De la pierre brute a la pierre polie
A) De tout temps la pierre a joue un role important dans la mediation des rapports entre l’homme et la Nature et La Force Creatrice dont elle est le fruit. Support par excellence de l’ecriture des grandes civilisations aujourd’hui disparues, elle constitue parfois les seules et quelques traces que nous conservions de notre Histoire et nos Ancetres.
La pierre fut l’un des premiers materiaux qui servit a faire les instruments et les outils necessaires a l’existence et la survivance (chasse, peche ; decoupes ; feu) ainsi qu’a l’ornement des personnes et des lieux. La pierre nous conte l’histoire de notre planete, a travers les vestiges qu’elle conserve de la creation, des alterations, voir de la disparition qu’ont subi les etres, les elements et les ecosystemes. L’importance qu’on lui accorde prend un caractere particulierement mystique dans le contexte des origines et de l’emergence – respectives – des religions.
Des origines de mon peuple, fruit de la rencontre et du metissage de peuplades venues des quatre coins du monde (Celtes, Iberes, Pheniciens, Maures, Sueves, Wisigoths, Romains), je puis ne pas oublier de regarder les menhirs, les dolmens, les pyramides, les autels, les temples et autres monuments et places sacres edifies,
Ce sanctuaire presente une pierre de forme cubique encastree dans un mur. Dans la tradition transmise par le prophete Mahomet, il aurait ete construit par Abraham et Ismael, les Peres des arabes. Certains affirment meme que c’est la qu’auraient reside Adam et Eve apres leur expulsion du Paradis. Elle appartient a Allah et represente comme telle l’apogee du pelerinage a Arafat, depuis des temps immemoriaux deja et bien avant les premices de la religion musulmane.
Et rappelons-nous aussi des Tables de la Loi, «Monte vers moi sur la montagne et demeure la, que je te donne les tables de pierre- la loi et le commandement- que j’ai ecrites pour leur instruction» Bible de Jerusalem, Ex 24, 12; le Mur des Lamentations, souvenir du Temple (de Jerusalem) detruit et de la captivite de Babylone qui precederent a la Diaspora. Les Egyptiens nous offrent aussi un exemple figure de ce que peut etre la recherche d’une perfection et la rigueur employees a travailler la pierre pour materialiser l’ascension de l’etre vers le cosmos, le spirituel, le divin.
Avant les grandes pyramides, ils en ont construit de plus petites, dites a degres. C’est dans un souci de perfectionnement de la taille et de l’agencement de la pierre qu’ils en sont parvenus a edifier les fantastiques constructions qui ont subsistees (meme si en peril) jusqu’a nos jours. Et bien d’autres peuples encore ; toutes les civilisations en fait.
B) En fait, tout homme realise dans le cours de son existence, tant bien que mal et avec plus ou moins de rigueur, toute sorte de travaux.
D’ailleurs, la vie apparemment la plus oisive necessite toujours un effort, si petit soit-il. Et d’abord, notre naissance a tous est annoncee par les douleurs de l’enfantement, que l’on appelle justement le « travail ». Le philosophe Hegel l’a defini comme une « ruse de la raison » ; l’on s’emploie, en economisant sa propre force, a faire agir les forces elementaires de la nature les unes contre les autres. Notre travail respectif est un intermediaire.
La tache du macon sur la pierre ne peut elle non plus etre directe, mais mediate, et le moyen de cette mediation c’est l’outil. Tout ca m’a amene a m’interroger sur le sens et la valeur de ce que j’ai pu, je fais ou pourrait faire, et aussi sur quelle contribution reelle a la coexistence de tous dans l’humanite. H. Marcuse –Eros et Civilisation- disait qu’il faudrait « que le moins de temps possible soit passe a rendre les biens vitaux disponibles pour tous les membres de la collectivite ».
Car le mieux c’est de rechercher une certaine distraction dans ce travail que nous faisons ; je veux dire, ne plus le ressentir comme une contrainte mais comme un loisir intelligent et heureux. Le travail force, duquel on se sent exterieurement oblige, nous prive de tout cela ; il est tout au contraire l’esclavage ou meme une simple antichambre de la mort. Un tel loisir ainsi defini semble se presenter finalement comme la seule fin digne d’une vie humaine. En d’autres mots, la felicite, le bonheur. A moi il me reste a trouver ou retrouver les outils qu’il me faudrait pour tailler ma pierre tel que l’on me l’a assigne. Pas si evident qu’il n’y parait car l’emploi de mauvais outils, ou des erreurs dans leur emploi respectif, ont fait que certains de mes coups pour la tailler aient fini par la feler sur quelques-unes unes de ses faces. Il me faut maintenant faire tres attention a la justesse de mes coups afin de recuperer, autant qu’il me sera possible de le faire, les erreurs faites auparavant, et reussir enfin a polir ma pierre, sans cassures ni irregularite.
CCL Chaque pierre que sont autant de nos existences sont toutes comme de minuscules particules, qui se croisent, s’entrecroisent, se fuient, s’evitent, communient…et sans que l’on y puisse donner une formule logique qui put expliquer leurs chemins respectifs. Chaque pierre parmi les autres est solidaire de toutes celles qui l’entourent. De leur union -solide- se font possibles les piliers d’un temple, de quelque chose de haut et grand. Je dis.
