La nullite du contrat

La nullite du contrat

La nullite du contrat Commentaire d’arret : Cass. Com. 23 octobre 2007 La notion de nullite est primordiale dans la sphere contractuelle. En effet, lorsqu’une des conditions de validite du contrat fait defaut totalement ou est irregulierement remplie, le contrat est nul. En d’autres termes, il est aneanti et ne peut produire aucun effet. Dans un arret du 23 octobre 2007, la chambre commerciale de la cour de cassation, s’est prononce sur ce sujet. En l’espece, une femme a cede a son epoux (M. Y…) quarante-neuf des cinquante parts dont elle etait titulaire dans le capital d’une societe, pour la modique somme de 1 franc.

Environ treize annees, apres la cession de ces parts, la femme a fait assigner son epoux en annulation de ladite cession, en invoquant la vilete du prix. La cour d’appel a repondu favorablement a la demande d’annulation de la cession des parts sociales, en retenant que « la nullite pour vilete du prix est soumise comme toute nullite a la prescription de cinq ans. ». M. Y… a donc forme un pourvoi en cassation. Le pourvoi repose sur deux moyens, mais nous allons nous interesser qu’au second, qui concerne la question de la prescription pour absence de cause.

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de cassation a casse l’arret d’appel sur le fondement des articles 1591 et 2262 du code civil et au motif que « la vente consentie sans prix serieux est affectee d’une nullite qui, etant fonde sur l’absence d’un element essentiel de ce contrat, est une nullite absolue soumise a la prescription trentenaire de droit commun ». L’absence de cause releve-t-elle d’une nullite relative ou d’une nullite absolue ? Et quelles en sont les consequences sur le delai de la prescription extinctive ? Le critere permettant de definir la nullite absolue, n’est pas donne par le code civil.

La doctrine et la jurisprudence ont joue un role important dans la definition de ce critere. Les sources etant elles-memes mouvantes, le critere a connu une evolution entre le XIXe et XXe siecle. Ce desaccord entre la cour d’appel et la cour de cassation illustre bien cette evolution car cet arret est le lieu de confrontation des deux theories de la nullite. La doctrine et la jurisprudence sur le sujet est donc importante. De plus une loi du 17 juin 2008 est venue unifier les delais de prescription des nullites relatives et des nullites absolues. Nous allons donc etudier, dans un premier temps les deux theories de la nullite (I).

Puis nous nous interesseront a l’evolution du delai de prescription sur le sujet (II). I) L’absence de cause : theorie classique ou theorie moderne des nullites ? La doctrine du XXe siecle a fait evoluer la theorie des nullites, en creant une theorie dite moderne (A), au cote de la theorie classique (B). A) La theorie moderne des nullites La theorie moderne des nullites, a vu le jour au XXe siecle, sous l’influence de doctrines nouvelles. Sa principale consequence va etre le changement du critere sur lequel la jurisprudence avait l’habitude de se fonder.

En effet, a present, pour definir l’etendu de la nullite, le critere retenu prend desormais en compte le nature des interets proteges par la condition meconnue et non plus sur la nature de la nullite. En d’autres termes, on regarde si les interets sont d’ordre general ou particulier. Le critere de distinction est a chercher dans le fondement meme de la regle transgressee. Par consequent, si ladite regle tend a proteger l’interet general, la nullite qui la sanctionne est absolue. Et si cette regle tend a proteger que des interets prives, la nullite qui la sanctionne n’est que relative.

En l’espece, selon la cour d’appel, la vilete du prix, c’est-a-dire « tres inferieur a la valeur reelle, ou au moins marchande de cette chose », en releve que d’une nullite relative. Elle retient ici la theorie moderne des nullites. Et dans cette logique, la regle transgressee tend uniquement a proteger des interets prives. C’est pour cela que la cour d’appel n’a retenu une prescription extinctive de seulement cinq ans. La jurisprudence contemporaine fait usage de ce critere lorsque la qualite de la nullite est discutee. Les chambres civiles se prononcent desormais nettement pour la nullite relative.

Mais ce n’est pas pour autant que toute trace de la doctrine classique a disparu. L’arret etudie en est meme un exemple. B) La theorie classique des nullites La jurisprudence s’est tres longtemps prononcee en se fondant sur la theorie classique des nullites. Et la chambre commerciale se prononce encore en s’en tenant a l’analyse classique, pour la nullite absolue. Cet arret du 23 octobre 2007 illustre bien cette tendance. Cette theorie, selon les auteurs du XIXe siecle, consiste a dire que la nullite est un etat particulier de l’acte qui en est affecte et la ventilation entre les deux categories se fait selon la gravite de cet etat.

Par consequent la nullite absolue sanctionne les contrats dont l’une des conditions essentielles du contrat fait defaut et la nullite relative sanctionne les contrats dont seule une condition de validite ferait defaut. Cette distinction parait etre aisee dans la theorie, mais dans la pratique, il s’avere qu’elle est delicate a operer. En l’espece, la cour de cassation retient la theorie classique. Elle applique la meme solution que dans le cas d’un litige, annulant la vente pour defaut de prix serieux. Il y a donc dans cette conception une absence de cause.

La nullite est fondee « sur l’absence d’un element essentiel » du contrat. La chambre commerciale retient l’art 1591 du code civil : « Le prix de la vente doit etre determine et designe par les parties. ». Donc ce dernier est frappe d’une nullite absolue, qui est soumise a la prescription trentenaire de droit commun. Pour justifier l’application de cette theorie, au depend de la theorie moderne, on avance qu’un contrat depourvu d’une cause serait contraire a l’interet, en ce sens qu’il ne remplirait pas sa fonction sociale d’echange.

Voyons a present les effets de cette decision de la chambre commerciale sur le delai de prescription. II) Les consequences de la nullite absolue sur le delai de prescription La loi du 17 juin 2008 est venue modifier ce delai de prescription. Donc nous verrons dans un premier temps, cette notion dans le cadre anterieur a cette loi (A). Puis nous examinerons l’evolution de ce delai (B). A) Avant la loi du 17 juin 2008 Avant cette loi du 17 juin 2008, la jurisprudence considerait que les contrats frappes d’une nullite absolue tombaient sous le coup de l’art. 262 du code civil : « Toutes les actions, tant reelles que personnelle, sont prescrite par trente ans, sans que celui qui allegue cette prescription soit oblige d’en rapporter un titre, ou qu’on puisse lui opposer l’exception deduite de la mauvaise foi. ». Une telle disparite avec le delai de prescription de la nullite relative (cinq ans), etait toleree car la justification semblait plausible. En effet, en soutenant que la nullite absolue sanctionnait une regle transgressant l’interet general, ce delai etait justifier car le lapse de temps etant plus grand, on avait plus de chance d’aneantir les contrats mettant en peril l’interet general.

Le point de depart de la prescription ici, etait le moment de la conclusion du contrat et non le jour ou la personne protegee a eu connaissance du vice comme pour la nullite relative. En l’espece, la chambre commerciale ayant retenu la nullite relative due a une absence de cause et etant donne que la decision date de 2007, la prescription qui doit etre retenue ici est la prescription trentenaire de droit commun. Donc Mme. X… avait jusqu’au 19 mai 2018 pour agir en justice etant donne que le contrat a ete conclu le 19 mai 1988.

Mais depuis la loi du 17 juin 2008, le delai ainsi que le point de depart de la prescription ont evolue. B) Apres la loi du 17 juin 2008 Cette loi du 17 juin 2008 est venue unifier le delai de prescription. A present, il s’eleve comme pour celui de la nullite relative a cinq ans. Ce delai releve desormais de l’art. 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilieres se prescrivent par cinq ans a compter du jour ou le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaitre les faits lui permettant de l’exercer. . La justification qui etait apportee pour legitimer la prescription trentenaire peut etre opposee a ce nouvel article. En effet, le delai etant considerablement raccourci, les chances d’aneantir les conditions nulles de certains contrats sont minces. De plus, le point de depart de la prescription est egalement modifie : « a compter du jour ou le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaitre les faits lui permettant de l’exercer. ». Par consequent le point de depart peu se trouver considerablement retarde.

Ce flou sur le point de depart, qui etait clairement fixe avant cette loi n’arrange pas vraiment la chose. Pour maintenir la stabilite juridique et eviter qu’on ne souleve la nullite plus de trente ans apres la passation de l’accord, la loi du 17 juin 2008 a mis en place un delai butoir a l’art 2232 du code civil : « Le report du point de depart, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le delai de la prescription extinctive au-dela de vingt ans du jour de la naissance du droit. . Via cette disposition, on essaye de retablir le desequilibre qui pourrait avoir lieu. Ces nouveaux articles introduits par la loi du 17 juin 2008 ne semblent pas vraiment apporter une solution satisfaisante au probleme du delai de prescription extinctive.