La noblesse domine-t-elle la restauration?

La noblesse domine-t-elle la restauration?

Alexandre Vinhas Dias La Noblesse domine-t-elle la Restauration ? Charte Constitutionnelle francaise de 1814. Section « Droits particuliers garantis par l’Etat ». Article 71 : « La noblesse ancienne reprend ses titres. La nouvelle conserve les siens. Le roi fait des nobles a volonte ; mais il ne leur accorde que des rangs et des honneurs, sans aucune exemption des charges et des devoirs de la societe. ». Par cet article, la noblesse francaise a change : on assiste a la fusion d’une noblesse ancienne, celle d’Ancien Regime, d’origine chevaliere ou de robe, et de la Noblesse d’Empire, pure produit de l’ambition « conceptuelle » de l’Empereur.

Comment, dans cette atmosphere deletere aux anciennes familles, la Noblesse domine-t-elle la Restauration ? Des cendres du Premier Empire a la chute du gouvernement des Ultras a la Chambre et les Trois Glorieuses, c’est-a-dire de 1815 a 1830, nous tenterons de repondre a cette question. Meme si la Noblesse avait encore pu montrer un semblant de domination dans de nombreux domaines, comment comprendre la chute de toute une « caste » qui a conduit la France des 1830 a oublier que le modele monarchie absolutiste est encore possible ?

Avant de s’interesser a la veritable raison politique de la fin de la Noblesse a l’ancienne et de ses

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ideaux, nous tenterons de dresser son portrait dans les domaines ou elle possede encore des terrains de pouvoir. I – Sous la Restauration, la Noblesse retrouve toute son influence et impose sa domination « economique, politique, et culturelle » (A. -J. Tudesq) A – La Noblesse domine toujours economiquement et socialement en France sous la Restauration

La noblesse, qu’elle soit d’Ancien Regime ou d’Empire, a depuis toujours exercee son pouvoir de domination economique, qui avec une domination politique sous la Restauration, peut faire penser a l’unique opportunite de restaurer l’ordre ancien. Politiquement, le parti ultra-royaliste, forme par la jeune noblesse, nouvelle en politique, s’oppose aux idees revolutionnaires et se veut encore plus royaliste que le Roi. Connu sous le nom de  « Chambre Introuvable », elle comprend 350 deputes ultras sur les 398 elus.

La Terreur Blanche s’installe dans le pays : les libertes individuelles sont suspendues, une loi reprime les ecrits contestataires, une autre met en place des tribunaux d’exception. C’est le triomphe des Ultras. Aussi, la noblesse « s’empare des emplois administratifs de moyen et de haut niveau ». Les postes de prefets, par exemple, sont occupes a 75,6% par des nobles en 1816, 73,3% en 1828, meme si nous pouvons nuancer en affirmant que ces chiffres declinent en se penchant sur les echelons inferieurs de l’administration. La noblesse occupe egalement tres largement les postes dans la justice, et en politique : le Duc e Richelieu, le Comte de Villele, … Economiquement, la noblesse semble etre investie dans un large eventail d’activites. Certains proprietaires fonciers, membres de la petite noblesse, s’interessent a de nouvelles techniques d’exploitations et d’elevages, developpant la mecanisation de l’agriculture, accroissant leur part de benefice par rapport a la rente fonciere. D’autres entreprirent l’ouverture de manufactures et d’usines, comme le Marquis de Solage et l’ancienne Verrerie Royale, ou bien la construction civile et les chemins de fers, ou bien encore l’immobilier (quartier du Faubourg Saint-Germain).

Egalement tres present dans la Banque, il est a note que de nombreuses grandes familles nobles devinrent actionnaire de la Banque de France, qui comprirent que pour conserver leurs positions, il etait necessaire de participer a l’expansion economique et donc n’hesita pas a pas a participer a ces diverses operations. B – La Noblesse : representation d’un modele culturelle, jalousee par la bourgeoisie Dans la premiere moitie du XIXeme siecle, une veritable « culture elitiste » est identifiable, notamment presente a une epoque ou le courant romantique emerge.

Cette culture est enviee par la bourgeoisie, qui tend a devenir plus forte economiquement et qui souhaitent acceder a se savoir pour s’approcher du modele. L’education classique, des arts et des sciences, est delivree notamment depuis la creation des Lycees, par Napoleon Ier, encore reserve a l’elite parisienne. Les langues classiques ainsi que la maitrise de l’art de l’eloquence ont une grande place dans leur formation culturelle. Egalement, autre element du modele, l’enseignement des valeurs et de la tradition chretienne en font un groupe a part : cette elite lit et connait la Bible et s’interessent a l’Histoire de l’Eglise Chretienne.

La noblesse vehicule depuis l’Ancien Regime, voire meme depuis le Moyen-age, une morale chretienne qui est la marque de cette caste, une caste superieure intellectuellement et spirituellement. Cette elite, souvent tres conservatrice, se perpetuant dans les valeurs classiques, ont peur du changement et de l’innovation : par exemple, lors de la premiere de la piece Hernani de Victor Hugo, l’? uvre declencha une opposition forte entre classiques et romantiques, supporteurs de la piece, qui donna lieu a ce que l’on appela La Bataille d’Hernani.

Dans la meme optique de conservatisme, les Academies consolident ce conformisme : veritable dictature litteraire ou toutes ? uvres jugees trop « innovantes » sont bannies des salons et groupes de discussions. II – La domination des Ultras tend a s’amoindrir dans une lutte politique « sans limite » pour le retour a l’ancien Regime, rendu plus difficile par la presence d’une opposition toujours plus estimee A – L’emergence d’une force liberale : le gouvernement des constitutionnel (1816-1820)

Les elections d’octobre 1826 annonce une nouvelle epoque dans la Restauration du fait qu’elle permet a une majorite de constitutionnels d’acceder a la Chambre et donc a former leur gouvernement. Ce sont les exces du parti ultra qui a conduit a la formation de ce parti qui, pour eux, les idees de la Revolution ne sont pas mortes : principes de 1789 (egalite fiscale et devant la loi, liberte civile, equilibre des pouvoirs) doivent etre respectes et la notion de liberte est tres presente (liberte politique, libertes nationale).

Derriere Decazes, le parti entend promouvoir une politique moderee ou il faudra « nationaliser le roi et royaliser la nation ». Les Ministres, telle que Pasquier ou le marechal Gouvion Saint-Cyr, gouvernent plus que le Roi et ce dernier est soumis a un controle financier. Des nouvelles lois voient le jour et mettent en pratique cette politique moderee. L’avenir de la liberte de la presse est assure avec la Loi Serre (1819) qui supprime la censure et la loi militaire de 1818 precise que toute personne choisi au hasard peut payer quelqu’un pour se faire remplacer et surtout revoit le systeme des avancements, auparavant favorable a la noblesse.

De plus, une loi electorale (1817) favorise les petits proprietaires et les commercants. Le pays connait une vague de modernisme et d’evolution : en economie, les francais veulent imiter les anglais en terme d’industrialisation, l’industrie textile et en pleine essor, et une vague d’urbanisation touche les grandes villes. La nation fait « l’apprentissage de la vie parlementaire » ou les chefs des partis usent de l’art rhetorique pour faire valoir leurs idees.

Mais l’assassinat du Duc de Berry, le 13 fevrier 1820, annonce la fin du gouvernement des constitutionnels mais le pays a vue l’emergence d’un espace public grace au pluralisme, a la forte presence de la presse et la publicite des debats. Apres cette periode, le pays ne pourrait jamais retomber dans une vague reactionnaire… B – La Radicalisation de la politique des ultras : la fin d’un modele suranne La periode moderee qu’aura connu le pays prendra fin avec l’assassinat du Duc de Berry qui annonce le retour du parti ultra de 1820 a 1828.

Le parti obtient le renvoi de Decazes, l’accusant d’etre complice du meurtre et affirmant que « le poignard qui a tue le Duc de Berry est une idee liberale ». Ce retour de la Droite au pouvoir, sous les gouvernements du Duc de Richelieu jusqu’en 1821 et du Comte de Villele jusqu’en 1827, s’exprima rapidement par l’adoption de mesures reactionnaires : retablissement de la censure en mars 1820 et de la loi du Double Vote le 30 juin, qui permettait aux plus riches de voter deux fois (172/430, l’opposition se compte a 80 deputes).

Sous Villele, la vague reactionnaire est sensible avec l’adoption en 1822 d’une loi interdisant la presse d’opposition et la fermeture des universites et facultes (de droit, de medecine). Les liens entres pouvoir et Eglise se resserrent, l’education est reprise progressivement par le Clerge, le prouve la nomination Mgr Frayssinous au poste de ministre des Affaires ecclesiastiques et de l’Instruction publique. Avec l’avenement et le sacre de Charles X a Reims le 29 mai 1825, les ultras reprennent espoir dans leur politique, decus depuis le depart de Richelieu en 1821.

Ils imposerent l’adoption de nouvelles mesures reactionnaires telles que la « Loi sur le sacrilege » (1825) punissant la profanation des hosties, ou la « Loi sur le milliard des emigres » (1825) qui visait a indemniser les detenteurs des terres requisitionnees durant la Revolution. D’autres, telle que le « droit d’ainesse » ou la loi visant a abolir la presse politique (« loi de justice et d’amour ») n’arrivent pas a passer le cap de l’adoption ou une atmosphere divisionnaire s’abat sur le parti ultra.

Le passage dans le camp des liberaux de Chateaubriand, alors ecarte du Ministere des Affaires Etrangeres, reactive la branche « liberal » chez les ultras. Pourtant Villele s’entete, relance la censure et cree 88 pairs de droite pour retablir la majorite. A cause des divisions interne, Villele se voit obliger de dissoudre la chambre des Deputes (le 6 novembre 1827) et les nouvelles elections profitent a l’opposition, aux liberaux.

Villele demissionne (janvier 1828), remplace par Martignac a la tete d’un gouvernement de centre-droit. Ces mesures sont refusees aussi bien par la Droite que par la Gauche et le Roi nomme Polignac, l’un des chefs du parti ultra en 1829. Deux nouveaux partis se formerent, tous deux decides a renverser la dynastie : un parti republicain, compose d’ouvriers et d’etudiants, et un parti orleaniste, autour de Talleyrand. La Chambre, opposee a ce nouveau gouvernement inactif, et encore dissoute en juin 1830.

L’opposition obtient 274 sieges mais le Roi va a l’encontre de la volonte exprimee et, sous l’impulsion de Polignac, publie les Quatre Ordonnances (le 26 juillet), veritable appel au coup d’etat : loi sur la presse, loi electorale, dissolution de la Chambre, date des nouvelles elections. Le peuple de Paris, voyant la spoliation de leurs libertes politiques, se rassemble pour renverser le pouvoir : les Trois Glorieuses (27, 28, 29 juillet) annonce la fin des Bourbons, et monte au trone Louis-Philippe, Roi des Francais.

C’est la fin d’une ere pour la noblesse, que les ultras ont emportee dans leurs ambitions de Restauration. En definitive, malgre des dominations encore incontestables en termes economique et culturelles, la Noblesse, par un desir insatiable de retour a l’ordre ancien, a ete fortement presente dans la vie politique et publique, notamment par la presence forte a travers le groupe Ultra a la Chambre et ce jusqu’a la radicalisation de leur projet politique qui les a conduit a la chute d’un regime et du dernier Roi de France.

Balzac resume la situation en affirmant que « qu’il n’y a plus de noblesse, il n’y a qu’une aristocratie ». Aussi, les francais ont appris qu’est ce qu’etait la vision parlementaire du pouvoir, ont assiste a la naissance d’un espace public avec l’emergence d’une presse politique d’opposition, et surtout se sont mobilises pour la protection de leurs libertes individuelles et politiques lors des Trois Glorieuses. La Noblesse a perdu, le Roi de la Monarchie de Juillet n’est plus Roi de France mais Roi des Francais, Louis-Philippe, figure nouvelle du roi-bourgeois.

C’est la fin de tout un regime, qui emporte avec elle ses plus fideles serviteurs. Bibliographie ? Encyclopaedia Universalis o Articles « Restauration », « Noblesse » ? Heinz-Gerhard Haupt, Histoire Sociale de la France depuis 1789, Editions MSH, 1995 ? Berstein, S. , Histoire du XIXeme siecle, Hatier, 1994 ? Colon, D. , L’Histoire du XIXeme siecle en fiches, Ellipses, 2006 ? Malet, J. Histoire III, Hachette, 1960 ? Remond, R. , Introduction a l’Histoire de Notre Temps II, Editions du Seuil, 1974