. , 4 avril 1991) Par ailleurs, le legislateur introduit une limite explicite au maintien des actions traditionnelles de l’acheteur.

Cette limite concerne les actions relatives aux defauts de securite des biens meubles incorpores dans un ouvrage immobilier ou livres avec lui (elements constitutifs, elements d’equipement dissociables ou indissociables). En effet, la loi dispose, dans le dernier alinea de l’article 1386-6, que « ne sont consideres comme producteurs, au sens du present titre, les personnes dont la responsabilite peut etre recherchee sur le fondement des articles 1792 a 1792-6 et 1646-1 » du Code civil. Cela vise les architectes, les entrepreneurs t les vendeurs d’immeubles a construire. Pour des dommages issus de tels biens defectueux, l’acheteur ou le maitre d’ouvrage n’aura donc pas le choix entre les garanties (decennale, biennale, de parfait achevement) existantes en matiere de construction et l’action en responsabilite du fait des produits defectueux. C’est seulement de maniere residuelle, lorsque la responsabilite d’un constructeur pourra etre recherchee sur un fondement delictuel ou contractuel de droit commun, que la victime pourra choisir entre ce fondement et celui de l’article 1386-1 du Code civil.

C’est le cas par exemple des dommages subis par des tiers, des dommages survenus avant la reception de l’ouvrage, des dommages intermediaires … Au regard de tous ces elements en general, et d’une protection accrue de la victime, ainsi que l’extension de ses droits, en particulier, l’introduction en Droit francais de la responsabilite du fait des produits defectueux peut etre consideree comme utile. Cependant, au regard d’autres elements, on peut considerer que cette meme responsabilite n’etait pas absolument necessaire en Droit francais.

II La responsabilite du fait des produits defectueux, une necessite relative L’introduction de la responsabilite du fait des produits defectueux peut etre percue comme faisant l’objet d’une necessite relative en Droit francais. En effet, autant on peut dire que l’introduction d’un tel regime de responsabilite etait utile car elle venait combler certains manques observes en Droit francais, autant au regard de certains elements inherents a son regime, cette responsabilite peut etre critiquee et consideree comme etant d’une necessite relative.

On peut observer cette necessite relative de l’introduction de la responsabilite du fait des produits defectueux dans notre Droit au regard de deux elements, a savoir une mise en ? uvre difficile, voire exclue de cette responsabilite (A), puis, la consequence d’un risque accru de confusion avec plusieurs actions (B). A – Une mise en ? uvre difficile, voire exclue de la responsabilite du fait des produits defectueux La premiere des observations que l’on peut faire est relative au domaine d’application de la responsabilite du fait des produits defectueux, et en particulier les produits pour lesquels cette responsabilite peut s’appliquer.

Comme nous l’avons dit precedemment, on constate une extension concernant les biens meubles incorpores dans un immeuble. Cependant, il faut remarquer que cette extension est de portee limitee puisque la responsabilite du fait des produits defectueux ne joue pas si c’est la responsabilite des constructeurs qui peut etre recherchee au titre de la responsabilite decennale, biennale, ou de parfait achevement. Par ailleurs, on peut observer que la responsabilite du fait des produits defectueux fait l’objet d’une mise en ? vre difficile au regard de limites apportees au droit a reparation de la victime, et, en general, aux preuves que doit apporter cette meme victime qui peuvent se reveler difficile a fournir, voire impossible. La victime d’un dommage du a un defaut avere de securite peut se trouver privee de reparation, soit en raison de la mise en ? uvre d’une cause d’exoneration par le responsable designe, soit encore parce qu’elle ne peut pas imputer le defaut a aucun responsable en particulier.

Pour illustrer ce propos, on peut prendre un exemple tel que celui d’un consommateur victime d’un produit bovin contamine par l’agent pathogene de l’ESB (« vache folle »). Il pourra etablir l’existence du defaut (presence du virus dans son corps), le dommage (maladie de Creutzfeldt-Jakob) et le lien de causalite (la maladie est bien due a l’ingestion d’un produit contamine). Mais contre qui peut-il agir ? Il doit le faire contre celui ou ceux a qui le defaut est imputable, et d’abord contre le producteur. Mais de qui s’agit-il ?

Comment pourra t’il etablir quel morceau de viande ou quel produit derive etait contamine, a quelle epoque il l’a consomme, qui le lui a vendu, alors et surtout que la maladie a pu se declarer plusieurs annees apres l’ingestion du produit contamine ? A la difference du sang ou de l’hormone de croissance, pour lesquels la numerotation des lots permet de remonter du receveur au donner, en matiere alimentaire, la tracabilite s’arrete dans l’assiette du consommateur. Cet exemple demontre bien qu’on est ici aux limites de ce qu’offrent aux victimes les regles de la esponsabilite civile et, en particulier, de celles qui sont issues des articles 1386-1 du Code civil. De plus, afin de pouvoir mettre en ? uvre la responsabilite du fait des produits defectueux, il faut que la victime prouve le fait generateur, qui reside dans l’existence d’un defaut de securite. On estime qu’un produit est defectueux « lorsqu’il n’offre pas la securite a laquelle on peut legitimement s’attendre… » compte tenu « de toutes les circonstances et notamment de la presentation du produit, de l’usage qui peut en etre raisonnablement attendu, et du moment de sa mise en circulation ».

La reference a la presentation du produit, largement entendue, conduit a admettre que le defaut de securite peut consister en un defaut d’information, de mise en garde ou de conseil dans l’utilisation du produit. En revanche, l’article 1386-4 vient preciser qu’un produit n’est pas defectueux du « seul fait qu’un autre, plus perfectionnee, a ete mis posterieurement en circulation ». La necessite de prouver l’existence d’un defaut rend ce regime de responsabilite moins favorable aux victimes que l’est l’article 1384 alinea 1 du Code civil pour lequel le « fait actif » de la chose suffit.

Ainsi, il arrivera que la victime se heurte a la difficulte d’etablir scientifiquement un defaut, notamment pour des raisons tenant au cout d’une expertise ou a la nature meme de la chose. Comment prouver le defaut d’un aliment si le dommage intervient trop longtemps apres l’ingestion ? Il n’est alors pas certain que, a l’egard du defaut, tous les produits doivent etre loges a la meme enseigne. De plus, on peut observer que la loi definit ce qu’est un produit defectueux par reference a l’insecurite qu’il engendre, tout en exigeant de la victime qu’elle prouve l’existence d’un defaut.

Par ailleurs, l’article 1386-9 du Code civil dispose que la victime doit egalement rapporter la preuve du prejudice subi. Le dommage reparable doit repondre a des conditions restrictives. Il s’agit d’abord des dommages (materiels et moraux) causes aux personnes. Sont egalement indemnisables les dommages subis par des choses autres que le produit defectueux lui meme. Cela ne signifie pas que les autres dommages ne seront pas indemnises, tels que les dommages subis par le produit defectueux lui-meme, les dommages resultant de l’inaptitude du produit a l’usage.

Mais l’indemnisation ne pourra resulter que d’une autre action, intentee en parallele, repondant a ses propres conditions, telle que la garantie des vices caches, la responsabilite delictuelle de droit commun… La coherence du regime de l’obligation de securite impose une telle dissociation des prejudices. En ce sens, la responsabilite du fait des produits defectueux risque de ne pas etre pleinement satisfaisante pour la victime. La victime doit etablir le lien de causalite entre le defaut de securite et le dommage subi, conformement au droit commun de la vente.

Parfois, la relation causale se deduira naturellement du defaut et du dommage, et il appartiendra au responsable de tenter de s’exonerer en etablissant l’existence d’une autre cause. Cependant, dans d’autres cas, la victime pourra se heurter a une tres grande difficulte de preuve, specialement s’agissant d’aliments ou de produits de sante. Par ailleurs, la loi de 1998 prevoit un nombre consequent de causes exoneratoires beneficiant au responsable. Des lors, la victime verra son action en responsabilite du fait des produits defectueux exclue.

Tout d’abord, il convient de remarquer que si la Cour de cassation a reconnu l’existence d’une responsabilite du fait des produits defectueux sans attendre la transposition de la directive de 1985, elle en a egalement precise le regime. Ainsi, elle a decide qu’il n’etait pas possible de s’exonerer de cette responsabilite que par la preuve d’une cause etrangere non imputable au responsable. Dans un arret du 12 avril 1995, la premiere chambre civile a precise que le caractere indecelable du defaut de securite ne pouvait pas constituer une cause etrangere.

La loi du 19 mai 1998 va tres au-dela et accorde au professionnel davantage de possibilites d’exoneration. En effet, le producteur peut, tout d’abord, s’exonerer en etablissant que le defaut ne lui est pas imputable. Cependant, les causes de non-imputabilite du defaut sont limitativement enumerees. Le professionnel sera alors exonere de sa responsabilite lorsque le defaut est du « a la conformite du produit avec des regles imperatives d’ordre legislatif ou reglementaire ». Le benefice de cette cause d’exoneration reste limite.

Tout d’abord, il ne suffit pas, pour qu’elle s’applique, que le produit ait ete « fabrique dans le respect des regles de l’art ou de normes existantes ou qu’il [ait] fait l’objet d’ne autorisation administrative ». (Article 1386-10) De plus, elle est exclue si le producteur ne prend pas les dispositions propres a prevenir les consequences dommageables d’un defaut qui se revele dans les dix ans de la mise en circulation du produit, c’est-a-dire si le producteur manque a son obligation de suivre les produits mis sur le marche. Article 1386-12 alinea 2) Il y a egalement non-imputabilite lorsque le defaut etait inexistant lors de la mise en circulation du produit par le responsable. (Article 1386-11) En revanche, en cas de dommage cause par un produit incorpore a un autre, la responsabilite est solidaire entre le producteur de la partie composante et celui qui a realise l’incorporation. (Article 1386-8) Le producteur de la partie composante peut s’exonerer malgre tout en prouvant « que le defaut est imputable a la conception du produit dans lequel cette partie a ete incorporee ou aux instruction donnees par le producteur de ce produit ». Article 1386-11 dernier alinea) Puis, le responsable peut s’exonerer en etablissant l’existence d’une des causes de non-imputabilite du dommage. Cette cause d’exoneration ne peut s’appliquer que s’il n’a pas mis en circulation le produit ou si le produit n’etait pas destine a la vente ou a toute autre forme de distribution. (Article 1386-11) Quant au fait de la victime et au fait d’un tiers, leur admission comme cause d’exoneration est restreinte. Tout d’abord, le fait d’un tiers ayant concouru au dommage n’est pas exoneratoire. Article 1386-14) En revanche, l’article 1386-13 dispose que « la responsabilite du producteur peut etre reduite ou supprimee, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est cause conjointement par un defaut du produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable ». On considere que cette formulation est un peu vague avec l’expression « toutes les circonstances » dont on doit tenir compte. Enfin, il existe une cause particuliere d’exoneration qui est le risque de developpement.

Il s’agit alors de savoir si un producteur peut etre responsable des dommages causes par un defaut de securite, dont il ne pouvait ni connaitre, ni suspecter, ni craindre l’’existence, eu egard a l’etat des connaissances scientifiques et techniques. Au regard de tous ces elements etudies, on peut considerer que la mise en ? uvre de la responsabilite du fait des produits defectueux se revele difficile pour la victime, et qu’il existe plusieurs causes d’exoneration au profit du producteur, qui lui permettront de ne pas voir sa responsabilite retenue. Outre ces elements la qui ermettent de considerer que la responsabilite du fait des produits defectueux ne beneficie que d’une necessite relative, on peut egalement affirmer que l’introduction de cette responsabilite en Droit francais a accru un risque de confusion entre plusieurs actions. B – Un risque accru de confusion avec plusieurs actions L’exigence de la preuve d’un defaut evoque les conditions de la garantie des vices caches et de la garantie de conformite. Les chevauchements des domaines des diverses actions dont dispose l’acheteur sont manifestes. Cela peut s’expliquer, entre autre, par la coexistence du droit commun et du droit de la vente.

Pour autant, ce n’est pas une bonne chose de provoquer des chevauchements comme la jurisprudence tend parfois a le faire, meme pour de bonnes raisons. Cela ne signifie pas que le juge ait forcement tort de vouloir ainsi proteger l’acheteur. C’est le moyen qui n’est pas bon. En effet, pendant de nombreuses annees, la jurisprudence a largement contribue a accroitre la protection de l’acheteur en permettant a celui-ci de choisir entre plusieurs actions pour remettre en cause le contrat ou obtenir des dommages et interets, lorsque la chose livree n’est pas satisfaisante au regard de ce qu’il etait en droit d’attendre.

Cependant, on peut remarquer que cette tendance a s’inflechit, du moins partiellement, alors que le legislateur tend a maintenir ouverts certains choix, notamment au profit du consommateur. Le phenomene s’est amplifie avec la diversification des obligations du vendeur, et donc l’augmentation des regimes de responsabilite, sous l’impulsion de la jurisprudence et du legislateur.

Pour preuve, on peut donner l’exemple de la generalisation d’une obligation de conseil et de renseignement, et l’introduction et l’ampleur donnees a l’obligation de securite, etablissant une responsabilite autonome (la responsabilite du fait des produits defectueux). Ainsi, ces deux obligations, en s’ajoutant aux autres, etablissent leur domaine au detriment de ceux des actions traditionnelles. La difficulte de delimiter les domaines respectifs des differents fondements juridiques de la responsabilite du vendeur s’est alors accrue.

Ainsi, une certaine confusion existe entre l’action en garantie des vices caches et les actions fondees sur l’inexecution de l’obligation de renseignement et de conseil ou de l’obligation de securite. En effet, le devoir d’informer et d’assurer la securite des personnes et des biens du cocontractant est inherent a la garantie des vices caches. Or, l’affirmation d’une obligation jurisprudentielle de securite dans la vente principalement a partir de 1989 n’a pas conduit a abandonner l’interpretation qui est donnee a l’article 1645 du Code civil en matiere de garantie.

Sur le fondement de ce texte, le vendeur professionnel est susceptible d’etre condamne a indemniser l’acheteur pour les prejudices de toute nature causes par le vice, y compris le prejudice corporel ou le prejudice cause a ses autres biens. Ainsi, la garantie des vices caches peut tenir lieu d’obligation de securite, et, a l’inverse, l’invocation de l’obligation de securite permet a l’acheteur d’obtenir la reparation de son entier dommage, comme le revele la jurisprudence. La meme observation peut etre faite a propos de l’obligation de renseignement.

La jurisprudence de 1993, qui vise a mettre un terme au chevauchement entre la garantie des vices caches et l’action fondee sur le defaut de conformite, n’a pas eu de repercussion sur le risque de confusion entre la garantie des vices caches et l’obligation de securite. On peut penser que l’obligation jurisprudentielle de securite ne devrait pas survivre a l’instauration du regime specifique de responsabilite du fait des produits defectueux issu de a directive de 1985 et de sa transposition dans les articles 1386-1 et suivant du Code civil.

Cependant, outre ce que peuvent defendre les auteurs sur cette question, il est certain que les acheteurs sont autorises a se prevaloir de l’obligation legale de securite des articles 1386-1 et suivants du Code civil. Ces dispositions legales n’interdisent pas le cumul d’actions puisque l’article 1386-18 du Code civil permet a la victime d’agir non seulement sur le fondement de la responsabilite du fait des produits defectueux, mais aussi au titre des autres actions que lui reconnait le droit de la responsabilite contractuelle ou elictuelle, ou encore un regime special de la responsabilite. L’acheteur peut ainsi preferer avoir recours a la responsabilite du fait des produits defectueux, l’action en garantie des vices caches, ou l’action nee de l’inexecution ou de la mauvaise execution de l’obligation de renseignement ou celle nee de l’obligation jurisprudentielle de securite si elle subsiste. Le choix de l’acheteur sera determine par differentes considerations qui tiennent au delai de recours ou a la possibilite d’obtenir, ou non, la reparation de certains prejudices.

Enfin, on peut noter que l’obligation de securite, affectee d’un regime specifique, a aujourd’hui acquis sont autonomie. A la fois son domaine depasse les seules ventes aux consommateurs, et ne les recouvre pas toutes. L’obligation de securite, avec la responsabilite du fait des produits defectueux, doit etre desormais distinguee des autres obligations du vendeur, destinees a satisfaire l’attente du consommateur quant au bien achete.

Les problemes sont donc complexes. Parfois, on peut regretter qu’une meme obligation fonde des actions qui ont des buts tres differentes. Parfois, on est gene par la pluralite d’actions aux conditions tres differentes pour des faits tres proches les uns des autres. Dans ce contexte, le droit positif apparait hesitant. Biographie – Suretes et garanties du credit – LGDJ – Dominique Legeais – Droit civil Contrats speciaux – Litec – Antonmattei et Raynard